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Décisions

Cass. 1re civ., 8 décembre 1998, n° 96-15.110

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Savatier

Avocat général :

M. Roehrich

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Vier et Barthélemy

Aix-en-Provence, du 11 déc. 1991

11 décembre 1991

Donne acte à M. X, liquidateur judiciaire de M. Henri Y, de ce qu'il s'est désisté de son pourvoi ;

Attendu que par acte du 28 juillet 1981, Jean-Baptiste Y et son épouse, ont donné à leur fils, M. Henri Y, la nue-propriété d'un immeuble dépendant de leur communauté ; qu'il était stipulé une interdiction d'aliéner le bien donné, que celui-ci ferait retour aux donateurs au cas de prédécès du donataire sans postérité et que l'usufruit ne s'éteindrait qu'après le décès des deux donateurs ; que le 19 février 1986, Jean-Baptiste Y et M. Henri Y ont été condamnés solidairement à payer à la société Sofal une somme en exécution d'un engagement de caution qu'ils avaient souscrit par acte du 3 février 1981 ; que cette société a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur l'immeuble, puis, le 5 mai 1988, a fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière ; que Jean-Baptiste Y est décédé le 23 juillet 1988 ; que sa veuve et leur fils ont demandé la radiation du commandement en se prévalant de la clause d'inaliénabilité ; que l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi de cassation, a annulé le commandement en ce qu'il vaut saisie de la nue-propriété de l'immeuble, l'a validé dans ses dispositions relatives à l'usufruit que s'étaient réservé les donateurs, a déclaré non valable la clause d'inaliénabilité et a ordonné que les opérations de vente soient reprises ;

Sur les deux branches, réunies du premier moyen :

Vu les articles 900-1 et 2204 du Code civil ;

Attendu que la cour d'appel qui a constaté que la procédure de saisie-immobilière avait été diligentée à l'encontre du donateur, également débiteur de la société Sofal, aux fins de vente de la pleine propriété du bien en un seul et même lot, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des textes susvisés en décidant d'annuler le commandement délivré uniquement dans ses dispositions relatives à la nue-propriété, tout en maintenant ses effets sur les droits de l'usufruitier, de sorte que seule la vente de son usufruit pouvait être poursuivie ;

Et sur la deuxième branche du second moyen :

Vu l'article 900-1 du Code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime ; que, même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ;

Attendu que pour annuler la clause litigieuse, la cour d'appel a relevé que l'intérêt du donateur, résidant dans sa volonté d'assurer l'efficacité du droit de retour, qui pouvait seul rendre légitime et valable la clause d'inaliénabilité stipulée à son profit, a disparu ;

Attendu cependant, que la validité de la clause d'inaliénabilité ne pouvait être affectée par la disparition de l'intérêt sérieux et légitime du donateur qui avait justifié cette stipulation au moment de la donation ; que cette disparition permettait seulement au juge d'autoriser le donataire à disposer du bien ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la quatrième branche du second moyen :

Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'en énonçant, pour annuler la clause d'inaliénabilité, que les consorts Y conviennent expressément qu'a disparu l'intérêt du donateur qui pouvait seul rendre légitime et valable la clause d'inaliénabilité stipulée à son profit, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de ceux-ci ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.