Cass. com., 21 février 2012, n° 11-11.752
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir constaté l'absence de déchéance de la marque "Interieur design Giani Saporetto", alors, selon le moyen :
1°) que le défendeur à la demande de déchéance du droit sur une marque, pour défaut d'exploitation, a la charge de prouver l'usage sérieux qu'il a fait du signe distinctif pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; que cet usage sérieux doit être établi au cours des cinq années précédant la demande de déchéance ; que la cour d'appel qui a constaté que la demande de déchéance avait été présentée dans des conclusions déposées en vue de l'audience devant le tribunal de grande instance du 12 novembre 2007 de sorte que la période à prendre en compte était celle qui s'était écoulée de novembre 2002 à novembre 2007, ainsi que le soutenait M. X... et qui a retenu, à titre de preuve de l'usage sérieux, des publicités ou articles promotionnels parus dans des magazines spécialisés, qui utilisaient la marque "Interieur design Giani Saporetto", en 1999, 2000, octobre 2002 n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient en violation de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) qu'une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, ce qui suppose l'utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner les produits ou services protégés ; que la cour d'appel qui a rejeté la demande de déchéance de la marque "Interieur design Giani Saporetto" sans rechercher, malgré les conclusions qui l'y invitaient si l'usage dont se prévalait la société Christhini n'était pas un usage à titre d'enseigne, a privé de base légale sa décision au regard de l'article L. 114-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir constaté que M. X... soutenait que la déchéance de la marque était acquise au 12 novembre 2007, faute de justifier de son exploitation depuis novembre 2002, relève par motifs propres et adoptés que des campagnes publicitaires ont été menées, dans des revues de presse et sur des autobus, en novembre 2002, en décembre 2002, du 27 janvier au 2 février 2003 et en mai 2003 pour des meubles vendus sous la marque "Interieur design Giani Saporetto" et pour un concept d'espace de vente désigné sous cette même marque ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui ne s'est pas déterminée au seul vu de pièces datées de 1999, 2000 et octobre 2002 mais qui a pris en considération des éléments de preuve justifiant d'un usage du signe en cause, conformément à sa fonction de marque, au cours des cinq années litigieuses, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le moyen, pris en sa deuxième branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour écarter la déchéance de la marque " Interieur design Giani Saporetto" en classe 37, l'arrêt, après avoir constaté que les pièces produites établissaient que la société Genans avait fait usage de sa marque pour du mobilier commercialisé selon le concept de vente élaboré par elle, relève que cela vaut pour la classe 37 en ce que la marque couvre également un concept de magasins, y compris tous travaux d'aménagement en lien avec de tels magasins ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que seul un usage sérieux de la marque pour chacun des produits ou services désignés par l'enregistrement est de nature à faire obstacle à la déchéance, la cour d'appel, qui n'a pas recherché s'il était justifié d'un usage effectif de la marque sur le marché par la société Genans, personnellement ou par l'intermédiaire de concessionnaires, pour désigner des services d'aménagement de magasins, a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour débouter la société Genans de sa demande en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la mauvaise foi de M. X... n'est pas établie et qu'il n'est pas démontré qu'il exploite personnellement la marque "Interieur design" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'atteinte portée au droit privatif que constitue la propriété d'une marque justifie à elle seule l'allocation de dommages-intérêts, peu important la bonne foi du contrefacteur ou l'absence d'usage dans la vie des affaires de la marque contrefaisante, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en déchéance de la marque "Interieur design Giani Saporetto" en ce qu'elle désigne des services en classe 37 et débouté la société Meubles Pierre Genans de sa demande en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 8 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.