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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 23 mars 2012, n° 10/22368

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

VSL INTERNATIONAL AG (Sté)

Défendeur :

SOLETANCHE FREYSSINET (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachacinski

Conseiller :

M. Rajbaut

TGI Paris, 3e ch. 1re sect., du 28 sept …

28 septembre 2010

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société FREYSSINET INTERNATIONAL STUP, spécialisée dans la précontrainte, l’haubanage et le renforcement des structures a déposé :

- le 4 décembre 2000 une demande de brevet français FR 2 817 566 dont la mention de la délivrance a été publiée le 7 février 2003,

- le 30 novembre 2001 une demande de brevet européen EP 1 211 350 sous priorité du brevet français du 4 décembre 2000 et désignant notamment la France, délivré le 18 février 2004 ;

Par acte du 15 mars 2007, la société de droit suisse VSL INTERNATIONAL AG a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société FREYSSINET INTERNATIONAL STUP en nullité des revendications 1 à 5 du brevet français FR 2 817 566 et de la partie française du brevet européen EP 1 211 350 ;

Le 18 février 2008, la société FREYSSINET INTERNATIONAL STUP devenue le 31 décembre 2008 la société SOLETANCHE FREYSSINET SA a déposé une requête en limitation du brevet européen portant sur les revendications 1 à 6 à laquelle l'Office européen des brevets a fait droit. Le brevet limité EP 1 211 350 B3 a été publié le 22 juillet 2009 ;

Par jugement assorti de l'exécution provisoire du 28 septembre 2010, le tribunal a :

- constaté que les demandes de la société VSL INTERNATIONAL AG portant sur la validité de l'acte introductif d'instance sont sans objet,

- débouté la société VSL INTERNATIONAL AG de l'ensemble de ses demandes en nullité des revendications de la partie française du brevet européen EP 1 211 350 B3 dont la société SOLETANCHE FREYSSINET SA est titulaire,

- débouté la société VSL INTERNATIONAL AG et la société SOLETANCHE FREYSSINET SA de leurs demandes de publication judiciaire,

- condamné la société VSL INTERNATIONAL AG à payer à la société SOLETANCHE FREYSSINET SA la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'appel interjeté le 19 novembre 2010 par la société VSL INTERNATIONAL AG ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 février 2012 par lesquelles la société VSL INTERNATIONAL AG demande à la cour :

- de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de statuer à nouveau,

- de constater que les tests réalisés le 29 juin 2009 par la société SOLETANCHE FREYSSINET SA et versés aux débats, l'ont été selon une spécification interne H H2000SPA 001 que la société SOLETANCHE FREYSSINET utilise dans sa pièce n°6 intitulée 'Rapport d'essai de vérification du critère d'adhérence gaine/acier sous variation de température',

- de constater que cette spécification interne, dont le préambule précise le caractère confidentiel, ne pouvait être connu de l'homme du métier à la date du dépôt du brevet français soit 30 novembre 2001,

- de constater que la société SOLETANCHE FREYSSINET sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et donc en ce qu'il a décidé qu'elle ne contestait pas en eux-mêmes les calculs qu'elle a réalisés, ni leur résultat (page 9, 2ème paragraphe),

- de constater que la société SOLETANCHE FREYSSINET ne conteste pas les résultats du rapport d'essais effectués par la Haute Ecole Spécialisée Bernoise à sa demande (pièce n° 4),

- de déclarer nulles les revendications 1 à 8 de la partie française du brevet européen EP 1 211 350 pour absence de nouveauté et/ou d'activité inventive et en toute hypothèse pour insuffisance de description,

- de dire que la décision sera notifiée au Directeur de l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'enregistrement au Registre national des brevets,

- d'ordonner la publication de l'arrêt à venir dans cinq publications de son choix et aux frais avancés de la société SOLETANCEH FREYSSINET SA et ce sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 5.000 euros,

- de condamner la société SOLETANCHE FREYSSINET SA à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- dans l'hypothèse où la société SOLETANCHE FREYSSINET SA viendrait à contester ses calculs, ses essais et ses résultats pour expliquer l'enseignement technique du document FREYSSINET Haubans 1994, de nommer un expert avec pour mission d'interpréter l'enseignement du document sur la base duquel lesdits calculs ont été réalisés et de vérifier les essais réalisés et les résultats obtenus,

- de condamner la société SOLETANCHE FREYSSINET aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 février 2012 par lesquelles la société SOLETANCHE FREYSSINET SA prie la cour :

- de déclarer irrecevable, et en toute hypothèse mal fondée, la société VSL INTERNATIONAL AG en son appel du jugement du 28 septembre 2010 lequel devra être confirmé en toutes ses dispositions,

- de dire que la demande de la société VSL INTERNATIONAL AG en nullité des revendications 1 à 8 du brevet français FR n° 2 817 566 est dépourvue d'objet puisqu'elle a renoncé à ce brevet,

- de constater que la société VSL INTERNATIONAL AG ne conteste pas avoir sollicité un expert en dehors du domaine technique de l'invention et sans lien avec l'homme du métier identifié et défini par le tribunal,

