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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 13 mai 2009, n° 08/06060

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mme SUBIAS

Défendeur :

CAFE DE LA BOURSE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maury

Conseillers :

M. Torregrosa, Mme Bernard

Avoué :

Me Rouquette

Avocat :

Me Vezian

CA Montpellier n° 08/06060

12 mai 2009

LES FAITS, LA PROCEDURE ET LES PRETENTIONS :

La SARL CAFE DE LA BOURSE est preneur à bail commercial de locaux situés à [...], actuellement propriété de Mme QUERCI SUBIAS. Par acte extra-judiciaire du 12 juillet 1994 la SARL CAFE DE LA BOURSE a demandé le renouvellement du bail commercial pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2003.

Par exploit du 14 mai 1999 Mme QUERCI SUBIAS a assigné la SARL CAFE DE LA BOURSE pour voir prononcer la résiliation du bail pour faute de preneur, voir ordonner une indemnité mensuelle d'occupation à la charge de ce dernier, voir ordonner son expulsion.

Mme QUERCI SUBIAS a conclu le 29 janvier 2001 en précisant qu'elle était auparavant bailleur en même temps que sa mère mais que désormais elle est seule titulaire de la propriété de l'immeuble ainsi qu'en atteste un acte notarié du 27 décembre 1999.

Mme QUERCI SUBIAS a conclu le 29 janvier 2001 en précisant qu'elle était auparavant bailleur en même que sa mère mais que désormais elle est seule titulaire de la propriété de l'immeuble ainsi qu'en atteste un acte notarié du 27 décembre 1999.

Mme QUERCI indique que par arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 janvier 1999 le preneur s'est vu retirer l'autorisation d'exploiter une nouvelle activité de restauration et que malgré une sommation d'huissier délivrée le 4 mars 1999 la SARL CAFE DE LA BOURSE n'a pas justifié l'interruption de son activité de restauration ni la remise des lieux dans leur état initial.

Par ailleurs la société CAFE DE LA BOURSE a négligé systématiquement de rembourser la taxe sur les ordures ménagères au bailleur et même si une régularisation était intervenue ce manquement constitue une faute. Mme QUERCI reproche également l'installation déloyale d'une parabole, l'emprise intempestive des locaux WC et d'emplacement de placard ainsi qu'une récidive de spécialisation sauvage.

La société CAFE DE LA BOURSE a déposé des conclusions récapitulatives le 30 avril 2001 en indiquant avoir procédé aux travaux de remise en état des lieux, avoir cessé toute activité de restauration, avoir démoli tous les travaux concernant la cheminée et la gaine, avoir acquitté sa dette concernant la taxe sur les ordures ménagères, avoir enlevé la parabole, avoir remis en état les WC et les emplacements de placard. Ainsi elle estime que le juge doit apprécier les manquements pour éventuellement prononcer une résiliation du bail commercial d'autant que Mme SUBIAS QUERCI n'a subi aucun préjudice. La société CAFE DE LA BOURSE conclut donc au rejet de la demande de résiliation du bail et reconventionnellement réclame 15 000 F à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 5/04/04 le Tribunal de Grande Instance de Béziers a donné acte à Mme QUERCI de ce qu'elle est désormais seule titulaire du bail commercial ;

Il a été donné acte à Mme veuve SUBIAS de son désistement d'instance.

Mme QUERCI a été déboutée de sa demande de résiliation du bail commercial, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour l'activité commerciale illégitime exercée par le preneur pour la période allant de mai 1994 à mars 1999 ;

La SARL CAFE DE LA BOURSE a été déboutée de sa demande à titre de dommages et intérêts.

Mme QUERCI a relevé appel de façon régulière et non contestée.

Le 31/07/08, Mme QUERCI a appelé en intervention forcée Me GALY, mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL CAFE DE LA BOURSE, ordonné le 12/09/07 par le Tribunal de Commerce de Béziers.

