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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 11 juillet 2017, n° 15/03510

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

SHEIPAULA LIMITED (Sté), Patrimoniale CHANTREAU (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaillet

Conseillers :

Mme Serrin, M. Brillet

Avocats :

Me VIELPEAU, Me BOUTTEREUX, Me SCHAEFFER

TGI Coutances, du 19 févr. 2015, n° 14/0…

19 février 2015

« FAITS ET PROCÉDURE La société « La Patrimoniale C » est copropriétaire avec la société « La Patrimoniale S », chacune pour moitié, d’un brevet international français déposé le 26 mars 2002 à l’Institut national de la propriété industrielle à Paris, enregistré sous le numéro PCT/FR/03 0093 3.

Ce brevet, qui concerne un procédé de fabrication industrielle de concentrés hydratés de protéines myfibrillaires à partir de la chair de poisson, mentionne M. C et M. S comme co-inventeurs.

La société Sheipaula Limited, filiale de la société Belge BIUTEC a, par accord du 25 septembre 2009 conclu avec M. C et la société « La Patrimoniale C », offert d’acquérir la quote-part que cette société détient dans le brevet, en contrepartie du versement du prix de 300 000 euros.

En exécution de cet accord, qui devait être ratifié par la société « La Patrimoniale S », la société Sheipaula Limited a versé le prix convenu.

La ratification de la société « La Patrimoniale S » n’intervenant pas, la société Sheipaula Limited a renoncé à la cession et mis en demeure la société « La Patrimoniale C » de lui rembourser la somme de 300 000 euros.

Par acte du 29 juillet 2014, la société Sheipaula Limited a assigné la société « La Patrimoniale C » devant le tribunal de grande instance de Coutances aux fins, pour l’essentiel, de :

— constater l’absence de cession de la quote-part indivise du brevet déposé le 26 mars 2002 sous le n’ PCT/FR/03 00933 par la société « La Patrimoniale C » à la société Sheipaula Limited,

— condamner en, conséquence la société défenderesse à lui rembourser la somme de 300 000 euros versée en exécution de l’accord du 25 septembre 2009, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 août 2011, date de la mise en demeure de payer, capitalisés conformément à l’article 1154 du code civil ;

— subsidiairement, prononcer la nullité de la cession de la quote-part indivise du brevet déposé le 26 mars 2002 sous le n° PCT/FR/03 00933 par la société « La Patrimoniale C » à la société Sheipaula Limited ;

— condamner la défenderesse à lui payer la somme de 300 000 euros correspondant au prix de cession, augmentée des intérêts au taux

légal à compter du 25 août 2011, date de la mise, en demeure de payer, capitalisés conformément à l’article 1154 du code civil.

Par jugement en date du 19 février 2015, le tribunal de grande instance de Coutances s’est déclaré incompétent pour statuer sur la régularité de la cession d’une quote-part de brevet au profit du tribunal de grande instance de Paris et lui a renvoyé la connaissance de l’affaire.

Par déclaration reçue au greffe du tribunal le 16 mars 2015, la société Sheipaula Limited a déposé un contredit contre cette décision.

Par acte d’huissier de justice en date du 22 juillet 2016, elle a fait signifier à la société « La Patrimoniale C », à son siège social à Granville et à M. Jean-Vincent C, en sa qualité de gérant de cette société, à la même adresse, la convocation d’avoir à comparaître à l’audience du 27 septembre 2016 et ses conclusions.

L’huissier a dressé un procès-verbal de signification selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile relativement à la société « La Patrimoniale C », après avoir constaté que l’adresse de la société est une maison d’habitation autrefois occupée par M. et Mme C, désormais domicilés à l’Ile Maurice, la maison étant vendue.

Le 24 juillet 2016, le même huissier a délivré un acte destiné à M. Jean-Vinent C, en sa qualité de gérant de la société « La Patrimoniale C » comprenant la convocation et les conclusions, en langue française et en langue anglaise, au parquet de Coutances.

Le 23 septembre 2016, M. C s’est constitué, en qualité de gérant de la société « La Patrimoniale C ».

À l’audience du 21 juin 2017, les conseils des parties ont développé oralement les moyens contenus dans leurs dernières écritures, déposées le 18 novembre 2016 pour la société Sheipaula Limited et le 22 mai 2017 pour M. C.

La société Sheipaula Limited demande à la cour de :

Déclarer le contredit recevable et bien fondé ;

En conséquence,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Coutances du 19.02.2015 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dire le tribunal de grande instance de Coutances compétent pour juger des demandes de la société Sheipaula Limited ;

Usant de son pouvoir d’évocation ;

Vu les articles 1109 et 1134 du code civil,

Vu le silence gardé par la société « La Patrimoniale C » pendant près de trois ans suite à l’offre qui lui a été faite par la société Sheipaula Limited d’acquérir la quote-part indivise dans le brevet déposé le 26 03 2002 sous le numéro PCTXFR/0300933,

Vu l’absence de réaction de la société « La Patrimoniale C » suite à la lettre de la société Sheipaula Limited du 25 08 2011 par laquelle celle- ci indiquait ne pas vouloir donner suite à son projet d’acquisition,

Constater l’absence de cession de la quote-part indivise du brevet déposé le 26 03 2002 sous le numéro PCTIFRIU300933 par la société « La Patrimoniale C » à la société Sheipaula Limited ;

Condamner la société « La Patrimoniale C » à rembourser à la société Sheipaula Limited la somme de 300 000 euros versée en exécution de l’accord du 25 09 2009, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 août 2011, date de la mise en demeure de payer, capitalisés conformément à l’article 1154 du code civil ;

Subsidiairement,

Vu les articles 1109 et 1110 du code civil ainsi que l’article L. 613-29 e) du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’absence de mise en œuvre de la procédure de ratification par la société « La Patrimoniale S » copropriétaire du brevet précité, prévue à l’article L.613-29 e du code de la propriété intellectuelle,

Prononcer la nullité de la cession de la quote-part indivise du brevet déposé par la société « La Patrimoniale C » à la société Sheipaula Limited ;

Condamner la société « La Patrimoniale C » à rembourser à la société Sheipaula Limited la somme de 300 000 euros correspondant au prix de cession, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 03 2011, date de la mise en demeure de celle-ci de payer, capitalisée conformément à l’article 1154 du code civil ; Très subsidiairement, si la cour devait décider de ne pas évoquer l’affaire, l’affaire, La renvoyer devant le tribunal de grande instance de Coutances ; En toute hypothèse,

Condamner la société « La Patrimoniale C » à payer à la société Sheipaula Limited une indemnité de procédure de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société « La Patrimoniale C » aux dépens.

M. Jean-Vincent C demande pour sa part à la cour de :

Déclarer la société Sheipaula Limited irrecevable en son contredit tardif.

Subsidiairement,

La débouter de ses demandes, fins et conclusions et confirmer le jugement entrepris.

Très subsidiairement, En cas de réformation, ordonner la réouverture des débats et le renvoi à la mise en état pour constitution des avocats et permettre à la concluante de faire valoir ses moyens sur le fond.

En tout état de cause, condamner la société Sheipaula Limited au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA COUR Les augmentations de délai prévues par les articles 643 et 644 du code de procédure civile s’appliquent en matière de contredit de compétence.

Dès lors, le contredit déposé le 16 mars 2015 l’a été dans les délais, la société Sheipaula Limited ayant son siège à Hong-Kong, bénéficie du délai supplémentaire de deux mois pour accomplir les actes de procédure.

En vertu de l’article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n 2011-525 du 17 mai 2011, applicable au litige, « les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire(…) ».

À cet égard, l’article D. 211-6 de ce code auquel renvoie l’article D. 631-2, dans leur rédaction issue du décret 2009-1205 du 9 octobre 2009, entré en vigueur le 1er novembre 2009, désigne le

tribunal de grande instance de Paris comme ayant compétence exclusive en matière de brevets d’invention.

La seule décision rendue en matière de copropriété de brevet (pourvoi 07 17 749) a trait à la cession d’un brevet dont deux personnes physiques était co-titulaires, par une société tiers à la copropriété mais dont le gérant était l’un des deux co-titulaires.

La cour de cassation a rappelé qu’aux termes de l’article L 613-29 du code de la propriété intellectuelle, chaque copropriétaire peut, à tout moment, céder sa quote-part, que les copropriétaires disposent d’un droit de préemption pendant un délai de trois mois à compter de la notification du projet de cession mais que la cession d’un brevet indivis ne peut être initiée que par un des copropriétaires et à hauteur de sa seule quote-part, moyennent l’observation d’une procédure précisément décrite.

Il en résulte que la détermination des obligations contractuelles de chacune des parties et leurs éventuels manquements dépendent de la validité et de l’opposabilité des droits de la société « La Patrimoniale C » sur le brevet, de la validité de celui-ci et de la validité de la cession intervenue, questions mettant en cause les règles spécifiques du droit des brevets et justifiant de renvoyer la connaissance du présent litige au tribunal de grande instance de Paris.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée, sans que l’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Coutances ;

Renvoie la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; »

Condamne la société Sheipaula Limited aux dépens.