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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 12 octobre 2012, n°  2010/10211

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Manoir Indutries (SAS), Manoir industries ING (Sté)

Défendeur :

Nexter Systems (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachacinski

Conseillers :

M. Coujard, Mme Nerot

Avocats :

Me Fisselier, Me Maupas-Oudinot, Me Regnier, Me Gaultier

TGI de Paris, du 3 nov. 2006, n° 03/1915…

3 novembre 2006

« La société GIAT INDUSTRIES s’est vue confier par la société MANOIR INDUSTRIES une étude de faisabilité de l’usinage dans des tubes centrifugés de reliefs en forme d’étoile laquelle a été réalisée par Denis D ingénieur salarié de la société GIAT INDUSTRIES et a été livrée le 5 avril 2000 ;

La filiale américaine de la société MANOIR INDUSTRIES, la société MANOIR INDUSTRIES Inc. a déposé le 27 juillet 2001 une demande de brevet sous le n°09/933-475 intitulé 'Tube coulé par centrifugatio n et procédé et appareil correspondant’ laquelle a été publiée le 30 janvier 2003 sous le n° US 2003/00119533 et mentionne Joël D et Gilles V, salariés de la société française MANOIR INDUSTRIES en qualité d’inventeurs ;

Ce brevet a été délivré sous le n° US 6-644-358 et a donné lieu à deux demandes divisionnaires ;

Sur la base de la demande de brevet américain, la société MANOIR INDUSTRIES Inc. a déposé le 24 juillet 2002 une demande d’extension PCT n°EP 02/09-426 laquelle désigne l’ensemble des pays signataires de la Convention sur la délivrance des brevets européens, dont la France, et qui a été publiée le 13 février 2003 sous le n° WO 03/011 507 ;

Estimant que l’invention leur a été soustraite pour être intégralement contenue dans l’étude réalisée par son salarié Denis D, la société GIAT INDUSTRIES et celui-ci ont assigné les 29 et 30 décembre 2003 la société MANOIR INDUSTRIES et la société MANOIR INDUSTRIES Inc. ainsi que Joël D et Gilles V devant le tribunal de grande instance de Paris en revendication de brevet et pour que soit notamment ordonné sur le fondement des dispositions de l’article L.611-8 du code de la propriété intellectuelle le transfert au profit de la société GIAT INDUSTRIES de la demande de brevet européen n°EP 2002 076 64 859 corresponda nt à la partie européenne de la demande PCT n°EP 02/09 426 ainsi que du brevet U S 6-644-358, des quatre demandes divisionnaires américaines déposées sous les n° US 10/465-673, US 10/600-001, US 11/270-512 et US 11/254-243, des demandes brésilienne BR 2002 11 674, australienne 2002 AU 03 29 257, coréenne 2204 KR 070 12 07, canadienne CA 2 454 392, japonaise JP 2003 16 730 et de façon générale de tout brevet ou demande de brevet qui pourrait être issue de la demande de brevet US 2003/01 9533 et de la demande PCT n°EP 02/09 426 sous astre inte de 1.000 euros par jour et par pays concerné à compter de la signification du jugement à intervenir ;

Par jugement assorti de l’exécution provisoire du 3 novembre 2006, le tribunal a :

- dit que l’invention relative à un procédé et un outillage destinés à l’obtention d’un tube coulé par centrifugation, telle que décrite dans la demande de brevet américain n°09/933-475 et dans la demande de brevet PCT n° EP 02/09-426 déposées par la société MANOIR INDUSTRIES Inc. respectivement le 27 juillet 2001 et le 24 juillet 2002 a été soustraite à la société GIAT INDUSTRIES,

— ordonné en conséquence le transfert de la demande de brevet européen n°EP 2002 07 64 859 correspondant à la partie europ éenne de la demande PCT n°EP 02/09-426,

— enjoint in solidum les sociétés MANOIR INDUSTRIES de faire procéder au transfert à la société GIAT INDUSTRIES du brevet US 6-644-358, des quatre demandes divisionnaires américaines déposées sous les n°US 10/465-673, US 10/600-001, US 11/270-512 et US 11/254-243, des demandes brésilienne BR 2002 11 674, australienne 2002 AU 03 29 257, coréenne 2204 KR 070 12 07, canadienne CA 2 454 392, japonaise JP 2003 16 730 et de façon générale de tout brevet ou demande de brevet qui pourrait être issue de la demande de brevet US 2003/01 9533 et de la demande PCT n° EP 02/09 42 6 sous astreinte de 1 000 euros par jour et par pays concerné à compter de la signification du jugement,

— enjoint in solidum aux sociétés MANOIRS INDUSTRIES de faire procéder à l’inscription du nom de Denis D en qualité d’inventeur dans l’ensemble des titres ci-dessus visés au lieu et place de Joël DEMAREST et de Gilles VERDIER, et ceci sous la même astreinte,

— dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi prononcées,

— dit que la décision une fois définitive sera transmise à l’Institut national de la propriété industrielle aux fins d’inscription aux registres des brevets français et européen par les soins du greffier saisi à la requête de la partie intéressée,

— débouté la société GIAT INDUSTRIES et Denis D de leur demande indemnitaire et de leur demande de publication,

— condamné in solidum les sociétés MANOIR INDUSTRIES et MANOIR INDUSTRIES Inc. à payer à la société GIAT INDUSTRIES la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Vu l’appel interjeté le 22 novembre 2006 par la société MANOIR INDUSTRIES, la société MANOIR INDUSTRIES Inc, Joël D et Gilles V ;

Vu l’ordonnance de retrait du rôle rendue le 30 mai 2008 par le magistrat de la mise en état dans la procédure suivie au Rôle Général sous le n° 06/20232 ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2012 par lesquelles la société MANOIR INDUSTRIES, la société MANOIR INDUSTRIES Inc., Joël D et Gilles V demandent à la cour :

- d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— de déclarer la société NEXTER SYSTEMS venant aux droits de la société GIAT INDUSTRIES et Denis D 'irrecevables et mal fondées’ en toutes leurs demandes,

— de condamner la société NEXTER SYSTEMS et Denis D 'solidairement’ à payer à chacune des sociétés MANOIR INDUSTRIES la somme de 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2012 par lesquelles la société NEXTER SYSTEMS et Denis D prient la cour :

- de donner acte à la société NEXTER SYSTEMS de ce qu’elle vient aux droits de la société GIAT INDUSTRIES,

— de débouter la société MANOIR INDUSTRIES, Joël D et Gilles V de toutes leurs demandes,

— de confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages intérêts de la société GIAT INDUSTRIES,

— de dire que l’injonction de transfert à la société NEXTER SYSTEMS qui vient aux droits de la société GIAT INDUSTRIES des brevets ou demandes de brevets en cause portera également, sous la même astreinte, sur les brevets US 8,033,767 et US 8,070,401 qui sont les suites des demandes divisionnaires américaines dont le transfert a été ordonné,

— de condamner in solidum la société MANOIR INDUSTRIES et la société MANOIR INDUSTRIES Inc. à payer à la société NEXTER SYSTEMS la somme de 3.000.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de chance et du préjudice qu’elles ont causés à la société GIAT INDUSTRIES,

— de condamner in solidum la société MANOIR INDUSTRIES et la société MANOIR INDUSTRIES Inc. à payer à la société NEXTER SYSTEMS la somme de 200.000 euros pour appel abusif,

— de condamner in solidum la société MANOIR INDUSTRIES et la société MANOIR INDUSTRIES Inc. à payer à la société NEXTER SYSTEMS la somme de 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

SUR QUOI, LA COUR :

Les sociétés MANOIR INDUSTRIES soutiennent que le jugement dont appel a fait une inexacte analyse des conventions entre les parties et a, à tort selon elle, reconnu à la société GIAT INDUSTRIES des droits sur le procédé même de brochage et sur les dispositifs pour le mettre en 'œuvre lesquels se trouvent dans le domaine public ; que statuant ultra petita, la décision querellée a également ordonné le transfert à la société GIAT INDUSTRIES des brevets qui dans leurs sept premières revendications couvrent le produit qu’elles avaient conçu et sur lequel la société GIAT INDUSTRIES n’avait revendiqué aucun droit ;

La contestation opposant les parties au litige porte par priorité sur la demande de brevet déposée par la filiale américaine de la société MANOIR INDUSTRIES, la société MANOIR INDUSTRIES Inc. le 27 juillet 2001 sous le n°09/933-475 et intitulé 'Tube coulé par centrifugation et procédé et appareil correspondant’ laquelle a été publiée le 30 janvier 2003 sous le n°US 2003/001953 3 et qui mentionne Joël D et Gilles V, salariés de la société française MANOIR INDUSTRIES en qualité d’inventeurs ;

Cette demande de brevet comporte 21 revendications dont :

- les revendications de produit 1 à 7, la revendication 1 se lisant comme suit : 'Un tube coulé par centrifugation qui comprend : un corps tubulaire fabriqué en un alliage résistant au fluage, le corps comportant une surface extérieure et une surface intérieure, la surface intérieure incluant une série de bossages et série de rainures, et la série de bossages et de rainures étant usinés mécaniquement dans la surface intérieure', les revendications 2 à 7 étant dans la dépendance de la revendication 1,

— les revendications de procédé 8 à 11, la revendication 8 se lisant comme suit : ' Un procédé d’amélioration d’un tube coulé par centrifugation qui comprend les étapes consistant à faire passer à travers un alésage du tube un premier outil de coupe qui comprend une série de premiers inserts de coupe de façon à enlever mécaniquement de l’alésage une première quantité de matière et commencer la formation d’une série de rainures et de bossages ; faire passer à travers l’alésage un deuxième outil de coupe qui comprend une série de deuxièmes inserts de coupe de façon à enlever mécaniquement de l’alésage une deuxième quantité de matière et à continuer la formation de la série de rainures et de bossages, la série de deuxième inserts de coupe étant de dimensions différentes des dimensions correspondantes de la série des premiers inserts de coupe ; et de continuer à faire passer, à travers l’alésage, des outils de coupe additionnels comprenant une série d’inserts de coupe additionnels de façon à enlever mécaniquement de l’alésage des quantités additionnels de matière jusqu’à ce qu’un profil souhaité de rainures et de bossages soit atteint, chaque jeu d’outils de coupe additionnel étant de dimensions différentes des dimensions correspondantes des inserts de coupe employés dans le passage immédiatement précédent', les revendications 9 et 12 étant dans la dépendance de la revendication 8,

— les revendications d’appareil 13 à 21, la revendication 13 se lisant comme suit : 'Un appareil d’amélioration d’un tube coulé par centrifugation qui comprend : un premier et un deuxième guides aptes à tenir le tube, un arbre télescopique apte à traverser longitudinalement un alésage du tube; et au moins un outil de coupe attaché à l’arbre et incluant une série d’inserts de coupe, l’outil de coupe étant apte à former mécaniquement un profil de rainures et de bossages à l’intérieur de l’alésage du tube', les revendications 14 à 21 étant toutes dans la dépendance de la revendication 13 ;

Sur la base de cette demande de brevet américain, la société MANOIR INDUSTRIES Inc. A déposé le 24 juillet une demande d’extension PCT n°EP 02/09-426 visant la France publiée le 13 févri er 2003 sous le n° WO 03/011507 ;

Cette demande a conduit à la délivrance :

- du brevet US 6 644 358 (Pièce n° 25 du dossier Ma noir Industries) daté du 11 novembre 2003 comportant 9 revendications dont la revendication 1 se lit comme suit : 'Tube coulé par centrifugation comprenant : un corps tubulaire réalisé en un alliage résistant au fluage, le corps ayant une surface externe et une surface interne, la surface interne incluant une pluralité de bosse et une pluralité de creux et ayant une rugosité de surface de moins de 125 Rms’ ,

— du brevet US 8 033 767 délivré la 11 octobre 2011 portant sur une méthode d’amélioration d’un tube coulé par centrifugation comprenant une pluralité de rainures et de bossages, chacun possédant un profil déterminé dans une face interne du tube et produit par des outils de coupe monté sur un arbre passant à travers un alésage du tube,

— du brevet US 8 070 401 délivré le 6 décembre 2011 visant un appareil pour améliorer un tube coulé par centrifugation ;

Sur le problème technique à résoudre :

La société GIAT INDUSTRIES devenue NEXTER SYSTEMS qui possède un important parc de machines et d’outils dont des aléseuses ou des rayeuses est une entreprise spécialisée dans notamment l’usinage des corps longs et creux tandis que la société MANOIR INDUSTRIES est spécialisée en particulier dans la fourniture de pièces tubulaires utilisées dans le vapocraquage de gaz, c’est-à-dire dans la transformation, par chauffage d’un tube, d’un gaz lourd en gaz léger comme l’éthylène ;

Afin d’augmenter le rendement des tubes de vapocraquage, la société MANOIR INDUSTRIES a cherché à modifier la surface interne du tube en remplaçant la section circulaire du tube par une section en étoile ou en ailettes ;

Elle a souhaité améliorer le procédé décrit dans le brevet DONCASTERS EP 0 980 729 (revendication 7 – Pièce n°11 du dossi er Manoir Industries) lequel mettait en 'œuvre une méthode électrolytique qui avait pour inconvénient de produire des parois internes présentant des rugosités entraînant des dépôts de sédiments encrassant les parois du tube et contrariant par voie de conséquence le chauffage ;

Les sociétés MANOIR INDUSTRIES expliquent que le document intitulé Fabrication de dentures modules, cannelures et autres profils spéciaux dans des pièces difficiles édité antérieurement à 2000 de la revue Elmass Production rédigé par Walter B, Martin F et Eric V (Pièce n° 8 du dossier Manoir Industries) expose qu’il existe trois méthodes pour tailler des dentures modules, cannelures et profils divers : la génération (rotation de la pièce à usiner et du couteau à des vitesses différentes), les broches (broche poussée ou tirée à travers l’alésage) et le mortaisage (dent par dent de l’engrenage ou de la cannelure, l’outil ayant le profil à usiner) ;

Elles indiquent également que le principe du brochage qui consiste donc à former des cannelures ou rainures intérieures sur l’alésage d’un tube au moyen d’une tige munie de plusieurs outils de coupe étaient décrits dans les brevets F.HOFELE US 4 985 609, REGIE RENAULT EP 00 13 189, PIZZOLA US 4 111 569 et ZUZANOV GB 1 367 980 (Respectivement Pièces n° 17, 15, 16 et 18 du dossi er Manoir Industries) ;

Elles puisent dans ces documents la preuve que les outils sont de taille croissante et séparées par des entretoises (colonne 3 ligne 66 à colonne 4 ligne 5 du document US 4 985 609) ; que les outils de coupe comportent à leur périphérie de plaquettes qui découpent l’alésage et sont montées amovibles – a plurality of tips slighly differing in thickness can be fastened to the block shell with a single nut… – (page 2 colonne de droite lignes 98 à 108 du document GB 1 367 980) et que ces plaquettes ont des tranchants de profil correspondant au profil à réaliser (colonne 6 lignes 25 à 32 du document EP 0 013 189) ;

Sur les essais de faisabilité réalisés et la suite des relations entre les sociétés MANOIR INDUSTRIES et GIAT INDUSTRIES :

Souhaitant améliorer l’art antérieur, notamment en augmentant la surface de refroidissement par un usinage en étoile, la société MANOIR INDUSTRIES a, par télécopie datée du 22 décembre 1999, adressé à la société GIAT INDUSTRIES une demande de réalisation d’une étoile dans des tubes centrifugés Nuance Z40 NC Nb35-25 portant les indications suivantes : tube brut de centrifugation à l’extérieur, intérieur à aléser au diamètre 38+0.1-0, état de surface Ra 3.2, longueur 3200mm, l’alésage suivant les défauts de rectitude de l’extérieur, technique de l’alésage en tirant ;

La société GIAT INDUSTRIES faisait parvenir à la société MANOIR INDUSTRIES un document intitulé 'Etude de faisabilité’ N° Affa ire : DIAG/CBO/CDU004MP – Objet : 'Rayage de tubes en étoile suivant modèle’ daté du 5 avril 2000 dans lequel elle précisait qu’elle intervenait pour l’étude, les essais, le développement et l’usinage tandis que la société SAFETY se chargeait de l’outillage et des plaquettes ; que la machine utilisée était une rayeuse Berthiez Type 9690, que la longueur à rayer en tirant était de 10 m, l’effort maximum de coupe en tirant étant de 7 tonnes jusqu’à 8m/mn et la vitesse de coupe et de retour de 1.8 à 18 m/mn ;

Il était également indiqué que le principe retenu pour réaliser les formes étoilées est celui du rayage à la rondelle de forme avec plaquettes et que compte tenu de la profondeur de la rainure 3.5 ou 5 mm, de la profondeur de la passe admissible, de la section et du volume des copeaux ainsi que de la force de traction nécessaire, l’étude porterait pour des raisons économiques sur un profil à 8 alvéoles (réalisation de 26 broches et 69 rondelles a.l.d. 44 broches et 103 rondelles) (Pièce n°3 du dossier Nexters Systems) ;

La société MANOIR INDUSTRIES transmettait à la société GIAT INDUSTRIES une demande datée du 16 juin 2000 avec validation des essais lesquels devaient porter sur la profondeur de passe, le volume et l’espace copeaux, la formation du copeau et l’usure des plaquettes (Pièce n°28 du dossier ma noir Industries) ; cette demande était confirmée par la société MANOIR INDUSTRIES par lettre datée du 21 juillet 2000 (Pièce n° 3 du dossier Manoir Indus tries);

La société GIAT INDUSTRIES acceptait le même jour la commande ayant pour objet un 'Essai d’usinage pour réaliser une étoile dans un alésage de tube centrifugé’ moyennant le prix de 12.000 francs hors taxes, la société MANOIR INDUSTRIES devant mettre à disposition de la société GIAT INDUSTRIES 4 tubes alésés, les essais devant se dérouler dans les locaux de la société TARDY à La Grand Croix ;

Le rapport des essais réalisés le 18 octobre 2000 concluait que les résultats étaient très positifs, tant du point de vue de la coupe que du fractionnement des copeaux ce qui permettait d’envisager l’étape suivante qui servira à réaliser le brochage dans un tube sur la machine du GIAT ;

La société GIAT INDUSTRIES faisait une offre chiffrée le 18 décembre 2000 à la société MANOIR INDUSTRIES décomposée pour partie à son profit et pour partie au profit de la société SAFETY pour le rayage de 8 alvéoles rayonnées par tube pour des séries de 300 tubes par mois ;

Les lettres respectivement datées des 29 janvier et 29 octobre 2001 contenant une nouvelle offre qui annulait l’offre précédente terminaient les relations commerciales entre les parties ;

La société NEXTER SYSTEMS et Denis D contestent que l’étude de faisabilité technique a fait l’objet d’un contrat de commande et soutiennent que la seule commande qui a été réalisée est une commande relative aux essais et non à l’étude elle-même ;

Mais si cette assertion peut paraître fondée, il n’en demeure pas moins que la télécopie datée du 22 décembre 1999 qui avait originellement pour objet une 'demande de prix’ constitue l’acte initiateur des relations contractuelles lequel a été constamment rappelé dans l’étude de faisabilité datée du 5 avril 2000 et dans l’étude de faisabilité – Essais – datée des 5 avril et 18 octobre 2000 ; que les offres de prix datés des 18 décembre 2000, 29 janvier, 6 juillet et 22 octobre 2001 font également référence à la télécopie du 22 décembre 1999 ainsi qu’à l’étude de faisabilité du 5 avril 2000 et aux essais du 18 octobre 2000 ;

Que si la commande n° 173842 datée du 21 juillet 20 00 émise par la société MANOIRS INDUSTRIES portait sur des essais de faisabilité d’usinage et répondait à l’offre de la société GIAT INDUSTRIES datée du même jour, il convient de faire observer que celle-ci incluait la 24e page de l’étude de faisabilité datée du 5 avril 2000 laquelle envisageait le coût de l’essai à la somme de 12.000 francs hors taxes ;

Il s’ensuit qu’il ne saurait être contesté qu’il a existé entre les parties une relation d’affaires qui avait pour objet l’étude et l’éventuelle réalisation industrielle d’une étoile dans des tubes centrifugés Nuance Z40 NC Nb35-25 portant sur un tube brut de centrifugation à l’extérieur, l’intérieur devant être alésé au diamètre 38+0.1 -0, l’état de surface devant correspondre à Ra 3.2, la longueur du tube étant de 3200mm, l’alésage devant suivre les défauts de rectitude de l’extérieur et la technique de l’alésage devait être en tirant ;

Ceci exposé, l’article L.611-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que le droit au titre de la propriété industrielle mentionné à l’article L.611-1 appartient à l’inventeur ou à son ayant cause et que dans la procédure devant le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle, le demandeur est réputé avoir droit au titre de propriété industrielle ;

Le droit au brevet est donc reconnu à l’auteur de l’invention dont le brevet a été le premier déposé ;

Si en revanche, en application de l’article L.611-8 du code de la propriété intellectuelle, un titre de propriété industrielle a été demandé pour une invention soustraite à l’inventeur ou à ses ayants cause, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré ;

Il conviendra par conséquent en l’espèce de déterminer dans un premier temps si les termes de la commande d’essai de faisabilité d’une étoile présentant les caractéristiques énoncés dans la télécopie de la société MANOIR INDUSTRIES datée du 22 décembre 1999 à laquelle était joint un croquis côté représentant une étoile à cinq branches et qui énonçait les exigences techniques suivantes – tubes centrifugés Nuance Z40 NC Nb 35-25, tube brut de centrifugation à l’extérieur – intérieur à aléser au diamètre 38+0.1 -0, état de surface Ra 3.2, longueur 3.200 mm, alésage qui suit les défauts de rectitude de l’extérieur, technique de l’alésage en tirant – constituent une invention dont la société MANOIR INDUSTRIE, Joël D et Gilles V sont les titulaires et pour laquelle ils étaient en droit de déposer des demandes de brevet ;

Dans la négative, si le caractère inventif des moyens mis en 'œuvre à partir des spécifications fournies dans la lettre datée du 22 décembre 1999 devait être reconnue au profit de la société GIAT INDUSTRIES et de Denis D, il y aura lieu de rechercher si la demande de brevet déposée sous le n°09/933-475 par la société MANOIR INDUSTRIES Inc. le 27 juillet 2001 et publiée sous le n°US 2003/0019533 le 30 janvier 2003 intitulée 'Tube coulé par centrifugation amélioré et procédé et appareil de fabrication correspondants’ désignant Joël D et Gilles V en qualité d’inventeurs ainsi que les demandes divisionnaires déposées sous les n° US 10/465 673 et US 10/600 001 publiées sous les n°US 2003/02 09126 et US 2004/0079216 lesquelles ont donné lieu à la délivrance de deux brevets, l’un le 6 décembre 2011 sous le n°US 8 070 401 et l’autre le 11 octobre 201 1 sous le n° US 8 033 767 reprennent les éléments caractéristiques de l’invention ;

La cour considère que compte tenu des relations qui ont suivi la télécopie du 22 décembre 1999, celle-ci définit les prémices d’une intention de commande passée par la société MANOIR INDUSTRIES à la société GIAT INDUSTRIES portant sur la faisabilité de tubes d’une longueur de 3,20 mètres alésés à un diamètre déterminé, l’alésage en tirant devant suivre les défauts de rectitude de l’extérieur ;

L’étude de faisabilité datée du 5 avril 2000 qui répondait aux exigences techniques de la société MANOIR INDUSTRIES préconisait une méthode du 'rayage à la rondelle de forme avec plaquettes’ et conseillait la mise en œuvre pour des raisons économiques d’un profil à 8 alvéoles plutôt qu’à 5 ;

Ces résultats positifs amenaient les sociétés MANOIR INDUSTRIES et GIAT INDUSTRIES à envisager la validation de la faisabilité, de procéder dans les locaux de la société TARDY à des essais d’usinage pour réaliser une étoile dans un alésage de tube centrifugé et de valider la possibilité d’usinage en brochage dans le tube, le coût de ces essais qui s’élevait à la somme de 12.000 francs (1 829,39 €) hors taxes étant payé par la société MANOIR INDUSTRIES ;

Le rapport d’essais rédigé par le responsable de la société SAFETY daté du 23 octobre 2000 révélait des résultats satisfaisants du point de vue de la coupe et du fractionnement des copeaux et permettait de déterminer les critères de mise en 'œuvre nécessaires à la réalisation de la commande – utilisation de plaquettes KX 15, vitesse de coupe 12 mètres avec profondeur de passe 0.1 pour les passes ébauches, vitesse de coupe optimale 18 mètres avec 0,05 de profondeur de passe en finition pour un état de surface inférieur à 3,2, usure en VB 0,25 ;

Il s’ensuit que cette étude a démontré que les spécifications techniques contenues dans la télécopie datée du 22 décembre 1999 destinées à valider la possibilité d’usinage en brochage dans le tube fournies par la société MANOIR INDUSTRIES à la société GIAT INDUSTRIES permettait d’aboutir à une invention laquelle était susceptible d’application industrielle ;

Il résulte de ce qui précède que la société MANOIR INDUSTRIES ne peut pas être considérée comme un inventeur mais uniquement comme le donneur d’ordre, celle qui pose un problème à résoudre et qui ne fait qu’indiquer le but à atteindre sans fournir la méthode ou les moyens pour y parvenir ; cette constatation résulte d’ailleurs des termes mêmes de la télécopie du 22 décembre 1999 dans laquelle la société MANOIR INDUSTRIES exposait qu’elle avait à réaliser dans des tubes centrifugés Nuance Z40 NC Nb35.25 une étoile suivant le croquis joint et qu’elle demandait à la société GIAT INDUSTRIES d’imaginer un moyen pour parvenir aux résultats escomptés ; que l’évocation de la 'technique de l’alésage en tirant’ visée dans la télécopie datée du 22 décembre 1999 ne fournissait par ailleurs pas davantage à la société GIAT INDUSTRIES le procédé ou l’outillage revendiqués dans les demandes de brevet pour parvenir à la solution proposée ;

Ainsi à partir des paramètres techniques fournis par la société MANOIR INDUSTRIES, la société GIAT INDUSTRIES a trouvé des solutions aux problèmes qui lui avaient été posés et a donc fait preuve d’esprit créatif ; elle a, comme il résulte des essais, réussi à démontrer qu’il était possible grâce aux moyens de la technique du brochage, de réaliser des tubes permettant l’augmentation du rendement du transfert thermique à travers les parois du tube et de concevoir des tubes en matériau résistant au fluage ainsi qu’à la corrosion, à la cémentation et au farinage du métal ;

Les sociétés MANOIRS INDUSTRIES ne sauraient soutenir que le fait d’interroger la société GIAT INDUSTRIES sur la longueur de tube susceptible d’être réalisé pour le cas où elle ne serait pas en mesure de traiter un tube de 3200mm de longueur et de 38 mm de diamètre ne saurait signifier que la solution du brochage par passe était évidente, cette technique étant utilisée généralement sur des longueurs plus courtes, ce que les sociétés appelantes ne contestent pas ;

Les sociétés MANOIRS INDUSTRIES ne sauraient par ailleurs valablement invoquer l’absence de clause de cession de droit au profit de la société GIAT INDUSTRIES ou de clause de confidentialité qui aurait interdit à cette dernière de divulguer ou d’utiliser à son profit les résultats qu’elle fournissait dans la mesure où la société GIAT INDUSTRIES qui a découvert le moyen pour parvenir à la réalisation de la commande doit être considérée avec Denis D comme les inventeurs et par conséquent être seuls investis du droit au titre de propriété industrielle ;

Elles ne démontrent également pas l’apport intellectuel qu’elles auraient fourni pour parvenir à la réalisation de leur demande auprès de la société GIAT INDUSTRIES ; qu’elles n’ont fait que fournir à cette dernière société des directives avec mission de parvenir à un résultat que ses capacités et ses moyens n’étaient apparemment pas en mesure d’atteindre ; que prétendre le contraire comme le font les sociétés MANOIRS INDUSTRIES reviendrait à s’interroger sur les raisons qui les ont poussées à s’adresser à la société GIAT INDUSTRIES dont elles reconnaissent qu’elle disposait d’un savoir-faire dans le domaine du procédé par brochage de longs tubes tels que les tubes à canon et dans l’appareillage pour la mise en ouvre d’un tel procédé ;

La société NEXTER SYSTEMS et Denis D prétendent donc à juste titre que les sociétés MANOIRS INDUSTRIES se sont indûment approprié les informations techniques qu’ils leur avaient été communiquées, notamment celles concernant le procédé et l’outillage de rayage de formes étoilées dans des tubes en plusieurs passes comme indiqué dans l’étude de faisabilité datée du 5 avril 2000 ; que pour résoudre le problème que la société MANOIR INDUSTRIES leur avait posé, ils ont imaginé une solution consistant à réaliser à l’intérieur des tubes la forme étoilée particulière par rayage à la rondelle de forme à plaquette ;

La société NEXTER SYSTEMS et Denis D exposent pertinemment que les demandes de brevet déposées par la société MANOIR INDUSTRIES Inc. n’ont fait que reprendre la méthode de rayage préconisée dans l’étude de faisabilité dans laquelle chaque rondelle de la broche constitue un outil de découpe et que les deux tableaux qui donnent le détail des différentes passes nécessaires pour réaliser des tubes dont le profil est composé de 5 ou 8 alvéoles pour atteindre une profondeur de rainures de 5 ou 3,5 mm ont été intégralement repris ;

Ils soutiennent également à bon droit que :

- les brevets US 6 644 358, US 8 070 401 et US 8 033 767 qui ont été valablement délivrés et qui ont par conséquent, admis que le tube, l’outillage et le procédé de brochage étaient brevetables au regard des normes applicables par l’USPTO aux brevets reprennent intégralement l’ensemble de la description et des dessins de la demande initiale US 2003/019533 laquelle contient les informations techniques ainsi que les dessins (outils de rayage – principe de broche – poste de travail sur rayeuse Berthiez) lesquels avaient été communiqués à la société MANOIR INDUSTRIES,

— les demandes de brevet déposées au nom de la société MANOIR INDUSTRIES Inc. concernent un tube profilé à 8 rainures ou 8 alvéoles, ce que la société GIAT INDUSTRIES et Denis D avaient précisément suggéré dans l’étude de faisabilité daté du 5 avril 2000 puisque cette solution technique présentait l’avantage d’être plus économique à réaliser et qu’elle ne nécessitait que 26 broches au lieu de 44 pour le tube à 5 alvéoles,

— les demandes de brevets par la société MANOIR INDUSTRIES Inc. ne font que reprendre la méthode de rayage dans laquelle chaque rondelle de la broche constitue un outil de découpe,

— les rondelles décrites à la page 'Outils de rayage Tube étoilé 8 alvéoles’ de l’étude de faisabilité comportent chacune une partie support et plusieurs plaquettes qui sont les couteaux décrits dans les demandes de brevets,

— les taux d’incrémentation 0,05 à 0,1 mm de cette étude sont repris dans les revendications 10 de la demande de brevet US 2003/0079533, 10 de la demande PCT WO 038/011507, 8 du brevet US 8 070 401 et 3 du brevet US 8 033 767,

— le principe de broche et l’outil de rayage proposés par la société GIAT INDUSTRIES a été repris par la société MANOIR INDUSTRIES (WO 038/011507),

— les formes concave et convexe des couteaux mises au point par la société GIAT INDUSTRIES ont été reprises dans les revendications 15 et 16 des demandes de brevet) ainsi que les rondelles de raccordement (figures 7 et 9 de la demande PCT WO 038/011507) ;

Il convient encore de donner crédit à la société NEXTER SYSTEMS et Denis D qui indiquent que les indications contenues dans la télécopie datée du 19 décembre 1999 n’exposaient manifestement pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter et ne permettaient pas à la société MANOIR INDUSTRIES Inc. de déposer valablement un brevet sans l’apport des solutions qu’ils préconisaient dans l’étude de faisabilité datée du 5 avril 2000 ;

Il importe peu comme le soutiennent à tort les sociétés MANOIRS INDUSTRIES que les demandes de brevet déposées par la société GIAT INDUSTRIES ne contiendraient que des revendications de procédé, leur laissant ainsi juridiquement la possibilité de déposer des demandes portant sur le produit dès lors que l’invention, comme il a été dit supra, doit être exclusivement attribuée à la société

GIAT INDUSTRIES et à Denis D, que le produit se caractérise par son procédé consistant à usiner mécaniquement la surface interne d’un tube et que la protection conférée par le brevet s’étend aux produits obtenus directement par le procédé comme le prévoient les dispositions de l’article L.613-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Le jugement qui a ordonné le transfert à la société GIAT INDUSTRIES des brevets sans faire de distinction entre les revendications de produit et celles de procédé ou d’outillage doit par conséquent être confirmé, peu important que la société GIAT INDUSTRIES n’ait pas formulé dans ses propres brevets des revendications de produit dans la mesure où n’étant pas les inventeurs des moyens mis en oeuvre pour parvenir à l’invention, les sociétés MANOIRS INDUSTRIES ne sont pas fondées à critiquer le choix du contenu des brevets déposés par la société GIAT INDUSTRIES ;

Conformément à la demande de la société NEXTER SYSTEMS et de Didier D, il y a lieu de dire que l’injonction de transfert à la société NEXTER SYSTEMS qui vient aux droits de la société GIAT INDUSTRIES des brevets ou demandes de brevets en cause portera également, sous la même astreinte de celle visée dans la décision déférée, sur les brevets US 8,033,767 et US 8,070,401 qui sont les suites des demandes divisionnaires américaines dont le transfert a été ordonné ;

Sur la désignation de Denis D en qualité d’inventeur :

Pour lui dénier tout droit, les sociétés MANOIRS INDUSTRIES soutiennent que Denis D n’est pas l’inventeur des caractéristiques couvertes par les demandes de brevet et les brevets dont la société MANOIRS INDUSTRIES Inc. est titulaire ;

Elles précisent que l’invention du brevet américain et celle contenue dans la demande de brevet européen de la société NEXTER SYSTEMS concernent les palettes radiales fixées sur les entretoises destinées à apporter une solution à l’encombrement des copeaux résultant de la longueur du tube à usiner, solution qu’elles n’ont pas reprise dans leurs propres brevets puisqu’elles ont résolu ce problème d’encombrement en allongeant les entretoises séparant les outils ;

Mais se référant à la page 17 de l’étude de faisabilité (Rayage tubes Profil 8 alvéoles), la société NEXTER SYSTEMS répliquent pertinemment qu’il est démontré que l’espace entre les rondelles augmente en fonction du volume des copeaux ;

Il y est effectivement indiqué que les broches possèdent des jeux d’entretoises de longueurs différentes puisqu’au départ, l’espace entre les rondelles est de 10 cm pour produire un volume de copeaux compris en 3,56 à 11,27 cm3 et qu’in fine, il est de 25 cm pour produire un volume de copeaux compris entre 14,21 et 18,32 cm3 ; que la mise en 'œuvre des outils destinés à réaliser des rainures et des outils réalisant des profils convexes entre les rainures constitue précisément l’objet de l’invention de Denis D tel qu’il est décrit dans l’étude de faisabilité susvisée ;

Le jugement qui a enjoint de faire procéder sous astreinte à l’inscription du nom de Didier D en qualité d’inventeur dans l’ensemble des titres visés dans son dispositif aux lieu et place de Joël DEMAREST et de Gilles VERDIER sera par conséquent confirmé ;

Sur la demande de dommages intérêts formée par la société NEXTER SYSTEMS :

au titre du manque à gagner :

La société NEXTER SYSTEMS critique la décision déférée qui a rejeté sa demande à ce titre et fait grief aux sociétés MANOIRS INDUSTRIES de lui avoir occasionné un important préjudice économique et financier résultant d’une part de ce qu’elles ont capté le fruit de ses efforts créatifs en lui faisant croire tout au long de l’année 2000 qu’elles avaient l’intention de lui passer la commande en vue de laquelle celle-ci avait procédé à l’étude de faisabilité et d’autre part de ce que les nombreux brevets que les appelantes ont déposés lui ont interdit d’exploiter son invention dans de très nombreux pays et lui ont occasionné un important manque à gagner qu’elle chiffre à une somme qu’elle considère ne pouvoir être inférieure à 3 000  000 euros ;

L’appropriation indue d’une invention constitue manifestement un comportement fautif qui en soi occasionne un préjudice tant à l’inventeur qu’à celui à qui doit revenir le fruit de l’invention qui justifie une condamnation à des dommages intérêts ;

Le préjudice économique invoqué consistant dans le manque à gagner apparaît en revanche en l’espèce davantage hypothétique dans la mesure où il n’est pas démontré que la société GIAT INDUSTRIES qui ne revendique pas de compétence particulière dans le domaine de la production de tubes pour les installations de vapocraquage écrit qu’elle aurait très certainement conclu des accords de licences avec d’autres acteurs du marché ; que les coûts pour l’industrialisation et de production des tubes proposés, le nombre de licenciés, la quantité de tubes produite 30.000 tubes par an et le taux de redevance évalués ne reposent que sur des hypothèses que la cour ne saurait accepter pour justifier une demande de dommages intérêts ;

Le comportement fautif des sociétés MANOIRS INDUSTRIES justifient qu’elles soient condamnées in solidum à verser à la société NEXTER SYSTEMS la somme de 200.000 euros à titre de dommages intérêts ;

au titre de l’appel et de la procédure abusive :

La société NEXTER SYSTEMS et Denis D soutiennent que les sociétés MANOIRS INDUSTRIES ont abusivement interjeté appel du jugement déféré et trouvent notamment dans l’acceptation que Denis D figure en qualité d’inventeur dans les brevets contestés une contradiction qui démontrerait le caractère abusif du recours ;

Mais la nature et la durée des relations ayant existé entre les parties a pu faire croire, de bonne foi, aux sociétés MANOIRS INDUSTRIES qu’elles étaient titulaires de droit de propriété intellectuelle et que la désapprobation et les critiques émises au sujet des termes et conclusions du jugement entrepris ne constituent pas une faute de nature à engager leur responsabilité civile, le principe étant que tout justiciable est en droit de faire juger à nouveau son affaire et d’avoir recours à un second degré de juridiction ;

La demande formée par la société NEXTER SYSTEMS à ce titre sera par conséquent rejetée ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d’allouer à la société NEXTER SYSTEMS la somme de 50.000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

La demande formée par les sociétés MANOIRS INDUSTRIES sur le même fondement devra être rejetée ;

PAR CES MOTIFS,

Donne acte à la société NEXTER SYSTEMS de ce qu’elle vient aux droits de la société GIAT INDUSTRIES,

Confirme le jugement dont appel, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages intérêts de la société GIAT INDUSTRIES,

Dit que l’injonction de transfert à la société NEXTER SYSTEMS des brevets ou demandes de brevets en cause portera également, sous la même astreinte que celle visée dans le jugement déféré sur les brevets US 8,033,767 et US 8,070,401 qui sont les suites des demandes divisionnaires américaines dont le transfert a été ordonné,

Condamne in solidum la société MANOIR INDUSTRIES et la société MANOIR INDUSTRIES Inc. à payer à la société NEXTER SYSTEMS la somme de 200.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par la société GIAT INDUSTRIES,

Déboute la société MANOIR INDUSTRIES, Joël D et Gilles V de toutes leurs demandes,

Déboute la société NEXTER SYSTEMS de sa demande de dommages intérêts pour appel abusif,

Condamne in solidum la société MANOIR INDUSTRIES et la société MANOIR INDUSTRIES Inc. à payer à la société NEXTER SYSTEMS la somme complémentaire de 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile. »