Par arrêt en date du 10 mai 2006, la Cour de céans a ordonné le sursis statuer, dans l'attente de l'arrêt à intervenir dans le cadre de l'instance n° 04/4969 pendante devant la 5ème Chambre A.

Les parties ont été invitées à saisir le Conseiller de la mise en état, pour faire organiser un complément d'expertise pour instruire techniquement les difficultés opposant les parties non traitées par la 5ème Chambre A.

Par ordonnance en date du 11/12/06, une expertise complémentaire a été confiée à M. FERRASSE, pour vérifier le type d'activité exercée, les parties étant en l'état d'un jugement rendu le 3/06/02, par lequel le Tribunal de Grande Instance de Béziers a autorisé :

l'adjonction à l'activité de limonadier prévu par le bail commercial.... l'activité sollicitée annexe et complémentaire de buffet froid ou chaud, salades, sandwichs, glaces, pâtisseries, plats réchauffés à l'exclusion de l'activité de confection de plats cuisinés de restauration traditionnelle.

L'expert FERRASSE a déposé son complément d'expertise le 29/06/07.

Mme QUERCI, appelante, a conclu récapitulativement le 4/03/09 et demande à la Cour de bien vouloir infirmer et :

- prononcer la résiliation du bail à usage commercial profitant à la SARL CAFE DE LA BOURSE, [...], actuellement représentée par Me GALY, mandataire judiciaire, domicilié es qualité, [...], et

- prendre acte que l'action a régulièrement été dénoncée aux créanciers inscrits,

- préciser le délai imparti à la SARL CAFE DE LA BOURSE pour quitter les lieux sous mesure d'astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification à intervenir, l'arrêt à intervenir s'en réservera la liquidation ;

- dire qu'à défaut de libération, l'expulsion pourra être mise en oeuvre par huissier de justice

- fixer l'indemnité d'occupation à effet de l'arrêt à intervenir jusqu'à libération des lieux à une somme mensuelle de 1 600 € ;

- fixer le dédommagement correspondant à l'exercice dans les lieux d'une activité illicite par un montant mensuel de 958 € à effet de la sommation du 4 mars 1999 faisant injonction de cesser cette violation, capitalisé à la date de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la SARL CAFE DE LA BOURSE aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers, distraction a profit de la SCP TOUZERY-COTTALORDA, avoués, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL CAFE DE LA BOURSE à payer à Monique SUBIAS épouse QUERCI une somme de 6 000 € à titre de frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La SARL CAFE DE LA BOURSE, intimée, et Me GALY, mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société, ont conclu récapitulativement le 4/03/09 et demandent à la Cour de bien vouloir :

- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Béziers du 5 avril 2004 en toutes ses dispositions y compris la condamnation de Mme QUERCI à la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter Mme QUERCI de toutes ses demandes notamment celle tendant à la résiliation du bail commercial ;

- et faisant droit à l'appel incident de la SARL CAFE DE LA BOURSE ;

- et ajoutant à la décision de première instance ;

Tenant le manquement de Mme QUERCI à son obligation d'entretien et sa défaillance quant à l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 28 février 2008 ;

- condamner celle-ci à verser à la SARL CAFE DE LA BOURSE une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une somme complémentaire de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

Par courrier en date du 10/03/09, jour de l'audience, l'avoué Me ROUQUETTE a transmis à la Cour les pièces 166, 167 et 168 figurant à son bordereau et que l'avocat du CAFE DE LA BOURSE 'a malheureusement oublié de déposer lors de votre audience de ce jour.

Cet envoi était accompagné d'une lettre de ce conseil (Me VEZIAN) adressée le même jour au Président de la Chambre, et contenant un commentaire sur une des pièces oubliées, à savoir une facture PROMOCASH.

Par courrier en date du 13/03/09, Me TOUZERY, avoué, ne s'est pas opposé à ce que figurent au dossier adverse les pièces 166 à 169, communiquées le 3/03/09 et figurant au bordereau adverse.

