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Décisions

Cass. 3e civ., 9 avril 2014, n° 13-13.949

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Rapporteur :

Mme Le Boursicot

Avocat général :

M. Petit

Avocats :

Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 6 févr. 2013

6 février 2013

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2013), que la société Laboratoire Fuca devenue Laboratoire Hépatoum a pris à bail des locaux commerciaux situés dans un immeuble appartenant à M. et Mme X ; que le bail contenait une clause dite de droit de préemption suivant laquelle le bailleur accorderait un tel droit au profit du preneur en cas de vente des locaux faisant l'objet du bail et lui fournirait à cette occasion une copie de l'offre d'achat qui lui serait faite pour les locaux ; que l'immeuble a été vendu en son intégralité à la société Brenor (la SCI) ; que la société Laboratoire Hépatoum, soutenant que cette vente avait eu lieu en fraude de son droit de préemption, a assigné M. et Mme X et M. A, à titre personnel et en sa qualité de dirigeant de la SCI, aux fins d'annulation de la vente ;

Attendu que la société Laboratoire Hépatoum fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°) que le contrat de bail prévoyait que « le bailleur accordera un droit de préemption au profit du preneur en cas de vente des locaux faisant l'objet de la présente promesse de bail » ; qu'il résultait de cette clause claire et précise que les bailleurs s'étaient engagés à proposer la vente de leur local commercial, par priorité à tout autre, à leur locataire ; qu'il n'était pas stipulé que le droit de préemption n'avait vocation à recevoir application que dans l'hypothèse où seraient seuls vendus les locaux, objet du bail, à l'exclusion des autres ; qu'en conséquence, en décidant que le droit de préférence ne devait pas recevoir application motif pris de ce que « l'objet de la vente et celui du droit de préemption au profit du preneur à bail (étaient) différents » quand le contrat ne prévoyait pas cette distinction, la cour d'appel a dénaturé le bail commercial du 24 janvier 1997 et a violé l'article 1134 du code civil ;

2°) que le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation d'un contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ; que la fraude n'est donc pas requise pour obtenir la nullité de la vente et la substitution de l'acquéreur ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'acquéreur avait eu « connaissance » de la clause de préférence et « de la revendication par la société Laboratoire Hepatoum de son droit de préférence », la cour d'appel a subordonné l'annulation de la vente à « la démonstration d'une fraude qui n'est aucunement établie » ; qu'en statuant de la sorte, elle a derechef violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Laboratoire Hépatoum entendait exercer son droit de préemption sur les seuls locaux objet du bail et retenu que l'application de la clause litigieuse ne saurait conduire à imposer aux propriétaires de diviser leur bien en vue de le céder à des personnes distinctes, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant, a pu en déduire, sans dénaturation, que la demande devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laboratoire Hépatoum aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Laboratoire Hépatoum à payer à M. et Mme X la somme de 3 000 euros, à M. Bla somme de 1 500 euros et à la SCI Brenor et M. Ala somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Laboratoire Hépatoum ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.