Livv
Décisions

CA Basse-Terre, 1re ch. civ., 23 juillet 2018, n° 17/00055

BASSE-TERRE

PARTIES

Demandeur :

SCI Antilles Pour Jules

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grua-Siban

Conseillers :

M. Grammont, Mme Gabrielle,

TGI de Pointe-à-Pitre, du 3 nov. 2016, n…

3 novembre 2016

EXPOSÉ DU LITIGE :

En 2007, M. Philippe B. faisait l'acquisition d'une villa située à Saint-François, contiguë à celle appartenant à la Sci Antilles pour Jules.

Au cours de l'année 2014, la Sci Antilles pour Jules faisait construire une extension à usage d'habitation, accolée au garage existant.

Par acte d'huissier du 10 novembre 2015, M. Philippe B., estimant avoir subi un trouble anormal du voisinage du fait de cette construction, faisait assigner la Sci Antilles pour Jules devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre afin qu'il condamne cette dernière à lui payer la somme de 85 000 euros de dommages-intérêts ainsi que la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :

- Condamné la Sci Antilles pour Jules à verser à M. Philippe B. la somme de 70 000 euros de dommages-intérêts ;

- Condamné la Sci Antilles pour Jules à verser à M. Philippe B. une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la Sci Antilles pour Jules aux dépens de la présente procédure (y compris les frais d'expertise de M. V. à hauteur de 700 euros) ;

- Accordé à Me C.-B. le droit de recouvrer directement contre la Sci Antilles pour Jules les dépens don't il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par déclaration au greffe du 12 janvier 2017, la Sci Antilles pour Jules formait un appel total contre ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 21 juillet 2017, la Sci Antilles pour Jules demande à la cour de :

- Dire son appel recevable et bien fondé ;

- Réformer le jugement don't appel en toutes ses dispositions ;

- Débouter M. Philippe B. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner M. Philippe B. au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient qu'ayant été placée sous sauvegarde, l'intervention de l'administrateur judiciaire n'était pas nécessaire pour former appel. A l'appui de son appel, elle fait valoir que la construction qu'elle a édifiée respecte les règles d'urbanisme, que l'intimé, qui a lui-même édifié une extension sans permis de construire, ne dispose d'aucun droit lui garantissant une vue sur la mer, de sorte qu'il ne justifie d'aucun trouble anormal du voisinage.

Selon ses dernières conclusions signifiées le 16 juin 2017, M. Philippe B. demande à la cour de :

- Déclarer irrecevable l'appel de la Sci Antilles pour Jules faute d'avoir été interjeté avec l'administrateur judiciaire dans le délai de recours ;

- A titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions ;

- Condamner la Sci Antilles pour Jules à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la Sci Antilles pour Jules à lui payer la somme de 10 000 euros pour appel abusif et dilatoire ;

- Condamner la Sci Antilles pour Jules aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct par la Selarl C.-B. avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il considère que l'appel de la Sci Antilles pour Jules est irrecevable faute d'avoir été interjeté avec l'assistance de son administrateur judiciaire. Il estime rapporter la preuve de l'existence d'un trouble anormal du voisinage, par la production de constats d'huissier et d'une expertise non contradictoire, consistant dans la perte de valeur de sa propriété du fait de la perte de la vue sur la mer, ainsi que du fait d'un vis-à-vis important. Il souligne que la régularisation du permis de construire par l'appelant est indifférente à l'existence du trouble anormal du voisinage.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 avril 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1- Sur la recevabilité de l'appel.

Attendu qu'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l 'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Attendu qu'en application de l'article L. 622-1 du code de commerce, même si le jugement d'ouverture d'une sauvegarde de justice ou d'un redressement judiciaire n'emporte pas dessaisissement du débiteur et que, sauf mission de représentation confiée à l'administrateur judiciaire, le débiteur reste à la tête de son entreprise, ce dernier doit néanmoins être assisté par son administrateur pour les actes d'administration et de gestion, de sorte que l'assistance doit également s'imposer pour les actes de procédure et les actions en justice ;

Que l'article 126 du code de procédure civile permet la régularisation de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir par l'intervention à l'instance de celui qui a qualité à agir ;

Que lorsque l'acte correspond à l'exercice d'une voie de recours, la régularisation doit intervenir dans le délai du recours, et lorsque l'acte correspond à l'exercice d'un droit d'action, la régularisation peut intervenir pendant l'instance jusqu'à ce que le juge statue ;

Qu'en conséquence, l'appel formalisé par un débiteur sous sauvegarde, sans l'assistance de l'administrateur désigné avec une mission d'assistance pour les actes de gestion, ne peut être régularisé par l'intervention de celui-ci qu'avant l'expiration du délai prescrit pour exercer le recours que la signification du jugement à ce mandataire a fait courir ;

Qu'en l'espèce, l'intimé verse aux débats un extrait du Bodacc du 15 janvier 2016 faisant apparaître que par jugement du 8 décembre 2015, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la Sci Antilles pour Jules et a désigné un administrateur judiciaire, Me A., avec mission d'assistance ;

Qu'il est constant que l'administrateur judiciaire n'a pas été appelé à la procédure devant le premier juge, et n'a pas assisté la Sci Antilles pour Jules pour former appel ;

Que la procédure n'est pas susceptible d'être régularisée puisque l'administrateur est forclos pour régulariser la nullité de l'acte d'appel formé par la Sci Antilles pour Jules seule, le jugement don't appel ayant été signifié à Me A. le 16 décembre 2016 ;

Que la Sci Antilles pour Jules ne peut se prévaloir de la carence de l'administrateur judiciaire alors qu'elle ne justifie d'aucune démarche en vu d'obtenir son assistance et qu'elle pouvait à tout le moins l'appeler à la cause ;

Que l'appel formé par la Sci Antilles pour Jules est par conséquent définitivement irrecevable ;

Que si en application des articles 369 et 372 du code de procédure civile et L. 622-21 du code de commerce, le jugement entrepris, qui a été rendu sans que les organes de la procédure collective ne soient mis en cause, est susceptible d'être déclaré non avenu, il appartient au mandataire représentant les créanciers, dans l'intérêt desquels la règle du dessaisissement est édictée, de s'en prévaloir ;

2- Sur les demandes accessoires.

Attendu qu'aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens ;

Que les dépens seront à la charge de la Sci Antilles pour Jules don't l'appel est irrecevable ;

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par remis au greffe,

Déclare l'appel formé par la Sci Antilles pour Jules irrecevable ;

Condamne la Sci Antilles pour Jules aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la Selarl C.-B. en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes contraires ou plus amples.