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Décisions

Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-16.304

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 30 janv. 2015

30 janvier 2015

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2015), que la société Goupy, titulaire de la marque verbale française « O'Neil » n° 1 579 151, déposée le 7 mars 1990 et régulièrement renouvelée pour désigner, notamment, les services de restauration en classe 43, et la société du Puits, bénéficiaire d'une licence exclusive sur cette marque, ont assigné la société Axelle, qui exploite un bar sous l'enseigne « O'Neill's Irish Pub » ou « Pub O'Neill's » proposant des bières industrielles et offrant un service de restauration, en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et agissements parasitaires ;

Attendu que la société Axelle fait grief à l'arrêt de sa condamnation au paiement de dommages-intérêts à la société Goupy au titre de la contrefaçon de marque et à la société du Puits au titre de la concurrence déloyale alors, selon le moyen :

1°) que pour fixer les dommages-intérêts dus au titre de la contrefaçon, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte ; que pour fixer le préjudice de la société Goupy à la somme de 74 000 euros, la cour d'appel a pris en compte les bénéfices réalisés sur la période considérée par la société Axelle, les redevances qui auraient pu être versées et la dépréciation de la marque ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'exploitation litigieuse avait eu, pour la société Goupy, des conséquences négatives, la cour d'appel, qui a omis de prendre en compte l'un des critères d'appréciation fixés par la loi, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2°) que la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; que la détermination de la réparation sous la forme d'un forfait correspondant au moins à la redevance est alternative et exclut la prise en compte de tout autre critère, tels la perte subie ou le gain manqué ; qu'en se déterminant, pour fixer le préjudice, à la fois aux bénéfices réalisés par la société Axelle et à la redevance qu'elle aurait dû payer pour utiliser la marque, la cour d'appel qui s'est référée à deux critères alternatifs qui s'excluaient l'un l'autre, a violé l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, d'une part, que, l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle devant être interprété à la lumière de la directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui n'admet cette méthode de calcul, à titre d'alternative, que « dans les cas appropriés », l'indemnisation forfaitaire du préjudice subi par la partie lésée, qui ne saurait être inférieure aux redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte, prévu par l'alinéa 2 de ce texte, constitue un aménagement des critères d'évaluation du préjudice ; qu'il en résulte que, dans la mesure où le manque à gagner n'est cité qu'à titre d'exemple des conséquences économiques négatives prises en considération pour l'appréciation du préjudice réellement subi par la partie lésée, au sens de l'alinéa 1 du même texte, de sorte qu'aucun autre critère n'est exclu, la cour d'appel, qui était saisie d'une demande d'indemnisation du préjudice réel à l'appui de laquelle la société Goupy invoquait une perte de redevances, a pu statuer comme elle a fait ;

Et attendu, d'autre part, qu'en prenant en considération, outre les bénéfices réalisés par la société Axelle, tant la perte de redevances que la dépréciation de la marque, la cour d'appel s'est prononcée au vu des conséquences négatives de la contrefaçon ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.