Cass. com., 10 février 2009, n° 07-20.948
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2007), que la société Corporacion Habanos, titulaire de marques verbales et semi-figuratives "Cohiba" pour désigner des produits du tabac, a assigné, sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, la société Fabrica de Calcado Evereste aux fins d'annulation de la partie française de la marque semi-figurative internationale "Cohibas", enregistrée afin de désigner des chaussures ;
Attendu que la société Corporacion Habanos fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :
1°) que le titulaire d'une marque de renommée est en droit d'interdire l'usage dans la vie des affaires d'un signe similaire à sa marque pour des produits ou services différents de ceux pour lesquels sa marque a été enregistrée si l'usage de ce signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de sa marque ; qu'une telle situation se rencontre lorsque le public, en raison du lien pouvant être fait entre les signes, éprouve une attraction particulière pour les produits ou services du fait qu'ils sont désignés par une marque similaire à la marque antérieure de renommée ; qu'en affirmant, en l'espèce, que si la renommée des marques "Cohiba" était avérée, la société Corporacion Habanos ne rapporterait pas la preuve d'une utilisation injustifiée du signe Cohiba, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'adoption par la société Fabrica de Calcado Evereste du signe Cohibas à titre de marque ne lui permettait pas, en raison des liens qu'il peut susciter avec les marques "Cohiba", de tirer indûment profit de la notoriété attachée aux dites marques "Cohiba" en s'attirant une clientèle amenée à s'intéresser aux produits vendus sous la marque "Cohibas" en raison de l'évocation de l'image et de la renommée des marques "Cohiba" que le signe Cohibas peut susciter dans son esprit, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, en privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 5-2 de la directive 89/104 du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
2°) que le titulaire d'une marque de renommée est en droit d'interdire l'usage dans la vie des affaires d'un signe similaire à sa marque pour des produits différents si l'usage de ce signe, sans juste motif, porte préjudice au caractère distinctif ou à la renommée de la marque ; que l'usage d'un signe imitant une marque de renommée porte préjudice au caractère distinctif de celle-ci lorsque, en raison de l'association que le public peut faire entre les signes, il la banalise et en dilue ainsi l'identité et son emprise sur le public ; qu'en affirmant en l'espèce que la société Corporacion Habanos ne rapporterait pas la preuve d'un préjudice, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'usage par la société Fabrica de Calcado Evereste n'entraînait pas un risque de dévalorisation du prestige et de l'image attachés aux marques de renommée "Cohiba", la cour d'appel a, sur ce point encore, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 5-2 de la directive 89/104 du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
3°) qu'en retenant que "visuellement, les différences graphiques" entre les marques "produisent une impression d'ensemble excluant le risque de confusion chez le consommateur d'attention moyenne qui n'établira pas de liens entre les cigares de luxes et les chaussures", sans rechercher si, alors même qu'il ne les confondrait pas, le public n'effectuerait pas un lien entre les signes Cohiba et Cohibas à raison de leur sonorité similaire, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence de lien pouvant être établi par le public entre les signes en cause et a par là même violé l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 5-2 de la directive 89/104 du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
Mais attendu qu'il incombe au demandeur de rapporter la preuve que l'emploi ou l'imitation d'une marque, dont il est propriétaire et qui jouit d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, lui porte préjudice ou en constitue une exploitation injustifiée ; que, n'étant saisie sur ce point que de conclusions soutenant que l'usage reproché au défendeur était de nature à créer un risque important de dévalorisation du prestige des marques "Cohiba", la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à ces simples allégations visant à déduire cette preuve de la seule utilisation du signe contesté et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que cette absence de preuve rendait inutile, a justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.