En revanche, ce courrier a protesté contre le commentaire susvisé de la lettre de transmission du 10/03/09 qui 'tente de créer une confusion sur la question 'ultra sensible' des pommes de terre ;

Par courrier en date du 17/03/09, en réponse à la note en délibéré' adverse, Me ROUQUETTE a transmis à la Cour un courrier du conseil du CAFE DE LA BOURSE en date du 16/03/09, contenant un extrait de l'arrêt de la Cour du 16/10/08 et une attestation d'un sieur NICOLAS.

Si la Cour estime que l'avoué du CAFE DE LA BOURSE était fondé, sans entorse au contradictoire, à transmettre à la Cour le jour de l'audience des pièces dont la communication régulière avant la clôture est reconnue par son adversaire, elle ne peut que tirer les conséquences de l'absence d'une quelconque autorisation d'une note en délibéré.

Sont donc irrecevables, comme postérieures à l'ordonnance de clôture, tant la lettre de Me VEZIAN en date du 10/03/09, que celle en réponse de Me TOUZERY en date du 13/03/09 ou celle de Me VEZIAN (16 mars) ou ROUQUETTE (17 mars), tout comme l'attestation NICOLAS.

SUR CE :

Attendu que la question de la déspécialisation n'est pas nouvelle et oppose en réalité les parties depuis le 13/02/92, date de l'assignation initiale du CAFE DE LA BOURSE qui souhaitait obtenir une déspécialisation plénière ;

Attendu que l'importance centrale de cette question impose une mise en perspective des conventions, mais aussi des décisions de justice intervenues ;

Attendu qu'à l'origine (bail du 1/04/63), les époux SAQUET (dont le CAFE DE LA BOURSE tire les droits et obligations) ont loué les lieux utilisés.....pour l'exercice et l'exploitation d'un fonds de commerce de limonadier ; toute cession ou affectation 'à une autre activité commerciale faite sans l'accord du bailleur (entraînant) la résiliation pure et simple du bail dans la quinzaine de la notification..... par acte extrajudiciaire contenant son intention de bénéficier de la présente clause' ;

Attendu que la SARL CAFE DE LA BOURSE, venant aux droits des époux SAQUET, a assigné les dames SUBIAS, bailleresses (dont Mme SUBIAS épouse QUERCI, depuis devenue seule bailleresse) le 13/02/92, pour obtenir une déspécialisation plénière ;

Attendu que dans son assignation, il n'est pas inutile de relever que ladite déspécialisation plénière était définie par le CAFE DE LA BOURSE comme : l'autorisation à étendre à son activité celle de restauration rapide, glacier, service de casse-croûte, friteries, vente de glaces en cornet, coupes et autres conditionnements ;

Attendu que le Tribunal de Grande Instance de Béziers a fait droit à cette demande le 27/09/93, la Cour confirmant le 26/05/94 ;

Attendu qu'il n'est pas inutile, nonobstant la cassation qui devait suivre, de relever que la Cour de Montpellier avait entériné l'argumentation du CAFE DE LA BOURSE tendant à s'adapter aux besoins de la clientèle qui a modifié ses habitudes de vie (prise de repas de midi à l'extérieur) et dont les revenus impliquent qu'elle ait recours à un mode de restauration compatible avec ses revenus, donc peu onéreux...

Attendu qu'après cassation en date du 10/07/96 (par suite du non-examen de la demande de Mme QUERCI relative à la démolition de la véranda), la Cour d'Aix a sur renvoi rejeté la demande de déspécialisation plénière (arrêt du 8/01/99), en motivant sur l'absence de démonstration (qui incombe au preneur) de la réunion des conditions légales de l'article 34-1 du décret du 30/09/53 ;

Attendu que devant la Cour d'Aix, le CAFE DE LA BOURSE arguait de la nécessité de s'adapter aux besoins de la clientèle qui a modifié ses habitudes et qui recourt, à midi, à une restauration peu onéreuse, de plus en plus fréquente...

