CA Douai, ch. soc., 26 janvier 2018, n° 16/03615
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
AGS Cgea Lille
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mariette
Conseillers :
Mme Lefeuvre, Mme Regnier
Prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2018,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine MARIETTE, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 9 Janvier 2017, avec effet différé jusqu'au 11 Septembre 2017
Mme Linda N. a été embauchée le 7 septembre 2015 par la SARL FP Systems, qui était placée en redressement judiciaire depuis le 28 octobre 2014, en qualité d'ouvrier soudeur dans le cadre d'un contrat de professionnalisation.
Le 11 février 2016, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Cambrai de différentes demandes dont elle s'est ensuite désistée.
Une nouvelle saisine est intervenue le 21 mars 2016, portant tout à la fois sur les mêmes réclamations que celles présentées le 11 février 2016 et sur de nouvelles demandes.
La SARL FP Systems a été placée en liquidation judiciaire le 2 mars 2016.
Mme N. a été licenciée pour motif économique le 11 avril 2016.
Par jugement du 9 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Cambrai a :
- fixé la créance de Mme N. au passif de la liquidation judiciaire de la SARL FP Systems aux sommes de :
- 3 097,30 euros brut, outre 309,73 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire pour la période de février au 11 avril 2016,
- 6 194,60 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée ;
- dit que le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;
- ordonné sous astreinte à Maître M. en qualité liquidateur judiciaire de la SARL FP Systems de remettre à Mme N. les bulletins de paie de décembre 2015 à avril 2016, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au jugement ;
- dit le jugement opposable au Centre de Gestion et d'Etudes AGS (CGEA) de Lille dans les limites des textes légaux et réglementaires ;
- débouté Mme N. du surplus de ses réclamations.
Par déclaration du 28 septembre 2016, le CGEA de Lille a interjeté appel du jugement.
Par conclusions enregistrées le 14 avril 2017, le CGEA de Lille demande à la cour :
- à titre principal, de prononcer la nullité du contrat de Mme N., de déclarer inopposable l'arrêt à intervenir aux organes de la procédure collective et au CGEA de Lille et de débouter la salariée de ses réclamations ;
- à titre subsidiaire, de déclarer irrecevables les demandes de Mme N. et de l'en débouter ;
- en tout état de cause, de condamner Mme N. à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de dire que la décision à intervenir ne lui est opposable que dans les limites des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail et de dire que sa garantie est légalement plafonnée.
Il soutient que :
- le contrat de professionnalisation de Mme N. a été régularisé après le prononcé du redressement judiciaire de la SARL FP Systems et sans autorisation de l'administrateur judiciaire ou du juge commissaire alors même qu'il ne s'agit pas d'un acte de gestion courante ; qu'il n'est donc pas valable et que les créances en résultant sont inopposables à la procédure collective et donc à lui-même ;
- les demandes de Mme N. sont irrecevables en ce que, pour partie, elles étaient comprises dans la première saisine du conseil de prud'hommes - suivie d'un désistement - et en ce que, pour l'autre partie, elles se heurtent au principe de l'unicité de l'instance.
Par conclusions enregistrées le 2 novembre 2016, Mme N., qui a formé appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris excepté en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour retard dans la remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat et d'indemnité compensatrice de congés payés, sollicitant sur ces points les sommes de 1 238,92 euros et de 1 238,92 euros, outre 123,89 euros de congés payés.
Elle fait valoir que :
- la rupture de son contrat de professionnalisation est abusive en ce qu'elle n'est intervenue ni d'un commun accord, ni pour faute grave, ni pour inaptitude physique, ni pour cas de force majeure ;
- elle aurait dû bénéficier d'un préavis d'un mois ;
- elle a rencontré des difficultés financières en raison de la remise tardive de ses documents de fin de contrat ;
- la règle de l'unicité de l'instance n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ;
- la SARL FP Systems n'était pas en redressement judiciaire à la date de la signature du contrat de professionnalisation le 6 septembre 2015 ; qu'en tout état de cause la signature d'un contrat constitue un acte de gestion courante qui ne requiert pas, en cas de redressement judiciaire, l'autorisation du juge commissaire.
Maître M. ès qualités n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions des parties ne lui ayant pas été signifiées à personne, le présent arrêt sera rendu par défaut.
SUR CE :
Attendu, d'une part, qu'il résulte des dispositions des articles L. 622-3, L. 622-17 et L. 631-14 du code de commerce que le dirigeant d'une société placée en redressement judiciaire ne peut effectuer seul que les actes de gestion courante de l'entreprise ;
Attendu, d'autre part, que l'engagement d'une salariée selon contrat de professionnalisation d'une durée d'un an, lequel ne peut être rompu, au-delà de la période d'essai, qu'en cas d'accord, de faute grave, d'inaptitude physique ou de cas de force majeure, ne constitue pas un acte de gestion courante ;
Attendu que, par suite, le CGEA de Lille est bien fondé à soutenir qu'en concluant un contrat de professionnalisation avec Mme N. le 7 septembre 2015 - soit postérieurement au placement de l'entreprise en redressement judiciaire, intervenu le 28 octobre 2014, la SARL FP Systems a méconnu les dispositions du code de commerce susvisées ;
Attendu que la sanction de l'acte passé par un débiteur en redressement judiciaire excédant ses droits est son inopposabilité à la procédure collective et, partant, à l'AGS, mais non sa nullité - celle-ci n'étant encourue que pour les actes de disposition étrangers à la gestion courante de l'entreprise qui nécessitent l'autorisation du juge-commissaire (article L. 622-7 du code de commerce) ;
Attendu que, compte tenu de l'inopposabilité à la procédure collective de la SARL FP Systems et à l'AGS du contrat conclu au profit de Mme N. , cette dernière ne peut, par infirmation, qu'être déboutée de l'ensemble de ses prétentions - toutes liées à l'exécution et à la rupture du dit contrat ;
Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Dit que le contrat de professionnalisation conclu le 7 septembre 2015 entre Mme Linda N. et la SARL FP Systems est inopposable à la procédure collective de l'entreprise ainsi qu'au CGEA de Lille,
Déboute Mme Linda N. de l'ensemble de ses prétentions,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,
Condamne Mme Linda N. aux dépens de première instance et d'appel.