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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 19 mars 2020, n° 18/02060

CAEN

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mme Heijmeijer, Mme Gouarin

T. com. Coutances, du 26 juin 2018, n° 2…

26 juin 2018

EXPOSE DU LITIGE

M. D... et Mme A... ont confié à La SARL LDE la réalisation de travaux dans leur immeuble d'habitation et un procès-verbal de réception avec réserves a été dressé le 23-06-2016.

Par jugement en date du 30-08-2016, publié au Bodacc le 07-09-2016, le tribunal de commerce de Coutances a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de La SARL LDE, la SARL B. Cambon étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Un procès-verbal de levée de réserves a été signé le 25-11-2016, précisant que le prix des travaux restant dû, soit 19 920 serait diminué des sommes suivantes :

- 70 % du devis de l'entreprise Ozenne Peinture (5 145 )

- 8600 au titre des pénalités contractuelles de retard

soit un solde dû de 6 175,15 à la charge de M. D... et Mme A..., qui a été réglé.

Le 02-05-2017, la SARL LDE a fait valoir que ce procès-verbal était en réalité un accord transactionnel, soumis à l'article 2044 du code civil et qu'il était nul faute d'autorisation du juge commissaire en application de l'article L622-7-II du code de commerce, de sorte que M. D... et Mme A... lui devaient encore la somme de 13 745 .

N'ayant pas déclaré leur créance au passif du redressement judiciaire dans les délais, M. D... et Mme A... ont déposé une requête le 05-09-2017 aux fins d'être relevés de la forclusion par eux encourue et de déclarer leur créance pour la somme de 13 745 .

Une ordonnance en date du 15-01-2018 rendue par le juge commissaire a fait droit à leur demande, et La SARL LDE a formé un recours contre cette décision.

Par jugement en date du 26-06-2018, le tribunal de commerce de Coutances a :

- déclaré le recours de La SARL LDE recevable,

- infirmé l'ordonnance du 15-01-2018,

- rejeté la demande en relevé de forclusion présentée par M. D... et Mme A...,

- dit que chacune des parties conserverait la charge des frais irrépétibles par elle exposés.

- condamné M. D... et Mme A... au paiement des dépens.

Par déclaration en date du 03-07-2018, M. D... et Mme A... ont interjeté appel de la décision.

Par jugement en date du 02-04-2019, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de La SARL LDE et désigné la SARL Cambon en qualité de liquidateur.

Par conclusions en date du 12-02-2019, M. D... et Mme A... demandent à la cour de :

- infirmer le jugement,

- confirmer l'ordonnance du juge commissaire en date du 15-01-2018,

- dire que c'est à bon droit qu'ils ont été relevés de la forclusion encourue,

- débouter La SARL LDE de toutes ses demandes,

- condamner La SARL LDE à leur payer la somme de 2 500 en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Par conclusions en date du 27-05-2019, La SARL LDE et son liquidateur demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner in solidum les appelants à payer au liquidateur la somme de 2 500 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 18-02-2019, le ministère public a déclaré s'en rapporter sur les demandes.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions pour le plus ample exposé des moyens.

L'ordonnance de clôture est en date du 13-11-2019.

MOTIFS

- Sur la demande en relevé de forclusion

En application des dispositions combinées des article L. 622-24 et R. 622-24 du code de commerce, les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective adressent leur déclaration de créance au mandataire dans le délai de 2 mois suivant la publication du jugement au Bodacc.

L'article L. 622-26 précise que faute de déclaration de créances dans les délais prévus, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste des créanciers.

L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de 6 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture.

Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de 6 mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance.

Dans le cas d'espèce, la demande de relevé de forclusion est du 05-09-2017, soit postérieurement à l'expiration du délai de 6 mois suivant la publicité au BODACC en date du 07-09-2016.

Les appelants font valoir qu'ils ont été omis de la liste des créanciers par la société débitrice, qu'ils étaient titulaires d'un contrat en cours lors de l'ouverture de la procédure collective et qu'au jour de la signature du procès-verbal de levée de réserves du 25-11-2016, il n'existait aucune créance réciproque, et qu'il n'y avait donc pas de déclaration à faire, cet acte ayant pour objet d'apurer les comptes entre les parties (le solde dû par les appelants étant payé).

Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier par eux adressé à SARL LDE le 05-10-2016, qu'ils avaient à cette date parfaite connaissance de la procédure de redressement judiciaire.

Dès lors il importe peu que la SARL LDE ait omis de les mentionner sur la liste des créanciers, le caractère volontaire de cette omission n'étant au demeurant pas établi.

Comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il résulte du procès-verbal du 23-06-2016 que M. D. et Mme A. pouvaient se prévaloir d'une créance au titre de travaux de reprise et d'une créance de pénalités de retard en raison du dépassement de la date du 23-08-2016 pour la reprise des réserves.

Par ailleurs le courrier du 05-10-2016 révèle qu'ils entendaient également se prévaloir d'une créance de remboursement de 70 % des travaux d'enduit.

A supposer que la notion de contrat en cours soit applicable au cas d'espèce, l'article L627-2 du code de commerce impose au débiteur d'obtenir un avis conforme du mandataire judiciaire pour la poursuite du contrat, et il est acquis que cet avis n'a pas été requis par l'intimée.

En réalité, dès l'envoi de leur courrier du 05-10-2016, les appelants disposaient de tous les éléments permettant de régulariser une déclaration de créances nées antérieurement au 30-08-2016 dans les délais visés par l'article R. 622-24 du code commerce. Ils ne sauraient par conséquent soutenir que c'est le courrier en date du 02-05-2017 qui leur a fait prendre conscience de leur créance puisqu'à la date du 05-10-2016, il n'était pas encore question de la rédaction du procès-verbal de levée des réserves, établi seulement le 25 novembre suivant.

Dans ces conditions, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté l'action en relevé de forclusion intentée par les appelants.

-  Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile

Partie succombante, M. D... et Mme A... supporteront la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. D... et Mme A... aux dépens.