Attendu que cet arrêt d'AIX est définitif (pourvoi rejeté le 24/01/01);

Attendu que dès le 26 mai 99, le CAFE DE LA BOURSE assignait son bailleur sur le fondement de la déspécialisation partielle, en demandant au tribunal de dire et juger : que les activités de buffet froid ou chaud, salades, plats réchauffés, à l'exclusion des plats cuisinés (restauration traditionnelle) sont connexes et complémentaires à celle de limonadier ;

Attendu que par jugement en date du 3/06/02, non frappé d'appel, le Tribunal de Grande Instance de Béziers y a fait droit, selon le dispositif suivant : autorise en conséquence l'adjonction à l'activité de limonadier prévue au bail commercial..., l'activité sollicitée connexe et complémentaire de buffet froid ou chaud, salades, sandwichs, glaces, pâtisseries, plats réchauffés à l'exclusion de l'activité de confection de plats cuisinés de restauration traditionnelle.

Attendu que le Tribunal de Béziers motivait a contrario (cf page 5 du jugement) en retenant que si le caractère complémentaire ou connexe de l'activité de restauration (élaboration de plats complets) ou celle de 'restauration ou de préparation de plats du jour nécessitant une certaine préparation' n'avait pas été reconnue par la Cour suprême, il était possible a contrario (la Cour souligne) d'attribuer un caractère connexe et complémentaire à l'activité de restauration rapide ne demandant ni cuisson ni préparation particulière dans la mesure (arrêt Cour de Cassation du 19/07/00) où elle ne nécessitait pas d'aménagements importants et visait la même clientèle qu'elle tendait à fixer par l'apport de ce service complémentaire ;

Attendu que le tribunal motivait ensuite, pour faire droit à la demande, sur l'activité de restauration rapide (buffet froid ou chaud, salades, sandwichs, plats réchauffés à l'exception de plats cuisinés) proposée par le CAFE DE LA BOURSE, et sur l'évolution des usages commerciaux dans le secteur considéré car tous les cafés bars sont actuellement en mesure d'apporter a minima une prestation de restauration rapide à la clientèle, cette clientèle n'étant plus à l'heure actuelle obligée de se renseigner à l'avance lorsqu'elle entre dans un quelconque de ces établissements pour s'assurer de ce qu'il peut lui être servi quelque chose à manger ;

Attendu que même si seul le dispositif a l'autorité de la chose jugée, il peut être relevé la parfaite concordance des motifs en ce que seule une activité connexe et complémentaire à celle de limonadier a été, admise, cette activité n'étant en aucun cas celle de restauration traditionnelle et visant à fixer la clientèle existante en lui proposant un buffet froid ou chaud, des salades, des sandwichs, des glaces, des pâtisseries, des plats réchauffés - à l'exclusion de l'activité de confection des plats cuisinés de restauration traditionnelle ;

Attendu que l'on comprend d'autant mieux que ce jugement ait satisfait le CAFE DE LA BOURSE qu'il motivait dans le cadre de la déspécialisation partielle sur la licéité d'une adjonction de restauration rapide, ce qui pouvait constituer une forme de confirmation (malgré l'arrêt de la Cour d'Aix) du jugement de Béziers du 27/09/93 qui avait autorisé l'extension de l'activité à la restauration rapide ;

Attendu que la bailleresse, au vu des motifs et du dispositif, n'a pas cru devoir contester la possibilité pour son preneur de fixer sa clientèle (par définition en mal de boissons et rafraîchissements ou limonades) en lui proposant sans qu'elle ait à s'en assurer avant d'entrer 'quelque chose à manger', dont la liste était reprise au dispositif et comprenait les plats réchauffés à l'exclusion 'de l'activité de confection des plats cuisinés de restauration traditionnelle ;

Et attendu que le litige soumis à la Cour était en germe, le CAFE DE LA BOURSE considérant qu'il respecte le jugement définitif du 3/06/02 dès lors qu'il ne confectionne pas des plats cuisinés de restauration traditionnelle, mais se contente de réchauffer, tandis que Mme QUERCI soutient, dans son assignation du 14 mai 99 qui a donné lieu au jugement dont appel, que son preneur exerce en réalité une activité de restauration traditionnelle ;

