Cass. 3e civ., 28 mai 2003, n° 02-11.155
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
Mme Stéphan
Avocat général :
M. Gariazzo
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Defrénois et Levis
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 novembre 2001), que, par acte notarié du 2 septembre 1986, la société civile immobilière La Diane (la SCI) a donné à bail à la société Mica un local situé dans une galerie marchande aux fins d'y exploiter une activité de croissanterie, briocherie, viennoiserie, jus de fruits et glaces ; que la bailleresse s'étant opposée à l'adjonction de l'activité de vente de crêpes, non comprise dans la destination contractuelle, la locataire l'a assignée aux fins d'être autorisée à exercer cette activité et la vente d'autres produits non visés au bail ainsi qu'à mettre à la disposition de sa clientèle un comptoir et quelques tabourets ; que la bailleresse, en se fondant sur un commandement resté infructueux du 4 novembre 1996, visant la clause résolutoire, qui faisait injonction à la locataire de respecter la destination du bail, a reconventionnellement demandé que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire et ordonné l'expulsion de la société Mica ;
Attendu que la société Mica fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°) que la clause résolutoire ne peut recevoir application que pour l'inexécution d'une obligation inscrite au contrat ; qu'est nulle et de nul effet comme contraire à l'ordre public la clause contractuelle faisant interdiction au locataire d'adjoindre toute autre activité à celle prévue au bail commercial ; que la clause résolutoire ne peut donc trouver application pour l'inexécution d'une telle obligation nulle ; qu'en l'espèce, la SCI La Diane a demandé aux juges d'appel de constater la résiliation du bail par application de la clause résolutoire pour inobservation de la clause du bail prévoyant "une activité de croissanterie, briocherie, jus de fruits, glaces machine à l'exclusion de toute autre activité, industries, commerces ou professions dont l'exercice même à titre d'annexe est formellement interdit" ; qu'en faisant droit à la demande de la société bailleresse lorsque cette clause, qui était nulle comme contraire à l'ordre public, ne pouvait entraîner l'application de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 34 et 35 du décret du 30 septembre 1953, devenus les articles L. 145-15 et L. 145-47 du Code de commerce, et l'article 1134 du code civil ;
2°) que l'application de la clause résolutoire est subordonnée à la bonne foi de celui qui en demande le bénéfice ; que n'est pas de bonne foi le bailleur qui refuse abusivement à son locataire le droit d'ajouter à son activité des activités connexes et complémentaires pour faire face à la concurrence ; qu'en l'espèce, la société Mica faisait valoir - ce que les premiers juges ont constaté - que sa nouvelle activité consistant à vendre des crêpes, des pizzas, des feuilletés, des sandwichs, des paninis et tartes salées était connexe et complémentaire à celle déjà prévue au bail et répondait à l'évolution des usages commerciaux ; qu'elle ajoutait avoir été dans l'obligation d'étendre son activité sans autorisation préalable en raison de la concurrence croissante des autres commerçants de la galerie marchande ayant eux-mêmes procédé à l'extension de leur activité et que le refus de la SCI La Diane de lui permettre d'exercer son droit à déspécialisation partielle était injustifié ; qu'en décidant que la clause résolutoire était acquise au bailleur sans rechercher, compte tenu de ces circonstances, si celui-ci n'avait pas agi de mauvaise foi en refusant abusivement à son locataire d'exercer son droit d'adjonction d'activités connexes et complémentaires nécessaires à la survie de son commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ;
3°) qu'il appartenait aux juges de rechercher si les fautes de la locataire justifiaient la résiliation du contrat de bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est manifestement crue tenue de prononcer la résolution de plein droit pour manquement à une obligation du bail ayant fait l'objet d'un commandement ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le manquement reproché à la société Mica justifiait la résiliation immédiate du contrat de bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, devenu l'article L. 145-41 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Mica avait étendu son activité sans attendre l'issue de son action en déspécialisation et qu'elle n'avait pas obtempéré dans le délai d'un mois au commandement du 4 novembre 1996 visant la clause résolutoire qui lui faisait injonction de respecter la destination du bail, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.