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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 18 juin 2018, n° 18/02229

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BAT Industries PLC (Sté)

Défendeur :

Sequana (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Brière

Conseillers :

Mme Guillou, Mme Dubois-Stévant

Avocat :

Selarl Lexavoue Paris-Versailles

T. com de Nanterre, du 18 mai 2017, n° 2…

18 mai 2017

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien B., Avocat Général dont l'avis du 10/04/2018 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.

Le groupe Sequana est composé de la société holding Sequana et de ses filiales Antalis international et Arjowiggins et a pour activités principales la distribution de papiers, de solution d'emballage et de supports de communication visuelle et la production de papiers.

Le groupe a engagé une restructuration financière en 2014 et les sociétés Antalis international, Arjowiggins et Sequana ont fait l'objet d'une procédure de conciliation devant le tribunal de commerce de Nanterre qui a homologué les protocoles de conciliation par jugement en date du 27 juin 2014.

La société Sequana a été attraite devant la High court of justice de Londres la licéité des distributions de dividendes dont elle avait bénéficié en 2008 et 2009 de la part de son ancienne filiale, la société Windward prospects, étant remise en cause et les sociétés BAT industries et BTI 2014 demandant sa condamnation au paiement de la somme totale de 578 M€.

Par ordonnance du 1er juin 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de mandat ad hoc, la SELARL FHB prise en la personne de Me B. et de Me C. étant désignée en qualité de mandataire ad hoc avec notamment mission d'assister la société Sequana en vue de trouver une solution amiable au litige.

Par décision du 11 juillet2016, la High court of justice de Londres a notamment estimé que la distribution de dividendes réalisée en mai 2009 pour 135 M€ contrevenait aux dispositions de la loi britannique sur l'insolvabilité.

Par ordonnance du 28 octobre 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a mis fin à la procédure de mandat ad hoc et, le même jour, a ouvert une procédure de conciliation au profit de la société Sequana, la SELARL FHB prise en la personne de Me B. et de Me C. étant désignée en qualité de conciliateur, à laquelle il a été mis fin par ordonnance du 8 novembre 2016.

Par ordonnance du 23 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une nouvelle procédure de mandat ad hoc, la SELARL FHB prise en la personne de Me B. et de Me C. étant désignée en qualité de mandataire ad hoc.

Par décision du 10 février2017, la High court of justice de Londres a condamné la société Sequana à payer aux sociétés BAT industries et BTI 2014 les sommes de 138,4 M$ en réparation du préjudice actuel, de 43,008 M€ en réparation du préjudice futur et de 9,6 M£ à titre de provision pour frais de justice.

La High court of justice de Londres a autorisé la société Sequana à interjeter appel des deux décisions des 11 juillet 2016 et 10 février 2017 en précisant que la somme de 5,778 M£, représentant une quote-part de la provision pour frais de justice, était exigible au 5 mai 2017.

Sur demande de la société Sequana et par jugement du 15 février 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde pour une durée de six mois et désigné la SELARL FHB prise en la personne de Me B. en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL C. B. prise en la personne de Me B. en qualité de mandataire judiciaire.

Les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont formé tierce opposition à cette décision. Par jugement du 6 avril 2017, le tribunal a dit la tierce opposition irrecevable, débouté les sociétés BAT industries et BTI 2014 de toutes leurs autres demandes et débouté la société Sequana de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Sur appel des sociétés BAT industries et BTI 2014 et par arrêt du 12 juin 2018, la cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.

Entre temps, sur requête de la société Sequana et par ordonnance du 31 mars2017, le juge-commissaire a, sur le fondement de l'article L. 622-7 du code de commerce, autorisé la société Sequana à :

- établir et soumettre au visa de l'Autorité des marchés ('AMF') un prospectus en vue de la cotation des titres de la société Antalis international ;

- présenter à la prochaine assemblée générale des actionnaires de la société Sequana une résolution visant à distribuer un dividende en nature à ses actionnaires constitué de 10 à 30 % des actions de la société Antalis international ;

- de procéder, sous condition d'une vote favorable de l'assemblée générale des actionnaires de la société Sequana, à la distribution à ses actionnaires d'un dividende en nature constitué globalement de 10 à 30 % des actions de la société Antalis international.