Attendu que la charge de la preuve d'une activité de restauration non conforme au jugement du 3/06/02 incombant à la bailleresse, la Cour examinera logiquement les éléments concrets soumis à la discussion;

Attendu que l'inspection sur site du 27/12/07 de la direction des services vétérinaires de l'Hérault a constaté la présence d'un sac de pommes de terre posé directement sur le sol' et a interdit la poursuite de toute activité de restauration autre que la vente de sandwichs ;

Attendu que le CAFE DE LA BOURSE proteste en produisant une facture du 8/01/08 relative à des pommes de terre cuites sous vide ; qu'il n'en demeure pas moins que, spontanément, les services vétérinaires ont appliqué la réglementation relative à l'activité de restaurateur au restaurant CAFE DE LA BOURSE ;

Attendu que si l'épisode du sac de pommes de terre est donc en lui-même insuffisant à démontrer une atteinte avérée à l'activité de restauration telle qu'autorisée par le jugement du 3/06/02, force est d'admettre qu'il s'inscrit dans un contexte où un tiers (les services vétérinaires) ne doute pas un instant d'une activité de restauration;

Attendu que Mme QUERCI verse aux débats des constats d'huissiers qui ne sont pas autrement commentés, sinon par la discussion sur les conclusions de l'expert FERRASSE qui seront examinées infra ; que la Cour ne peut que reprendre en détail les constats, dont il résulte :

- l'existence à midi vingt d'une terrasse garnie de trois guéridons et vingt tables toutes dressées avec nappes, serviettes, couverts, verres, salière, poivrière, cendrier et carte, outre un panneau installé en bordure de l'établissement qui affiche la carte de l'établissement ;

- l'occupation par la clientèle uniquement de l'espace de la terrasse, les personnes étant attablées (constats des 20/07, 21/07, 22/07 et 23/07/04) ;

- l'inscription à la craie, sur le panneau susvisé et en sus de la carte, d'un plat du jour comme 'filet de loup et encornets farcis' (constat du 3 au 10/09/03), pintade rôtie (20/07/04), 'gigot d'agneau' (21/07/04), 'entrecôte, boeuf bourguignon, moules farcies, souris d'agneau, veau en sauce, encornets, boulettes de boeuf bolognaise' (constats des 23/01, 25/01, 30/01, 1/02, 8/02, 18/02 et 21/02/08) ;

- la proposition, sur le panneau proposant les plats fixes, de salades froides (niçoises) ou tièdes (chèvre chaud) mais aussi de plateaux de coquillages pouvant aller de 40 € à 70 €, dont le royal et l'écailler qui proposent un demi-homard ou une demi-langouste par personne ;

- l'existence de calamars à cuire, de crevettes crues, de cuisses de poulet crues, de brochettes de porc crues dans des congélateurs (constat du 3 mars 2004), dont M. BOUSQUET s'est borné à dire qu'il s'agissait de 'restes de la féria 2003" ;

- la présence de fours à micro-onde dont il est certain, en toute hypothèse, qu'ils peuvent décongeler, réchauffer mais aussi finir de cuire certains plats traditionnels en sauce (boeuf bourguignon) ou cuire des viandes blanches ;

- la présence d'un toaster 2000 W qui permet de chauffer (salades de chèvre chaud) mais qui est aussi, d'après sa notice, un 'four électrique' et d'un bain-marie (20 litres - 1800 W) qui permet de réchauffer mais aussi de cuire au bain-marie, par définition ;

- un saucier inox à 6 bacs qui permet à tout le moins de napper d'une sauce chaude, une préparation antérieurement cuite soit par un traiteur (version Café de la Bourse) soit sur place (version Querci) ; que l'on conviendra, dans les deux cas, surtout référence faite à la liste des plats du jour, de l'évidence d'une préparation et d'une coordination pour servir un plat, notamment du jour, dont on discerne mal dans ce cas la différence avec un plat cuisiné de restauration traditionnelle ;