- de constater que la société VSL INTERNATIONAL AG ne conteste pas que le rapport d'essais daté du 1er février 2012 n'est pas valable et, en tout hypothèse, qu'il ne lui permet pas de contester les essais qu'elle a effectués en l'absence d'éléments pertinents de comparaison,

- de débouter la société VSL INTERNATIONAL AG de sa demande de nullité des revendications 1 à 8 du brevet européen EP 1 211 350, et plus généralement de l'ensemble de ses prétentions comme étant dénuées de tout fondement,

- d'ordonner la publication de l'arrêt dans trois journaux, magazines ou revues de son choix et aux frais de la société VSL INTERNATIONAL AG, sans que le coût global n'excède la somme totale de 35 000 euros hors taxes, sauf à parfaire,

- de condamner la société VSL INTERNATIONAL AG à lui payer la somme complémentaire de 170.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire, ainsi qu'aux entiers de première instance et d'appel ;

SUR QUOI, LA COUR :

Il convient en premier lieu de constater que le litige qui oppose la société VSL INTERNATIONAL AG à la société SOLETANCHE FREYSSINET ne porte plus sur les revendications 1 à 8 du brevet français FR n° 2 817 566, la société titulaire du brevet ayant renoncé à ce titre par déclaration faite à l'Institut national de la propriété industrielle le 5 septembre 2011 ;

Le litige ne porte désormais plus que sur les revendications 1 à 8 du brevet EP1 211 350 B3 tel que limité ;

Sur l'insuffisance de description :

L'article 83 de la Convention européenne sur le brevet européen prévoit que l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ;

L'article 138 (1) b) dispose que le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ;

La règle 42 du Règlement d'exécution de la Convention sur la délivrance des brevets européens énonce ce que doit contenir la description ;

Il ne saurait tout d'abord être fait reproche à la société VSL INTERNATIONAL AG de n'avoir soulevé le moyen tiré de l'insuffisance de description que dans les conclusions du 10 mars 2010 dans la mesure où ce moyen ne constituait qu'une réaction à la limitation du brevet EP 1 211 350 dont la publication est intervenue le 22 juillet 2009 au cours de la procédure de première instance ;

La société VSL INTERNATIONAL AG soutient que si la caractéristique relative au fait que 'la gaine suit les déformations macroscopiques des brins métalliques' devait être considérée comme limitative, l'objet des revendications 1 à 8 de la partie française du brevet EP 1 211 350 B3 devrait être considéré comme insuffisamment décrit pour permettre à l'homme du métier de reproduire l'objet de l'invention revendiquée ;

Elle ajoute qu'il n'existait aucune norme à la date du dépôt du brevet permettant à l'homme du métier de vérifier si la gaine suivait ou non les déformations macroscopiques des brins métalliques, la spécification interne de la société SOLETANCHE FREYSSINET étant confidentielle et la norme XP A 35-037-1 ayant été publiée au mois de mai 2003, soit à une date postérieure à la date de priorité ;

Elle précise que la description du brevet ne contient aucun exemple de toron selon l'invention ainsi qu'aucune valeur de l'aire de l'interstice périphérique qui permette à la gaine de suivre les déformations macroscopiques des brins métalliques ;

Mais le fait que la spécification interne Freyssinet ou la norme AFNOR XP A 35-037-1 était confidentielle pour la première ou inexistante pour la seconde à la date du dépôt du brevet n'exerce aucune influence sur la compréhension que l'homme du métier qui fait appel à ses connaissances générales doit avoir de la description, laquelle, claire et complète, doit lui permettre sans effort excessif de réaliser l'invention ;

En effet, comme le souligne la société SOLETANCHE FREYSSINET, les caractéristiques divulguées dans la description faisaient partie de celles qui n'avaient pas encore fait l'objet d'une norme laquelle n'a été établie que postérieurement à la date de priorité ;

Cette absence de norme n'interdit cependant pas à l'homme du métier de comprendre l'invention telle que décrite puisque la description fait mention :

- d'un groupement de brins torsadés contenus dans une gaine extérieure en matériau plastique [0021],

- d'un produit souple de remplissage destiné à combler les interstices internes en forme de triangle curviligne et les interstices périphérique [0022 et 0023],

- de la valeur du périmètre extérieur du groupement de brins et le diamètre des brins périphériques [0023],

- de la valeur de l'aire comprise entre P x emin et 0,6 x S2 [0024],

- du procédé de fabrication du toron (écartement des brins à l'aide de mâchoires, passage dans la filière d'extrusion, introduction du produit souple de remplissage, libération des mâchoires, débordement du produit sur la périphérie, gabarit d'essuyage, injection de la matière plastique de la gaine [0026],

- de l'indication de la quantité de produit laissée par le gabarit d'essuyage par unité de longueur représenté par un volume compris entre S min = S1 + (P x e min) et Smax = S1 + (0,6 x S2) [0027],

dans le but d'obtenir des torons semi-adhérents dans lesquels la quantité régulée de produit souple de remplissage permet de conserver les avantages d'un toron gainé-graissé ou gainé-ciré tout en assurant que la gaine individuelle suive les déformations macroscopiques des brins métalliques (colonne 2 lignes 37 à 42) afin d'éviter une dégradation de la gaine et une néfaste perte d'étanchéité de celle-ci ;

