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Décisions

CE, 5e et 10e sous-sect. réunies, 1 mars 1989, n° 71140

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. Damien

Rapporteur public :

M. Fornacciari

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, SCP Piwnica, Molinié

TA Strasbourg, du 24 mai 1985

24 mai 1985

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 août 1985 et 22 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat réforme le jugement du 24 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a limité à une somme de 10 000 F la réparation du préjudice subi par lui du fait du comportement de l'administration départementale,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Damien, Conseiller d’Etat;

- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. X... et de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat du département de la Moselle,

- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le département de la Moselle s'est engagé à vendre à M. X... un terrain situé à Saint-Avold et dont il lui avait demandé la cession amiable ; que par une lettre du directeur départemental de l'équipement, en date du 15 décembre 1981, confirmée par une lettre du président du conseil général de la Moselle du 16 février 1982, cette collectivité lui a proposé d'acquérir ce terrain pour la somme de 6500 F ; qu'en renvoyant le 22 février 1982, d'après les affirmations de M. X... non contredites par l'administration, la fiche de renseignements jointe à la lettre de l'administration du 15 décembre 1981, M. X... a donné son consentement à la promesse de vente qui lui était faite et qu'ainsi il est clair qu'un accord de volonté s'est réalisé entre le département et M. X... sur la chose vendue et sur son prix ;

Considérant que le contrat de vente n'a pu être établi du fait que le terrain en cause s'est révélé faire partie du domaine public du département et non du domaine privé comme l'avaient cru les autorités départementales et que le contrat résultant de l'échange de consentement était nul comme contraire au principe de l'inaliénabilité du domaine public ; que, contrairement à ce que soutient le département à l'appui de son appel incident, la méconnaissance de la promesse de vente consentie par le département à M. X... et acceptée par lui est de nature à engager la responsabilité du département à l'égard de son co-contractant ;

Considérant que, devant ces engagements fermes et précis du département, M. X... n'a commis aucune imprudence en commandant à un architecte les plans d'un immeuble destiné à être implanté sur le terrain lui appartenant et sur la parcelle que la collectivité publique avait accepté de lui vendre ; qu'il a ainsi droit au remboursement de l'intégralité des honoraires payés à l'architecte, soit 13 000 F ;

Considérant, en revanche que M. X... a commis une imprudenc en faisant procéder, sans attendre la passation d'un acte de vente, à la démolition de l'immeuble édifié sur les parcelles en sa possession en vue de la construction du nouvel immeuble ; qu'il sera fait une exacte appréciation de la faute ainsi commise en laissant à sa charge le tiers du coût de la démolition de l'immeuble, et en condamnant par suite le département de la Moselle à lui verser à ce titre une indemnité de 32484 F ;

Considérant que le préjudice résultant de la perte des loyers qu'aurait rapportés l'immeuble s'il avait été édifié est purement éventuel et ne saurait par suite être indemnisé ; que, M. X... ne justifiant pas avoir fait à ce jour édifier un immeuble sur les parcelles dont il est propriétaire, il ne saurait demander le versement d'une somme égale à la différence de coût entre la construction d'un nouvel immeuble et la rénovation de l'ancien, ni la réparation du préjudice qui résulterait de la hausse du coût de la construction pendant la période de retard imputable au département ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à demander que la somme que les premiers juges lui ont allouée soit portée de 10000 F à 45 484 F ; qu'en revanche, le recours incident du département de la Moselle doit être rejeté ;

Considérant que M. X... a demandé les 5 août 1985 et 12 mars 1987 que les intérêts de l'indemnité qui lui a été allouée et dont le point de départ a été fixé au 14 mars 1983 par le jugement attaqué, soient capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;

Article 1er : La somme que le département de la Moselle a été condamné à payer à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 mai 1985 est portée de 10000 F à 45484 F. Les intérêts de cette somme échus les 5 août 1985 et 12 mars 1987 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et le recours incident du département de la Moselle sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au département de la Moselle et au ministre de l'intérieur.