Attendu qu'au regard de ces éléments concrets qui n'ont pas le caractère ponctuel de la visite des services vétérinaires, le CAFE DE LA BOURSE, dans ses conclusions récapitulatives et sur ce volet précis, se fonde essentiellement sur le rapport de l'expert FERRASSE ordonné à la mise en état et déposé le 2/07/07, et sur un arrêt de la présente Cour du 16/10/08 ;

Attendu que la Cour, saisie en matière d'exécution, n'a fait que rejoindre la motivation adoptée ci-dessus sur l'insuffisance du rapport des services vétérinaires, en retenant :

il ne peut être soutenu, sur la base du rapport d'inspection, comme le fait le bailleur, que l'établissement aurait repris une activité de restauration traditionnelle... 

Attendu que la Cour a souligné la formulation essentielle au regard de l'argumentation du CAFE DE LA BOURSE, dans le présent débat au fond, à savoir l'insuffisance certes du rapport d'inspection, mais reste l'existence néanmoins des constatations par voie d'huissier dont force est de constater que le CAFE DE LA BOURSE ne les combat qu'au terme des conclusions FERRASSE, dont il ressort notamment : les équipements présents dans la cuisine ne sont pas susceptibles de permettre la mise en oeuvre d'une cuisine traditionnelle ; les seuls éléments présents sur le site ne sont que des éléments de chauffe, destinés tout au plus à réchauffer des plats cuisinés préparés en dehors de cette cuisine. En dehors de ces plats, les équipements présents permettent notamment la confection de salades froides ou chaudes, buffets, charcuteries, viandes froides...

Attendu que le CAFE DE LA BOURSE , en se fondant sur les factures d'un traiteur et principalement sur l'expertise FERRASSE, limite unilatéralement le grief qui lui est fait, par une interprétation restrictive du dispositif du jugement du 3/06/02, à la confection sur place de plats cuisinés de restauration traditionnelle, grief qu'elle conteste en affirmant qu'elle se contente de réchauffer les plats apportés par le traiteur ;

Mais attendu qu'il a été vu supra que l'expertise FERRASSE, qui ne s'est pas adjoint un spécialiste de cuisine gastronomique mais un frigoriste, peut être discutée techniquement, quant à l'utilisation à laquelle elle a limité les appareils répertoriés sur place ;

Et attendu qu'en toute hypothèse, et à supposer même que cette expertise ait démontré que le CAFE DE LA BOURSE ne peut cuire, force est de constater que le preneur ne conteste pas servir tous les jours à une clientèle attirée d'abord par le panneau et la terrasse où les tables sont dressées, des plats du jour peut-être seulement réchauffés sur place, mais incontestablement cuisinés et relevant de la cuisine traditionnelle comme :

- filets de loup et encornets farcis

- pintade rôtie

- entrecôte

- boeuf bourguignon

- moules farcies

- souris d'agneau

- veau en sauce, encornets, boulettes de boeuf bolognaise

Attendu que n'est pas autrement commenté ni contesté par ailleurs le courrier en date du 6/06/06 du syndicat national de la restauration rapide (pièce 77-2) dont il ressort qu'elle se caractérise par :

- la vente au comptoir d'aliments et de boissons présentés dans des conditionnements jetables, que l'on peut consommer sur place ou emporter ;

- l'activité consistant à fabriquer ou pré-cuisiner, en vue de leur livraison immédiate, un certain nombre de plats culinaires destinés à la consommation à domicile ;

Attendu que force est de constater que la nature des plats servis et les modalités du service à la clientèle n'ont rien à voir avec cette définition de la restauration rapide, terme pourtant retenu dans l'assignation initiale de 1992 visant à obtenir une déspécialisation plénière ;

