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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 30 janvier 2014, n° 13/04521

DOUAI

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Verhille, DB Print Nord (SARL)

Défendeur :

By Ben (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Valay-Brière, Mme Barbot

Avocats :

Me Dumas-Marze, Me Carlier, Me Duval, Me Laforce , Me Deleforge

T. com. Lille, du 10 juill. 2013, n° 13/…

10 juillet 2013

La SARL BY BEN, qui exploitait une activité de création, conception de documents, fabrication et imprimerie, avait pour cogérants Xavier VERHILLE et Monsieur VANBERGUE, associés à parts égales.

La société DB PRINT NORD (la société DB PRINT) a pour activité la réalisation de travaux d'impression.

Ces deux sociétés ont entretenu des relations d'affaires à compter de l'année 2009.

Le 15 avril 2013, la société BY BEN a été placée en redressement judiciaire, Maître MERCIER étant désigné administrateur judiciaire et Maître THEETEN mandataire judiciaire.

Reprochant à la société DB PRINT un détournement de clientèle, la société BY BEN a, le 24 mai 2013, saisi le juge des requêtes du tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir réaliser des constations non contradictoires au sein des locaux de la société BY BEN et de la société DB PRINT.

Il a été fait droit à cette requête par ordonnance du 31 mai 2013, les opérations de constat étant réalisées le 20 juin 2013 par Maître MARTIN, huissier de justice, qui a gardé sous séquestre les éléments par lui saisis.

Par assignations des 27 et 28 juin 2013, la société BY BEN a attrait la société DB PRINT devant le président du tribunal de commerce de Lille Métropole afin d'obtenir la communication des pièces placées sous séquestre, tandis que la société DB PRINT s'est opposée à cette communication et a requis la rétractation de l'ordonnance sur requête.

Suivant ordonnance du 10 juillet 2013, le Président du tribunal de commerce de Lille-Métropole, statuant en référé, a fait droit aux demandes présentées par la société BY BEN et débouté la société DB PRINT de ses prétentions.

La société DB PRINT a interjeté appel de ladite décision le 25 juillet 2013 et Xavier VERHILLE le 26 juillet suivant.

Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du 28 octobre 2013.

Entre temps, le 3 juillet 2013, la procédure de redressement judiciaire de la Société BY BEN a été convertie en liquidation judiciaire, Maître THEETTEN étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2013, la société PRINT NORD demande à la cour de :

* infirmer en tous points l'ordonnance entreprise,

* à titre principal : prononcer la nullité de la requête datée du 24 mai 2013, et par voie de conséquence de l'ordonnance rendue le 31 mai 2013,

* en toute hypothèse : prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue le 31 mai 2013,

En conséquence,

* annuler l'ensemble des opérations de constat diligentées à la requête de BY BEN, et effectuées par Maître Martin en exécution de ladite ordonnance,

* ordonner la restitution immédiate et sans délais « aux demandeurs », de l'ensemble des éléments pris en originaux ou en copie par l'huissier et/ou le requérant à l'occasion de l'exécution de ladite ordonnance, ainsi que de l'ensemble des procès-verbaux dressés par l'huissier à cette occasion, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt,

* faire défense à Maître Theetten, ès qualités de liquidateur de la société BY BEN, de faire usage ou état, pour quelque raison que ce soit, de toute information qui aurait pu être portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées par Maître Martin désigné par l'ordonnance du 31 mai 2013,

* et en toutes circonstances :

- condamner Maître Theetten, ès qualités, à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que Maître Theetten, ès qualités, conservera à sa charge l'ensemble des frais exposés par lui-même et sa liquidée, tant dans le cadre des opérations de constat requis qu'au titre des dépens de première instance et d'appel.

A titre liminaire, elle expose les conditions dans lesquelles elle a entretenu des relations commerciales avec la société BY BEN, et conteste les griefs qui lui sont imputés par cette société.

A titre principal, elle fait valoir qu'en vertu de l'article 58 du Code de procédure civile, la requête remise au greffe et fondant l'ordonnance rendue le 31 mai suivant, est nulle pour être dépourvue de toute signature du requérant ou de son conseil. Elle sollicite en conséquence que l'ordonnance subséquente soit également annulée, avec toutes conséquences de droit, en ordonnant notamment la restitution immédiate des éléments pris en originaux ou en copie par l'huissier et/ou la requérante à l'occasion de l'exécution de ladite ordonnance, ainsi que de l'ensemble des procès-verbaux dressés par l'huissier à cette occasion, et ce sous astreinte.

