Livv
Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 19 mars 2020, n° 18/02194

CAEN

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

LDE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mme Heijmeijer, Mme Gouarin

T. com. Coutances, du 26 juin 2018, n° 2…

26 juin 2018

EXPOSE DU LITIGE

M. S. et Mme C. ont confié à La SARL LDE la réalisation de travaux dans leur immeuble d'habitation et un procès-verbal de réception avec réserves a été dressé le 23-06-2016.

Par jugement en date du 30-08-2016, le tribunal de commerce de Coutances a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de La SARL LDE, la SARL B. C. étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Un procès-verbal de levée de réserves a été signé le 25-11-2016, précisant que le prix des travaux restant dû, soit 19 920 € serait réduit des sommes suivantes :

- 70 % du devis de l'entreprise Ozenne Peinture (5 145 €)

- 8600 € au titre des pénalités contractuelles de retard soit un solde dû de 6 175,15 € à la charge de M. S. et Mme C., qui a été réglé.

Par courrier en date du 02-05-2017, la SARL LDE a fait valoir que ce procès-verbal était en réalité un accord transactionnel, soumis à l'article 2044 du code civil et qu'il était nulle faute d'autorisation du juge commissaire en application de l'article L. 622-7-II et III du code de commerce, de sorte que M. S. et Mme C. lui devaient encore la somme de 13 745 €.

Par jugement en date du 26-06-2018, le tribunal de commerce de Coutances a :

- débouté La SARL LDE de sa demande,

- laissé aux parties les frais irrépétibles engagés par elle,

- condamné La SARL LDE aux dépens.

Par déclaration en date du 16-07-2018, La SARL LDE et son mandataire ont interjeté appel de la décision.

Par jugement en date du 02-04-2019, le tribunal de commerce de Coutances a prononcé la liquidation judiciaire de La SARL LDE.

Par conclusions en date du 27-05-2019, La SARL LDE et son liquidateur demandent à la cour de :

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- prononcer l'annulation de la transaction intervenue le 25-11-2016.

- déclarer irrecevable la demande en paiement de 19 920 € formulée par M. S. et Mme C. à son encontre,

- débouter les intimés de leurs demandes,

- en toute hypothèse, condamner in solidum les intimés à payer à la SARL C.

La somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de SCP M., avocat.

Par conclusions en date du 21-12-2018, M. S. et Mme C. demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celle qui leur a laissé à charge leurs frais irrépétibles,

- subsidiairement, dire que La SARL LDE a abusé de son droit,

- par conséquent, la condamner au paiement de la somme de 19 920,15 € en réparation du préjudice subi,

- la condamner au paiement de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions pour le plus ample exposé des moyens.

L'ordonnance de clôture est en date du 13-11-2019.

MOTIFS

- Sur la qualification de l'acte en date du 25-11-2016.

- L'article 2044 dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Le tribunal de commerce a retenu l'existence d'une transaction, laquelle est contestée par les intimés.

- La transaction implique en premier lieu l'existence de concessions réciproques des parties, quelle que soit leur importance respective, dont l'appréciation relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

L'acte litigieux mentionne que les réserves exposées lors de la réception des travaux du 23-06-2016 sont levées après plusieurs réparations de l'étanchéité qu'il faut consolider et vérifier.

Il précise que la peinture des enduits doit être effectuée selon le devis de la société Ozenne accepté par la SARL LDE, et que le prix des travaux est déduit des montants dus à la SARL LDE à hauteur de 70 %, soit une somme de 7360€ x70%= 5145 €, le reste étant à la charge de l'entreprise DB Ravalement.

M. S. et Mme C. soutiennent que ces modalités ne constituent pas des concessions de leur part mais la modification du contrat initialement conclu en prenant en compte le devis de peinture des enduits.

Toutefois, au vu des réserves concernant l'étanchéité émises le 23-06-2016, l'appelante avait notamment l'obligation de remplacer des plaques de placo dans une chambre et dans la salle, avec remise en place des bandes et des peintures.

Les mentions du procès-verbal de levée des réserves ne sauraient donc constituer un avenant au contrat initial dans la mesure où elles désignaient l'entreprise chargée des travaux de peinture nécessités par les désordres relevés dans le procès-verbal de réception, avec précision du montant.

En mettant à la charge de la SARL LDE 70 % du devis, M. S. et Mme C. ont entendu ne faire supporter que partiellement les travaux de peinture à la SARL LDE selon un pourcentage accepté par les deux parties, de sorte que l'existence de concessions réciproques est établie.

- En second lieu, la transaction a pour objet de mettre fin à une contestation ou de prévenir une contestation à naître.

Il ressort de l'acte litigieux qu'il avait pour objet, outre la levée des réserves, de régler les comptes entre les parties concernant les reprises de peinture ainsi que les pénalités de retard visées dans le procès-verbal de réception (100 € par jour de retard à compter du 23-08-2016) et qu'il entendait ainsi régler toute contestation née ou à naître, notamment sur le principe et /ou le montant des indemnités de retard.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a qualifié de transaction l'acte formalisé par les parties le 25-11-2016.

- Sur les conséquences de la procédure collective.

L'article L. 622-7-II du code de commerce dispose que le juge commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou à transiger.

L'article L. 622-7-III précise que tout acte passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de 3 ans à compter de la conclusion de l'acte.

Dans le cas présent, le tribunal a débouté la SARL LDE de sa demande de nullité en application de l'adage nul ne peut invoquer sa propre turpitude.

Il est cependant constant que le jugement commissaire désigné dans la procédure de redressement judiciaire de la SARL LDE n'a pas donné d'autorisation à son représentant légal pour effectuer la transaction du 25-11-2016, et que l'adage retenu par les premiers juges, outre qu'il n'avait pas été invoqué par les parties, n'a pas vocation à empêcher la nullité d'une transaction mais seulement à dispenser de son obligation la partie tenue à restitution si l'annulation du contrat est prononcée pour cause immorale, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il s'ensuit que la nullité de la transaction doit être prononcée et que le jugement est réformé sur ce point.

- Sur la demande de dommages et intérêts.

Dans la mesure où la cour confirme l'existence d'une transaction, M. S. et Mme C. sollicitent le paiement de la somme de 19 920 € à titre de dommages et intérêts pour abus de droit.

- Sur la recevabilité de cette demande, non présentée en première instance, l'article 567 du code de procédure civile, combiné avec l'article 70, dispose que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Dans le cas présent, il apparaît que la demande de dommages et intérêts est motivée par l'abus commis par la SARL LDE dans sa demande de nullité de l'acte en date du 25-11-2016, de sorte qu'il existe un lien suffisant entre les demandes.

Au demeurant, l'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

La demande de M. S. et Mme C. doit donc être déclarée recevable.

- Sur le fond, il est constant que le juge commissaire n'a pas été sollicité pour autoriser la transaction objet du présent litige mais il n'est pas établi que l'entreprise a entendu sciemment s'affranchir des règles légales en la matière, de même qu'il n'est pas démontré qu'elle a attendu volontairement l'expiration du délai de relevé de forclusion en matière de déclaration de créances pour invoquer la nullité de la transaction.

La demande de dommages et intérêts doit dans ces conditions être rejetée.

- Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile

Partie succombant, M. S. et Mme C. supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu la qualification de transaction à l'acte en date du 25-11-2016.

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité de la transaction en date du 25-11-2016,

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par M. S. et Mme C. mais les déboute sur le fond,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. S. et Mme C. aux dépens de première instance et d'appel.