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Décisions

Cass. com., 23 novembre 1977, n° 75-15.771

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cénac

Rapporteur :

M. Rouquet

Avocat général :

M. Toubas

Avocat :

M. Boré

Cass. com. n° 75-15.771

22 novembre 1977

Sur les deux moyens réunis : attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Bordeaux, le 7 octobre 1975), que, négociant de vins en gros, Alfred Y... a déposé en 1905 la marque Clos Rothschild qu'il a vendue en 1908 à la firme Gauthier, aux droits de laquelle est la Société générale Marne et Champagne;

Qu’Alfred Y... a également déposé la marque les monopoles Alfred Y... ;

Qu'il a été déclaré en faillite en 1950 ;

Qu'a l'initiative du syndic ont été mis en vente les marques appartenant encore à Alfred Y...;

Que l'adjudicataire a revendu ces marques à Myers, qui en a confié l'exploitation à la Société Vinolia;

Attendu que, répondant à la demande de Guy, James, Elie et Philippe de Y..., ci-après les consorts de Rothschild, la cour d'appel a dit que Myers et la Société Vinolia ont le droit d'utiliser la marque les monopoles Alfred Z... X... Vins de france, mais qu'ils ne peuvent employer le mot Y... Seul, ni les mentions maison fondée en 1875 et négociant à Bordeaux, a dit qu'ils devraient supprimer ces mentions excessives sur leurs étiquettes et publicité, a condamné solidairement Myers et la société Vinolia à payer aux consorts de y... 5000 francs de dommages-intérêts, a débouté les consorts de y... Du surplus de leurs demandes à l'égard de Myers, de la Société Vinolia et de la Société générale Marne et Champagne, déclarant que cette dernière aurait le droit d'utiliser la marque Alfred A... et Cie et a condamné les Consorts de Y... à des dommages-intérêts au profit de la Société générale Marne et Champagne;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaque, en premier lieu, d'avoir débouté les Consorts de Y... de leur action en usurpation de nom et en contrefaçon de marque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, comme le constate l'arrêt, les Consorts de Y... avaient distingué dans leurs conclusions d'appel, le moyen déduit de l'usurpation de leur nom patronymique, et celui tiré de la contrefaçon de leurs marques complexes, et que l'arrêt qui a prétendu réduire ces deux moyens distincts a un seul moyen, a donc dénaturé ces conclusions;

Alors, d'autre part, que l'usurpation de nom et de contrefaçon de marques obéissent chacune a des règles spécifiques et non interchangeables reposant, pour la première, sur le droit civil et les principes gouvernant la protection du nom, et, pour la seconde, sur les lois a... aux marques, et que l'arrêt, qui a mêlé ces deux notions juridiques distinctes, a ainsi entache sa décision d'une violation de la loi;

Alors, enfin, qu'en déduisant l'absence de contrefaçon des marques litigieuses de l'absence d'usurpation du nom, la cour d'appel a, en tout cas, laissé son arrêt sans base légale du chef de la contrefaçon ;

En second lieu, d'avoir écarté l'action en contrefaçon de marque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans leurs conclusions délaissées, les titulaires des marques Lafite Y... et Mouton Y... ont fait valoir et prouve que leurs marques bénéficient de l'antériorité à l'égard des marques litigieuses en raison d'un usage continu, conforte par des dépôts remontant à 1853 et 1868, et que l'arrêt qui constate qu’Alfred Y... était né en 1877 et n'avait déposé sa première marque qu'en 1905, ne pouvait donc légalement écarter cette priorité sur laquelle il ne s'explique pas, se bornant à faire état d'une prétendue régularité de la création et de la cession des marques litigieuses et formulant ainsi une motivation totalement inopérante alors, d'autre part, que dans leurs conclusions laissées sans réponse, les appelants ont rappelé que le nom Y... constitue un élément essentiel et le caractère distinctif de leurs propres marques, auxquelles il confère la notoriété;

Que la reproduction d'un élément caractéristique d'une marque notoire et jouissant de l'antériorité constitue la contrefaçon, indépendamment de tout risque de confusion, et que l'arrêt admet lui-même que le nom Y... est tout autant caractéristique que les termes Mouton et Lafite ;

Qu'ainsi, la cour a entaché sa décision tout à la fois d'un défaut de motifs, d'une contradiction de motifs et d'une méconnaissance des textes visés au moyen ;

Alors, enfin, que la propriété d'une marque régulièrement déposé est absolue et confère à celui qui en est investi une action contre tous ceux qui y portent atteinte sous quelque forme que ce soit, notamment en l'opposant sur des produits d'une nature différente de ceux auxquels elle s'applique légalement, et que les marques Lafite Y... et Mouton Y... étaient du reste destinées a désigner des vins;

Mais attendu que la cour d'appel a estimé a bon droit que le dépôt par les Consorts de Y... des marques complexes Mouton Y... et Lafite Y... n'interdisait pas à Alfred Y..., un homonyme, de déposer ultérieurement et d'utiliser des marques complexes composées avec son nom patronymique, dès lors qu'il avait eu soin d'ajouter a ce nom un élément distinctif, qui évitait la confusion;

Que, par ce seul motif, la cour d'appel, qui a statue distinctement sur les demandes respectivement fondées sur l'usurpation de nom et sur la contrefaçon, a justifié sa décision;

D'où il suit que les deux moyens doivent être rejetés ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 7 octobre 1975 par la cour d'appel de Bordeaux.