Subsidiairement, elle sollicite la rétractation de l'ordonnance sur requête en vertu des articles 496 et 497 du code de procédure civile, soutenant que le premier juge n'a pas justifié son refus, aux motifs que :

- le juge de la rétractation doit apprécier la recevabilité de la requête au jour de son introduction et sa saisine se trouvant limitée à cet objet, il n'y a pas lieu de prendre en considération les faits nouveaux ou pièces saisies par l'huissier, mais exclusivement la motivation reprise sur la requête ; que le premier juge ne s'est pas conformé à ces principes ;

- au surplus, le requérant à une mesure d'instruction conservatoire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile doit, cumulativement faire la démonstration d'un intérêt légitime à demander la mesure de constat et de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire ; que le juge des requêtes n'a pas caractérisé ces éléments dans son ordonnance, non plus que le juge de la rétractation.

- en l'occurrence, la société BY BEN était mal fondée à requérir l'exécution d'une mesure de constat probatoire, dès lors qu'aucun acte de démarchage irrégulier de clientèle, ni de débauchage de salarié ne peut lui être imputé ; que sous couvert de la société BY BEN, Monsieur Vanbergue a détourné la procédure de l'article 145 du code de procédure civile en faisant accomplir une véritable perquisition civile dans ses locaux, à dessein de trouver des griefs à imputer à son cogérant et de se mettre à l'abri d'une éventuelle action des mandataires pour faute de gestion ; qu'en tout état de cause, aucun élément figurant dans la requête ne permet de conclure à ce que la société BY BEN disposât d'un intérêt légitime à établir la preuve d'un détournement de clientèle qui n'existe pas ;

- la société BY BEN ne justifiait pas non plus la nécessité du recours à une procédure non contradictoire, l'unique mention figurant dans sa requête étant sur ce point laconique ; qu'il en va de même de l'ordonnance rendue sur cette requête, la décision dont appel étant pour sa part silencieuse à cet égard.

Elle demande donc qu'il soit tiré toutes conséquences de la rétractation de l'ordonnance sur requête.

Selon ses dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2013, Xavier VERHILLE demande à la cour de :

* réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau,

* A titre principal : constater le défaut de signature de la requête et prononcer la nullité de la requête et de l'ordonnance subséquente,

* A titre subsidiaire : constater qu'aucun des motifs exposés dans la requête n'est fondé et ordonner la rétractation de l'ordonnance sur requête pour absence de motif légitime ;

* En tout état de cause :

- annuler l'ensemble des opérations de constat diligentées à la requête de la société By Ben, et effectuées en exécution de ladite ordonnance ;

- ordonner la restitution, immédiate et sans délais aux demandeurs, de l'ensemble des éléments pris en originaux ou en copie par l'huissier et/ou le requérant à l'occasion de l'exécution de ladite ordonnance, ainsi que de l'ensemble des procès-verbaux dressés par les Huissiers à cette occasion, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- faire défense à Maître THETTEN, ès qualités de mandataire liquidateur de la société By Ben, de faire usage ou état, pour quelque raison que ce soit, de toute information qui aurait pu être portée à sa connaissance,

- dire que Maître THETTEN ès qualités prendra à sa charge les frais et dépens de la présente instance.

A titre principal, il fait valoir que la requête et l'assignation sont nulles en vertu de l'article 117 du Code de procédure civile :

1°) pour défaut de qualité à agir de la société By Ben. En effet, Maître MERCIER, alors administrateur judiciaire de cette société, n'a pas marqué son accord sur la requête et l'assignation pourtant présentées en son nom ; que bien plus, ce dernier a expressément rappelé au conseil de la société qu'il n'avait jamais donné mandat ni pour la requête, ni même l'assignation ; que le Président du tribunal de commerce de Lille Métropole a été trompé lors du dépôt de la requête et de l'enrôlement de l'assignation puisque Maître MERCIER et Maître THEETEN y figurent ; que de plus, il n'est pas établi que Maître THEETEN ait eu connaissance de cette procédure ;

2°) pour défaut de signature de la requête . Il soutient qu'il est indifférent que la 1ère requête déposée ait été signée dès lors que celle annexée à l'ordonnance et signifiée aux parties ne l'est pas ; que cette absence de signature constitue une irrégularité de fond entraînant la nullité sans qu'il soit besoin de justifier d'un grief.