Par requête du 7 avril 2017, les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont formé un recours à l'encontre de cette ordonnance en sollicitant son infirmation devant le tribunal qui, par jugement du 18 mai 2017, a pour l'essentiel dit irrecevable 'l'opposition' formée par les sociétés BAT industries et BTI 2014 sur le fondement des articles 583 du code de procédure civile, R. 621-21 et L. 622-7 du code de commerce.

L'assemblée générale des actionnaires de la société Sequana du 6 juin 2017 a approuvé la distribution de dividendes à laquelle il a été procédé le 12 juin suivant, date de l'introduction en bourse de la société Antalis international.

Par déclaration du 29 mai 2017, les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont fait appel du jugement du 18 mai 2017 et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 octobre 2017, elles demandent à la cour :

- de déclarer recevable l'opposition qu'elles ont formée contre l'ordonnance du juge-commissaire sur le fondement des articles R. 621-21 et L. 622-7 du code de commerce ;

- de déclarer que le juge-commissaire a excédé ses pouvoirs en autorisant la société Sequana à procéder à la distribution à ses actionnaires d'un dividende en nature constitué globalement de 10 à 30 % des actions de la société Antalis international ;

- de déclarer que le tribunal a lui-même excédé ses pouvoir en les déboutant de leur recours et en confirmant l'ordonnance du 31 mars2017 ;

- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau, d'infirmer l'ordonnance du 31 mars2017 en toutes ses dispositions ;

- de débouter la société Sequana et les SELARL FHB ès qualités et C. B. ès qualités de leurs demandes ;

- de condamner la société Sequana à payer à chacune d'elles la somme de 30 000 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Sequana aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.

Elles soutiennent pour l'essentiel :

- que leur action n'est pas, comme le soutiennent les organes de la procédure, devenue sans objet ;

- qu'elle est recevable dès lors que l'article R. 621-21 du code de commerce ouvre un recours à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire à toutes personnes dont les droits et obligations sont affectés, que l'ordonnance attaquée, en autorisant une distribution massive de dividendes, affecte particulièrement leurs droits et obligations en mettant en péril le recouvrement de leurs créances représentant la quasi totalité du passif chirographaire, qu'elles ont, en outre, un intérêt propre à contester une opération de distribution de dividendes qui leur cause un préjudice distinct et est intervenue en fraude de leurs droits ; que la règle de la représentation des intérêts collectifs des créanciers par le mandataire judiciaire ne peut leur être opposée au premier motif que leur action est fondée sur la fraude, au deuxième motif que la collectivité des créanciers n'est pas atteinte par la distribution des dividendes dès lors qu'après cette opération les actifs de la société Sequana couvrent le passif privilégié et chirographaire inscrit dans les comptes mais pas leur créance qui n'a même pas été provisionnée, le plan de sauvegarde permettant ainsi le paiement des autres créances en trois mois, et au troisième motif qu'elles fondent leur recours sur la violation de l'article L. 622-7 du code de commerce en considérant que le paiement autorisé de dividendes en nature aux actionnaires constitue un paiement prohibé dont tout intéressé peut demander l'annulation notamment en contestant la décision du juge-commissaire autorisant ledit paiement ;