Que contrairement à ce que soutient la société VSL INTERNATIONAL AG, l'enseignement du brevet permet à l'homme du métier de préparer un toron ayant une quantité de cire donnée par unité de longueur afin de lui faire subir des variations de température - la plage de température -30°C à +70°C retenue étant celle applicable aux haubans de pont de par le monde - dans le but de mesurer le mouvement de la gaine par rapport aux brins métalliques ;

En régulant la quantité de produit souple de remplissage et en tenant compte des éléments quantitatifs fournis dans la description, l'homme du métier, à l'aide d'une simple vérification expérimentale, laquelle est à sa portée, pourra suivre les déformations macroscopiques des brins métalliques ;

Il se déduit de ce qui précède que l'insuffisance de description alléguée n'est pas caractérisée et que le jugement déféré sera sur ce point confirmé ;

Sur la demande de nullité du brevet EP 1 211 350 B 3 :

La société VSL INTERNATIONAL AG soulève :

- une absence de nouveauté ou d'activité inventive de la revendication 1 par rapport au document Freyssinet Haubans 1994,

- une absence de nouveauté ou d'activité inventive des revendications dépendantes 2 à 5 par rapport à ce même document,

- une absence d'activité inventive des revendications 6 à 8 par rapport au document Freyssinet Hauban 1994 en combinaison avec le brevet américain Lang n° 3 646 748 et/ou du brevet américain Smith n° 4 623 504 ;

Le domaine technique de l'invention :

L'invention du brevet contesté intitulé 'Toron individuellement protégé, son utilisation dans la construction, et procédé de fabrication' est relative aux torons individuellement protégés utilisés dans les ouvrages de génie civil, notamment pour précontraindre ou suspendre des portions d'ouvrage ;

La description enseigne que les torons comprennent un assemblage de fils métalliques torsadés entre eux, qui sont le plus souvent au nombre de sept lesquels sont soumis à un traitement électrochimique (galvanisation, galfanisation...) dans le but d'améliorer leur résistance à la corrosion ;

S'il est couramment utilisé des torons non revêtus destinés à être placés dans un environnement non corrosif, il existe des torons individuellement protégés par une gaine en matière plastique, habituellement un polyéthylène à haute densité (PEHD) ou un époxy qui créé une barrière étanche autour des fils métalliques ;

Un produit de remplissage constitué de cire, de graisse ou d'un polymère comble les intervalles existants entre les fils métalliques et la gaine individuelle afin de renforcer la protection du toron contre la corrosion ;

Selon le brevet, il existe des produits de remplissage qui permettent, soit un glissement des fils métalliques toronnés par rapport à leur gaine individuelle, il s'agit alors d'un toron gainé-graissé ou gainé-ciré, soit une adhérence pour transmettre des efforts de cisaillement entre la gaine et le toron, il s'agit alors d'un toron cohérent utilisé lorsqu'il est nécessaire de transmettre des efforts tangentielles de la gaine aux fils métalliques comme pour les câbles porteurs de ponts suspendus ;

S'agissant du toron gainé-graissé ou gainé-ciré, le produit de remplissage est un lubrifiant lequel permet :

- a) d'améliorer le comportement en fatigue du toron en lubrifiant les contacts entre ses fils métalliques,

- b) d'éviter que la tension à laquelle le toron est soumis engendre, compte tenu de la forme du toron, des concentrations de contrainte de cisaillement et/ou de traction dans certaines portions du toron, ce qui risque de provoquer une fissuration de la gaine et donc une perte d'étanchéité exposant le métal aux agents corrosifs,

- c) dans certaines configurations, de permettre le remplacement des torons un par un, la gaine restant en place dans la structure ;

L'expérience a établi que le câble comprenant un ou plusieurs torons gainés-graissés ou gainés-cirés était soumis à des variations de tension et de température lesquelles provoquent des allongements différents de la gaine et des fils torsadés, la matière plastique de protection et le métal n'ayant pas la même élasticité et le même coefficient de dilatation thermique ;

Il a été constaté des endommagements de la gaine lorsqu'elle s'allonge à la chaleur ou se rétracte au froid de sorte que la gaine ne remplit plus son office de protection des fils métalliques contre la corrosion ;

Si dans le toron cohérent, le produit de remplissage est un polymère adhérisé sur les fils et sur l'intérieur de la gaine lequel ne permet pas de parvenir aux avantages du toron gainé-graissé ou gainé-ciré tels que définis au paragraphe [0007] du brevet, l'objet de l'invention est de résoudre les inconvénients liés aux différences d'allongement entre les fils métalliques et la gaine plastique tout en conservant les avantages du toron gainé-graissé ou gainé-ciré ;

La solution préconisée par l'invention :

Pour parvenir à l'invention, le brevet propose d'obtenir des torons semi-adhérents dans lesquels la quantité régulée de produit souple de remplissage permet de conserver les avantages de nature à améliorer le comportement en fatigue du toron en lubrifiant les contacts entre ses fils métalliques et ainsi éviter que la tension à laquelle le toron est soumis engendre, compte tenu de la forme du toron, des concentrations de contrainte de cisaillement et/ou de traction dans certaines portions du toron, ce qui permet à la gaine individuelle de suivre les déformations macroscopiques des brins métalliques ;

