CA Paris, 4e ch. B, 10 janvier 2003
PARIS
Arrêt
FAITS ET PROCEDURE
La société SAGEM a déposé, le 13 février 2001, la demande de brevet n° 01 01915 ayant pour objet un « procédé de commande électronique de produits auprès d’un centre de vente ». Après un projet de décision rejetant cette demande, sur lequel cette société a fait valoir ses observations, le directeur de l’I.N.P.I. par décision du 22 avril 2002 a rejeté la demande de brevet, en relevant que le procédé revendiqué ne visait pas à obtenir un effet technique mais à permettre une transaction commerciale, et n’était donc pas, en tant que tel, une invention brevetable. La société SAGEM a forme un recours contre cette décision aux motifs que, d’une part, sa demande ne porterait pas sur une méthode abstraite et, d’autre part, que l’ I.N.P.I. n’aurait pas les pouvoirs de rejeter celle-ci. L’I.N.P.I. a déposé des observations tendant au rejet du recours.
DECISION
Considérant que la demande de brevet expose que l’invention vise à supprimer le lecteur de carte à puce utilisé lorsqu’une commande est passée par l’utilisateur d’un terminal téléphonique auprès d’un commerçant relié directement au réseau ou relié à l’Internet, pour l’identification de l’acheteur et la transmission des informations bancaire permettant de débiter son compte ; Qu’il est précisé que l’invention : "vise à éviter la nécessité d’un tel lecteur. A cet effet, l’invention concerne son procédé de commande électronique de produits d’un centre de vente pour abonnés d’un réseau téléphonique exploité par un centre d’exploitation disposant des références bancaires et téléphoniques des abonnés, les abonnés accédant au réseau par une procédure d’authentification, procédé dans lequel :
-un abonné appelle le centre de vente et lui transmet une commande d’un produit,
-après identification de l’abonné par le centre de vente et le commande pouvant être acceptée, le centre de vente transmet au centre d’exploitation une requête de certification de l’identité de l’abonné,
-le centre d’exploitation réengage avec l’abonné la procédure d’authentification et retransmet au centre de vente la certification requise et
-la commande est acceptée par le centre de vente et la transaction terminée par traitement des références bancaires de l’abonné. « Qu’il est ajouté »Ainsi c’est l’exploitant du réseau téléphonique qui assure au moins une partie des traitements nécessaires à l’exécution de la commande, en identifiant l’abonné, donc sans la nécessité d’un lecteur de carte bancaire spécifique pour passer la commande.
En d’autres termes, cet exploitant, qui identifiait déjà les abonnés appelants pour facturer l’application particulière des communications téléphoniques, traite selon l’invention aussi l’application des commandes électroniques, qui font appel à l’application téléphonie" ;
Considérant que la revendication 1 reprend mot pour mot la description ci-dessus reproduite en caractères gras ; Que la demande de brevet comporte encore les revendications 2 à 8 suivantes : « 2 -Procédé selon la revendication 1, dans lequel l’identification de l’abonné est communiquée automatiquement au centre de vente (2) par le réseau (30) est transmise avec la requête de certification. 3 -Procédé selon la revendication 1, dans lequel l’identification de l’abonné est acquise directement par le centre d’exploitation (3). 4 -Procédé selon l’un des revendications 1 à 3, dans lequel le traitement des références bancaires de l’abonné est assuré par le centre d’exploitation. 5 -Procédé selon l’une des revendications 1 à 4, dans lequel l’identification de l’abonné s’effectue par carte à mémoire. 6 -Procédé selon l’une des revendications 1 à 5, dans lequel le centre de vente (2) communique avec l’abonné (1) et le centre d’exploitation (3) par un protocole d’un réseau informatique (20). 7 -Procédé selon l’une des revendications 1 à 6, dans lequel l’abonné (1) transmet sa commande au centre de vente (2) par le protocole WAP 8 -Procédé selon l’une des revendications 1 à 7, dans lequel le réseau téléphonique des abonnés est un réseau de radiotéléphonie cellulaire (30). » Que la demande de brevet est notamment accompagné de la figure 1,
Considérant que la société SAGEM fait valoir que l’I.N.P.I. a outrepassé ses pouvoirs en rejetant la demande de brevet, dès lors qu’il n’est pas manifeste que l’invention constitue une méthode abstraite, l’Institut devant délivrer le brevet lorsqu’il « n’es pas certain que l’invention décrite par le demandeur constitue exclusivement une méthode dans l’exercice d’activités intellectuelles ou dans le domaine des activités économiques » ; Que cette société fait encore valoir que, contrairement à ce que prétend l’I.N.P.I. son invention ne constitue pas une méthode abstraite mais, d’une part, met en œuvre des moyens ou supports techniques -le réseau téléphonique -appliqué concrètement à l’industrie de la télécommunication et, d’autre part, produit un effet technique qui consiste en la suppression du lecteur de carte à puce, nécessaire, à côté de l’installation téléphonique pour identifier l’acheteur et connaître les références de son compte bancaire ;
Considérant que l’I.N.P.I. expose que contrairement à ce qui est soutenu l’examen de l’effet technique de l’invention entre bien dans ses pouvoirs ;
Qu’au fond, il fait valoir que :
-la demande de brevet ne vise qu’une méthode commerciale permettant la vente à distance d’un produit, l’identification et la solvabilité de l’acheteur auprès du vendeur étant garantie par un tiers,
-les différentes revendications ne sont définies qu’en terme de fonctions : authentification, identification, certification et traitement, cette procédure ne vise pas à obtenir un effet technique,
-il a été jugé par une chambre de recours technique de l’OEB que le fait de « utiliser des moyens techniques à des fins exclusivement non techniques et/ou pour traiter des informations foncièrement non techniques, ne confère pas nécessairement un caractère technique à chaque étape de la méthode ou à la méthode dans son ensemble »,
-il ne peut être sérieusement soutenu que la suppression du lecteur de carte bancaire permet de considérer que la demande possède globalement un effet technique,
-la solution préconisée par la requérante ressort à l’évidence uniquement de la méthode intellectuelle ; Considérant qu’aux termes des dispositions des articles L. 612-12, 5° et L. 611-10, 2° du Code de la propriété intellectuelle, est rejetée toute demande de brevet dont l’objet ne peut manifestement pas être considéré comme une invention dès lors qu’il constitue une méthode dans le domaine des activités économiques ou bien lorsque l’invention n’est manifestement pas susceptible d’application industrielle ; Qu’il entre, en conséquence, dans les pouvoirs de l’I.N.P.I. de rejeter la demande de brevet lorsque les conditions de l’article L. 612-12, 5° sont manifestement remplies ;
Considérant qu’en l’espèce l’objet du brevet est de faire procéder, par le centre d’exploitation du réseau téléphonique et au profit d’un vendeur, à l’authentification de l’identité et des cordonnées bancaires d’un acheteur passant commande par ce même réseau ; qu’il s’agit, à l’évidence, d’une méthode tendant à obtenir des informations administratives et juridiques dans le domaine des activités économiques ;
Considérant que la circonstance que cette méthode utilise à des fins non techniques des moyens techniques, tels que les réseaux de télécommunications, ne lui donne pour autant aucun caractère technique, étant observé que les moyens techniques utilisés, déjà connus, ne sont pas revendiqués ;
Considérant, par ailleurs, que si l’appareil destiné à fournir, à partir de la carte à puce de l’acheteur, les mêmes informations au vendeur, constitue un moyen technique le cas échéant brevetable, la méthode consistant à n’exécuter une commande passée par téléphone qu’après avoir obtenu, au moyen de cet appareil, un minimum d’information sur l’acheteur ne s’applique toujours qu’au seul domaine des activités économiques et n’acquiert pas davantage un caractère technique ; Que dès lors l’avantage revendiqué dans la demande de brevet consistant en la suppression de cet appareil ne constitue nullement un effet technique qui rendrait brevetable la méthode proposée ;
Considérant que c’est, dès lors, très exactement que l’I.N.P.I. a estimé que la demande n’était manifestement pas brevetable au sens de l’article L. 611-10, 2° ; Que le recours sera rejeté ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le recours.