- sur le fond, que le juge-commissaire a excédé ses pouvoirs en autorisant un paiement illicite de dividendes aux actionnaires en violation de l'article L. 622-7 du code de commerce, qu'en effet il ne s'est pas seulement prononcé sur un acte de disposition mais a autorisé le paiement d'une créance de dividendes à l'égard des actionnaires, qu'un tel paiement est irrégulier au premier motif qu'intervenant en période d'observation il porte atteinte au gage des créanciers et au droit à remboursement des créanciers prioritairement au paiement de dividendes aux actionnaires, au deuxième motif qu'il se heurte à l'incapacité de la société Sequana d'assurer le paiement de leur créance et à l'absence de provision dans les comptes sociaux au titre du litige et au troisième motif qu'une telle créance de dividendes à l'égard des actionnaires n'est pas une créance pouvant bénéficier du traitement préférentiel des créances postérieures au jugement d'ouverture ;

- que la distribution de dividendes autorisée est ruineuse et constitutive d'une fraude paulienne dès lors que l'insolvabilité de la société Sequana est avérée au jour de la distribution de dividendes et que cette opération a appauvri incontestablement la société Sequana, peu important un hypothétique enrichissement futur, que la recherche de financement allégué ne peut justifier un appauvrissement immédiat de 42 M€, qu'une distribution de dividendes n'est pas le seul mode possible d'introduction en bourse de la filiale Antalis comme le soutiennent les intimés.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 novembre 2017, la société Sequana demande à la cour à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les appelantes irrecevables en leur recours, à titre subsidiaire, de rejeter le recours formé par les appelantes et de condamner solidairement les appelantes à lui payer la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elle soutient pour l'essentiel :

- que le III de l'article L. 622-7 du code de commerce ne prévoit pas que tout intéressé puisse former un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant un acte de disposition étranger à la gestion courante du débiteur en application du II du même article, une telle ordonnance n'étant ni un 'acte' ni 'un paiement' à l'encontre desquels une action en nullité est possible, de sorte que le recours des sociétés BAT et BTI n'est pas recevable sur ce fondement ;

- que le recours des sociétés BAT et BTI n'est pas non plus recevable sur le fondement de la fraude, que les dispositions de l'article 1341-2 du code civil régissant l'action paulienne ne sont pas applicables en l'espèce, que les appelantes ne font pas la démonstration du caractère frauduleux de l'opération autorisée par le juge-commissaire, que la diminution de l'actif de la société Sequana par effet de la distribution de dividendes en actions de sa filiale n'est pas le but ultime et dissimulé d'une prétendue fraude, qu'elle est justifiée et compensée par les bénéfices attendus pour l'introduction en bourse de la société Antalis international ainsi opérée sans aléa de marché et ensuite la levée de nouveaux financements permettant la poursuite et la pérennité de l'entreprise ;

- sur le fond, que l'opération autorisée par le juge-commissaire est justifiée et conforme à son intérêt social et à celui de ses filiales et de ses créanciers ainsi qu'aux objectifs de la procédure de sauvegarde dès lors qu'elle a permis, avant même l'introduction en bourse, l'obtention de prêts pour un montant total de 29 M€, qu'elle autorise la cession d'actions de la société Antalis international en fonction de ses besoins, que la société Antalis international peut elle-même procéder à des levées de fonds, que la cotation par voie de distribution était la seule à même de valoriser cette filiale et d'assurer la réussite de l'introduction en bourse ;

- que le juge-commissaire n'a pas autorisé le paiement d'une créance ni excédé ses pouvoirs alors qu'il était saisi d'une requête fondée sur le seul II de l'article L. 622-7 du code de commerce et que la cotation des titres de la société Antalis international dans toutes ses modalités, dont celle d'une distribution d'un dividende en nature assurant la cotation sans aléa de marché, constitue bien un acte de disposition étranger à la gestion courante ;