Attendu qu'enfin, il n'est pas contesté que certains produits sont proposés à 70 € l'unité, comme le plateau royal ;

Attendu qu'ainsi, et tenant le nombre, la constance et l'absence de toute contestation des travaux de l'huissier ci-dessus répertoriés, la bailleresse démontre à suffisance que loin de se borner à offrir au client ou au chaland en quête de boisson mais souhaitant avoir quelque chose à manger (cf jugement 3/06/02) un buffet froid ou chaud (le client est assis et servi), des salades, sandwichs, glaces, pâtisseries, et des plats réchauffés, dans le cadre d'une restauration rapide, le preneur offre au passant, par le biais de son panonceau et de l'attractivité d'une terrasse déjà dressée, des plats du jour nécessitant une certaine préparation qu'elles que soient les modalités de terminaison, de réchauffement ou de cuisson des plats du jour livrés mais aussi des sauces ;

Attendu qu'en effet la Cour ne discerne pas en toute hypothèse comment une pintade rôtie , une entrecôte et une demi-langouste sur un plateau de fruits de mer à 70 € ne nécessitent pas, sinon une cuisson complète, du moins à l'évidence une 'élaboration' ou une 'certaine préparation' au sens du jugement précité du 3/06/02, ce qui, pour le client, assimile parfaitement le service offert à des plats cuisinés de restauration traditionnelle ;

Attendu que toute autre analyse, au seul prétexte du libellé interprété restrictivement du jugement du 3/06/02 dans son dispositif, permettrait de proche en proche y compris de servir de la cuisine gastronomique, à la seule condition qu'elle ne soit pas préparée et cuite sur place, alors même que toute la mise en perspective des demandes du CAFE DE LA BOURSE (y compris la déspécialisation plénière), des motifs des juges dont celui d'Aix et de Béziers saisis sur déspécialisation partielle, et du dispositif définitif du 3/06/02 rejette la restauration ou la préparation de plats du jour nécessitant une certaine préparation pour admettre 'l'activité de restauration rapide ne demandant ni cuisson ni préparation particulière, le CAFE DE LA BOURSE ayant lui-même plaidé à Aix la nécessité de s'adapter aux besoins de la clientèle qui a modifié ses habitudes et qui recourt, à midi, à une restauration peu onéreuse...

Attendu que la subversion du jugement du 3/06/02, dans le cadre d'une déspécialisation partielle obtenue suite à un rejet définitif par la Cour d'Aix d'une déspécialisation plénière, est patente lorsque l'on prend la peine de comparer ce qui était sollicité dans le cadre de la déspécialisation plénière, à savoir : restauration rapide, glacier, service de casse-croûte, friteries, vente de glaces en cornet, coupes et autres conditionnements et qui est manifestement en retrait par rapport aux activités que le preneur reconnaît depuis le jugement du 3/06/02, au seul motif - en réalité - que ledit jugement ne faisait qu'interdire la cuisson sur place, et alors qu'il sait n'être bénéficiaire que d'une déspécialisation partielle, par simple adjonction d'une activité connexe et complémentaire ;

Attendu que c'est d'ailleurs vainement que le CAFE DE LA BOURSE tente de réfuter le caractère principal de l'activité exercée telle que décrite par l'huissier de la bailleresse, sur la foi d'une attestation (pièce n° 163) non tamponnée d'un expert comptable VERGELY qui ne précise aucune date, aucun chiffre et qui surtout ne définit pas ce qu'il considère être l'activité de limonadier par rapport à celle de glacier snack bar, auxquelles il limite ses affirmations ;

Attendu que si la démonstration de l'importance de l'activité ainsi exercée appartient à Mme QUERCI, il n'en demeure pas moins que:

- le CAFE DE LA BOURSE n'a pas souhaité fournir des documents comptables précis ;

- que M. VERGELY semble ignorer que l'amateur d'entrecôte, de pintade rôtie ou de langouste ne s'adresse ni aux services d'un limonadier, ni à ceux d'un glacier ou d'un snack (cf les mentions du courrier VERGELY) ;

- l'ancienneté de la deuxième branche du contentieux, à savoir l'utilisation de la terrasse, et la détermination du CAFE DE LA BOURSE depuis 1992 (17 ans) à obtenir l'autorisation de ne pas limiter son activité à celle de limonadier, interdisent de relativiser les constatations de l'huissier qui font de la terrasse dressée et de l'annonce au chaland de plats variés, cuisinés au moins en finition sur place (peut-on réchauffer une entrecôte, ou une pintade rôtie '), abordables ou onéreux, une réalité incontestable et que la Cour estime déterminante de l'attractivité et donc de l'activité et du rendement commercial ;

Attendu que la Cour estime en conséquence que Mme QUERCI démontre que son preneur exerce de façon ancienne, constante et délibérée une activité de proposition et de service en terrasse de plats froids ou cuisinés, nécessairement pour ces derniers réchauffés sur place et nécessitant à tout le moins une préparation par terminaison de chauffe, ou de cuisson, ou de nappage de sauce, qui attire le chaland et non pas seulement le client en recherche de boisson, entre autres par l'affichage quotidien comme plat du jour de plats non assimilables à une restauration rapide et en toute hypothèse de plats fixes pouvant être onéreux, le tout ne pouvant donc être assimilé à une activité connexe ou complémentaire de celle de limonadier ;

Attendu que cette activité intègre en réalité une activité pure et simple de restauration dite traditionnelle, qui n'est permise ni par le bail initial, ni par l'activité annexe et complémentaire autorisée par le jugement du 3/06/02 qui ne saurait être lu comme se limitant à interdire la confection sur place de plats cuisinés ;

Attendu que la résiliation du contrat de bail s'impose de ce seul chef, la SARL CAFE DE LA BOURSE devant quitter les lieux dans les quinze jours francs de la signification du présent arrêt, délai au bout duquel l'expulsion est ordonnée, au besoin avec le concours de la force publique ;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner une astreinte de 150 € par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai, jusqu'à complet déguerpissement ;

Attendu que l'indemnité d'occupation sera fixée à 1 200 € par mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Attendu que si le présent arrêt consacre l'exercice d'une activité contractuellement illicite, référence faite au jugement du 3/06/02, la Cour estime que la démonstration n'est pas faite, sur la période sollicitée depuis le 4 mars 1999, d'un lien direct avec un dommage pour le bailleur quantifiable à hauteur de 958 € par mois, qui tend manifestement à doubler le loyer actuel ;

Attendu que la déspécialisation plénière (prohibée par arrêt du 8/01/99) s'était traduite par une hausse de 20% du loyer ; que cette hausse ayant été acceptée par le preneur, il est logique, dès lors qu'il a contrevenu au bail au moins depuis septembre 2003 (premier constat en ce sens), de considérer qu'il aurait dû payer un surplus de loyer, sur cette base, égale au minimum à 1 2000 €, somme arrêtée à la date du présent arrêt ;

Attendu que la Cour n'estime pas que les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile soient réunies ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel de Mme QUERCI, régulier en la forme ;

Au fond, y fait droit et infirme l'intégralité des dispositions du jugement du 5/04/04 ;

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation du bail commercial consenti à la SARL CAFE DE LA BOURSE, [...], actuellement en redressement judiciaire sous la représentation de Me GALY, à qui le présent arrêt est commun es qualité ;

Donne injonction à la SARL CAFE DE LA BOURSE et à Me GALY, es qualité, d'avoir à quitter les lieux dans les quinze jours francs de la signification du présent arrêt ;

Ordonne l'expulsion au terme de ce délai, au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 150 € par jour de retard jusqu'à complète libération des lieux ;

Fixe l'indemnité d'occupation à 1 200 € par mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne la SARL CAFE DE LA BOURSE et Me GALY es qualité à payer à Mme QUERCI 12 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Les condamne aux entiers dépens ;

Alloue aux avoués de la cause le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.