La revendication 1 se lit comme suit :

'Toron comportant un groupement de brins métalliques torsadés (2), une gaine en matière plastique (4) contenant ledit groupement, et un produit souple de remplissage (3) présentant des propriétés de lubrification et comblant les interstices internes (5) situés entre les brins torsadés du groupement et un interstice périphérique (6) situé entre la périphérie du groupement et la face intérieure de la gaine, caractérisé en ce que ledit interstice présente une aire ayant une valeur comprise entre P x emin et 0,6 x S2, telle que la gaine suive les déformations macroscopiques des brins métalliques, où P est le périmètre extérieur du groupement de brins, emin = 0,005 mm et A... est l'aire cumulée des intervalles (7) compris entre la périphérie du groupement et le plus petit cercle (C) dans lequel s'inscrit le groupement' ;

L'état de la technique à la date de priorité du brevet :

La société VSL INTERNATIONAL AG soutient que la société FREYSSINET a, au cours de plusieurs conférences antérieures au 4 décembre 2000 présenté ses réalisations au public, et notamment un toron gainé correspondant à l'invention décrite et revendiquée dans le brevet EP 1 211 350 ainsi que son procédé de fabrication à la page 561 de la brochure détaillant la manifestation lors du 'XII Congrès de la Fédération internationale de la précontrainte 1994" ou encore à la page 494 de la brochure en langue anglaise détaillant la manifestation dite 'Bridge Engineering Conférence 2000" tenue en Egypte du 26 au 30 mars 2000, ces pages comportant la même représentation en coupe transversale du toron gainé représenté dans le document Freyssinet Haubans 1994 ;

Mais la société SOLETANCHE FREYSSINET réplique pertinemment que ces deux documents ne comportent qu'une description et une représentation en coupe transversale d'un toron gainé tel que décrit dans le préambule de la revendication 1 et que la société VSL INTERNATIONAL AG ne développe au surplus aucune argumentation distincte de celle fondée sur le document qui suit ;

Selon la société VSL INTERNATIONAL AG, le document Freyssinet Haubans 1994 décrit un toron de 7 fils (caractéristique a) revêtu d'une gaine de polyéthylène à haute densité (PEHD) (caractéristique b), une cire pétrolière venant remplir les vides entre les fils du toron ainsi que les interfaces toron-gaine (caractéristique c) ;

Elle ajoute que la cire pétrolière utilisée comme produit souple de remplissage est un lubrifiant puisque dans un toron gainé-ciré, le produit de remplissage est un lubrifiant [0007] ;

Invoquant la figure 19 page 11 ainsi que le tableau de la page 10 de ce document, elle soutient qu'à partir de la norme EURONORM 138-79 qui mentionne que le toron présente un diamètre nominal de 15,70 mm, une section nominale d'acier de 150 mm² et une quantité minimale de cire de protection de 12g/m, il est possible de calculer la valeur de l'interstice périphérique ;

Elle indique qu'à partir des valeurs portant sur :

- le diamètre du brin interne d'une valeur de 5,268 mm,

- le diamètre des 6 brins externes d'une valeur de 5,216 mm,

- l'aire des interstices S1 égale à 6,66 mm²,

- la valeur de S2 égale à 36,93 mm²,

- le périmètre P égal à 65,46 mm,

- la quantité de cire de protection comprise entre 12,77 et 13,64 mm²

- l'aire de l'interstice périphérique comprise entre 6,11 mm² et 6,98 mm²,

Elle parvient à calculer l'aire de l'interstice périphérique qui est de 6,11 - 6,98 mm² laquelle est comprise entre la valeur de P x emin = 3,27 mm² et de S2 x 0,6 = 22,16 mm² ;

Elle en conclut que le document Freyssinet Haubans 1994 constitue l'état de la technique pertinent à prendre en considération puisqu'il décrit toutes les caractéristiques de l'objet de la revendication 1, à l'exception de la précision que 'la gaine suive les déformations macroscopiques des brins métalliques';

La société SOLETANCHE FREYSSINET réplique que le document sur lequel s'appuie la société VSL INTERNATIONAL AG n'est qu'une brochure commerciale dénuée de renseignements techniques susceptibles d'affecter la nouveauté du toron semi-adhérent ;

Sur la nouveauté de la revendication 1 :

Une invention est considérée comme nouvelle, si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ; il faut en outre que la divulgation reproduise l'ensemble des caractéristiques, sans exception, de la revendication selon la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ;

Or de l'avis même de la société VSL INTERNATIONAL AG, la caractéristique selon laquelle la gaine suit les déformations macroscopiques des brins métalliques est une caractéristique manquante dans le document Freyssinet Haubans 1994 qui ne peut dès lors affecter la nouveauté de la revendication 1 ;

Selon la société SOLETANCHE FREYSSINET, un toron ayant les caractéristiques, la géométrie et les dimensions supposées d'après le document opposé et comprenant une quantité minimale de cire de protection de 12g/m ne satisfait pas la caractéristique de la revendication 1 selon laquelle la gaine du toron suit les déformations macroscopiques des brins métalliques ;

Elle explique que la quantité de lubrifiant dans l'interstice périphérique doit être suffisante pour lubrifier les contacts fil-fil et fil-gaine à l'échelle microscopique pour que le toron se comporte bien en fatigue et pour assurer localement, mais non pas macroscopiquement, une liberté de mouvement de la gaine par rapport aux fils de manière à éviter que les contraintes mécaniques se concentrent en certains points de la gaine ;

Qu'il existe par conséquent un compromis à atteindre en termes de quantité de lubrifiant, une quantité trop faible provoquant une adhérence trop forte donnant au toron des propriétés comparables à un toron cohérent, et une quantité trop importante de lubrifiant produisant comme effet de laisser coulisser la gaine sur les fils ;

Les résultats des essais effectués par la société SOLETANCHE FREYSSINET (pièce Freyssinet n° 6) selon la spécification interne de référence H H2000 SPA 001 montrent, d'après elle, qu'une faible quantité de cire conduit à une adhérence entre la gaine et le groupement de brins métalliques, alors qu'une quantité de cire supérieure à 11,5g/m fait disparaître l'adhérence, observations qui contredisent le document Freyssinet Haubans 1994 qui envisage une quantité minimale de cire de protection de 12g/m ;

La société VSL INTERNATIONAL AG critique ces essais réalisés selon elle à l'aide de spécifications qui ne pouvaient être connues de l'homme du métier à la date du dépôt du brevet contesté le 30 novembre 2001 et reproche à la titulaire du brevet de ne pas avoir testé le toron de l'art antérieur comprenant 12g/m de cire pour savoir s'il satisfaisait aux critères prescrits par la norme XP A 35-037-1 laquelle impose uniquement d'avoir une différence d'allongement entre la gaine et les brins métalliques inférieure à 5 mm après variation de température ;

Elle ajoute que les tests qu'elle a fait réaliser par la Haute Ecole Spécialisée Bernoise avec des torons selon l'art antérieur comprenant respectivement, 8,1, 13 et 16g/m de cire ont révélé que tous les torons testés étaient conformes au critère d'adhérence décrit dans la procédure interne de Freyssinet et que le mouvement relatif entre la gaine et le toron aux deux extrémités était inférieur ou égal à 5 mm ;

Il convient toutefois de relever comme l'ont exactement fait les premiers juges, que le document Freyssinet Haubans 1994 ne contient pas de façon évidente pour l'homme du métier qui est un ingénieur de travaux publics ayant des compétences spéciales en matière de ponts à haubans et notamment dans le domaine des problèmes de tension et de déformation liés à la température, les informations portant sur la partie caractérisant de la revendication 1 du brevet litigieux qui s'applique à l'aire de l'interstice périphérique située entre la périphérie du groupement et la face intérieure de la gaine ainsi qu'à la gaine qui doit suivre les déformations macroscopiques des brins métalliques ;

Que pour preuve de l'absence d'informations pertinentes, la société VSL INTERNATIONAL AG a dû confier à un expert la mission de calculer l'aire de l'interstice périphérique dans le document opposé, ce qui a nécessité de longs calculs mathématiques à partir de la norme EURONORM 138-79, l'expert ajoutant par ailleurs des valeurs hypothétiques comme celles de la densité de cires pétrolières (Annexe III : Densité de produits souple de remplissage) ; il a également fallu recourir à des tests pour démontrer que l'objet de la revendication 1 tombait également dans le champ du document Freyssinet Hauban 1994 ;

Or pour pouvoir conclure à l'absence de nouveauté d'une invention, il faut démontrer que l'objet de cette invention découle clairement, précisément, sans équivoque et directement de l'état de la technique et que toutes les caractéristiques divulguées sont connues de l'état de la technique ;

Et le fait qu'il soit indispensable pour démontrer l'absence de nouveauté de recourir, comme en l'espèce, aux services d'experts dont les résultats sont au demeurant unanimement contestés pour déterminer si l'objet d'une revendication est nouveau constitue un signe manifeste que l'objet de cette invention ne découle pas clairement, précisément, sans équivoque et directement de l'état de la technique ;

La société VSL INTERNATIONAL AG ne saurait également contester les tests réalisés par la société SOLETANCHE FREYSSINET à l'aide de la spécification interne H H200 SP A 001 laquelle serait d'après elle, d'une part inconnue de l'homme du métier à la date du dépôt du brevet, d'autre part confidentielle ;

Il convient en effet de remarquer que la spécification interne sus-visée mise en oeuvre dans le paragraphe Procédure page 4 des essais de la société SOLETANCHE FREYSSINET correspond au Paragraphe D4 Essai de tenue de l'adhérence sous variations thermiques' page 21 de la norme AFNOR XP A35-037-1 du mois de mai 2003 ;

Que les tests destinés à démontrer la nouveauté de la revendication 1 aient été effectués à partir de spécifications inconnues à la date de dépôt du brevet ne constituent pas en soi une cause de rejet desdites spécifications dans la mesure où ils ont été contradictoirement débattus et que l'objectivité indispensable à leur réalisation n'est pas contestée ;

Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport à ce document et que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur l'activité inventive de la revendication 1 :

La société VSL INTERNATIONAL AG soutient que si l'absence de nouveauté ne devait pas être reconnue, eu égard à des différences matérielles caractéristiques responsables d'un hypothétique effet technique entre le toron décrit dans le document Freyssinet Haubans 1994 et un toron selon la revendication 1, la nullité de cette revendication devrait être reconnue pour absence d'activité inventive ;

La société SOLETANCHE FREYSSINET indique que l'enseignement du brevet concerne la régulation de la dimension de l'interstice périphérique laissé entrer le groupement de fils métalliques et la gaine plastique lors de la fabrication du toron, ce qui permet de conserver les avantages du toron gainé-graissé ou gainé-ciré consistant en une amélioration du comportement en fatigue du toron en lubrifiant les contacts entre ses fils métalliques tout en évitant que la tension à laquelle le toron est soumis engendre, compte tenu de la forme du toron, des concentrations de contrainte de cisaillement et/ou de traction dans certaines portions du toron, tout en évitant les risques de détérioration de la gaine dus à ses différences d'allongement par rapport aux fils métalliques ;

A partir du document Freyssinet Haubans 1994 identifié comme étant l'état de la technique le plus proche, l'objet de l'invention est d'obtenir des torons semi-adhérents dans lesquels la quantité régulée de produit souple de remplissage permet de conserver les avantages des torons gainé-graissé ou gainé-ciré tout en assurant que la gaine individuelle suive les déformations macroscopiques des brins métalliques ;

Pour parvenir à ce compromis, l'invention se propose de remplir avec un produit lubrifiant l'interstice périphérique situé entre la périphérie du groupement et la face intérieure de la gaine, cet interstice formant une aire ayant une valeur comprise entre P x emin et 0,6 x S2, telle que la gaine suive les déformations macroscopiques des brins métalliques, où P est le périmètre extérieur du groupement de brins, emin = 0,005 mm et A... est l'aire cumulée des intervalles compris entre la périphérie du groupement et le plus petit cercle dans lequel s'inscrit le groupement ;

La question qui se pose alors à l'homme du métier est celle de savoir si l'enseignement divulgué par le document Freyssinet Haubans 1994 lui aurait donné les moyens de parvenir aux résultats obtenus par l'invention revendiquée, sans faire lui-même preuve d'activité inventive, en ayant un espoir raisonnable de trouver une solution au problème technique posé par l'invention ;

Pour apprécier l'activité inventive, l'homme du métier doit par conséquent allier les connaissances qu'il possède sur l'état de la technique avec ses connaissances générales dans le domaine considéré ;

Compte-tenu des développements qui précèdent, l'homme du métier tel qu'il a été défini ci-dessus ne trouvera pas dans le document Freyssinet Haubans 1994 les enseignements lui permettant de parvenir aux résultats de la revendication 1 ;

En effet, l'ensemble des calculs mathématiques proposés par la société VSL INTERNATIONAL AG lesquels ne constituent pas une simple opération d'exécution mais une suite élaborée d'équations aurait dissuadé l'homme du métier d'espérer parvenir à la solution préconisée par la revendication 1, tout comme les tests qu'il a été nécessaire d'effectuer sur demande de la société appelante par un laboratoire extérieur ;

De plus, ces derniers menés en connaissance du résultat à atteindre constituent une appréciation rétrospective de l'activité inventive et sont le fruit d'un raisonnement ex post facto qui ne saurait être admis pour apprécier l'activité inventive d'une revendication ;

La société VSL INTERNATIONAL AG ne démontre donc pas que la revendication est dépourvue d'activité inventive de sorte que le jugement déféré sera également confirmé sur ce point ;

Sur les revendications 2 à 5 :

La société VSL INTERNATIONAL AG sollicite également l'annulation des revendications 2 à 5 du brevet pour défaut de nouveauté et d'activité inventive ;

Les revendications 2 et 3 dans la dépendance de la revendication 1 sont nouvelles et impliquent également une activité inventive ;

Les revendications 4 et 5 sont dépendantes de la revendication 3 laquelle se réfère aux revendications précédentes et par conséquent à la revendication 1 ;

Elles sont donc également nouvelles et impliquent une activité inventive ;

Sur la revendication 6 :

La société VSL INTERNATIONAL AG ne conteste pas la nouveauté de cette revendication mais uniquement le manque d'activité inventive ;

Cette revendication se lit comme suit :

'Procédé de fabrication d'un toron (1), comprenant les étapes suivantes :

- enrober un groupement de brins métalliques torsadés (2) avec un produit souple de remplissage (3) présentant des propriétés de lubrification de façon que ledit produit de remplissage comble des interstices internes (5) situés entre les brins torsadés du groupement et déborde sur la périphérie du groupement,

- essuyer la périphérie du groupement enrobé de façon à laisser une quantité régulée de produit de remplissage par unité de longueur du groupement, ladite quantité représentant un volume par unité de longueur ayant une valeur comprise entre S1 + (P x emin ) et S1 + (0,6 X S2), telle que la gaine suive les déformations macroscopiques des brins métalliques, où S1 est l'aire cumulée desdits interstices internes sur une section transversale du toron, P est le périmètre extérieur du groupement de brins torsadés, emin = 0,005 mm et A... est l'aire cumulée des intervalles (7) compris entre la périphérie du groupement et le plus petit cercle (C) dans lequel s'inscrit le groupement,

- extruder une gaine en matière plastique (4) autour du groupement de brins enrobé de ladite quantité de produit de remplissage, de façon à ce que le produit de remplissage comble un interstice périphérique (6) situé entre la périphérie du groupement et la face intérieure de la gaine' ;

' Sur la combinaison du document Freyssinet Haubans 1994 et le brevet Lang US 3 646 748 :

La société VSL INTERNATIONAL AG soutient que le document Freyssinet Haubans 1994 décrit un toron tel qu'il apparaît résulter de la revendication 6 sans cependant décrire explicitement un procédé permettant de préparer un tel toron, ce que suggère en revanche selon elle le brevet Lang US 3 646 748 lequel décrit un procédé de préparation d'un toron comprenant :

- un revêtement et un remplissage des interstices d'un toron à fils multiples avec un inhibiteur de corrosion,

- un passage dudit toron à travers une matrice circulaire d'un diamètre supérieur au toron de manière à enlever l'excès d'inhibiteur de corrosion et à former un enrobage circulaire dudit inhibiteur autour dudit toron, et

- une extrusion par fusion d'une chemise de plastique autour dudit toron enrobé évitant pratiquement la présence de gaz et d'air entre la chemise de plastique et l'inhibiteur de corrosion ;

Elle indique que le brevet américain décrit toutes les étapes du procédé de la revendication 6 et que l'homme du métier aurait implicitement utilisé le procédé qui y est décrit pour fabriquer les torons du document Freyssinet Haubans 1994 en adaptant la matrice dans laquelle passe le toron enrobé de produit de remplissage de manière à enlever la quantité nécessaire de produit de remplissage pour satisfaire les conditions de surface de l'interstice périphérique ;

Elle ajoute que l'étape d'essuyage du brevet litigieux permettant de laisser une quantité régulée de produit de remplissage par unité de longueur du groupement et qui consiste à faire circuler le tronçon de toron recouvert de produit de remplissage à travers un gabarit d'essuyage [0026] ne diffère pas de l'étape du brevet US 3 646 748 qui consiste à faire passer le toron recouvert d'inhibiteur de corrosion à travers une matrice pour éliminer l'excès d'inhibiteur de corrosion et donc de laisser une quantité régulée de celui-ci sur le toron ;

Mais la société SOLETANCHE FREYSSINET réplique pertinemment que le document opposé ne divulgue pas toutes les étapes du procédé de fabrication d'un toron et certainement pas l'étape qui consiste à essuyer la périphérie du groupement enrobé de façon à laisser une quantité régulée de produit de remplissage par unité de longueur du groupement, ladite quantité représentant un volume par unité de longueur ayant une valeur comprise entre S1 + (P x emin ) et S1 + (0,6 X S2), telle que la gaine suive les déformations macroscopiques des brins métalliques, où S1 est l'aire cumulée desdits interstices internes sur une section transversale du toron, P est le périmètre extérieur du groupement de brins torsadés, emin = 0,005 mm et A... est l'aire cumulée des intervalles (7) compris entre la périphérie du groupement et le plus petit cercle (C) dans lequel s'inscrit le groupement ;

En effet, la figure 3 du brevet US 3 646 748 (colonne 2 lignes 20 à 40) enseigne notamment que le toron à fils multiples est passé dans une chambre sous pression dans laquelle est introduit un inhibiteur de corrosion sous pression puis ce toron est placé dans une matrice circulaire lisse laquelle met en forme l'inhibiteur de corrosion de telle sorte qu'il forme un enrobage circulaire autour du toron qui enrobé, passe ensuite à travers la gorge d'une matrice de formation de tube ;

Il se déduit de cette description que les caractéristiques revendiquées selon lesquelles l'essuyage de la périphérie du groupement enrobé de façon à laisser une quantité régulée de produit de remplissage par unité de longueur du groupement, ladite quantité représentant un volume par unité de longueur ayant une valeur comprise entre S1 + (P x emin ) et S1 + (0,6 X S2), telle que la gaine suive les déformations macroscopiques des brins métalliques ne sont pas évoquées ;

Au surplus, si l'invention opposée précise que l'inhibiteur de corrosion (colonne 1 lignes 58 et 61) a une consistance graisseuse, que le toron peut être recouvert d'une fine couche de lubrifiant solide (colonne 2 ligne 67), que l'inhibiteur de corrosion doit avoir des propriétés similaires à de la graisse laquelle doit rester collée au toron (colonne 3 ligne 39), il n'est nulle part fait mention qu'il s'agit d'une opération de lubrification ayant pour but de remplir les interstices internes situés entre les brins torsadés du groupement et la périphérie du groupement ainsi que d'une opération d'essuyage de la périphérie du groupement enrobé de façon à laisser une quantité régulée de produit de remplissage ;

Il résulte de ce qui précède que l'homme du métier à partir de ses seules connaissances n'aurait pas envisagé de combiner le document Freyssinet Haubans 1994 et le brevet US 306460748 ;

' Sur la combinaison du document Freyssinet Haubans 1994 et le brevet Smith US 4 623 504 :

La société VSL INTERNATIONAL AG indique que le procédé de formation de la chemise en plastique du brevet US 4 623 504 lequel serait, selon elle, un brevet de perfectionnement du brevet US 3 646 748 fait intervenir l'introduction d'air entre le toron et la chemise de plastique avec un différentiel de pression entre l'intérieur et l'extérieur de la chemise ;

Tout en reconnaissant qu'il existe une différence entre le procédé du brevet US 4 623 504 et la revendication 6 du brevet litigieux en ce qui concerne la quantité de produit de remplissage qui doit rester sur le toron, elle soutient que la seconde étape du procédé consistant à faire passer le toron à travers une matrice est similaire à celle du procédé de la revendication 6 du brevet en cause et permet de laisser une quantité régulée de produit de remplissage sur le toron ;

Elle estime donc qu'il est à la portée de l'homme du métier d'adapter la taille de l'ouverture de la matrice du brevet EP 4 623 504 afin de laisser la quantité de produit souple de remplissage divulgué dans le document Freyssinet Haubans 1994 ;

Si le brevet US 4 623 504 prévoit que la fine couche d'inhibiteur de corrosion peut être facilement appliquée en recouvrant le fil ou le toron à fils multiples avec une couche épaisse d'inhibiteur de corrosion et en retirant ensuite la quantité en excès de la périphérie externe du toron comprenant les interstices pour laisser la fine couche souhaitée (colonne 1 lignes 54 à 59), il n'est nulle part envisagé d'essuyer la périphérie du groupement enrobé de façon à laisser une quantité régulée de produit de remplissage par unité de longueur du groupement, ladite quantité représentant un volume par unité de longueur ayant une valeur comprise entre S1 + (P x emin ) et S1 + (0,6 X S2), telle que la gaine suive les déformations macroscopiques des brins métalliques, où S1 est l'aire cumulée desdits interstices internes sur une section transversale du toron, P est le périmètre extérieur du groupement de brins torsadés, emin = 0,005 mm et A... est l'aire cumulée des intervalles (7) compris entre la périphérie du groupement et le plus petit cercle (C) dans lequel s'inscrit le groupement ;

Il est seulement envisagé à la colonne 3 lignes 42 à 46 et aux lignes 60 à 63 que la matrice enlève l'excès de la couche épaisse d'inhibiteur de corrosion du toron à fils multiples de telle sorte que seule une fine couche d'inhibiteur de corrosion reste sur les surfaces extérieures du toron à fils multiples sans davantage de précision ;

Ce brevet ne divulgue pas au surplus les conditions dans lesquelles l'essuyage de la périphérie du groupement enrobé a lieu comme défini précisément dans la revendication 6, observations étant faites que le brevet opposé envisage la création d'une chemise en plastique non serrée laquelle présente un espace d'air entre le toron recouvert et la surface interne de la chemise, ce que ne mentionne pas la revendication contestée qui prévoit que le produit de remplissage comble les interstices internes situés entre les brins torsadés du groupement et déborde sur la périphérie du groupement et que la périphérie du groupement enrobé doit être essuyée de façon à laisser une quantité régulée de produit de remplissage en observant certains paramètres de façon à ce que la quantité représentant un volume par unité de longueur ait une valeur qui permettent à la gaine de suivre les déformations macroscopiques des brins métalliques ;

Compte tenu des enseignements contenus dans le document Freyssinet Haubans 1994 et dans le brevet US 4 623 504, l'homme du métier n'aurait pas été incité à les combiner dans l'espoir de parvenir à l'objet de la revendication 6 du brevet ;

Sur les revendications 7 et 8 :

La société VSL INTERNATIONAL AG sollicite également l'annulation des revendications 7 à 8 du brevet pour défaut d'activité inventive ;

Les revendications 7 et 8 dans la dépendance de la revendication 6 impliquent également une activité inventive ;

Conclusions :

Le jugement déféré qui a rejeté l'intégralité des demandes formées par la société VSL INTERNATIONAL AG à l'encontre de la société SOLETANCHE FREYSSINET sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions à l'exception de celles portant sur la mesure de publication ;

Des mesures de publication devront être ordonnées dans les conditions définies dans le dispositif du présent arrêt ;

Les demandes formées par la société VSL INTERNATIONAL AG doivent être rejetées ;

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société SOLETANCHE FREYSSINET les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel et qu'il convient de fixer à la charge de la société VSL INTERNATIONAL AG à la somme de 150.000 euros ;

P A R C E S M H.…,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Rejette toutes les demandes formées par la société VSL INTERNATIONAL AG, y compris d'expertise,

Ordonne la publication du présent arrêt dans trois journaux, magazines ou revues au choix de la société SOLETANCHE FREYSSINET et aux frais de la société VSL INTERNATIONAL AG sans que le coût total n'excède la somme de 30.000 euros hors taxes,

Condamne la société VSL INTERNATIONAL AG à payer à la société SOLETANCHE FREYSSINET la somme complémentaire de 150 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société VSL INTERNATIONAL AG aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.