- subsidiairement, qu'il n'existe aucun principe général qui s'opposerait au versement d'un dividende, même en numéraire, que la distribution de dividendes en actions de la société Antalis international est conforme aux objectifs de la procédure de sauvegarde puisqu'elle s'intègre dans une opération permettant de financer un plan de sauvegarde et de faciliter la réorganisation de l'entreprise pour permettre la poursuite de l'activité, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, que le défaut de provision, fondé sur les arguments juridiques sérieux qu'elle estime pouvoir porter en appel dans le litige l'opposant aux appelantes, a été approuvé par ses commissaires aux comptes et porté à la connaissance des actionnaires et du public, que la 'créance de dividende' a incontestablement été utile au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce et est née pour les besoins de la procédure collective, que l'opération n'est pas ni frauduleuse ni ruineuse ni ne tend à organiser son insolvabilité.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 octobre 2017, Me B. ès qualités et Me B. ès qualités demandent à la cour:

- de dire et juger que la demande des appelantes est dépourvue d'objet et en conséquence de déclarer les appelantes irrecevables ou, à défaut, dire qu'il n'y a pas lieu de statuer ;

- à titre subsidiaire, de déclarer irrecevable le recours formé par les appelantes et de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- à titre très subsidiaire, de rejeter les prétentions des appelantes ;

- en tout état de cause, de condamner solidairement les appelantes à leur payer la somme de 15 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Ils soutiennent pour l'essentiel :

- que l'intérêt à agir doit s'apprécier à la date à laquelle le juge statue lorsqu'un demandeur peut perdre son intérêt à agir en cours d'instance, qu'en tout cas lorsqu'une demande est devenue sans objet la juridiction saisie n'a pas à statuer, que tel est le cas en l'espèce les sociétés BAT et BTI n'ayant plus intérêt à agir et leur demande étant dépourvue d'objet dès lors que l'opération autorisée par le juge-commissaire a été réalisée par l'introduction sur le marché des actions de la société Antalis international le 12 juin 2017 ;

- que le recours exercé par les sociétés BAT et BTI a été formé expressément sur le fondement de l'article R. 621-21 du code de commerce et qu'il ne peut dès lors s'analyser en un recours-nullité fondé sur un potentiel excès de pouvoir du juge-commissaire dont il ne respecte ni la forme ni le fond, qu'en vertu de l'article R. 621-21 un tiers ne peut exercer un recours à l'encontre d'une ordonnance du juge-commissaire que si ses droits et obligations sont affectés par la décision et que le mandataire judiciaire, représentant les créanciers, est seul compétent pour exercer un recours dans l'intérêt collectif des créanciers sauf à ce que le créancier puisse faire valoir un intérêt propre distinct de celui de la collectivité des créanciers, qu'en l'espèce l'ordonnance entreprise n'a pas été notifiée aux sociétés BAT et BIT lesquelles, en leur qualité de créancier chirographaire, ne disposent pas d'un intérêt propre distinct de celui de la collectivité des créanciers, le grief allégué, constitué du risque de ne pas voir leur créance apurée, étant commun à tous les créanciers que seul le mandataire judiciaire est en droit de défendre ;

- que le recours des appelantes est également irrecevable en tant qu'il est formé sur le fondement du III de l'article L. 622-7 du code de commerce, que ces dispositions n'ont en effet pas pour objet de permettre à tout intéresser d'exercer un recours à l'encontre d'une ordonnance du juge-commissaire mais seulement d'obtenir la nullité d'un acte ou d'un paiement passé en violation de l'article L. 622-7 ; qu'en tout état de cause l'opération autorisée par le juge-commissaire ne constitue pas un paiement prohibé ;

- que les appelantes ne font pas la démonstration d'une fraude, que l'opération autorisée par le juge-commissaire est conforme à l'intérêt social de la société Sequana et à celui de ses créanciers et qu'elle n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte aux intérêts de ses créanciers en ce qu'elle accroît sa capacité de financement et préserve ses ressources propres en permettant à sa filiale Antalis international de financer elle-même sa croissance et qu'elle accroît la valeur de ses deux filiales, donc de son propre patrimoine, tout en ménageant ses ressources et en confortant la pérennité de l'emploi des entreprises du groupe, que cette opération a été menée de manière transparente ;