Subsidiairement, sur le fond, Xavier VERHILLE prétend qu'il n'était pas justifié d'un intérêt légitime légitimant la mesure requise dans la requête ; que non seulement le premier juge n'a pas pris la mesure des nombreux éléments produits en défense, mais surtout, il a inversé la charge de la preuve alors qu'il appartient au demandeur de prouver le motif légitime exigé par l'article 145 du Code de procédure civile ; qu'en outre, le juge n'a pas caractérisé, dans sa décision, ce motif légitime ; que la simple référence faite, dans la requête, à une certaine attitude de sa part à lui, Xavier VERHILLE, ne saurait suffire à caractériser le motif légitime ; qu'ainsi, aucun des motifs exposés dans la requête et dans l'assignation n'est fondé.

Il conteste les griefs qui lui sont imputés par la société By Ben.

Il requiert en conséquence la rétractation de l'ordonnance sur requête et, les mesures ordonnées ayant d'ores et déjà fait été exécutées, il demande qu'il en soit tiré toutes les conséquences par l'annulation des opérations de constat, la restitution des éléments pris dans ce cadre et des procès-verbaux, et la défense d'utiliser des informations obtenues dans ce cadre.

Selon leurs dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2013, la société BY BEN et Maître Jérôme THETTEEN, intervenant volontaire ès qualités de liquidateur de ladite société, demandent à voir :

* constater que la Société BY BEN était fondée et avait un intérêt légitime à solliciter de manière non contradictoire la mesure d'instruction ordonnée le 31 mai 2013,

* constater que Benoît VANBERGUE avait pouvoir pour solliciter ladite mesure d'instruction,

* constater que l'ordonnance rendue n'est entachée d'aucune nullité,

En conséquence,

* confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 10 juillet 2013,

* débouter la société DB PRINT et Xavier VERHILLE de l'ensemble de leurs demandes,

* condamner solidairement la société DB PRINT et Xavier VERHILLE à verser à Maître THETTEEN, ès qualités de liquidateur de la Société BY BEN, une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamner les mêmes aux entiers dépens.

A titre liminaire, ils exposent que, dans le cadre de la procédure collective de la Société BY BEN, Benoît VANBERGHE a découvert que son associé Xavier VERHILLE favorisait la société DB PRINT dont il est proche, d'où une perte subite de clients et de chiffre d'affaires pour la Société BY BEN dont le redressement était compromis ; que c'est la raison pour laquelle la Société BY BEN a présenté une requête aux fins de constatations non contradictoires.

En réponse aux arguments adverses, ils font valoir que :

1°) la Société BY BEN avait qualité pour agir seule ; qu'ainsi, premièrement, l'administrateur judiciaire n'avait pas à intervenir ni à être informé en vertu des articles L622-4 et L631-14 du Code de commerce, dès lors qu'étaient sollicitées des mesures conservatoires visant à préserver les droits de la société ; que ce n'est que dans un souci de transparence qu'il en a été informé avant le dépôt de la requête ; qu'il n'est nullement démontré que les administrateurs et mandataires judiciaires s'y seraient opposés.

2°) la requête déposée par la Société BY BEN est régulière ; que la jurisprudence visée par les appelants est inapplicable au cas d'espèce ; qu'en l'occurrence, le requérant était bien représenté par l'avocat dont le nom figurait sur la requête signée ; que l'article 117 du Code de procédure civile ne peut servir de fondement à la nullité de la requête, dès lors que ce texte, qui donne une liste limitative des irrégularités de fond, et parmi elle, ne vise pas l'absence de signature ; que par ailleurs, les conditions posées par l'article 58 du Code de procédure civile à peine de nullité de la requête ne visent pas la condition tenant à la signature et à la datation de la requête ; que faute de nullité et de grief, l'argumentation soulevée sur ce point doit être rejetée ; qu'en tout état de cause, une première requête signée avait bien été déposée au greffe, avant qu'une seconde ne soit envoyée, à l'identique, afin de tenir compte d'une erreur matérielle affectant le projet d'ordonnance présentée au juge ; que dès lors, ni Xavier VERHILLE, ni la société DB PRINT n'ont subi le moindre grief.

Par ailleurs, ils demandent confirmation de l'ordonnance entreprise qui a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête, faisant valoir :

- d'une part, qu'au jour de la requête, elle avait un motif légitime à requérir la mesure sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, les griefs qu'elle avait à l'encontre de Xavier VERHILLE et de la société DB PRINT étant vraisemblables au vu des pièces produites ; que le constat réalisé a confirmé ses craintes ;

- que d'autre part, le recours au non contradictoire s'inférait de la mesure demandée, de sorte que la motivation de l'ordonnance présidentielle et de l'ordonnance de référé était régulière ; qu'en effet, il est aisé d'effacer un courriel ou de supprimer un fichier informatique ; que le recours à une procédure non contradictoire s'imposait donc.

SUR CE,

Attendu qu'à titre liminaire, il convient de relever que les deux appelants, DB PRINT et Monsieur VERHILLE, ont interjeté appel notamment à l'encontre de Maître Jean-Luc MERCIER, alors que ce dernier, administrateur judiciaire de la société BY BEN, avait déjà cessé ses fonctions à la date de ces deux appels par l'effet du jugement prononçant la liquidation judiciaire de ladite société le 3 juillet 2013 ; que dès lors, il doit certes être considérée comme étant partie en cause d'appel, mais la déclaration d'appel et les conclusions des parties comparantes ne lui ayant jamais été signifiées, le présent arrêt doit être prononcé par défaut, en application de l'article 474 du Code de procédure civile ;

1°) Sur la qualité à agir de la Société BY BEN.

Attendu qu'au préalable, il importe de souligner que la requête de la Société BY BEN puis son assignation délivrée en suite de l'ordonnance rendue sur cette requête, sont toutes deux antérieures à son placement en liquidation judiciaire ;

Attendu qu'il résulte de l'article L. 622-1 du Code de commerce qu'en cas de redressement judiciaire, les pouvoirs de direction et d'administration d'une société ne sont pas modifiés pendant la période d'observation, sous réserve des pouvoirs confiés à l'administrateur judiciaire ;

Attendu qu'en l'occurrence, il résulte du jugement plaçant la Société BY BEN en redressement judiciaire qu'a seulement été confiée à Maître MERCIER, administrateur judiciaire, une mission d'assistance dans tous les actes de gestion et de disposition, outre d'établissement des rapports légalement obligatoires ;

Attendu que selon l'alinéa 1er de article L. 622-4 du Code de commerce, auquel renvoie l'article L. 631-14 en cas de redressement judiciaire, dès son entrée en fonction, l'administrateur est tenu de requérir du chef d'entreprise ou, selon le cas, de faire lui-même tous les actes nécessaires à la conservation des droits de l'entreprise contre les débiteurs de celle-ci, et à la préservation des capacités de production ;

Que la doctrine en déduit à raison que quelle que soit la mission confiée à l'administrateur - y compris en cas de mission de représentation ' ce dernier ne dispose que d'un pouvoir subsidiaire pour agir, en sorte qu'il n'est tenu d'intervenir que si le débiteur requis est demeuré inactif ; que cette interprétation est confortée par le fait qu'en cas de liquidation judiciaire, le dessaisissement du débiteur ne concerne pas les actes conservatoires ;

Or, attendu que la saisine du juge des requêtes aux fins de constatations non contradictoires en application des articles 493 et suivant du Code de procédure civile, en raison de la suspicion d'actes constitutifs d'un détournement de clientèle au préjudice de la société débitrice, s'analyse à l'évidence en un acte nécessaire à la conservation des droits de l'entreprise et à la préservation de ses capacités de production au sens de l'article L. 622-4 précité ;

Qu'en conséquence, la Société BY BEN pouvait valablement déposer seule une telle requête, sans avoir à requérir ni à informer l'administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire, puis faire délivrer seule une assignation en référé afin d'obtenir communication des pièces saisies par l'huissier tel que prévu au dispositif de l'ordonnance rendue sur sa requête ;

