Cass. 3e civ., 16 septembre 2009, n° 08-18.868
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Peyrat
Avocat général :
M. Petit
Avocats :
Me de Nervo, SCP Peignot et Garreau
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 juin 2008) que les époux X... exploitaient un élevage d'oies et de canards et exerçaient une activité de production, fabrication, transformation et vente de foie gras ; que, prenant leur retraite, ils ont, d'une part, donné à bail leur exploitation par acte du 13 février 1997 aux époux Y... et, d'autre part, par des actes séparés du même jour, cédé des éléments mobiliers de l'exploitation, ainsi que le droit de présentation de la clientèle et la marque et se sont engagés à ne pas faire de concurrence aux preneurs entrants ; que les époux Y... ont demandé le remboursement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les condamner à rembourser la somme de 6 321,06 pour surévaluation des éléments de mobilier d'exploitation agricole, alors, selon le moyen :
1°) que l'infraction prévue à l'article L. 411 74 du code rural nécessite que soit apportée la preuve que le bailleur ou le preneur sortant ait imposé ou tenté d'imposer la reprise des biens mobiliers à un prix ne correspondant à la valeur vénale de ceux ci ; que la preuve de la contrainte ou de l'intention délictuelle doit être faite par le preneur rentrant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 411 74 du code rural ;
2°) que les juges du fond ne peuvent ordonner la répétition de sommes qui avait été trop versées par le preneur au titre de la cession de biens mobiliers d'une exploitation agricole sans tenir compte de la valeur de l'ensemble du matériel d'exploitation cédé ; qu'en ne prenant en considération que quatre éléments du matériel agricole cédé sans rechercher, comme cela lui était demandé, si dans son ensemble le prix de cession du matériel n'était pas inférieur à sa valeur vénale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 411 74 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que la preuve d'une contrainte ou d'une intention délictuelle par le preneur entrant n'était pas nécessaire et constaté que la cession des éléments d'exploitation agricole avait eu lieu au prix de 45 734,70 , la cour d'appel qui a, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, relevé que la surestimation de la valeur vénale de la sertisseuse, de la marqueuse des chiffres , de l'autoclave et du stand d'exposition démontable était de 6 321,06 , d'où il résultait que la valeur vénale de l'ensemble était inférieure de plus de 10 %, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 411 74 du code rural ;
Attendu que pour accueillir la demande des époux Y... en remboursement des sommes versées au titre de l'indemnité de clientèle, de la clause de non concurrence et de la marque, l'arrêt retient que la cession avait bien pour objet une exploitation agricole et que hormis les éléments mobiliers de l'exploitation les époux X... ne pouvaient monnayer, en vertu des dispositions de l'article L. 411 74 du code rural, ni la présentation de clientèle, ni la clause de non-concurrence, ni la cession de marque, comme s'il s'agissait de la vente d'un fonds de commerce ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de présentation d'une clientèle professionnelle autre que commerciale et une clause de non concurrence sont des droits cessibles et qu'une marque est un bien incorporel qui a une valeur patrimoniale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... à rembourser aux époux Y... la somme de 30 490,15 au titre de l'indemnité de présentation de clientèle et de la clause de non concurrence indûment perçue avec intérêt au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme à compter du 1er janvier 1997, l'arrêt rendu le 12 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée.