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Décisions

CA Paris, Pôle 5, 12 janvier 2016, n° 2013/13050

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Clinipro (Sté)

Défendeur :

The General Hospital Corporation (Sté), Zeltiq Aesthetics INC (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme AUROY, Mme Douillet

TGI Paris, du 23 mai 2013, n° 11/18480

23 mai 2013

MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu’il suffit de rappeler que l’association The General Hospital Corporation (ci-après General Hospital) est une organisation à but non lucratif de droit américain créée en 1811 dans l’État du Massachusetts aux États-Unis et, en complément de son activité d’établissement de santé, finance un centre de recherches dans le domaine des sciences du vivant ;

Qu’elle est notamment titulaire du brevet européen n° EP 1 490 005 portant sur des 'dispositifs pour rompre sélectivement du tissu adipeux par refroidissement contrôlé, déposé le 17 mars 2003, revendiquant la priorité d’une demande provisoire de brevet américain n° 365 662p du 15 mars 2002 et délivré le 20 février 2008, la mention de la remise de la traduction française de ce brevet ayant été public au BOPI le 24 octobre 2008 ;

Que la société Zeltiq est une société de droit américain créée en 2005 dont l’activité consiste à commercialiser le fruit des recherches de deux professeurs rattachés au General Hospital, MM Didier M et R. Rox A, notamment dans le domaine du traitement des adipocytes par le froid ;

Que cette société est titulaire d’une licence exclusive portant sur le brevet EP 1 490 005 et à ce titre, fabrique et commercialise un dispositif appelé Breezé permettant de réduire le tissu adipeux par un refroidissement contrôlé sans détériorer les cellules du derme et de l’épiderme ;

Que la société Clinipro est une société de droit espagnol dont l’activité consiste à concevoir, fabriquer et commercialiser des dispositifs utilisés en médecine esthétique ;

Qu’elle conçoit et commercialise notamment un dispositif appelé LipoCryo, permettant de réduire le tissu graisseux du corps humain par application sélective, et non invasive, de froid ;

Qu’elle distribue cet appareil en France depuis 2010, par l’intermédiaire de M. Patrick M, exerçant son activité sous le nom commerciale Clinipro-France ;

Que constatant, par procès-verbal d’huissier du 24 novembre 2011, que la société Clinipro offrait à la vente, en français, sur son site Internet <www.lipocryo.com> le dispositif LipoCryo et estimant que celui-ci mettait en oeuvre les revendication de son brevet européen EP 1 490 005, le General Hospital, autorisé par ordonnance sur requête du 28 novembre 2011, a fait procéder le même jour à une saisie-contrefaçon dans les locaux de M. Patrick M à l’occasion de laquelle un exemplaire du dispositif LipoCryo et des documents commerciaux et comptables ont été saisis ;

Que le General Hospital et la société Zeltiq ont par ailleurs obtenu l’interdiction provisoire du dispositif LipoCryo en Espagne par décision du 04 mai 2012 et ont parallèlement engagé dans ce pays le 23 mars 2012, une procédure en contrefaçon contre la société Clinipro et une société Aquaestetica Consultores sur le fondement du brevet européen EP 1 490 005 et d’un brevet européen EP 1 917 935 ;

Que par jugement du 25 janvier 2013, le Juzgado Mercantil de Barcelone a rejeté les demandes du General Hospital et de la société Zeltiq, estimant que les revendications de ces deux brevets n’étaient pas valables, sans toutefois prononcer leur annulation, l’appel formé contre ce jugement ayant été rejeté le 13 mai 2014 ;

Qu’en France, à la suite de la saisie-contrefaçon, le General Hospital et la société Zeltiq ont remis l’exemplaire saisi du dispositif LipoCryo au Laboratoire National de Métrologie et d’Essais dont le rapport, rendu le 21 décembre 2011, ainsi que les informations recueillies tant au cours de la saisie-contrefaçon que sur le site <www.lipocryo.com> démontreraient, selon ces sociétés, l’importation, l’offre et la vente en France, d’un dispositif reproduisant les revendications n° 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 du brevet européen EP 1 490 005 dont le General Hospital est titulaire ;

Que le 23 décembre 2011, le General Hospital et la société Zeltiq ont fait assigner M. Patrick M et la société Clinipro en contrefaçon des revendications n° 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 du brevet européen EP 1 490 005 ;

Que reconventionnellement, M. Patrick M et la société Clinipro ont soulevé la nullité de ces revendications ;

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

• dit que M. Patrick M et la société Clinipro, en important, offrant en vente, vendant et détenant, en France, le dispositif LipoCryo ou tout autre dispositif reproduisant les revendications n° 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 du brevet européen n° EP 1 490 005, ont commis des actes de contrefaçon,

• interdit à M. Patrick M et à la société Clinipro de reproduire les revendications n° 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 du brevet européen n° EP 1 490 005 et ce sous astreinte provisoire de 1 000 € par infraction constatée courant à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification de sa décision et pendant un délai d’un an, se réservant la liquidation de l’astreinte,

• ordonné, en application de l’article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, que les stocks du dispositif LipoCryo ou de tout autre dispositif reproduisant les revendications n° 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 du brevet européen n° EP 1 490 005, soient remis au General Hospital et à la société Zeltiq et que ceux qui ne se trouvent pas en leur possession soient rappelés des circuits commerciaux pour être écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit du General Hospital et de la société Zeltiq, en tant que de besoin à General Hospital et la société Zeltiq et aux frais in solidum de M. Patrick M et de la société Clinipro,

• débouté le General Hospital et la société Zeltiq de leur demande d’expertise et de communication de pièces sous astreinte, • condamné in solidum, M. Patrick M et la société Clinipro à réparer le préjudice causé au General Hospital et à la société Zeltiq en versant la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts,

• ordonné la publication de l’insertion suivante extraite du dispositif de sa décision : 'le tribunal de grande instance de Paris par un jugement du 23.05.2013 a condamné in solidum Monsieur M et la société CLINIPRO à réparer de préjudice subi par GENERAL HOSPITAL et la société ZELTIQ du fait de la commission d’actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 du brevet européen n° 1 490 005", • et ce dans trois journaux ou revues professionnels, français ou étrangers, au choix du General Hospital et de la société Zeltiq et aux frais de M. Patrick M et de la société Clinipro, ainsi que sur les sites Internet <www.lipocryo.com>, <www.clinipro.fr> et <www.clinipro.net>, à concurrence de 5 000 € par publication, • ordonné l’exécution provisoire de sa décision hormis en ce qui concerne les mesures de destruction des stocks et de publication,

• condamné in solidum M. Patrick M et la société Clinipro à payer au General Hospital et à la société Zeltiq la somme de 30 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

I : SUR LA VALIDITÉ DU BREVET N EP 1 490 005 :

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138, §1 de la Convention de Munich du 05 octobre 1973 ;

Le domaine technique de l’invention :

Considérant que l’invention du brevet contesté est intitulée Dispositifs pour rompre sélectivement du tissu adipeux par refroidissement contrôlé ;

Considérant que le breveté rappelle que la peau humaine comprend deux couches superposées, le derme recouvert par l’épiderme et que la peau repose, par le derme, sur l’hypoderme qui assure la jonction avec les structures anatomiques sous-cutanées incluant des cellules graisseuses ;

Que l’excès de cellules graisseuses donne à la peau un aspect inesthétique souvent comparé à une peau d’orange et que diminuer la quantité de ces cellules permet d’atténuer cet aspect ;

Qu’il serait très souhaitable de détériorer de manière sélective et non-invasive les adipocytes du tissu graisseux sous-cutané sans provoquer de blessure au tissu dermique et épidermique entourant, les procédés courants, tels que liposuccion, impliquant des processus invasifs avec des risques menaçant potentiellement la vie (saignement excessif, douleur, choc septique, infection, gonflement) ;

Qu’il était bien connu à la date de priorité du brevet que les cellules adipeuses riches en lipides se détériorent sous l’effet du froid et que les cellules du tissu dermique et épidermique sont plus résistantes au froid que les cellules adipeuses ;

Que des procédés courants pour la suppression non-invasive de tissu graisseux sous-cutané comportent l’utilisation d’une énergie radiante et de solutions de refroidissement (brevets US n° 5 143 063, 5 507 790 et 5 769 879) mais que les niveaux d’énergie appliqués sont difficiles à contrôler et qu’il existe souvent des dommages collatéraux pour le derme et/ou l’épiderme ;

Que les solutions de refroidissement proposées par le document WO 00/44 346 ne stabilisent pas les températures de la surface de la peau et, par conséquent, n’arrivent pas non plus à protéger de manière adéquate à l’encontre de dommages collatéraux du derme et/ou de l’épiderme ;

Considérant que l’invention se propose de remédier au risque de détérioration associée du derme et/ou de l’épiderme lors de l’enlèvement de tissu graisseux sous-cutané par cryo-détérioration ;.

Considérant que le but essentiel de l’invention est de mettre au point un dispositif apte à éliminer par le froid les cellules adipeuses en élaborant un appareil qui répond à cet objectif tout en assurant un contrôle permanent de la peau pour préserver les tissus du derme et de l’épiderme ;

La solution préconisée par l’invention :

Considérant que pour parvenir à l’invention, le brevet propose un procédé de refroidissement pour la rupture sélective de cellules riches en lipides chez un sujet humain non nourrisson comportant l’application d’un élément de refroidissement à proximité de la peau du sujet pour créer un gradient de température dans une région locale suffisant pour rompre sélectivement et donc réduire les cellules riches en lipides de la dite région et conjointement à ceci, maintenir la peau du sujet à une température à laquelle des cellules non riches en lipides situées à proximité de l’élément de refroidissement ne sont pas rompues ;

Considérant que le brevet se compose de 22 revendications dont seules sont invoquées les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 qui se lisent comme suit :

1. Dispositif (100) pour casser de manière sélective des cellules riches en lipide chez un sujet humain non nourrisson par refroidissement comportant :
des moyens de refroidissement (110) pour refroidir une région locale de la peau du sujet pour casser de manière sélective des cellules riches en lipide de la région, tout en maintenant, en même temps, la peau du sujet à une température telle que les cellules non-riches en lipide ne sont pas cassées, les moyens de refroidissement étant adaptés pour refroidir des cellules riches en lipide à une température comprise entre environ -10° C et environ 25° C,
une unité (105) de commande de température pour commander la température des moyens de refroidissement,
et des moyens (120) de mesure de température qui sont adaptés pour mesurer la température de la peau du sujet et/ou la température dans la peau du sujet et/ou la température sur la surface de la peau du sujet,

caractérisé en ce que l’unité de commande de température est de plus adaptée pour commander la température des moyens de refroidissement de sorte que la température de la peau du sujet et/ou la température dans la peau du sujet et/ou la température sur la surface de la peau du sujet ne chute pas au-dessous d’une température minimum prédéterminée sur la base de la température de la peau du sujet et/ou de la température dans la peau du sujet et/ou de la température sur la surface de la peau du sujet. 2. Dispositif selon la revendication 1, dans lequel les moyens de refroidissement sont adaptés à l’application sur la peau du sujet et incluent des moyens de refroidissement et/ou conducteurs. 3. Dispositif selon la revendication 2, dans lequel les moyens de refroidissement sont activement refroidis et comportent des moyens de refroidissement thermoélectriques un agent de  refroidissement circulant à travers les moyens de refroidissement et/ou des moyens de refroidissement conducteurs et/ou un agent de refroidissement circulant qui vient au contact de la peau du sujet et/ou des moyens de refroidissement à évaporation et/ou des moyens de refroidissement appliqués à la peau par aspiration et/ou des moyens pour appliquer un liquide de refroidissement. 4. Dispositif selon l’une quelconque des revendications 1 à 3, dans lequel l’unité de commande de température est adaptée pour maintenir une température moyenne des moyens de refroidissement entre environ -15 et 35° C, ou entre environ -15 et 30° C, ou entre environ -15 et 25° C, ou entre environ -15 et 20° C, ou entre environ – 15 et 15° C, ou entre environ -15 et 10° C, ou entre environ -15 et 5° C, ou entre environ -10 et 35° C, ou entre environ -10 et 30° C, ou entre environ -10 et 25° C, ou entre environ -10 et 20° C, ou entre environ -10 et 15° C, ou entre environ -10 et 10° C, ou entre environ – 10 et 5° C, ou entre environ -5 et 20° C, ou entre environ -5 et 15° C, ou entre environ -5 et 10° C, ou entre environ -5 et 5° C. 5. Dispositif selon l’une quelconque des revendications 1 à 5, dans lequel la peau du sujet comporte l’épiderme, le derme ou une combinaison de ceux-ci.

9. Dispositif selon l’une quelconque des revendications 1 à 8, dans lequel les moyens de refroidissement ont une surface de contact de peau et/ou une surface plate et/ou une surface façonnée.

13. Dispositif selon l’une quelconque des revendications 1 à 12, dans lequel les moyens de refroidissement sont adaptés pour être appliqués à un repli dans la peau du sujet.'

La définition de l’homme du métier :

Considérant que l’homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l’aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l’invention ;

Que les parties sont d’accord pour dire que l’homme du métier est une équipe composée d’un spécialiste de la biologie de la peau et d’un spécialiste dans le domaine cryogénique (de la cryolipolyse s’agissant de la destruction des graisses par le froid) ;

La demande de nullité de la revendication 1 du brevet pour absence de nouveauté :

Considérant que M. Patrick M et la société Clinipro soulèvent en premier lieu la nullité de la revendication 1 de la partie française du brevet européen n° EP 1 490 005 pour défaut de nouveauté au regard de la demande de brevet britannique Thorner n° GB 2 286 660 publiée le 23 août 1995, décrivant un 'appareil à effet P visant à traiter les tissus malades ou lésés ;

Qu’ils soutiennent que cet appareil consiste en un dispositif de traitement des tissus anatomiques, notamment humains, par refroidissement, qu’il comporte des moyens de refroidissement aptes à refroidir le membre traité aux températures désirées, qu’il est doté d’une unité de contrôle permettant de contrôler la température de la surface de la plaque de refroidissement et comporte un capteur de température placé sur la peau du sujet traité ;

Qu’ils font ainsi valoir que toutes les caractéristiques structurelles et fonctionnelles de la revendication 1 du brevet litigieux sont enseignées par la demande Thorner, ce que les juridictions espagnoles ont retenu ;

Qu’ils précisent qu’il n’est pas prouvé que le dispositif Thorner serait inapproprié à l’usage de détruire sélectivement des cellules adipeuses, l’indication d’usage à de telles fins (qui n’est pas une caractéristique fonctionnelle) ne conférant à la revendication 1 du brevet litigieux aucune nouveauté par rapport à ce dispositif ;

Qu’ils ajoutent que le capteur de température en contact avec la peau a bien pour finalité le contrôle de la température de la peau et que sa fonction consiste à réguler en conséquence de ce contrôle la température des moyens de refroidissement ;

Qu’ils en concluent que si le dispositif Thorner a vocation, notamment, à détruire des cellules cancéreuses, cela n’implique évidemment pas qu’il détruise aussi inutilement les autres et que cela ne le distingue en rien de l’invention litigieuse, elle aussi destinée à détruire des cellules indésirables sans tuer le patient ou nécroser la région traitée ;

Que M. Patrick M et la société Clinipro soulèvent encore la nullité pour défaut de nouveauté au regard de la demande de brevet britannique SI Industries n° GB 2 263 872 publiée le 11 août 1993, décrivant 'un dispositif convenant à refroidir un membre comportant des moyens de refroidissement pour refroidir une région locale de la peau du sujet, convenant à casser de manière sélective des cellules riches en lipide la région, tout en maintenant, en même temps, la peau du sujet à une température telle que les cellules non-riches en lipides ne sont pas cassées ;

Que ce dispositif comporte une unité de commande adaptée pour commander la température des moyens de refroidissement de sorte que la température de la peau du sujet et/ou dans la peau du sujet, et/ou sur la surface de la peau du sujet ne chute pas au-dessous d’une température minimum prédéterminée ;

Qu’ils soutiennent ainsi que le document SI Industries divulgue la totalité des caractéristiques de la revendication 1 du brevet litigieux ;

Qu’ils ajoutent que le dispositif SI Industries est apte à détruire sélectivement des cellules adipeuses, n’est pas limité quant aux zones anatomiques à traiter et n’est nullement cantonné à des traitements de longue durée et qu’il importe donc peu que ce dispositif, apte à rompre sélectivement des cellules adipeuses, n’y soit pas explicitement destiné ;

Considérant que la société Zeltiq et le General Hospital répliquent que l’absence de nouveauté ne peut être établie que si l’objet revendiqué

peut être déduit directement et sans ambiguïté de l’état de la technique et qu’elle ne saurait être fondée sur une antériorité spéculative ;

Qu’ils soutiennent que lorsque le dispositif revendiqué est caractérisé à la fois par des caractéristiques structurelles et fonctionnelles, il n’est privé de nouveauté que si l’antériorité invoquée divulgue les mêmes moyens pour la même fonction et qu’en l’espèce le document Thorner ne divulgue pas la combinaison des caractéristiques structurelles et fonctionnelles du dispositif objet de la revendication 1 du brevet litigieux ;

Que ce document ne suggère pas à l’homme du métier que les cellules adipeuses sous cutanées peuvent être détruites de manière sélective par le froid et qu’il n’était donc pas évident, pour l’homme du métier, de parvenir au dispositif objet de la revendication 1 du brevet litigieux au regard de l’enseignement de la demande de brevet Thorner ;

Qu’ils rappellent que l’appareil objet de cette demande est destiné à traiter des tissus malades ou blessés ou des cancers de la peau et qu’il n’est ni apte, ni destiné à casser, de manière sélective, des cellules riches en lipides, dans un but esthétique ;

Que si cette demande divulgue l’utilisation d’un capteur de température en contact avec le tissu à traiter, ce capteur n’a pas pour fonction de contrôler la température appliquée à la peau par les moyens de refroidissement, afin que cette dernière ne chute pas au- dessous d’une température prédéterminée, mais vise à permettre à l’utilisateur de contrôler la température du liquide de refroidissement circulant au niveau de la face chaude du module P pour maintenir l’écart de température entre les deux faces, chaude et froide, au-dessous d’une limite maximale souhaitée, afin que ce dispositif conserve une puissance frigorifique optimale ;

Qu’ils ajoutent que ce dispositif n’évoque pas la nécessité de prévenir les dommages que des températures trop froides pourraient causer aux cellules dermiques et épidermiques et que le document Thorner ne saurait donc être interprété comme divulguant de manière inhérente que ce dispositif est apte à prévenir de tels dommages ;

Considérant ceci exposé, que l’article 54, point 1 de la convention de Munich du 05 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens dispose qu''une invention est considérée comme nouvelle si elle n 'est pas comprise dans l’état de la technique, que le point 2 de cet article précise que "l’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen’ ;

Considérant que pour être comprise dans l’état de la technique et être privée de nouveauté, l’invention doit s’y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; que l’antériorité doit être prise telle qu’elle sans qu’il y ait lieu d’y ajouter, de la compléter ou de l’interpréter et notamment sans qu’il y ait lieu de rechercher si le moyen décrit dans l’antériorité constituerait ou non l’équivalent de celui qu’enseigne le brevet ;

Considérant que la demande de brevet Thorner n° GB 2 286 660 publiée le 23 août 1995 décrit un appareil à effet P visant à traiter les tissus malades ou lésés ; qu’il sera rappelé que l’effet P, du nom du physicien français du XIXème siècle Jean-Charles P, est un effet thermoélectrique reposant sur la transformation d’une énergie électrique en énergie thermique, une différence de température apparaissant aux jonctions de deux matériaux de nature différente, traversés par un courant électrique, une jonction dégageant de l’énergie thermique (source chaude de température) et l’autre jonction absorbant de l’énergie thermique (source froide de température) et qu’ainsi un module P est utilisé pour refroidir une surface, sa face froide étant appliquée au système à refroidir et sa face chaude étant en relation avec un échangeur thermique à air ou à liquide ;

Que l’appareil décrit par la demande Thorner comprend un module thermoélectrique doté de surfaces opposées entre lesquelles est créé un différentiel de température par effet P, un dissipateur thermique en contact avec la surface chaude du module pour dissiper sa chaleur, un réservoir de liquide de refroidissement destiné à refroidir le dissipateur thermique, une pompe chargée de faire circuler le liquide de refroidissement du réservoir au dissipateur thermique et une unité de réfrigération destinée à refroidir le liquide de refroidissement ;

Que la température du liquide de refroidissement peut être contrôlée par un thermostat préréglé placé sur l’unité de refroidissement secondaire ou, préférablement, par un capteur de température placé sur la peau du sujet traité afin de réguler la température du liquide de refroidissement que fait circuler la pompe en fonction de la température de la surface cutanée détectée par ce capteur ;

Considérant que l’invention ainsi décrite par cette demande de brevet n’est destinée qu’à traiter les tissus animaux malades ou lésés, par exemple les membres enflammés en refroidissant le membre à une température entre 13 et 18 °C ou le cancer de la peau en refroidissant le membre à des températures inférieures à zéro ;

Considérant que cette antériorité ne divulgue donc pas un ensemble composé de mêmes moyens remplissant la même fonction et conduisant au même résultat que le brevet litigieux, à savoir le refroidissement sélectif des cellules riches en lipide chez un sujet humain non nourrisson afin de casser celles-ci et réduire l’excès de cellules graisseuses sans créer de dommages aux autres tissus ;

Considérant que la demande de brevet britannique SI Industries n° GB 2 263 872 publiée le 11 août 1993 décrit un dispositif de refroidissement d’un membre, composé d’un refroidisseur alimentant en fluide de refroidissement une poche souple ou un bandage destiné à être appliqué sur le membre traité, la poche ou le bandage étant doutés d’un capteur chargé de détecter la température de la peau afin de contrôler l’effet de refroidissement du refroidisseur au moyen d’un système de régulation, ce dispositif pouvant également être destiné au réchauffement d’un membre ;

Considérant que l’invention ainsi décrite par cette demande de brevet n’est également destinée qu’à refroidir (ou réchauffer) de façon contrôlée un membre en dessous de la température normale du corps dans le cadre d’un traitement médical, pour éliminer l’excès de fluide accumulé dans les compartiments musculaires suite à une blessure afin d’éviter la survenue du syndrome compartimental consécutif à une pression excessive sur les nerfs et les vaisseaux sanguins ;

Considérant que de même, cette antériorité ne divulgue pas un ensemble composé de mêmes moyens remplissant la même fonction et conduisant au même résultat que le brevet litigieux ;

Considérant en conséquence que l’invention divulguée par la revendication 1 du brevet n’ EP 1 490 005 est nouvelle ; La demande de nullité de la revendication 1 du brevet pour insuffisance de description :

Considérant qu’à titre subsidiaire, si la revendication 1 devait être considérée comme nouvelle, M. Patrick M et la société Clinipro soulèvent désormais devant la cour la nullité de la revendication 1 de la partie française du brevet européen n° EP 1 490 005 pour insuffisance de description ;

Qu’ils soutiennent que le brevet devrait mettre l’homme du métier en mesure, sans efforts excessifs ni inventivité, de réaliser un dispositif de cryogénie détruisant sélectivement les cellules adipeuses sans créer de dommages aux tissus environnants et que pour ce faire, l’homme du métier aura besoin de connaître plusieurs paramètres : quelle température, appliquée pendant quelle durée, avec quelle pression, sur quelle surface de peau, dans quelle relation avec l’épaisseur de la couche adipeuse ;

Qu’ils font valoir que la revendication 1 est totalement insuffisante à cet égard, les plages de températures allant de -196 °C (où on détruit la peau) à 37 °C (où on chauffe la peau), le temps d’application de l’agent de refroidissement pouvant aller jusqu’à deux heures, la surface optimale n’étant pas définie clairement (trois fois la profondeur du tissu graisseux sous-cutané), aucune indication n’étant donnée pour prévenir les gelures qui peuvent survenir à des températures décrites par le brevet ;

Qu’ils ajoutent que les seuls essais visés dans le brevet, qui auraient pu dissiper ces incertitudes, n’ont été réalisés que sur des porcs, tués puis découpés en tranches, l’homme du métier étant totalement livré à lui-même pour d’éventuels essais sur l’être humain, lesquels ne sauraient être des essais de routine pouvant être laissés aux soins de l’homme du métier ;

Qu’ils ajoutent encore que le brevet n’enseigne pas à l’homme du métier comment parvenir à un dispositif ne produisant pas d’effets secondaires non voulus dans les cellules non riches en lipides alors que la cryolipolyse entraîne des effets secondaires (rougeurs, gonflements, ecchymoses) et qu’il relève bien de la description d’enseigner les dommages possibles, même transitoires, et les moyens de les éviter ; qu’à défaut, l’invention ne peut être pleinement exécutée ;

Qu’ils font enfin valoir que l’équation de diffusion de la chaleur, citée dans le brevet, n’est autre que le modèle mathématique général de diffusion de la chaleur et ne comporte aucun enseignement spécifique relativement à la destruction sélective de cellules adipeuses chez l’homme ;

Qu’ils en concluent que l’invention ne peut être réalisée à la simple lecture du brevet, que des essais doivent être réalisés et que compte tenu de la multiplicité des paramètres à combiner, de la nécessité d’éviter des dommages collatéraux et de l’inexistence d’essais sur l’homme, les diligences requises de l’homme du métier pour exécuter l’invention excèdent largement la routine et impliquent un effort excessif ;

Considérant que la société Zeltiq et le General Hospital répliquent que l’avis communiqué par les appelants pour contester la suffisance de description du dispositif objet du brevet litigieux est rédigé par des conseils en propriété industrielle qui ne peuvent être considérés comme l’homme du métier et que le brevet expose l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ;

Qu’elles exposent que le brevet indique que, de façon préférentielle, la température à appliquer se situe entre -10 °C et 4 °C pendant une durée variant entre 1 et 30 minutes, l’interdépendance entre les paramètres de temps et de température relevant du bon sens et découlant de l’équation de diffusion générale de la chaleur à travers la peau ;

Qu’il en ressort selon elles que pour l’homme du métier, la plage de températures de refroidissement des cellules lipidiques pour obtenir leur cryolise oscille entre -2 °C et 15 °C et que le temps optimal d’application varie entre 5 et 20 minutes ;

Qu’elles ajoutent que les paramètres enseignés par le brevet et les connaissances de l’homme du métier sur les conditions dans lesquelles les tissus humains peuvent être endommagés par le froid permettent à celui-ci de réaliser un dispositif préservant le patient des risques de gelures ;

Qu’elles soutiennent également que le brevet enseigne à l’homme du métier que la surface de traitement minimum est d’au moins 1 cm2 et que le diamètre de la surface à traiter oscille entre 3 et 20 cm2, la détermination de la surface optimale procédant d’essais de routine à la portée de l’homme du métier ;

Qu’elles font valoir qu’il est commun, dans le domaine médical et esthétique, de réaliser des essais sur un type d’animal dont les caractéristiques physiologiques se rapprochent de celles de l’homme, avant de réaliser des essais sur celui-ci et que s’agissant de tests réalisés sur le derme, l’épiderme et les cellules adipeuses, le porc est l’animal modèle le plus pertinent ;

Que selon elles, les essais ainsi réalisés confirment qu’il est possible d’obtenir une détérioration sélective du tissu adipeux sous-cutané par refroidissement externe dans une plage spécifique de températures de référence et de temps d’exposition, sans détérioration de l’épiderme et du derme et que ces résultats expérimentaux orientent en particulier l’homme du métier vers l’application de températures variant de 6 °C (sic lire en réalité -6 °C) pendant 5 minutes à -7 °C pendant 10 à 20 minutes ; qu’ainsi la durée et la température du refroidissement de la zone concernée sont suffisamment décrites pour que l’homme du métier les mette en œuvre ;

Qu’enfin elles rappellent que l’invention décrite dans le brevet litigieux vise à éviter la détérioration du derme et de l’épiderme et non la survenance de tout effet indésirable et que l’homme du métier est informé, par le résultat des essais réalisé sur des porcs, que le dispositif objet de l’invention peut, lorsqu’il est utilisé, provoquer des effets secondaires mineurs évoqués dans le brevet ; qu’il dispose ainsi d’informations suffisantes dans la description pour minimiser ces effets et, en tout cas, éviter de détériorer le derme et l’épiderme ;

Considérant ceci exposé, que les articles 83 et 138 sous b) de la convention de Munich exigent que le brevet européen doit exposer l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ;

Que selon la règle 42 du règlement d’exécution de la convention de Munich, la description doit notamment contenir un exposé de l’invention, telle qu’elle est caractérisée dans les revendications, en des termes permettant la compréhension du problème technique’ et 'la solution de ce problème;

Qu’il s’ensuit que l’homme du métier doit trouver dans la description du brevet les moyens de reproduire l’invention par le jeu de simples opérations d’exécution à l’aide de ses connaissances professionnelles normales théoriques et pratiques, auxquelles s’ajoutent celles qui sont citées dans le brevet ; qu’ainsi la description qui ne satisfait pas à cette exigence vicie le brevet et le rend annulable ;

Considérant qu’il sera rappelé que l’homme du métier est en l’espèce une équipe composée d’un spécialiste de la biologie de la peau et d’un spécialiste dans le domaine cryogénique (de la cryolipolyse s’agissant de la destruction des graisses par le froid) ;

Considérant que le dispositif de cryolipolyse divulgué par la revendication 1 du brevet litigieux doit pouvoir casser sélectivement les cellules riches en lipide par refroidissement grâce à des moyens de refroidissement permettant de maintenir, en même temps, la peau du sujet à une température telle que les autres cellules du derme et de l’épiderme ne sont pas cassées, et ce à l’aide d’une unité de commande de température et de moyens de mesure de température de la peau du sujet permettant que la température de la peau du sujet ne chute pas au-dessous d’une température minimum prédéterminée;

Considérant que pour pouvoir exécuter l’invention, l’homme du métier doit déterminer en premier lieu le degré de température de refroidissement à adopter, la durée d’application de cette température et la surface de la peau du sujet sur laquelle pratiquer ce refroidissement ;

Considérant qu’au paragraphe [0024] de la description il est d’abord fait état d’une plage de température de l’élément de refroidissement administré excessivement large puisqu’elle va de la température de l’azote liquide (-196 °C) à celle du corps humain (37 °C), que si le paragraphe [0025] donne des plages de températures préférentielles, celles-ci sont encore très larges et imprécises puisqu’elles vont de environ -15 °C à 'environ 35, 30, 25, 20, 15, 10 ou 5 °C, ou bien de 'environ -10 °C à 'environ 35, 30, 25, 20, 15, 10 ou 5 °C, ou encore de 'environ -15 °C à 'environ 20, 15, 10 ou 5 ° C et non pas uniquement de -10 ° C à 4 °C comme l’affirment la société Zeltiq et le General Hospital en page 26 de leurs conclusions ;

Considérant que le paragraphe [0026] commence par enseigner une durée d’application de l’élément de refroidissement pouvant aller jusqu’à deux heures, tout en retenant une durée préférentielle entre une et trente minutes mais sans préciser pour chaque degré de température de l’élément de refroidissement la durée préférentielle d’application correspondante, si ce n’est pour le seul exemple d’une application d’azote liquide, alors d’une part que la température de l’azote liquide ne correspond pas aux plages de températures préférentielles indiquées au paragraphe précédent et d’autre part que la durée d’application (un dixième de seconde) ne correspond pas à la plage de durée indiquée comme étant préférentielle ;

Considérant que si les paragraphes [0041] à [0045] décrivent le temps et la température à partir desquels les différentes couches de tissu (adipeux, épiderme, derme) peuvent être refroidies dans différents modes de réalisation, les plages de températures restent toujours très larges et imprécises puisque selon les modes de réalisation la température des cellules riches en lipide oscille 'de préférence’ entre 37 °C et -10 °C, tout en indiquant des températures 'plus préférentielles’ entre -4 °C et 20 °C (voire au paragraphe [0042] entre
-8 °C et 33 °C) ou 'encore plus préférentielles’ entre -2 °C et 15 °C, pour finalement indiquer que 'de manière générale, les cellules riches en lipide sont de préférence maintenues à une température moyenne comprise entre environ -10 °C et environ 37 °C, 35 °C, 30 °C, 25 °C, 20 °C, 15 °C, 10 °C ou 4 °C ; environ -4 °C et environ 35 °C, 30 °C, 25 °C, 20 °C, 15 °C, 10 °C, ou 4 °C ; environ -2 °C et environ 35 °C, 30 °C, 25 °C, 20 °C, 15 °C, 10 °C ou 5 °C’ ;

Que la durée d’application reste également imprécise puisqu’il y est indiqué au paragraphe [0041] que les cellules riches en lipide sont refroidies en dessous de 37 °C, pour une durée allant jusqu’à deux heures’ sans préciser la durée préférentielle correspondant à chaque degré de la température de refroidissement retenue, le paragraphe [0042] se contenant d’indiquer que 'des procédés constitués d’un refroidissement pulsé suivi par de brèves périodes de réchauffement peuvent être utilisés pour minimiser les dommages collatéraux des cellules non-riches en lipide’ en faisant état soit d’un 'acte de refroidissement continu', soit 'de multiples cycles de refroidissement ou en réalité une combinaison de refroidissement avec des cycles de chauffage actifs’ sans qu’aucune précision ne soit donnée sur la durée préférentielle de ces actes ou cycles de refroidissement en fonction du degré de la température retenue, ni même en quoi consistent les 'brèves périodes de réchauffement’ et les cycles de chauffage actifs’ évoqués ;

Considérant que de même la température de l’épiderme évoquée au paragraphe [0043] est mentionnée de façon particulièrement large et vague puisque si elle ne doit pas être inférieure à 'environ’ -15 °C, elle est 'de préférence’ entre 'environ’ -10 °C et 35 °C ou, 'de manière plus préférée’ entre 'environ’ -5 °C et 10 °C ou 'de manière encore plus préférée’ entre 'environ’ -5 °C et 5 °C ;

Qu’il en est de même de la température du derme indiquée au paragraphe [0044] comme n’étant pas inférieure à 'environ’ -15 °C et 'de préférence’ entre 'environ’ -10 °C et 20 °C ou 'de manière plus préférée' entre 'environ’ -8 °C et 15 °C ou encore 'de manière encore plus préférée’ entre 'environ’ -5 °C et 10 °C ;

Considérant que les durées d’intervalles entre chaque application de l’élément de refroidissement sont tout aussi larges et imprécises puisque le paragraphe [0045] mentionne soit de 'courts intervalles pouvant aller d’une minute à une heure, soit de 'longs intervalles’ allant de douze à vingt-quatre heures tout en retenant une durée d’intervalle préférentielle entre 5 et 20 minutes, ce qui suppose que les longs intervalles ne sont pas pertinents ; qu’en outre il n’est pas précisé en quoi consiste l’application de chaleur évoquée entre ces intervalles de refroidissement ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent la société Zeltiq et le General Hospital en page 27 de leurs conclusions, il ne peut ressortir de l’ensemble d’indications de températures et de durées aussi larges et imprécises, voire contradictoires, que, pour l’homme du métier, la plage de température de refroidissement des cellules lipidiques pour obtenir leur cryolise oscillerait entre -2 °C et 15 °C et que le temps optimal d’application varierait entre 5 et 20 minutes (d’autant plus que cette durée évoquée au paragraphe [0045] ne concerne pas le temps d’application mais la durée préférentielle entre chaque intervalle d’application) ;

Considérant qu’en ce qui concerne la surface de traitement sur laquelle doit être appliqué l’élément de refroidissement, le paragraphe [0030] indique que la dimension de la surface superficielle (par exemple lorsque l’agent de refroidissement est en contact avec la peau) doit être au moins trois fois la profondeur du tissu graisseux sous-cutané ciblé pour refroidissement', ce qui géométriquement, n’a aucun sens puisqu’une surface ne peut être calculée en triplant une longueur et qu’en outre il n’est pas précisé comment l’homme du métier pourrait mesurer la profondeur du tissu graisseux sous-cutané ;

Qu’en tout état de cause les surfaces préférentielles indiquées à ce paragraphe restent larges et imprécises puisqu’elles vont de 1 cm2 à 20 cm2 tout en faisant allusion à des surfaces superficielles bien plus grandes, pouvant dépasser 3 500 cm2 (ce qui correspond à un carré de peau de 59 cm de côté) ;

Considérant que la description du brevet fait également état aux paragraphes [0078] à [0100] des résultats de deux exemples effectués pour le premier (détérioration sélective de tissu graisseux par refroidissement commandé in vivo) in vivo sur un porc miniature de Handford et un porc miniature du Yucatan et pour le deuxième (mesures du profil de température à diverses profondeurs de tissu) in vitro sur un porc miniature du Yucatan ;

Considérant que la société Zeltiq et le General Hospital, se fondant sur le rapport d’expertise de M. William E qu’elles versent aux débats en pièces 26 et 26.1 (pour la traduction), font valoir que ces résultats expérimentaux orienteraient l’homme du métier vers l’application de températures variant de -6 °C pendant 5 minutes à -7 °C pendant 10 à 20 minutes ;

Considérant que si la peau du porc domestique (notamment le porc miniature du Yucatan en raison de la disponibilité accrue de cette race, de son coût raisonnable et de sa petite taille) a des caractéristiques morphologiques et fonctionnelles comparables à celles de la peau humaine, M. William E reconnaît cependant que 'bien évidemment, en recherche médicale, le résultat sur l’homme est le critère de référence ;

Considérant que si cet expert est néanmoins d’avis que l’homme du métier (qu’il appelle le 'technicien qualifié) aurait en 2002 conclu que les résultats vus chez les trois porcs concernés par les exemples 1 et 2, se produiraient également chez l’homme, il convient de relever que d’une part cet expert, docteur en médecine spécialisé en dermatologie, ne peut être considéré comme un homme du métier tel que défini plus haut et que d’autre part il se fonde sur les conclusions d’études plus contemporaines alors qu’il convient, pour apprécier la nécessité d’une description suffisante du brevet, à la date de sa demande de priorité, soit le 15 mars 2002 ;

Considérant qu’il ressort notamment de l’article de M M et autres intitulé 'La peau des mammifères domestiques comme modèle pour la peau humaine, avec une référence particulière au porc domestique’ paru en 1978 et versé aux débats par la société Zeltiq et le General Hospital (pièces 27 et 27.1 pour la traduction) que les 'données provenant d’expériences sur des animaux ne peuvent pas être transcrites sans réserve à l’homme’ et que si MM M et autres. Dans leur article Corrélation clinique d’un modèle d’antisepsie de la peau paru en 1999 et versé aux débats par la société Zeltiq et le General Hospital (pièces 30 et 30.1 pour la traduction) ont pu relever une corrélation entre la peau de porc in vitro et des études cliniques in vivo sur l’homme, cet article ne concerne que l’évaluation des antiseptiques de la peau et les interactions entre la peau et les microbes.

Considérant qu’il n’apparaît donc pas que l’homme du métier, en 2002, aurait pu extrapoler à l’être humain les résultats des expériences 1 et 2 décrites dans le brevet et portant sur des porcs pour retenir l’application de températures de refroidissement variant de -6 °C pendant 5 minutes à -7 °C pendant 10 à 20 minutes ;

Considérant qu’il s’ensuit que confronté dans la description du brevet à des indications de température, de durée d’application et de surface à traiter extrêmement larges et imprécises, voire contradictoires entre elles, sans pouvoir retenir plus particulièrement l’une ou l’autre des nombreuses indications ainsi données, l’homme du métier tel que défini en l’espèce ne peut trouver dans cette description les moyens de reproduire l’invention par le jeu de simples opérations d’exécution à l’aide de ses connaissances professionnelles normales théoriques et pratiques ;

Considérant dès lors la description du brevet ne remplit pas les conditions de validité prévues par l’article 83 de la convention de Munich, de telle sorte que la revendication 1 de la partie française du brevet européen n° EP 1 490 005 sera annulée en application des dispositions de l’article 138 sous b) de la dite convention ;

La validité ou la nullité des revendications dépendantes:

Considérant que la revendication 2 se trouve placée sous la dépendance de la revendication 1 à laquelle elle renvoie directement et ne comporte aucun moyen spécifique par rapport à cette revendication et à l’objet de l’invention puisqu’elle ne porte que sur l’adaptation des moyens de refroidissement à l’application sur la peau du sujet ;

Qu’il en est de même de la revendication 3, placée sous la dépendance directe de la revendication 2 et qui ne porte que sur l’activation des moyens de refroidissement par des moyens thermoélectriques ;

Que la revendication 4, placée sous la dépendance directe des revendications précédentes, est, pour les mêmes motifs que ceux retenus pour annuler la revendication 1, viciée par son insuffisance de description relativement au maintien, par l’unité de commande de température, de la température moyenne des moyens de refroidissement puisqu’il est fait mention de pas moins de 18 plages de températures différentes sans que l’homme du métier puisse déterminer la température moyenne adéquate à la réalisation du dispositif décrit par le brevet ;

Que la revendication 5, placée sous la dépendance directe des revendications précédentes, ne comporte aucun moyen spécifique par rapport à la revendication 1 puisqu’elle se contente de rappeler que la peau du sujet (comme celle de tout être humain) est constituée de l’épiderme et du derme ;

Que la revendication 9, placée sous la dépendance directe des revendications précédentes ne comporte également aucun moyen spécifique par rapport à la revendication 1 puisqu’elle se contente de préciser que les moyens de refroidissement ont une surface plate ou façonnée de contact avec la peau du sujet ;

Que la revendication 13, placée sous la dépendance directe des revendications précédentes, ne comporte également aucun moyen spécifique par rapport à la revendication 1 puisqu’elle se contente de préciser que les moyens de refroidissement sont adaptés pour être appliqués à un replis dans la peau du sujet sans pour autant décrire pour l’homme du métier de quelle manière cette adaptation doit être réalisée ;

Considérant en conséquence que les revendications 2, 3, 4, 5, 9 et 13 de la partie française du brevet européen n° EP 1 490 005 seront également annulées pour insuffisance de description ;

Considérant que du fait de l’annulation des revendication 1 à 5, 9 et 13 du brevet litigieux pour insuffisance de description, il n’y a pas lieu d’examiner la demande plus subsidiaire de M. Patrick M et de la société Clinipro en nullité de ces revendications pour absence d’activité inventive ;

Considérant dès lors que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté M. Patrick M et la société Clinipro de leur demande de nullité des revendications 1 à 5, 9 et 13 de la partie française du brevet européen n° EP 1 490 005 ;

II : SUR LES DEMANDES EN CONTREFAÇON DE BREVET :

Considérant que dans la mesure où les revendications 1 à 5, 9 et 13 de la partie française du brevet européen n° EP 1 490 005 sont annulées, la société Zeltiq et le General Hospital ne peuvent invoquer aucun titre de propriété industrielle au soutient de leur action en contrefaçon de brevet, de telle sorte qu’elles seront déboutées de l’ensemble de leurs demandes en contrefaçon des dites revendications de ce brevet ;

Considérant dès lors que la demande présentée par M. Patrick M et la société Clinipro en nullité du rapport du Laboratoire national de métrologie et d’essais du 21 décembre 2011 versé aux débats par la société Zeltiq et le General Hospital (pièce 10) pour démontrer l’existence de la contrefaçon, devient sans objet ;

III : SUR LES DEMANDES EN RAISON DES AGISSEMENTS DÉLOYAUX DE LA SOCIÉTÉ CLINIPRO :

Considérant que la société Zeltiq et le General Hospital exposent avoir découvert que la société Clinipro rapporterait l’état des procédures, dans le litige qui oppose les parties, de manière mensongère et déloyale ;

Qu’elles font valoir que le site Internet <www.lipocryo.com/index fr.html>, exploité par la société Clinipro et accessible en France comporte un encart sur chaque page consultée, intitulé Update on the Zeltiq – Clinipro court case ne mentionnant que les décisions rendues en Espagne entre les sociétés Zeltiq et Clinipro, rapportant le contenu de ces décisions de façon erronée et passant sous silence la présente procédure française ;

Qu’elles soutiennent que ces mentions sont mensongères et déloyales du fait de leur absence d’exhaustivité et leur causent un grave préjudice qu’elles évaluent à la somme de 100 000 € réclamée solidairement à la société Clinipro et à M. Patrick M à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que M. Patrick M et la société Clinipro répliquent d’une part que les abus prétendus de la liberté d’expression ne peuvent être poursuivis et sanctionnés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse et d’autre part que la société Clinipro n’a pas une obligation d’information exhaustive du public sur les procès qui l’opposent à la société Zeltiq et The General Hospital Corporation ;

Considérant ceci exposé que les faits invoqués par la société Zeltiq et The General Hospital Corporation à l’appui de leur demande en dommages et intérêts ne constituent ni une diffamation ni des injures et ne relèvent donc pas de la loi du 29 juillet 1881 et peuvent donc être poursuivis sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil ;

Considérant qu’il ne saurait être reproché à la société Clinipro d’avoir fait état sur son site Internet du résultat en sa faveur des décisions rendues en Espagne dans les litiges l’opposant à la société Zeltiq et au General Hospital ;

Qu’il ne saurait davantage lui être reproché de n’avoir pas fait état du jugement français du 23 mai 2013 puisque faisant l’objet d’un appel, cette décision n’était pas définitive et a d’ailleurs été infirmée par le présent arrêt qui déboute la société Zeltiq et le General Hospital de leurs demandes en contrefaçon et fait droit à la demande reconventionnelle en nullité du brevet présenté par M. Patrick M et la société Clinipro ;

Qu’en outre aucun fait personnel n’est reproché à M. Patrick M qui en tout état de cause ne saurait faire l’objet d’une quelconque condamnation solidaire avec la société Clinipro ;

Considérant en conséquence que la société Zeltiq et le General Hospital seront déboutées de leur demande en dommages et intérêts en réparation d’agissements mensongers et déloyaux ;

IV : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant qu’il est équitable d’allouer à M. Patrick M et la société Clinico la somme globale de 30.000 € au titre des frais par eux exposés et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que la société Zeltiq et le General Hospital seront pour leur part, déboutées de leur demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la société Zeltiq et le General Hospital, parties perdantes, seront condamnées in solidum au paiement des dépens de la procédure de première instance et d’appel, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau : Annule les revendications n° 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 de la partie française du brevet européen n° EP 1 490 005 dont le General Hospital est la titulaire et la société Zeltiq la licenciée exclusive ;

Déboute en conséquence la société Zeltiq et le General Hospital de l’ensemble de leurs demandes en contrefaçon des revendications n° 1, 2, 3, 4, 5, 9 et 13 du brevet européen n° EP 1 490 005 ;

Déclare de ce fait sans objet la demande présentée par M. Patrick M et la société Clinipro en nullité du rapport du Laboratoire national de métrologie et d’essais du 21 décembre 2011 versé aux débats par la société Zeltiq et le General Hospital en pièce 10 pour démontrer l’existence de la contrefaçon ;

Dit qu’une copie du présent arrêt sera transmise par le greffe à la requête de la partie la plus diligente à l’OEB aux fins d’inscription au Registre européen des brevets ;

Déboute la société Zeltiq et le General Hospital de leur demande en dommages et intérêts en réparation d’agissements mensongers et déloyaux ;

Condamne in solidum la société Zeltiq et le General Hospital à payer à M. Patrick M et à la société Clinico la somme globale de TRENTE MILLE euros (30 000 €) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Déboute la société Zeltiq et le General Hospital de leur demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Zeltiq et le General Hospital aux dépens de la procédure de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.