- que, pour les mêmes raisons, l'opération autorisée est bien fondée ; qu'elle est dépourvue de caractère frauduleux dès lors qu'elle n'est pas ruineuse, que la société Sequana n'est pas en état de cessation des paiements, la condamnation en faveur des sociétés BAT et BTI n'étant pas devenue exécutoire dès lors que la levée du sursis à exécution a été prononcée par la justice anglaise en considération du fait que la procédure de sauvegarde produit un effet similaire, que la cotation des titres de la société Antalis international par voie de distribution d'actions aux actionnaires de la société Sequana s'est avérée la méthode la plus efficace et sûre d'introduction en bourse et qu'enfin l'opération autorisée ne constitue pas l'organisation par la société Sequana de son insolvabilité ;

- que le juge-commissaire n'a pas commis d'excès de pouvoir ; que son autorisation ne porte pas sur le paiement d'une créance ne bénéficiant pas du traitement préférentiel mais sur l'engagement d'un actif de la société Sequana par la cotation des titres de la société Antalis international ; que le versement de dividende sous forme d'actions dans le cadre d'une opération globale visant uniquement l'introduction en bourse de la société Antalis international ne constitue pas le paiement prohibé d'une créance préexisante à la décision du juge-commissaire et ne bénéficiant pas du traitement prévu par l'article L. 622-17 du code de commerce, que l'opération autorisée n'est qu'une modalité du plan de sauvegarde alors en cours de préparation ; que si la cour devait considérer que l'opération autorisée pouvait être réduite au paiement d'une créance postérieure elle ne pourra que constater que cette créance est née régulièrement pour les besoins de la procédure et que l'opération autorisée est utile à la procédure ; qu'enfin la distribution de titres de la société Antalis international n'est pas irrégulière, que l'absence de provision est sans lien avec le présent litige et qu'en tout état de cause la décision de ne pas passer de provision dans les comptes est conforme à la réglementation.

Le ministère public est d'avis que la cour confirme le jugement considérant que les appelantes ne justifient pas d'un intérêt propre au sens de l'article R. 621-21 du code de commerce, leur intérêt étant le même que celui des autres créanciers de la procédure représentés par le mandataire judiciaire conformément à l'article L. 622-20 du code de commerce. Il ajoute que l'applicabilité du II de l'article L. 622-7 du code de commerce est fondée en l'espèce sur les objectifs généraux que la loi, à savoir l'article L. 620-1, impose aux juges de prendre en considération : 'permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif'. Cet avis a été communiqué par RPVA le 11 octobre 2017.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l'intérêt à agir des sociétés BAT et BTI :

Invoquant les articles 31 et 122 du code de procédure civile les organes de la procédure soutiennent que la demande des appelantes est devenue sans objet dès lors que l'opération autorisée par le juge-commissaire a été réalisée par l'introduction sur le marché des actions de la société Antalis international le 12 juin 2017 postérieurement à la déclaration d'appel de sorte que soit les sociétés BAT et BTI sont irrecevables, soit il n'y a pas lieu de statuer sur leur demande devenue sans objet.

L'intérêt au succès d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendue sans objet. Le recours formé devant le tribunal puis l'appel interjeté à l'encontre du jugement étant en l'espèce antérieurs à l'exécution de l'ordonnance litigieuse et les sociétés BAT et BTI n'ayant pas perdu leur qualité à agir conservent un intérêt au succès de leur prétention. Il convient dès lors d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par les organes de la procédure et de statuer sur les demandes des sociétés BAT et BTI.

Sur la recevabilité du recours :

L'ordonnance du juge-commissaire, fondée sur le II de l'article L. 622-7 du code de commerce, porte sur l'autorisation donnée à la société Sequana de distribuer des dividendes à ses actionnaires. Cette distribution de dividendes, qui est un acte de disposition étranger à la gestion courante, devait être mise en oeuvre par la distribution d'actions de la société Antalis international que la société Sequana détient, une telle distribution d'actions étant elle-même opérée par le biais d'une introduction en bourse de la société Antalis international.

En saisissant le tribunal de l'ordonnance du juge-commissaire, les sociétés BAT et BTI ont exercé le recours prévu à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire par l'article R. 621-21 du code de commerce. Elles n'ont pas formé tierce opposition en application de l'article 583 du code de procédure civile, un tel recours devant être porté devant le juge qui a pris la décision critiquée.

Par ailleurs, les sociétés BAT et BTI n'ont exercé ni une action en nullité d'un paiement prohibé, fondée sur le III de l'article L. 622-7 du code de commerce, une telle action devant être exercée devant le tribunal de la procédure collective saisi par assignation et ne pouvant être dirigée contre une décision juridictionnelle, ni une action paulienne, fondée sur l'article 1341-2 nouveau du code civil que les sociétés appelantes ne visent pas dans leurs conclusions même si elles qualifient la fraude qu'elles allèguent de 'paulienne', une ordonnance du juge-commissaire ne pouvant pas non plus être attaquée par une telle action mais seulement par les voies de recours ouvertes par la loi.

En outre, en sollicitant l'infirmation du jugement et de l'ordonnance et le débouté de la société Sequana et des organes de la procédure, les sociétés BAT et BTI ont formé un recours-réformation puis un appel-réformation et non un recours-nullité puis un appel-nullité quand bien même elles invoquent devant la cour un excès de pouvoir du juge-commissaire et du tribunal dont elles ne tirent pas les conséquences juridiques dans le dispositif de leurs conclusions.

La recevabilité du recours-réformation des sociétés BAT et BTI doit donc être examinée au regard des seules dispositions de l'article R. 621-21 du code de commerce dont il résulte que seules les parties et les personnes dont les droits et obligations sont affectés par une ordonnance du juge-commissaire peuvent exercer ce recours devant le tribunal de la procédure collective saisi sur requête.

Les sociétés BAT et BTI soutiennent que leurs droits et obligations sont affectés par l'ordonnance du juge-commissaire et qu'elles ont un intérêt propre et distinct de la collectivité des créanciers en ce que l'ordonnance critiquée met en péril le recouvrement de leurs créances chirographaires représentant la quasi-totalité du passif chirographaire et qu'après la distribution des dividendes les actifs du débiteurs demeurent suffisants pour couvrir les autres créances mais pas les leurs.

Ce faisant, les sociétés BAT et BTI, créanciers chirographaires dont les créances indemnitaires sont fondées sur une décision de justice frappée d'appel, invoquent l'atteinte à leur intérêt de créanciers chirographaires au recouvrement de leurs créances. Cet intérêt se confond avec celui collectif des créanciers dont le mandataire judiciaire a seul qualité pour assurer la défense, et ce quelque soit le rang et le montant des créances déclarées. Elles ne disposent par ailleurs d'aucun droit propre pour s'opposer à la distribution de dividendes autorisée par le juge-commissaire.

Quant à la fraude, elle ne peut être invoquée par les créanciers, au stade de la recevabilité de leur recours, qu'à l'appui de l'exercice d'une tierce opposition en application de l'article 583 du code de procédure civile que les sociétés BAT et BTI n'ont pas formée et dont la cour, par suite, n'est pas saisie.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le recours exercé par les sociétés BAT et BIT à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire en application de l'article R. 621-21 du code de commerce n'est pas recevable. Il convient dès lors de confirmer le jugement du 18 mai 2017 en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Confirmele jugement rendu le 18 mai 2017 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 à payer à la société Sequana la somme de 20 000 € en application l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 à payer la somme de 10 000 € à la SELARL FHB prise en la personne de Me B. ès qualités en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 à payer la somme de 10 000 € à la SELARL C. B. prise en la personne de Me B. ès qualités en application de l'article l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.