CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 18 juin 2014, n° 13/22981
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SIMOP (SAS), F2F (SAS)
Défendeur :
RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mme Chokron, Mme Chokron, Mme Gaber
Avocats :
Me DESROUSSEAUX, Me HOLLIER-LAROUSSE
Vu le jugement contradictoire du 28 novembre 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'appel interjeté le 2 décembre 2013 par les sociétés SIMOP et F2F,
Vu l'appel partiel interjeté le 9 décembre 2013 par la société RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL (ci-après dite NICOLL), en ce que le Tribunal a prononcé la nullité du modèle français n° 023478 dont elle est titulaire,
Vu l'ordonnance de jonction des deux procédures d'appel du 14 janvier 2014,
Vu les dernières conclusions du 22 avril 2014 des sociétés SIMOP et F2F, appelantes,
Vu les dernières conclusions du 25 avril 2014 de la société NICOLL, intimée, appelante partielle à titre principal et incidemment appelante sur l'appel adverse,
Vu l'ordonnance de clôture du 29 avril 2014,
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société NICOLL se prévaut :
• de droits de dessins et modèles, à raison d'un dépôt n°023478 du 3 juin 2002, prorogé les 9 février 2007 et 30 mars 2012, sur un ensemble de caniveau de drainage, qu'elle commercialise sous sa marque KENADRAIN,
• de droits d'auteur sur ces caniveaux KENADRAIN ;
Qu'ayant découvert l'offre en vente par les sociétés SIMOP et F2F, et la société FRANCEAUX depuis radiée et dont les parts ont été réunies entre les mains de la société SIMOP, d'un modèle de caniveau dénommé KONEX constituant, selon elle, la reproduction des caractéristiques de son modèle, elle a fait procéder à un constat d'achat suivant procès-verbal d'huissier de justice du 16 mars 2012 sur le site internet 'www. franceaux.fr' puis, autorisée par trois ordonnances présidentielles des 13 et 14 novembre 2012, à trois saisies-contrefaçons le 27 novembre 2012 au siège social des sociétés précitées ainsi qu'au salon Pollutec de Lyon, le conseil de la société NICOLL ayant informé, par lettre officielle du 14 décembre 2012, le conseil des sociétés SIMOP et F2F que les documents couverts par le secret professionnel ou pouvant relever du secret des affaires ne seraient pas remis à la société saisissante ;
Que, dans ces circonstances, la société NICOLL a fait assigner, le 24 décembre 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris, la société SIMOP (comme venant aux droits de la société FRANCEAUX et à titre personnel) ainsi que la société F2F, en contrefaçon de droits des dessins et modèles et de droits d'auteur, ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire ;
Que les sociétés SIMOP et F2F ont opposé la nullité des ordonnances ayant autorisé les saisies contrefaçons et des procès-verbaux de saisies subséquents, ainsi que du dessin et modèle invoqué, et sollicité reconventionnellement une indemnité pour procédure abusive ;
Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont entre autres dispositions :
• débouté les sociétés SIMOP et F2F de leurs demandes en nullité des ordonnances et procès-verbaux précités, et de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive,
• débouté la société NICOLL de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur, prononcé la nullité de son modèle français n° 023478 et déclaré irrecevables ses demandes à ce titre,
• condamné in solidum les sociétés SIMOP et F2F à payer à titre de dommages et intérêts à la société NICOLL 50 000 euros pour concurrence déloyale, 20. 000 euros pour parasitisme et 10 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les frais des trois saisies contrefaçon, et prononcé une mesure d'interdiction ;
Considérant que les parties reprennent pour l'essentiel en cause d'appel leurs moyens de première instance ;
Sur les saisies-contrefaçons
Considérant que les sociétés SIMOP et F2F soutiennent que la juridiction compétente pour autoriser les saisies était le tribunal de grande instance de Paris au vu du constat d'achat préalablement effectué, et que la société NICOLL aurait délibérément évité de présenter ses requêtes aux fins de saisies devant le président de cette juridiction et que les ordonnances obtenues auprès de trois juridictions distinctes seraient nulles comme les procès-verbaux de saisies dressés sur ces bases ;
Mais considérant que le seul fait qu'un huissier de justice du ressort de la juridiction de Paris ait été requis pour procéder à un constat sur internet ne saurait exclure la compétence d'autres juridictions du territoire national pour ordonner d'autres mesures ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que les présidents des tribunaux de grande instance de Lyon, Rennes et Nanterre ont compétence pour autoriser des saisies, qu'ils étaient territorialement compétents pour autoriser de telles mesures dans leur ressort, et que les ordonnances rendues par les délégataires de chacune de ces juridictions n'ont fait l'objet d'aucune demande de rétractation auprès des magistrats signataires, alors qu'il s'agit de la voie de recours prévue par la loi ;
Que les premiers juges ont exactement relevé que la société NICOLL a informé chacun de ces délégataires de ses démarches parallèles auprès d'autres délégataires aux fins de procéder à des saisies contrefaçons dans leur ressort territorial respectif, étant observé qu'un même délégataire peut, le cas échéant, autoriser plusieurs saisies simultanées et que le titre de propriété intellectuelle invoqué n'avait pas alors fait l'objet d'annulation ;
Considérant, enfin, que s'il est soutenu que les opérations de saisies réalisées auraient profité d'un prétendu caractère imprécis des ordonnances rendues, ce moyen ne pourrait relever que du recours en rétractation, et que l'appréciation d'un éventuel abus de droit relève du fond ;
Considérant qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit aux demandes de nullité des ordonnances et procès-verbaux dont s’agit, et le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs ;
Sur le droit des dessins et modèles
Considérant que le dépôt de modèle revendiqué comporte 8 vues en perspective, respectivement celle du caniveau de drainage assemblé, du dessus et du dessous du corps du caniveau, d'une grille pour caniveau de drainage, de la face interne et externe du fond de caniveau de drainage, et de la face interne et externe du raccord de picage pour caniveau de drainage ;
Considérant que les sociétés SIMOP et F2F soutiennent que ce modèle ne présenterait pas de caractère propre et que ses caractéristiques seraient exclusivement d'ordre fonctionnel ;
Considérant que les premiers juges ont estimé que le corps du caniveau destiné à être enseveli ne pouvait faire l'objet d'une protection au titre des dessins et modèles faute d'être apparent et remplir une fonction ornementale' et que, si aucune grille de caniveau antérieure au dépôt du modèle n'était identique, la seule différence entre la grille du modèle revendiqué et celles antérieurement vendues (catalogue LECOUFLE en 1990) serait 'le dédoublement des premières par rapport à la rangée unique des secondes', outre des différence insignifiantes d'emplacement et forme des picots, en déduisant que cette seule partie visible du caniveau installé serait dépourvue de tout caractère propre ;
Mais considérant que si la protection conférée par le droit des dessins et modèles est visuelle, elle peut concerner des modèles industriels et que l'apparence extérieure d'un ensemble de caniveau de drainage est susceptible d'influer sur le choix des consommateurs de tels produits ; qu'il importe donc peu, pour apprécier le caractère protégeable d'un tel modèle, comprenant les vues d'un ensemble d'éléments que seul l'un d'eux, savoir la grille, demeure visible après installation ;
Qu'au contraire, l'acheteur habituel d'un tel produit, qui est l'utilisateur final de ces ensembles de caniveaux de drainage, voit nécessairement le modèle dans sa globalité lors de son acquisition ; qu'au demeurant, les catalogues spécialisés de la société NICOLL présentent bien l'ensemble des caniveaux à grilles et non pas seulement leur grille, et le constat d'achat sur internet montre qu'il en est de même pour les caniveaux argués de contrefaçon ; qu'il ne saurait donc être admis que l'examen du seul caractère propre de la grille serait pertinent en la cause ;
Considérant, par ailleurs, que si des formes qui seraient exclusivement imposées par la fonction peuvent être exclues de la protection du droit des dessins et modèles, le jugement relève exactement (p9) qu'il ressort des pièces produites que 'les nombreux exemples de caniveaux [...]démontrent qu'au regard des mêmes exigences techniques, il est possible de mettre au point une forme de caniveau spécifique, et que le caniveau KENADRAIN (lequel correspond au modèle protégé) se distingue des autres caniveaux et présente une apparence reconnaissable' pour les clients 'à savoir les professionnels du bâtiment et des travaux publics ;
Considérant qu'en réalité le modèle de caniveau revendiqué, qui présente un caractère de nouveauté faute de dessin ou modèle identique antérieurement divulgué, suscite bien une impression visuelle d'ensemble chez l'observateur averti différente de celle produite par tout autre dessin ou modèle de caniveau pris dans son ensemble divulgué avant la date du dépôt ; que ce modèle est donc valable, et la décision entreprise sera réformée en ce qu'elle en a prononcé la nullité et déclaré, en conséquence, irrecevables les demandes de ce chef de la société NICOLL ;
Sur le droit d'auteur
Considérant que le principe de la protection d'une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale n'est pas discuté pas plus que le fait que la société NICOLL exploite le caniveau revendiqué sous son nom ;
Que le tribunal après avoir justement rappelé (p 6 et 7 du jugement) les éléments caractéristiques du corps et de la grille de ce caniveau, auxquels la cour se réfère expressément, a, retenu que la simple combinaison de solutions techniques connues pour le corps du caniveau ne constituerait 'pas un apport créatif suffisant pour démontrer la personnalité de l'auteur au travers de ses choix, même s'il est possible de structurer différemment ces éléments indispensables' et que l'ajout par rapport aux grilles préexistantes 'd'une deuxième rangée d'ouvertures parallèles ainsi qu'un emplacement différent des picotsne suffirait pas à constituer 'un apport original pouvant conférer à cette grille de caniveau une protection au titre du droit d'auteur ;
Mais considérant que s'il incombe à la société NICOLL de caractériser l'originalité de cet ensemble, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire originale, elle revendique un droit d'auteur sur un tout, savoir un caniveau composé à la fois d'un corps et d'une grille ;
Qu'elle soutient que l'originalité de ce produit procède de la combinaison d'éléments caractéristiques, ressortant d'une recherche esthétique, qui ne seraient pas exclusivement imposés par la fonction technique de son produit, lui conférant une apparence distincte d'autres produits du même genre, ce qui résulterait en particulier de représentations de caniveaux concurrents, y compris lorsqu'ils sont fabriqués dans des matériaux similaires, relevant que ces caniveaux sont au surplus majoritairement postérieurs à son produit ;
Considérant que pour contester l'originalité prétendue du caniveau revendiqué les sociétés SIMOP et F2F font valoir qu'il s'inscrit dans des contraintes d'ordre fonctionnel, savoir des impératifs techniques ou économiques, que seul un des caniveaux cités par la société NICOLL serait comparable comme employant des matériaux imposant les mêmes contraintes et qu'il présenterait d'ailleurs des similitudes avec le caniveau revendiqué, comme d'autres 'actuellement proposés sur le marché réalisés dans le même matériau ;
Mais il ressort de l'examen auquel la Cour s'est livrée, que les représentations de modèles non datés ou divulgués après 2002, sont, au regard de la date certaine de création du modèle opposé, dénués de pertinence dans le présent litige (tels les caniveaux ACO Xtradain C, Hauraton Recyfix plus 200, Sabdrain dont aucun élément, en l'état des mentions apposées sur les documents produits, ne permet de retenir qu'il pourraient avoir existé avant respectivement 2008, 2007 ou 2003) et que les modèles de caniveaux préexistants (tels le modèle figuré dans un brevet allemand DE 298 08 197 U1de 1998 ou le modèle ACO DRAIN exposé dans un catalogue LECOUFLE de 1990 ) ne présentent que l'un ou l'autre des éléments du modèle revendiqué (telle respectivement un corps de caniveau comportant des nervures et une semelle, au surplus d'une forme différente, et une rangée d'ouvertures parallèles de la grille) et non pas tous ses éléments dans une combinaison identique ;
Considérant en fait qu'il ne saurait être retenu que les caractéristiques revendiquées telles la feuillure métallique, les rainures alternées dont certaines ne s'étendent pas jusqu'au fond du corps du caniveau contrairement à d'autres, la grille à deux rangées d'ouverture avec picots sur les ponts et alésages positionnés symétriquement et au voisinage des extrémités, seraient exclusivement imposés par les normes en vigueur, coûts et contraintes (de résistance, fiabilité, stabilité, fixation, manutention ou évacuation des eaux), ainsi que par les matériaux utilisés, alors qu'aucun caniveau préexistant ne s'avère présenter la même apparence d'ensemble, et que les caniveaux postérieurs confirment la grande diversité de représentations possibles (en particulier quant à l'étendue de la feuillure, l'agencement des nervures de rigidification, ou la présentation de la grille) ;
Considérant que, force est de constater, au terme de cet examen, que si certains des éléments qui composent le modèle de caniveau en cause sont effectivement connus ou imposés et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun de l'univers des caniveaux de drainage en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l'appréciation de la Cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, confère à ce caniveau une physionomie propre qui le distingue des autres caniveaux du même genre et qui traduit, nonobstant les contraintes du secteur, des choix arbitraires et un parti-pris esthétique, même limité, empreint de la personnalité de son auteur ;
Que, par voie de conséquence, le modèle de caniveau dont s'agit est digne d'accéder à la protection instituée au titre du droit d'auteur, laquelle se cumule avec celle dont il bénéficie au titre du droit des dessins et modèles, et le jugement déféré sera également infirmé en ce qu'il a exclu cette protection ;
Sur la contrefaçon
Considérant que les sociétés SIMOP et F2F ne contestent pas sérieusement l'existence de similitudes entre leur produit et le caniveau ou modèle de caniveau revendiqué, mais prétendent que le produit KONEX qu'elles commercialisent a évolué, qu'il serait différent d'une première version initialement mise en ligne sur le site de la société FRANCEAUX, mais également du caniveau KENADRAIN (forme de la section de zone d'écoulement parabolique et non en U, longueur, profondeur et épaisseur des renforts, 3 renforts horizontaux au lieu d'un renfort au centre, absence de goussets latéraux, piquage inférieur, zone plane autour du piquage et renforts au-dessus du piquage, semelle d'assise plus étroite, points d'injection protégés, perçages oblongs de la feuillure métallique, picots de forme oblongue des caniveaux de 100 mm et picots centraux en forme de croix pour les grilles de caniveaux de plus grande largeur et un seul picot par ligne de séparation des ouvertures, alésages entre deux ouvertures) ;
Mais considérant qu'il s'infère de la comparaison à laquelle la Cour a procédé que le modèle de caniveau commercialisé par les sociétés SIMOP et F2F donne en fait à voir, à l'instar du modèle déposé et de la création originale opposée, la forme générale de la grille et du corps du caniveau tels que revendiqués et figurés au dépôt, avec des différences peu perceptibles, ou n'altérant pas la structure globale ni l'apparence générale ainsi qu'exactement retenu par les premiers juges (p 10 du jugement, l'alternance des nervures se faisant en particulier sur le même rythme sans dissemblance notable) ; qu'il constitue, par voie de conséquence, une reprise, dans la même combinaison, des éléments caractéristiques du caniveau invoqué ; qu'enfin il produit aux côtés de ce caniveau une telle impression de ressemblance que la société NICOLL est fondée à conclure à une reproduction à tout le moins quasi servile, étant ajouté qu'il ne produit pas plus au côté des vues du modèle, tel que déposé, une impression visuelle d'ensemble différente, même pour un observateur averti ;
Considérant qu'il en résulte que la contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles, caractérisée par la représentation, la reproduction ou l'exploitation respectivement de l'oeuvre faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit, et d'un modèle sans le consentement de son propriétaire, est en l'espèce caractérisée à la charge des sociétés SIMOP et F2F ;
Sur la concurrence déloyale.
Considérant que la société NICOLL invoque un risque de confusion, faisant notamment état indépendamment des faits de contrefaçon de la présentation d'une gamme de caniveaux, sous le terme KONEX qui rappellerait celui de sa gamme Kenadrain et d'une autre de ses gammes de caniveaux Connecto ainsi qu'un avilissement de son produit avec un positionnement de prix bien plus bas ;
Mais considérant que l'avilissement invoqué est la conséquence de la contrefaçon, dont il constitue un des éléments d'appréciation du dommage, étant observé que la preuve d'un vil prix n'est nullement rapportée en la cause ; que les premiers juges ont pertinemment retenu que le moyen tiré de la reprise de l'initiale de la dénomination du caniveau revendiqué dans l'appellation KONEX n'est pas pertinent dès lors qu'aucun autre lien ne peut être fait entre les noms en cause, lesquels s'avèrent pour le surplus radicalement distincts (tant au plan visuel que phonétique ou conceptuel) excluant tout réel risque de confusion ; qu'il sera ajouté qu'il n'est nullement prétendu que les produits KONEX reproduiraient les produits Connecto et que la seule reprise en attaque du son co de cette dénomination, par ailleurs très distincte, ne saurait pas plus suffire à établir une volonté de créer un risque de confusion ;
Considérant, en revanche, que les caniveaux KONEX comme les caniveaux KENADRAIN se déclinent en trois tailles ou largeur, ainsi qu'il résulte des pièces du dossier et notamment des écritures dès la sociétés SIMOP et F2F (p 23) et d'un tableau de la société NICOLL (page 58 de ses conclusions) ce qui caractérise un effet de gamme générateur d'un risque de confusion, faute préjudiciable distincte de la seule reprise d'un modèle ou des caractéristiques originales d'un produit, et qui est constitutive de concurrence déloyale ;
Sur le parasitisme
Considérant que les sociétés SIMOP et F2F prétendent qu'ils serait légitime de se tenir informé de produits concurrents, de prendre des photographies d'un nouveau produit non encore commercialisé pour faire remonter l'information , et dénient avoir bénéficié des investissements et travaux réalisés par la société NICOLL, faisant valoir que le caniveau KONEX a été conçu par le bureau d'études de la sociétés F2F qui a développé le projet d'octobre 2008 à juin 2011, ce qui représenterait 1633 heures de travail et un total de plus de 583 413 euros d'investissements ;
Considérant cependant que les premiers juges ont exactement relevé qu'il ressort des courriels versés aux débats 'que les sociétés SIMOP et F2F ont mis au point leur gamme de caniveau KONEX sur la base des caniveaux de la sociétés NICOLL principalement' et que 'pour trouver des solutions techniques' et ' obtenir des économies dans la mise au point' elles ont copié sa valeur économique ; qu'à cet égard la société NICOLL fait valoir que son coût total de développement s'est élevé à 2.987 684 euros, soit à une somme cinq fois supérieure à celle invoquée par les sociétés SIMOP et F2F ;
Considérant qu'indépendamment d'une veille légitime, les documents versés aux débats (pièces 44-2 à 44-6, 48, 50 de la société NICOLL) démontrent une recherche constante de comparaison avec le produit NICOLL, tant au plan de l'apparence que des caractéristiques techniques ou des pratiques commerciales, ce qui a nécessairement permis aux sociétés SIMOP et F2FE de réaliser, au préjudice de la société NICOLL, des économies de conception de moules, de recherches de résistance (validation de la solution technique) ou de réalisation d'une gamme et de bénéficier du lancement du produit ; que les sociétés SIMOP et F2F se sont en réalité fautivement placées dans le sillage de la société NICOLL pour indûment tirer profit de son travail de pionnier et pouvoir commercialiser un produit similaire sans nécessité d'amortir d'aussi lourds investissements ; que la décision entreprise sera, en conséquence, confirmée en ce qu'elle a retenu des actes de parasitisme à l'encontre des sociétés SIMOP et F2F ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que la société NICOLL réclame 360 000 euros au titre de la contrefaçon, 250 000 euros pour actes de concurrence déloyale, et 1 202.135 euros pour parasitisme, outre des mesures d'interdiction, de destruction et de publication ;
