Livv
Décisions

Cass. crim., 12 février 1997, n° 95-85.681

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blin

Rapporteur :

Mme Verdun

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Ryziger et Bouzidi, Me Choucroy

Paris, du 24 oct. 1995

24 octobre 1995

Sur le pourvoi en ce qu'il est formé pour le compte de la société Ammes ;

Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni d'aucune pièce de procédure que la société Ammes ait été partie à l'instance devant les juges du fond ; que, dès lors, le pourvoi, en ce qu'il est formé en son nom, est irrecevable ;

Sur le pourvoi en ce qu'il est formé pour le compte de François X... ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur l'action publique que la société du " Tour de France ", qui organise la compétition cycliste du même nom, est titulaire de marques complexes, constituées de ce nom ou des termes " Le Tour " et de divers éléments figuratifs, déposées notamment pour des vêtements sportifs et des épinglettes ;

Que, lors du " Tour de France " 1993, des casquettes et des épinglettes revêtues du nom " Le Tour de la France " et d'un logo représentant un cycliste, entouré de lauriers et de traits rouge et bleu, ont été commercialisées par la société Ammes ; que son dirigeant, François X..., a été cité devant la juridiction correctionnelle pour contrefaçon de marques ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-9, L. 716-3 du Code de la propriété industrielle, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'avoir reproduit, imité, utilisé une marque en violation des droits conférés par son enregistrement et des interdictions qui découlent de celui-ci ;

" aux motifs adoptés des premiers juges que la société du Tour de France est titulaire de la marque "Le Tour", marque comportant un cycliste penché déposé à l'INPI le 9 octobre 1989 avec revendication couleurs, Le Tour étant en lettres noires sur fond blanc, petite barre bleue et grande barre rouge sur fond blanc, petit vélo bleu, rouge et jaune ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Art Sport Concept s'est vu concéder par la société du Tour de France une licence exclusive de vêtements cyclistes comportant des casquettes vendues sur le Tour, tandis que la société Strapin's est fabricant exclusif pour le Tour de France des épinglettes vendues par cette dernière ; que l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés, qu'il s'agit d'un droit de propriété exclusive et opposable à tous ; qu'en vertu des principes ci-dessus il doit être constaté le monopole exclusif et absolu conféré à la société du Tour de France sur ses marques, de par leur enregistrement ; qu'il convient de relever le caractère, peu pertinent en droit, de l'allégation tirée de la prétendue banalité de la marque "Tour de France", cependant que cette dernière est parfaitement distinctive pour désigner l'ensemble des produits pour lesquels elle est déposée, dont notamment les casquettes et les épinglettes ;

" alors que sont nulles les marques génériques, c'est-à-dire les marques prétendant absorber la totalité des produits d'une espèce donnée, et les marques descriptives car on ne peut permettre à un commerçant de s'approprier les termes indispensables à ses concurrents pour désigner la composition et les qualités d'un produit ; que François X... avait fait valoir que les signes choisis comme marque par la société du Tour de France présentaient avec les produits désignés un lien de nécessité évident excluant leur caractère distinctif et arbitraire ; que, dans le langage courant, il n'y a pas d'autre moyen de désigner l'épreuve le Tour de France que par l'expression "Le Tour" "Le Tour de France" ; que ces termes nécessaires ne peuvent, au regard des prestations qu'ils cherchent à protéger, constituer des marques valables ; que, de surcroît, les marques revendiquées sont descriptives au sens de l'article L. 771-2 b du Code de la propriété intellectuelle, car permettre à la société Le Tour de France de s'approprier les marques "Le Tour" "Le Tour de France", ainsi que la marque emblématique constituée par un cycliste prive manifestement les concurrents des signes et, en particulier des mots indispensables pour décrire leurs produits ou services, ou en vanter les mérites dans le cadre du Tour de France cycliste ; qu'en se contentant d'affirmer que la marque "Tour de France" est parfaitement distinctive pour désigner l'ensemble des produits pour lesquelles elle est déposée et notamment les casquettes et les épinglettes, sans rechercher si son titulaire ne s'appropriait pas la désignation de tous les produits susceptibles d'être vendus sur le circuit du Tour de France, et si, d'autre part, il était possible de décrire de tels produits autrement qu'en se référant audit Tour de France, et en se contentant d'affirmer que la marque Tour de France est parfaitement distinctive pour désigner l'ensemble des produits pour lesquels elle est déposée, dont notamment les casquettes et les épinglettes, les juges du fond n'ont pas justifié d'éléments établissant que les marques revendiquées par la société Le Tour de France n'étaient ni génériques ni nécessaires, de telle sorte que leur décision n'est pas légalement justifiée " ;

Attendu que, pour écarter l'exception invoquée par le prévenu, prise de ce que les marques contrefaites seraient génériques ou descriptives et, comme telles, nulles par application de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, la juridiction du second degré relève, par motifs adoptés, que les dénominations " Tour de France " ou " Le Tour ", qui s'accompagnent d'éléments figuratifs tels qu'un cycliste penché ou 2 roues tricolores, sont distinctives lorsqu'elles s'appliquent aux épinglettes et casquettes vendues durant la manifestation sportive qu'elles désignent ;

Qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, et procédant de son appréciation souveraine du caractère distinctif de la marque imitée, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 du Code de procédure pénale, de l'article 1382 du Code civil, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la cour d'appel a alloué à la société du Tour de France la somme de 100 000 francs au titre de l'atteinte à la marque et la somme de 100 000 francs au titre de son préjudice commercial sans expliquer en quoi ;

" alors que, si les juges du fond sont souverains pour apprécier le montant du préjudice subi, ils ne le sont que pour autant qu'ils ne s'expliquent pas par des motifs insuffisants, illégaux ou contradictoires ; qu'en l'espèce actuelle la décision attaquée alloue à la fois des dommages-intérêts pour atteinte à la marque et des dommages-intérêts pour préjudice commercial sans indiquer la différence qu'elle fait entre les deux sources de préjudice, de telle sorte que leur décision est insuffisamment motivée ;

" alors, d'autre part, que les juges du fond devaient d'autant plus s'expliquer sur les diverses sortes de préjudice subi, et en particulier sur le préjudice commercial qu'il résulte des constatations des juges du fond que la société du Tour de France avait concédé des licences exclusives de marques et n'exploitait donc pas personnellement celles-ci " ;

Attendu que les juges d'appel ont accordé à la société du Tour de France, qui avait concédé à un tiers l'exploitation exclusive de sa marque pour une partie des produits contrefaits, la réparation de l'atteinte à sa marque et du préjudice commercial nés de la contrefaçon ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, par une appréciation souveraine de la consistance du préjudice propre au titulaire de la marque, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions de l'article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Sur le pourvoi en ce qu'il est formé pour le compte de la société Ammes ;

Le déclare IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi en ce qu'il est formé pour le compte de François X... ;

Le REJETTE.