Qu'au surplus, il sera ajouté qu'il résulte d'un courriel du 21 juin 2013 (pièce n°68 de Xavier VERHILLE) qu'à cette date, la Société BY BEN a informé Maître MERCIER de ce qu'elle allait délivrer une assignation en référé afin d'obtenir les pièces utiles saisies par l'huissier dans le cadre des opérations autorisées dans l'ordonnance rendue sur sa requête, ce à quoi l'administrateur ne s'est pas opposé au vu des pièces versées aux débats ; que ces assignations ont été délivrées les 27 et 28 juin 2013, soit avant le placement de la Société BY BEN en liquidation judiciaire et la désignation de Maître THETTEEN en qualité de liquidateur ;

Attendu qu'est sans conséquence sur la qualité à agir de la Société BY BEN la circonstance que, dans sa requête et son assignation en référé ultérieure, celle-ci ait fait figurer comme étant également représentés par son avocat Maître MERCIER, administrateur judiciaire, et Maître THETTEN - à l'époque seulement mandataire judiciaire, donc étranger à la gestion de la société puisque chargé d'une mission de représentation des salariés ;

Qu'en conséquence, doit être rejeté le moyen de soulevé par Xavier VERHILLE tiré du défaut de qualité à agir de la Société BY BEN ; que l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef ;

2°) Sur l'exception de nullité de la requête pour défaut de signature.

Attendu que c'est à raison que la Société BY BEN soutient que la jurisprudence visée par la société DB PRINT (Cass. 2e civ., 24 févr. 2005) est inapplicable en l'espèce, cette décision ayant été rendue dans une affaire où la requête avait été présentée devant le président du tribunal de grande instance, auquel cas la requête doit être présentée par un avocat postulant en application de l'article 813 du Code de procédure civile, de sorte que l'absence de signature de la requête par l'avocat postulant constitue une nullité de fond ; que les règles de la postulation sont inapplicables devant le tribunal de commerce, donc devant le juge des requêtes de cette juridiction, tel qu'au présent cas ;

Attendu qu'à supposer que l'article 58 du Code de procédure civile - texte général régissant le contenu de la requête - soit applicable à la procédure spéciale instituée en matière d'ordonnances sur requête par les articles 493 et suivants dudit Code, en tout état de cause, les seules mentions que ces dispositions imposent à peine de nullité sont l'objet de la demande et les éléments d'identification des parties énumérées par ce texte, à l'exclusion de la date et de la signature évoquées distinctement dans le dernier alinéa ;

Qu'en toute hypothèse, même à considérer que la signature soit exigée à peine de nullité, force est de rappeler que selon l'article 114 du Code de procédure civile, la partie qui invoque une telle irrégularité doit justifier du grief que celle-ci lui cause ;

Or, attendu qu'en l'occurrence, la société DB PRINT n'allègue ni ne justifie du grief qu'aurait pu lui causer l'absence de signature de la requête qui lui a été signifiée avec l'ordonnance faisant droit à cette requête, alors qu'il est démontré :

- que le 24 mai 2013, la Société BY BEN avait déposé une première requête dûment signée par son avocat (cf pièce n°36 de cette société), de sorte que le juge des requêtes avait valablement été saisi,

- que c'est uniquement la seconde requête envoyée au tribunal le 29 mai 2013 qui ne comporte pas de signature et a été signifiée avec l'ordonnance sur requête,

- que cette seconde requête s'avère identique à la première, seule étant rectifiée, dans l'énoncé de la mission sollicitée auprès du juge, l'erreur matérielle affectant le nom de l'une des sociétés sur laquelle il était requis que l'huissier fasse porter ses recherches ;

Que dès lors, c'est à raison que le premier juge a rejeté la demande tendant au prononcé de la nullité de la requête et de l'ordonnance subséquente ; que l'ordonnance dont appel sera donc également confirmée à ce titre ;

3°) Sur la régularité de la requête au regard de l'exigence de motivation.