Considérant que la société FRANCEAUX ensuite absorbée par la sociétés SIMOP a acquis 4 841 caniveaux contrefaisants ; que les attestations du commissaire aux comptes des sociétés SIMOP et F2F font état de la vente de 2 123 caniveaux jusqu'au 26 juin 2012 les sociétés SIMOP et F2F précisant qu'il s'agissait de ventes réalisées par la société FRANCEAUX, puis de 1437 caniveaux (après absorption de la société FRANCEAUX) jusqu'au 31 mai 2013, et reconnaissent (p 35 de leurs écritures) la vente ensuite de 987 caniveaux jusqu'au 28 février 2014 ; qu'elles estiment le total de ventes depuis avril 2011 à 4.547 caniveaux, ce qui représenterait un chiffre d'affaires de 191 415 euros HT et une marge de 32 324 euros ; que la société NICOLL évalue a minima le bénéfice illicite à 94 000 euros, au vu des chiffres d'affaires attestés par les commissaires aux comptes et de la marge proposée dans les documents saisis,;
Qu'il existe également une atteinte au droit de modèle déposé, et le caractère quasi servile des produits réalisés a nécessairement contribué à banaliser le caniveau commercialisé par la société NICOLL ;
Qu'en l'état des conséquences économiques négatives subies, dont les bénéfices réalisés par les sociétés SIMOP et F2F au vu des éléments financiers produits, et du préjudice moral causé au titulaire des droits de propriété du fait de l'atteinte, la cour dispose de données suffisantes pour fixer à la somme totale de 110 000 euros les dommages et intérêts dus à la société NICOLL en réparation des actes de contrefaçon ;
Considérant que la cour estime que les actes de concurrence déloyale tels que retenus en cause d'appel seront entièrement réparés par l'allocation faite en première instance d'une somme de 50.000 euros au titre de la concurrence déloyale ; qu'en revanche les actes de parasitisme seront plus justement indemnisés, eu égard à leur importance et conséquences préjudiciables, par l'octroi d'une somme de 300 000 euros ;
Considérant que la mesure d'interdiction ordonnée par les premiers juges, justifiée dans son principe et pertinente dans ses modalités au regard de la nécessité de faire cesser les actes illicites et de prévenir leur renouvellement, sera purement et simplement confirmée sans qu'il y ait lieu d'y ajouter de mesures de destruction ; que des mesures de publication ne s'imposent pas plus en la cause ;
Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive.
Considérant que les sociétés SIMOP et F2F succombant en leurs prétentions ne sauraient obtenir des dommages et intérêts pour procédure abusive ; qu'elles n'établissent pas plus que les saisies contrefaçon procéderaient d'une intention de nuire, s'agissant de conforter des éléments résultant d'un simple constat, ni d'une volonté d'obtenir fautivement des informations couvertes par le secret professionnel ou le secret des affaires, alors que le conseil de la société NICOLL a expressément indiqué que de telles informations ne seraient pas transmises à cette dernière et qu'il n'est justifié d'aucun préjudice de ce chef ;
Considérant que la demande indemnitaire et de publication des sociétés SIMOP et F2F ne saurait en conséquence prospérer, et le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutées de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a débouté les sociétés SIMOP et F2F de leur demande en nullité des ordonnances ayant autorisé les 13 et 14 novembre 2012 les saisies contrefaçon, et des procès-verbaux dressés sur la base de ces ordonnances, condamné in solidum les sociétés SIMOP et F2F à payer 50 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL pour concurrence déloyale, prononcé une mesure d'interdiction sous astreinte, mais non de destruction, rejeté les demandes de publication, retenu des actes de parasitisme, débouté les sociétés SIMOP et F2F de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive et condamné in solidum ces dernières aux frais et dépens de première instance ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Dit n'y avoir lieu à nullité du modèle français n° 023478 de la société RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL ;
Dit que les sociétés SIMOP et F2F ont commis à l'encontre de cette société des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles ;
Les condamne in solidum à payer à la société RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL à titre de dommages et intérêts :
• 110 000 euros pour contrefaçon,
• 300 000 euros pour parasitisme ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne in solidum les sociétés SIMOP et F2F aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la société RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL une somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER.