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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 21 décembre 2012, n° 11/03663

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachacinski

Conseiller :

M. Coujard

TGI Paris, 3e ch. 2e sect., du 14 Janv. …

14 janvier 2011

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

A... C... expose avoir créé en 1997 une aile de parapente bionique à voilure modulable dénommée BIONIC et avoir déposé conjointement avec H... G..., le 16 novembre 2000, une demande de brevet relative à cette invention auprès de l'Institut national de propriété industrielle sous le n° 00 14794 ayant abouti à un enregistrement le 8 octobre 2004 ;

A... C... et H... G... ne semblent pas contester qu'ils étaient liés par un contrat de collaboration encadrant les travaux de recherche et de développement ;

Estimant que son consentement avait été vicié lors du dépôt de ce brevet, A... C... assignait le 11 février 2005 la société BIO AIR TECHNOLOGIES et son gérant H... G... devant le tribunal de grande instance de Versailles en nullité de la co-titularité dudit brevet ;

La juridiction saisie par A... C... s'étant déclarée incompétente par jugement du 4 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement avant dire droit du 10 avril 2009 désigné un médiateur ;

L'échec de la médiation a conduit A... C... à demander au tribunal de, notamment, constater le vice de son consentement à la suite d'un dol ou à tout le moins d'une erreur du dépôt conjoint le 16 novembre 2000 du brevet d'invention à l'Institut national de la propriété industrielle, de prononcer la nullité de la co-titularité de ce brevet, de dire que les conditions dans lesquelles la rupture du contrat de commercialisation est intervenue du fait d'H... G... sont exclusives de bonne foi, de condamner in solidum H... G... et la société BIO AIR TECHNOLOGIES à lui payer la somme provisionnelle de 1.275.000 euros à parfaire par une expertise à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait du comportement de ce dernier, de dire que l'exploitation par la société BIO AIR TECHNOLOGIES du brevet n° 0014794 est constitutive d'une contrefaçon et qu'elle doit être condamnée à lui payer la somme de provisionnelle de 50.000 euros à parfaire par une expertise en réparation de son préjudice né des actes de contrefaçon ;

Par jugement du 14 janvier 2011, le tribunal a :

- rejeté l'ensemble des demandes formées par A... C...,

- rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles d'H... G... et de la société BIO AIR TECHNOLOGIES par lesquelles ils sollicitaient notamment la condamnation de A... C... à leur payer à chacun la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront partagés ;

Vu l'appel interjeté le 25 février 2011 par A... C... ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2012 par lesquelles A... C... demande au visa des articles L. 611-8, L. 613-29, L.6 15-1 et L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle de :

- d'infirmer le jugement rendu le 14 janvier 2011 en toutes ses dispositions,

- de dire que le brevet n° 00 14794 à lui délivré ainsi qu'à H... G... a été soustrait par ce dernier de mauvaise foi au moment de la délivrance du titre et qu'il doit être désigné comme le seul inventeur, et comme tel, le seul titulaire des droits patrimoniaux attachés au titre,

- de dire que la société BIO AIR TECHNOLOGIES et H... G... se sont rendus coupables de la contrefaçon du brevet n° 00 14794,

- de dire que cette contrefaçon a engagé leur responsabilité à son égard,

- de lui allouer en conséquence la somme de 1 275,000 euros à valoir sur son préjudice,

- de désigner pour le surplus un expert avec mission de déterminer le préjudice qu'il a subi du fait de la contrefaçon,

- d'ordonner la publication d'un communiqué en lettres noires sur fond blanc occupant la largeur de la page et le tiers de l'écran visible en caractères Arial 16, Chicago 16+ ou équivalent, avec le texte suivant :

Par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du ............., la SARL BIO AIR TECHNOLOGIES a été condamnée pour contrefaçon du brevet d'invention d'un parapente bionic à voilure modulable enregistré à l'INPI sous le n° 00 14794 dont A... C... est titulaire. Le tribunal a reconnu que la contrefaçon n'avait pu intervenir qu'avec le concours de H... G... et celui-ci a été condamné in solidum avec la société BIO AIR TECHNOLOGIES ;

- d'ordonner à titre de réparation complémentaire la publication en tout ou par extraits de la décision à intervenir dans dix journaux ou revues d'audience nationale de son choix et aux frais de H... G... et de la société BIO AIR TECHNOLOGIES dans la limite de la somme de 50.000 euros hors taxes,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où il serait débouté de ses demandes fondées sur les dispositions des articles L.611-8 et L.615-1 et 2 du code de la propriété intellectuelle,

- de faire application des dispositions de l'article L.613-29 du code de la propriété intellectuelle,

- de condamner H... G... à l'indemniser du fait de l'exploitation faite par l'intermédiaire de la société BIO AIR TECHNOLOGIES de l'invention,

- de condamner H... G... à lui payer la somme de 700 000 euros à titre provisionnel,

- de désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de donner son avis sur le montant de l'indemnisation que lui doit H... G...,

- de condamner H... G... et la société BIO AIR TECHNOLOGIES à lui payer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2012 par lesquelles H... G... et la société BIO AIR TECHNOLOGIES demandent à la cour au visa des articles L.611- 8, L.611-29 du code de la propriété intellectuelle et 1110 du code civil :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de A... C...,

- de le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- de rejeter l'action en revendication qu'il a exercée sur le fondement de l'article L.611-8 du code de la propriété intellectuelle

- de rejeter l'action en contrefaçon qu'il a engagée contre eux,

- de rejeter toutes les demandes d'indemnisation qu'il a formées à leur encontre,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes reconventionnelles,

- de condamner A... C... à verser à H... G... la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

- d'ordonner, à titre de réparation complémentaire, la publication en tout ou par extraits, de la décision à intervenir dans dix journaux ou revues d'audience nationale au choix d'H... G... dans la limite de la somme de 50 000 euros hors taxes,

- de dire que A... C... devra publier, pendant une durée de 30 jours, sur la page d'accueil du site internet www.aerobionic.com un communiqué en lettres noires sur fond blanc occupant la largeur de la page et le tiers de l'écran visible en caractères Arial 16 ou Chicago 16 ou équivalent, ayant le texte suivant :

Monsieur C... a été débouté de ses demandes à l'égard de Monsieur G... de nullité de la co-titularité du brevet délivré le 16 novembre 2000 par l'INPI et de dommages-intérêts comme étant absolument non fondées ,

- de condamner A... C... à payer à H... G... la somme de 66.281,52 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens du tribunal de grande instance de Paris, du tribunal de grande instance de Versailles et de la cour d'appel de Paris ;

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la titularité du brevet :

Invoquant les dispositions de l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle, A... C... soutient que le brevet n° 0014794 qui lui a été délivré ainsi qu'à H... G... lui a été soustrait par ce dernier de mauvaise foi au moment de la délivrance du titre et qu'il doit être désigné comme le seul inventeur, et comme tel, seul titulaire des droits patrimoniaux attachés au titre ;

Il convient d'observer que la requête en délivrance de brevet n° 0014794 datée du 16 novembre 2000 portant sur un parapente bionique à voilure modulable mentionne les noms de C... A... et de G... H... comme demandeurs et inventeurs ;

Conformément aux dispositions de l'article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle, le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 appartient à l'inventeur ou à son ayant cause ;

Selon les dispositions de l'article R.612-10 du code de la propriété intellectuelle, la requête en délivrance de brevet qui doit être signée du demandeur doit contenir la désignation de l'inventeur et si le demandeur n'est pas l'inventeur où l'unique inventeur, la désignation doit être effectuée dans un document séparé contenant les nom, prénom et domicile de l'inventeur ainsi que la signature du demandeur ;

Le droit au brevet d'invention doit donc être reconnu à C... A... et à G... H..., les auteurs de l'invention dont la demande de brevet a été déposée ;

Ils sont par conséquent, jusqu'à preuve contraire, présumés copropriétaires du brevet litigieux et A... C... qui ne conteste pas avoir rempli manuscritement la requête en délivrance de brevet, en qualité de demandeur est mal venu pour soutenir que le brevet lui aurait été soustrait de mauvaise foi par H... G..., son co-déposant et co-inventeur alors surtout qu'il a, en connaissance de cause et sans qu'une intervention fautive imputable à H... G... soit démontrée coché la case n° 5 de l'imprimé Cerfa n°1135401 comportant les mentions S'il y a d'autres demandeurs, cochez la case et utilisez l'imprimé Suite'' et qu'à l'observation Si vous avez utilisé l'imprimé Suite, indiquez le nombre de pages jointes', il a écrit 1 page sur laquelle figurent sous la rubrique 'Demandeur' le nom et les coordonnées d'H... G... ;

A... C... soutient encore que la lecture de la convention de collaboration signée mais non datée entre les parties (Pièce n9 du dossier C...) démontre le rôle de chacune des personnes ayant concouru à la mise en oeuvre de l'invention, lui-même étant qualifié de chercheur chargé du secteur de l'innovation et des relations avec la presse spécialisée, des négociations en vue d'une fabrication et de la mise en œuvre des stratégies commerciales des réalisations, tandis qu'H... G... était désigné comme ingénieur ayant compétence sur la modélisation sur ordinateur des différents prototypes conçus, de leur expérimentation sur le terrain, éventuellement à l'aide de modèles réduits ainsi que de la réalisation des plans pour une mise en fabrication ;

Tout en convenant qu'H... G... a conçu et suivi les plans de fabrication du prototype de l'aile Bionic et qu'il est l'auteur de la description et des revendications du brevet, il soutient que le fait d'avoir assuré la rédaction intégrale d'une réponse au rapport de recherche n'a pas pour effet de lui conférer la qualité d'inventeur, tout comme le fait d'avoir participé à la mise au point du prototype et au réglage de l'ensemble de sustentation de l'aile ;

Mais l'apport que chaque inventeur a pu effectivement effectuer à l'invention importe peu et ne saurait avoir pour conséquence de priver celui dont la contribution est moindre de la qualité d'inventeur au moment du dépôt de la requête en délivrance de brevet ;

En effet, l'apport de chacun à l'invention ne peut se résoudre que par une répartition adéquatement définie des fruits espérés de l'invention et le code de la propriété intellectuelle n'envisage par ailleurs pas l'existence d'une moitié ou d'un quart d'inventeur : on est ou on n'est pas inventeur !

Si les nombreux témoignages versés aux débats tant par A... C... que par H... G... fournissent des précisions et un éclairage sur la répartition des tâches entre les deux inventeurs, ils sont sans influence sur les conséquences juridiques résultant de la demande de brevet qui, en l'espèce, constitue une copropriété régie par les dispositions de l'article L.613-29 du code de la propriété intellectuelle ;

A... C... ne saurait pas davantage affirmer, sans preuve, que la fraude qu'il impute à H... G... a consisté à lui faire croire qu'en lui reconnaissant la qualité d'inventeur, il aurait en contrepartie la certitude de bénéficier des financements de la société DASSAULT AVIATION et de son assistance technique notamment pour le dépôt des demandes de brevet tant en France qu'au niveau européen ;

A... C... qui ne démontre pas que l'invention lui a été soustraite ou qu'une obligation légale ou contractuelle a été violée n'est donc pas fondé à revendiquer à lui seul la propriété de la demande ou du titre délivré sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle ;

Le jugement déféré qui a rejeté sa demande fondée sur les dispositions de l'article sus-visé sera par conséquent confirmé ;

Sur la recevabilité à agir en contrefaçon du brevet n° 0014794 :

A... C... reproche à H... G... d'avoir commis des actes de contrefaçon du brevet en faisant un apport en nature dudit brevet à la société BIO AIR TECHNOLOGIES qui l'a exploité sans qu'ait été établi un contrat de licence écrit non exclusif ;

Il lui fait également grief de ne pas avoir respecté les prescriptions de l'article L.613-29 du code de la propriété intellectuelle et d'avoir consenti à la société BIO AIR TECHNOLOGIES une licence d'exploitation non exclusive sans l'en informer préalablement ;

Sur la cession de la quote-part du brevet au profit de la société BIO AIR TECHNOLOGIES :

L'article 7 des statuts de la société BIO AIR TECHNOLOGIES mentionne que les associés apportent à la société deux prototypes de parapente Bionic 2 réalisés afin de mise au point et d'homologation du modèle (brevet d'invention pour un Parapente Bionique à Voilure Modulable') enregistré à l'INPI sous le n°0014794 et publié sous le n° 2 816 584 d'une valeur unitaire de 1 500 euros ;

Si l'article L.613-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet sont transmissibles en totalité ou en partie, l'article L. 613-9 ajoutant que tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le registre national des brevets tenus par l'Institut national de la propriété industrielle, l'apport effectué par les associés dont H... G... à la société ne concerne pas la cession de la demande de brevet ou du brevet n° 0014794 mais la cession de deux prototypes réalisés à partir dudit brevet ;

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'appliquer au cas d'espèce les dispositions de l'article L.613-29 e) du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que chaque copropriétaire peut, à tout moment, céder sa quote-part et que les copropriétaires disposent d'un droit de préemption pendant un délai de trois mois à compter de la notification du projet de cession ;

Sur la concession d'une licence d'exploitation au profit de la société BIO AIR TECHNOLOGIES :

H... G... ne conteste pas avoir créé la société BIO AIR TECHNOLOGIES dans le but d'exploiter le brevet litigieux ;

A... C... lui fait grief de ne pas lui avoir notifié le projet de concession de la licence, lequel a été ensuite consenti à la société BIO AIR TECHNOLOGIES et de ne pas lui avoir fait une offre de cession de la quote-part à un prix déterminé ;

Il ajoute que la société BIO AIR TECHNOLOGIES exploite sans aucune licence le brevet n° 0014794 ;

Mais H... G... démontre que la lettre recommandée avec accusé de réception datée du 22 septembre 2004 qu'il a fait adresser par son conseil à A... C... contenait une proposition, avant tout exploitation commerciale, d'indemnisation équitable par la rétrocession d'une quote-part des résultats d'exploitation de l'activité et un engagement de reprendre contact pour faire une offre concrète lorsque les comptes annuels de la société BIO AIR TECHNOLOGIES auront été clôturés, soit après le 31 mars 2005 (Pièce n° 62 du dossier G...) ;

A... C... est par conséquent mal fondé à soutenir qu'H... G... n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 613-29 a) du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que chacun des copropriétaires peut exploiter l'invention à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n'exploitent pas personnellement l'invention ou qui n'ont pas concédé de licence d'exploitation ;

A... C... soutient encore que la licence d'exploitation non-exclusive qu'H... G... affirme avoir consentie à la société BIO AIR TECHNOLOGIES n'est pas 'valable' (sic) et qu'en l'absence d'une telle licence donnée par écrit préalablement notifiée au co-inventeur, la société BIO AIR TECHNOLOGIES a commis des actes de contrefaçon du brevet ;

H... G... réplique que l'existence d'une licence d'exploitation du brevet n°0014794 ne saurait être contestée puisque A... C... en personne reconnaît que la société BIO AIR TECHNOLOGIES a été constituée dans l'unique but d'exploiter ce brevet ;

Il trouve dans l'attestation (Pièce n° 32 du dossier G...) qu'il a rédigée la preuve de l'existence du contrat de licence non exclusive et soutient que cette attestation constitue un commencement de preuve par écrit, corroboré par les statuts de la société BIO AIR TECHNOLOGIES et la commercialisation effective de l'aile par cette dernière caractérisant ainsi l'existence effective d'une licence écrite aux termes de l'article 1347 du code civil ;

L'article L. 613-39 c) du code de la propriété intellectuelle dispose que chacun des copropriétaires peut concéder à un tiers une licence d'exploitation non exclusive à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n'exploitent pas personnellement l'invention ou qui n'ont pas concédé de licence d'exploitation à la condition toutefois que le projet de concession ait été notifié aux autres copropriétaires accompagné d'une offre de cession de la quote-part à un prix déterminé ;

Force est de constater qu'en omettant de notifier à A... C... le projet de concession de licence qui ne pouvait être que non exclusive puisqu'H... G... souhaitait exploiter ou faire exploiter seul le brevet - la licence d'exploitation exclusive ne pouvant être accordée qu'avec l'accord de tous les copropriétaires ou par une autorisation de justice - H... G... n'a pas respecté les dispositions légales susvisées ;

Il se déduit de ce qui précède qu'en l'absence de notification du projet de concession d'une licence d'exploitation non exclusive devant comporter une offre de cession de la quote-part à un prix déterminé, A... C... s'est trouvé dans l'impossibilité d'exercer le droit de préemption légalement prévu au profit du co-propriétaire ;

Le contrat de licence accordé par H... G... à la société BIO AIR TECHNOLOGIES pris dans son ensemble doit par conséquent être déclaré inopposable à A... C... ;

Le dernier alinéa de l'article L.613-8 du code de la propriété intellectuelle dispose au surplus que les actes comportant une transmission ou une licence, visés aux deux premiers alinéas, sont constatés par écrit, à peine de nullité ;

Le défaut d'écrit est sanctionné par la nullité de la concession de licence que le co-propriétaire qui n'exploite pas le brevet et qui a intérêt et qualité à agir est fondé à soulever ;

A... C... est par conséquent recevable à agir à l'encontre d'H... G... et de la société BIO AIR TECHNOLOGIES ;

 

Sur les actes de contrefaçon imputés par A... C... à H... G... et à la société BIO AIR TECHNOLOGIES :

Le brevet n° 0014794 comporte 10 revendications, la revendication 1 du brevet n° 0014794 se lisant comme suit :

Aile de parapente ou de parachute, dont la voilure est caractérisée par une voûte vue de face en forme d'aile d'oiseau (1), comprenant des extrémités d'aile (2) dot la concavité est orientée vers le haut, et une partie centrale de voilure (3) invaginée en forme de V , les revendications 2, 3, 4, 6, 7, 9 et 10 étant toutes dans la dépendance de la revendication 1, tandis que les revendications 5 et 8 le sont respectivement dans celle des revendications 3 et 4 et 7 ;

A... C... semble considérer dans ses dernières écritures comme acquis le fait que le produit fabriqué et commercialisé par la société BIO AIR TECHNOLOGIES reproduit les revendications du brevet dont il est co-propriétaire ;

A aucun moment ne sont discutés dans lesdites écritures les éléments techniques de l'invention qui lui permettraient de justifier son action en contrefaçon, aucune analyse, indication ou observation n'étant fournies sur les éléments argués de contrefaçon des objets produits, fabriqués et commercialisés par la société BIO AIR TECHNOLOGIES ;

Or il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et c'est au demandeur à l'action en contrefaçon qu'incombe la charge de rapporter la preuve de son existence ;

Et comme il n'appartient pas à la cour de suppléer la carence des parties dans la charge de la preuve, la demande formée par A... C... qui n'a fourni aucun élément susceptible de fonder son action au titre de la contrefaçon sera rejetée ;

Le jugement déféré sera par conséquent purement et simplement confirmé par des motifs propres à la cour en ce qu'il rejeté les demandes formées à ce titre par A... C... ;

Sur la demande subsidiaire formée par A... C... :

A... C... sollicite à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L.613-29 du code de la propriété intellectuelle la condamnation d'H... G... à l'indemniser à hauteur de la somme provisionnelle de 700 000 euros pour l'exploitation de l'invention faite par l'intermédiaire de la société BIO AIR TECHNOLOGIES ainsi que la désignation d'un expert qui devra fournir un avis sur le montant de l'indemnisation qui lui est due de ce chef ;

H... G... réplique que les nombreuses pièces versées aux débats démontrent que A... C... n'a jamais donné suite aux propositions qu'il lui a faites et qu'il a au contraire fait obstacle à l'application des dispositions dont il revendique aujourd'hui la mise en oeuvre ;

Chacun des copropriétaires peut effectivement exploiter l'invention à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n'exploitent pas personnellement l'invention ou qui n'ont pas concédé de licences d'exploitation, et qu'à défaut d'accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal de grande instance ;

L'expert diligenté dans le cadre de la médiation (Pièce n°27 du dossier G...) indique cependant :

La principale méthode permettant de valoriser le brevet objet de l'exploitation par la société Bio Air Technologies est la suivante :

 

La méthode des cash flows actualisés : cette méthode se base sur les revenus futurs associés au brevet, et nécessite de disposer d'informations sectorielles ainsi que des prévisions d'activité (business plan de la société Bio Air Technologies) liées à l'exploitation de ce brevet. Une valorisation précise du brevet nécessiterait des opérations de due diligence qui conduiraient à divulguer des éléments confidentiels. Il s'agirait d'une mission complémentaire.

A ce stade, étant donné l'absence de résultat significatif associé à l'exploitation de ce brevet depuis la création de la société Bio Air Technologies, de revenus futurs identifiés et certains, la faible notoriété du brevet et de la société l'exploitant, et la taille relativement petite du marché cible, la valeur du brevet n'est pas significative.

La valeur de ce brevet réside néanmoins dans l'intérêt qu'un acquéreur pourrait y porter, dans le prix qu'il serait prêt à payer en fonction de l'exploitation qu'il compte en faire, ce qui nécessiterait une étude technique avancée afin de déterminer les spécificités techniques du brevet, ses avantages comparatifs sur le marché des ailes et son potentiel commercial (soulignement de la cour) ;

A... C... invoque encore les stipulations de l'article 8 de la convention qu'ils ont signée aux termes desquelles les produits financiers : commercialisation, gestion des brevets résultant de la collaboration des contractants feront l'objet d'un partage équitable pour chacun de 50% et celles de l'article 11 qui stipulent qu'en cas de rupture unilatérale volontaire, le contractant qui prend l'initiative de cette rupture de contrat se verra pénalisé d'une perte de 20% des produits financiers ;

Il soutient également que les premiers juges auraient dû vérifier quelles ont été les recettes, et non les bénéfices, tirées de l'exploitation de l'invention et ignorer les charges de la société lesquelles peuvent être artificiellement majorées ;

Mais dans le mesure où la société BIO AIR TECHNOLOGIES n'a dégagé aucun produit financier prévu par l'article 8 de la convention sus-visée, et ceci en dépit des quelques ventes réalisées (Pièce n°63 du dossier C...) et en l'absence de preuve contraire rapportée de ce que la société BIO AIR TECHNOLOGIES a effectivement dégagé un résultat positif du fait de la vente des produits reproduisant les caractéristiques essentielles du brevet d'invention, ce qu' au demeurant, comme il a été dit supra , A... C... ne démontre pas, celui-ci devra être débouté de sa demande subsidiaire d'expertise et de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article L.613-29 du code de la propriété intellectuelle ;

Sur les demandes reconventionnelles formées par H... G... :

Celui-ci sollicite la condamnation de A... C... à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, la publication de l'arrêt à intervenir dans divers journaux ou revues ainsi que sur la page d'accueil de son site internet www.aerobionic.com ;

La lecture des nombreux documents versés aux débats atteste qu'il existe depuis plus de 10 années un important et violent contentieux entre les parties qui ont amené les premiers juges dans un but d'apaisement à leur proposer une médiation, laquelle a échoué ;

Il apparaît ensuite qu'H... G... ne s'est pas scrupuleusement conformé aux dispositions légales applicables en matière de copropriété de brevet tandis que A... C... a engagé une action en contrefaçon de brevet sans fournir à la cour le moindre élément permettant de vérifier la réalité de ses prétentions ;

La cour se trouve par conséquent en présence de deux copropriétaires qui ont l'un et l'autre agi, tant au cours de la phase pré-judiciaire que de la phase judiciaire, avec suffisamment d'absence de discernement pour en déduire que la faute de l'un trouve son pendant dans la faute de l'autre ;

La demande de dommages intérêts pour procédure abusive formée par H... G... sera par conséquent rejetée tout comme les mesures de publication qui ne se justifient pas compte tenu de la nature des relations ayant existé entre les parties et de l'intérêt de celles-ci devront à l'avenir avoir pour la seule invention laquelle devra bénéficier de toute leur attention au détriment de leurs contingences et querelles passées ;

Pour les mêmes raisons que ci-dessus, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont engagés tant en première instance qu'en cause d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens ;

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, A... C... sera toutefois condamné aux dépens de première instance et d'appel et le jugement déféré réformé sur ce point ;

P A R C E S M J.…,

Confirme le jugement rendu le 14 janvier 2011 par le tribunal de grande instance de Paris par des motifs propres à la cour en toutes ses dispositions à l'exception de celles qui ont partagé les dépens par moitié entre les parties,

Rejette l'ensemble des demandes formées par A... C...,

Rejette les demandes formées par H... G... et par la société BIO AIR TECHNOLOGIES,

Condamne A... C... aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.