Attendu que selon l'article 875 du même Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner, sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ;

Qu'il appartient au juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête de rechercher, au besoin d'office, si la requête et l'ordonnance rendue sur son fondement exposent les circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement ;

Que la caractérisation de telles circonstances ne saurait se confondre avec l'énoncé d'un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pouvait dépendre la solution du litige tel qu'exigé par l'article 145 du Code de procédure civile, dès lors que ces deux critères, juridiquement distincts, sont cumulativement requis afin que puisse prospérer une requête destinée à se préconstituer une preuve avant tout procès ;

Attendu qu'en l'espèce, la requête déposée par la Société BY BEN expose certes le motif légitime qui, selon cette société, justifie la désignation d'un huissier aux fins de recueillir certaines données détenues par Xavier VERHILLE et la société DB PRINT, mais en revanche, elle ne contient pas l'énoncé des circonstances de fait qui justifieraient une dérogation au principe de la contradiction ; que la seule formulation employée in fine de l'ordonnance selon laquelle « les circonstances décrites ci-dessus exigent que les mesures demandées par la requérante ne soient pas prises contradictoirement et que l'huissier soit autorisé à ne pas révéler ses qualités avant la fin de sa mission », générale et non circonstanciée, ne constitue qu'une reprise de la formule employée par l'article 493 du Code de procédure civile, et ne satisfait donc pas à l'exigence de motivation de la requête posée par ce texte, dès lors qu'elle n'est ni précédée, ni accompagnée des motifs justifiant, au cas considéré, qu'il soit fait échec à la contradiction ;

Que l'ordonnance du 31 mai 2013 faisant droit à la requête de la Société BY BEN se bornant à viser la requête et les pièces y annexées ' ce qui vaut adoption implicite des motifs exposés dans cette requête - elle ne contient donc pas davantage l'exposé des circonstances justifiant qu'il fût fait exception au principe de la contradiction au présent cas ;

Qu'il s'ensuit que la requête n'a pas régulièrement saisi le juge des requêtes, et qu'est irrégulière l'ordonnance rendue sur cette requête ; qu'il y a donc lieu de rétracter l'ordonnance du 31 mai 2013 et, par conséquent, de réformer la décision entreprise sur le surplus des dispositions non confirmées ci-dessus ;

Attendu qu'en conséquence de cette rétractation, il échet d'annuler les opérations de constat, d'ordonner la restitution des procès-verbaux dressés par l'huissier commis sur requête et d'interdire l'usage des pièces saisies dans ce cadre, tel que précisé au dispositif du présent arrêt ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que, succombant, la Société BY BEN sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Que l'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

- INFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en sa disposition déboutant la société DB PRINT et Xavier VERHILLE du moyen tiré du défaut de qualité à agir et de la demande de nullité de la requête ;

Et statuant de nouveau, par voie de réformation sur l'ensemble des autres chefs,

- ORDONNE la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 31 mai 2013 par le président du tribunal de commerce de LILLE METROPOLE ;

- En conséquence, ANNULE les opérations de constat effectuées le 21 juin 2013 par Maître MARTIN, huissier de justice, en exécution de l'ordonnance ci-dessus rétractée ;

- ORDONNE la restitution de l'ensemble des éléments pris en originaux ou en copie par l'huissier et/ou la SARL BY BEN à l'occasion de l'exécution de ladite ordonnance, ainsi que de l'ensemble des procès-verbaux dressés à cette occasion par l'huissier ;

-DIT que cette restitution devra intervenir au plus tard dans les 2 jours de la signification du présent arrêt, faute de quoi, passé ce délai, la Société BY BEN sera redevable d'une astreinte de 200 euros par jour de retard pendant une durée de TROIS mois, délai à l'issue duquel une nouvelle astreinte pourra être prononcée le cas échéant ;

- FAIT défense à Maître THETTEN, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL BY BEN, de faire usage ou état, pour quelque raison que ce soit, de toute information qui aurait pu être portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées par Maître Martin, huissier désigné par l'ordonnance sur requête du 31 mai 2013 ci-dessus rétractée ;

- DEBOUTE la SARL DB PRINT et la SARL BY BEN de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SARL BY BEN aux dépens de première instance et d'appel, et AUTORISE la SELARL Eric LAFORCE et Maître Isabelle CARLIER à recouvrer directement ceux des dépens dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision.