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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 12 août 2015, n° 14/00477

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cariberick (Sarl)

Défendeur :

Chambre de Commerce et D'industrie de La Martinique , ECM (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lallement

Conseillers :

Mme Deryckere, Mme Troil

TGI Fort-de-France, du 30 mai 2014

30 mai 2014

Exposé du litige - Rappel de la Procédure - Prétentions des parties
Propriétaire en vertu d'un acte authentique du 1er décembre 1975 d'un terrain situé Pointe du bout, commune des Trois-Ilets (Martinique), la Chambre de commerce et d'industrie de la Martinique (la CCIM) l'a donné à bail à construction à la Société à responsabilité limitée Cariberick (la SARL CARIBERICK), par acte dressé en 1982, aux fins de construction d'un bâtiment commercial.
Les parties ont convenu que ce bail à construction serait d'une durée de 25 ans et que la SARL CARIBERICK était autorisée à consentir des sous-locations pendant la durée de la convention. Des baux ont ainsi été consentis à la SARL ECM (bail commercial du 1er juillet 1995), la SARL L. (bail commercial du M. Luc E. août 1996) et l'entreprise ATTITUDE PLONGEE (bénéficiaire d'une cession du 30 mai 2009 du droit au bail consenti le 30 décembre 2005 à la société TURQUOISE YACHTING).
La CCIM et la SARL CARIBERICK sont entrées en pourparlers en vue de la vente de la parcelle à cette dernière à l'expiration du bail à construction, le 30 mars 2007 et la CCIM a consenti le 19 octobre 2009 à la SARL CARIBERICK une autorisation d'occupation temporaire (AOT), avec effet au 22 mars 2007.
Les sous locataires commerçants ont cessé le paiement des loyers à partir d'avril 2009.
Par exploit d'huissier du 24 juillet 2013, la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique a fait assigner la SARL CARIBERICK devant le Tribunal de Grande Instance de Fort de France statuant en référé aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 77 865 euros au titre des redevances dues en exécution de la convention d'occupation précaire.
La société CARIBERICK a fait délivrer à son tour une assignation de mise en cause aux preneurs des baux par elle consentis.
Ainsi, par actes d'huissier séparés du 26 août 2013, la société CARIBERICK a attrait en la cause les sociétés L. et ECM et M. Didier P. aux fins d'obtenir, après jonction des deux affaires, leur condamnation à lui payer certaines sommes au titre des loyers allant de courant 2009 à novembre 2012 et d'obtenir leur condamnation solidaire, dans la limite des sommes dues par eux, à la garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elle au profit de la CCIM.
Le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, par ordonnance contradictoire du 30 mai 2014, a :
- Ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 13/00402 et 13/00396 ;
- Rejeté l'ensemble des demandes de la société CARIBERICK ;
- Condamné la société CARIBERICK à payer à la CCIM la somme de 77 865 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2013 et 1.000 euros pour frais irrépétibles ;
- Condamné la société CARIBERICK à payer aux trois défendeurs principaux 1 000 euros pour frais irrépétibles,
- Rejeté l'ensemble des autres demandes et condamné la société CARIBERICK aux dépens.
La SARL CARIBERICK a interjeté appel de cette décision par déclaration remise par voie électronique au greffe de la Cour par son avocat le 16 juillet 2014.
L'affaire a été fixée à l'audience du 13 mars 2015 sur décision du 5 décembre 2014 du Président de chambre prise en application de l'article 905 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture est intervenue à cette audience, avant les débats.
Par le dispositif de ses dernières écritures remises et notifiées par voie électronique le 8 octobre 2014, la SARL CARIBERICK demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1719 et 1728 du Code civil et de l'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile :
- À titre principal, de relever l'existence d'une contestation sérieuse dans ses rapports avec la CCIM et donc d'infirmer la décision querellée dans toutes ses dispositions et de débouter la CCIM de l'ensemble de ses demandes ;
- À titre subsidiaire et reconventionnel, si la Cour relevait en revanche une absence de contestation sérieuse dans les rapports de la CCIM et de la société CARIBERICK ;
-d'infirmer la décision querellée la condamnant dans ses rapports avec les sous locataires et de constater qu'elle est titulaire d'une créance de loyer à l'encontre des sociétés ECM, L. et à l'encontre de M. Didier P. (entreprise ATTITUDE PLONGEE) et en conséquence :
- de condamner à titre provisionnel, la SARL ECM, à la somme de 89 665, 39 euros pour les loyers de septembre 2009 à novembre 2012 ;
- de condamner à titre provisionnel, la SARL L., à la somme de 75 393,52 euros (avril 2009 à novembre 2012) ;
- de condamner à titre provisionnel, M. Didier P. (entreprise ATTITUDE PLONGEE), à la somme de 41 907,54 euros, correspondant aux loyers d'août 2009 à novembre 2012 ;
- de condamner solidairement la SARL ECM, la SARL L. et M. Didier P. (entreprise ATTITUDE PLONGEE) dans la limite des sommes par elles dues, à garantir la SARL CARIBERICK des condamnations qui seraient prononcées contre cette dernière au profit de la CCIM ;
- de condamner solidairement la SARL ECM, la SARL L. et M. Didier P. (entreprise ATTITUDE PLONGEE) à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner solidairement la SARL ECM, la SARL L. et M. Didier P. (entreprise ATTITUDE PLONGEE) aux entiers dépens.
Par ses dernières écritures remises et notifiées par voie électronique le 24 novembre 2014, la CCIM demande à la Cour :
- de rejeter pour mal fondé l'appel de la société CARIBERICK et de l'en débouter ;
- de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'elle a condamné la société CARIBERICK à lui payer la somme de 77 865 euros à titre de provision ;
- de rejeter le surplus des demandes de la société CARIBERICK ;
- de condamner la société CARIBERICK à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
Par le dispositif de leurs dernières conclusions communes remises et notifiées par voie électronique le 23 octobre 2014, la SARL L., M. Didier P. (Attitude Plongée) et la SARL ECM demandent à la Cour :
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté CARIBERICK de toutes ses demandes contre les sociétés L. et ECM et M. Didier P. ;
- de débouter CARIBERICK de toutes ses demandes en référé du fait de son impossibilité de garantir la pérennité des baux commerciaux consentis ;
- dans tous les cas, de la condamner au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile envers chacun d'eux.
Motifs de la décision
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus rappelées ainsi qu'à la décision déférée.
La SARL CARIBERICK expose que conformément aux termes des articles 1134 et 1728 du Code civil, les sous locataires devaient nécessairement lui régler le montant des loyers, ce qu'il se sont abstenus de faire depuis 2009, la mettant ainsi en difficulté pour honorer ses propres obligations à l'égard de la CCIM.
Selon elle, le tribunal a relevé qu'il existait une difficulté sérieuse tenant à ce que « la société CARIBERICK n'avait aucun droit pour signer en qualité de bailleur des baux commerciaux » et qu'ayant ainsi considéré que l'autorisation d'occupation temporaire (AOT) posait difficultés quant à ses effets dans ses rapports avec les sous locataires, il devait aussi considérer qu'elle posait difficultés dans les rapports entre la SARL CARIBERICK et la CCIM.
Elle estime que cette autorisation lui a été délivrée en vue de permettre la continuité des contrats en cours, ce que la CCIM ne pouvait ignorer.
Elle fait valoir que les baux commerciaux la liant aux sociétés ECM et L. et à l'entreprise ATTITUDE PLONGEE sont les mêmes sous locations conclues au titre du bail de 25 ans qui ont perduré puisqu'il s'agit de baux commerciaux d'une durée minimale de 9 ans avec droit au renouvellement.
Elle avance qu'en lui délivrant une AOT, la CCIM a fragilisé sa relation dans ses rapports avec ses sous locataires alors qu'elle avait l'obligation, en sa qualité de bailleur principal, de délivrer un bail conforme à l'usage pour lequel il est destiné et d'en assurer la jouissance effective.
Pour cette raison, la SARL CARIBERICK soutient que l'AOT délivrée « devient contestable » et que sa dette vis-à-vis de la CCIM devient nécessairement incertaine, tant dans son montant que dans son existence, ce qui fait que les conditions posées par l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile n'étant pas remplies, le juge des référés ne pouvait pas la condamner.
La SARL CARIBERICK fait encore valoir que la décision dont elle a relevé appel « méconnaît non seulement la cause des obligations d'un bailleur, mais les conséquences attachées à la conclusion d'un bail commercial autorisé depuis plus de 25 ans » alors qu'il n'est pas sérieusement discutable que l'AOT avait été conclue en attente de la passation de l'acte de vente définitif. Or, le premier juge a, selon elle, « manifestement perdu de vue, qu'agacée par l'opposition des sous locataires, par leurs plaintes, par leurs contestations allant jusqu' à la saisine du tribunal administratif », elle a été « contrainte d'abandonner ses projets d'acquisition de la parcelle en cause alors même qu'elle avait fait édifier les bâtiments et tant attendu que ces propriétés lui reviennent ».
Elle estime que « la décision querellée est, tant dans la réalité des faits, qu'en droit, choquante puisqu'elle permet à la CCIM qui est, en réalité, elle-même responsable du préjudice financier de l'appelante, d'échapper à toute obligation, alors que le bailleur doit permettre au locataire principal de pouvoir exercer les droits pour lesquels un contrat est conclu, sans être inquiété par les sous locataires » alors que tel n'est pas le cas, puisque les sous locataires remettent en cause l'AOT conclut et, de ce fait, refusent tout paiement.
La société CARIBERICK souligne également que rien ne permet de connaître les éléments sur lesquels la CCIM s'est fondée pour fixer l'indemnité due au titre de la fin du bail à construction et pour la compenser avec les redevances dues et que, ce faisant, il a été opéré compensation entre une indemnité certaine et une dette locative incertaine puisque subordonnée à l'appréciation de la validité de l'AOT.
En définitive, l'appelante considère que toute contestation retenue comme sérieuse porte nécessairement sur toute créance résultant de l'AOT, en ce compris la réparation, qu'elle estime devoir lui être allouée « du fait de la conclusion de ce type d'acte et du refus de paiement des sous locataires ». À cet égard, elle prétend que s'il est fait droit à « la demande de non-paiement des sous-locataires », outre l'impôt et les taxes qu'elle a payés en raison « du bail le liant à la CCIM », son préjudice financier serait de 206 966,45 euros au titre des loyers impayés par les sous locataires, somme devant selon elle être supportée par la CCIM.
La CCIM soutient pour sa part qu'aucune contestation sérieuse ne peut s'opposer à sa demande de provision dirigée contre la SARL CARIBERICK.
Elle expose plus particulièrement qu'au terme du bail à construction, des pourparlers se sont engagés avec la société CARIBERICK pour la vente éventuelle du terrain concerné. Compte tenu de la durée des négociations, il a été accordé à la SARL CARIBERICK une autorisation d'occupation temporaire des locaux moyennant paiement d'une redevance d'un montant de 2170 euros.
Selon la CCIM, ces pourparlers ont duré longtemps, de première part, parce que les parties ont mis du temps à calculer l'indemnité de sortie du bail à construction faute, pour la société CARIBERICK, de fournir les éléments comptables en sa possession, de deuxième part, parce que l'accord sur le prix de la vente du terrain bâti a été difficile à trouver et, de troisième part, parce que les sous-locataires n'ont eu de cesse que de tenter de faire échec à la vente envisagée.
La CCIM souligne que la SARL CARIBERICK, pourtant détentrice d'une autorisation d'occuper avec autorisation expresse de sous louer, n'a jamais entamé aucune action à l'encontre des occupants des lieux pour obtenir paiement de ses loyers.
Elle rappelle qu'en l'absence de tout lien contractuel, elle n'a aucun droit sur les sommes dues par les occupants du fait de la société CARIBERICK qui peut seule en réclamer paiement aux sociétés ECM, L. et à l'entreprise de plongée ATTITUDE PLONGEE, sur la base de l'autorisation d'occuper du 22 mars 2007.
La CCIM fait remarquer que, dans aucun de ces baux, la société CARIBERICK ne fait état de sa situation de locataire, se désignant uniquement comme bailleur, faisant ainsi croire, avant même le terme du bail à construction, à sa situation de propriétaire plein et entier des lieux et n'informant jamais ses occupants de ce que son droit de jouissance était limité dans le temps. Elle en conclut que la société CARIBERICK a créé seule les conditions du non-paiement par les occupants de son chef de leurs loyers
La CCIM fait encore valoir que l'argument de CARIBERICK selon lequel elle aurait été mise en difficulté financière du fait des longueurs de la vente, outre qu'il n'est pas avéré, puisque cette lenteur tient en partie à l'attitude des occupants de son fait et en partie à son propre comportement, ne remet nullement en question son obligation de paiement des loyers fixés par l'autorisation d'occupation temporaire.
La CCIM fait à cet égard remarquer que ce refus de paiement de la part de la SARL CARIBERICK est d'autant plus choquant qu'elle a, en ce qui la concerne, perçu des loyers jusqu'en 2009 des occupants de son chef.
De leur côté, la société L., la société ECM et M. Didier P. pour l'entreprise Attitude Plongée, prétendent avoir été victimes « d'un dol, voire d'une escroquerie et d'un abus de confiance de CARIBERICK qui leur a fait miroiter la possibilité d'être propriétaires d'activités pérennes parce que protégées par le statut des baux commerciaux ».
Ils exposent qu'à la fin du bail à construire et pour préserver les droits de ses locataires, la société CARIBERICK devait, dans un premier temps, demander une location préférentielle et restituer la propriété des constructions, ce qu'elle n'a pas fait, choisissant d'acheter.
Ils font remarquer que la CCIM a proposé à la société CARIBERICK d'acquérir l'ensemble immobilier pour 109.800 euros soit pour une somme qui était largement couverte par les loyers qu'ils lui versaient.
Ils font valoir qu'avant d'être assignée par la CCIM, la SARL CARIBERICK n'a jamais engagé la moindre procédure à leur encontre car elle savait « pertinemment que sa position était plus qu'infondée si les baux commerciaux n'étaient pas garantis ».
Les intimés « s'étonnent de ce que la CCIM consente une AOT rétroactive et non un contrat de location comme prévu au bail à construire et de ce qu'elle consente cette AOT sans se faire payer la moindre somme au titre des mois que couvre la rétroactivité (d'ailleurs discutable ) ».
Ils estiment faire « les frais d'un conflit entre CARIBERICK et la CCIM car cette dernière leur dénie tous droits » alors qu'elle connaît leur existence et n'a jamais manifesté une quelconque opposition à leur occupation des lieux pendant toutes ces années.
Ils reconnaissent que « toute occupation mérite loyer » mais soutiennent que leur occupation des lieux leur donnent droit à un bail commercial devant leur être régulièrement consenti par un bailleur envers lequel ils s'acquitteront des loyers.
Ils prétendent en conclusion que puisqu'ils ne sont pas reconnus comme titulaires d'un bail commercial régulier, il existe une contestation sérieuse sur leur obligation à paiement, raison pour laquelle aucune provision ne doit être accordée à la SARL CARIBERICK qui devra répondre devant les juges du fond, selon eux, « de son dol et des actes postérieurs à l'expiration du bail à construire qui ont conduit à la situation actuelle ».
Sur ce, la Cour rappelle qu'étant saisie d'un recours contre une ordonnance rendue par le juge des référés, elle ne peut statuer que dans les limites des pouvoirs que ce juge tient en particulier de l'article 809 du code de procédure civile, lequel lui permet en son deuxième alinéa d'accorder une provision au créancier lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
En l'espèce, il doit être constaté que, moyennant paiement d'une redevance d'un montant de 2.170 euros, la CCIM et la société CARIBERICK ont convenu le 19 octobre 2009 d'une occupation temporaire des lieux ayant précédemment fait l'objet du bail à construction conclu par acte du 22 mars 1982 pour une durée de 25 ans venue à expiration le 22 mars 2007 et en vertu duquel la société appelante a conclu, le 1er juillet 1995, le 1er août 1996 et le 30 décembre 2005, les baux commerciaux dont sont respectivement titulaires la société ECM, la société L. et l'entreprise Attitude Plongée (M. Didier P.).
Il doit être rappelé que si le droit réel immobilier conféré au preneur par le bail à construction et les dispositions de ce bail lui ont permis de consentir des locations soumises au statut des baux commerciaux, pour autant, le bail à construction lui-même n'est pas soumis à ce statut et qu'il est de principe, ainsi qu'il est dit à l'article L.251-6 alinéa 1 du code de la construction et de l'habitation, que les baux passés par le preneur lui-même sur les locaux qu'il a édifiés, fussent-ils des baux commerciaux, s'éteignent à l'expiration de son propre bail.
Il en résulte en l'espèce que contrairement aux allégations de la société CARIBERICK, elle ne bénéficie pas elle-même du statut des baux commerciaux et que les locations commerciales qu'elle a consenties avant l'expiration du bail à construction dont elle bénéficiait, ont elles-mêmes pris fin au 22 mars 2007, ce qu'elle ne pouvait ignorer.
Force est de constater que la société CARIBERICK ne conteste pas avoir convenu avec la CCIM, postérieurement à l'expiration du bail à construction, d'une occupation temporaire des lieux et locaux objet de ce bail, prétendant seulement confusément qu'en lui « délivrant une AOT, la CCIM a fragilisé sa relation dans ses rapports avec ses sous locataires alors qu'elle avait l'obligation, en sa qualité de bailleur principal, de délivrer un bail conforme à l'usage pour lequel il est destiné et d'en assurer la jouissance effective ». Elle n'apporte, ce faisant, aucun élément sérieux de nature à remettre en cause la validité de cette convention temporaire d'occupation dont elle admet qu'elle a été conclue par les deux parties en pleine connaissance de sa cause, de son objet et de sa durée.
À cet égard, il ne peut qu'être observé qu'il n'est notamment pas discuté que, par cette convention, l'occupation des locaux construits consécutivement au bail à construction, a été autorisée, d'une part, à raison des circonstances exceptionnelles tenant aux difficultés des pourparlers de vente de ces locaux engagés entre les parties et contrariés par des éléments extérieurs à celles-ci et notamment par les mécontentements manifestés par les sous-locataires au sujet du sort des locaux par eux-loués et, d'autre part, pour une durée dont le terme - la vente des locaux - ne dépendait pas de la volonté exclusive des parties elles-mêmes. Dès lors, il ne peut qu'être constaté qu'il n'est pas sérieusement contestable que cette autorisation d'occupation temporaire entre dans la définition de la convention d'occupation précaire qui, selon l'article L.145-5-1 du code de commerce, demeure en dehors du champ d'application du statut des baux commerciaux quelle que soit sa durée.
En conséquence, si la société CARIBERICK ne peut se prévaloir du statut des baux commerciaux, tant du chef du bail à construction, que du chef de la convention d'occupation temporaire, c'est à raison de dispositions légales qu'elle ne pouvait ignorer et non à raison, comme elle l'invoque, d'une prétendue méconnaissance par la CCIM de ses obligations de propriétaire des lieux donnés à bail à construction avant de faire l'objet d'une autorisation d'occupation précaire.
De même, si la société L., la société ECM et l'entreprise Attitude Plongée allèguent s'étonner du caractère « rétroactif » de cette convention temporaire, il n'est nullement démontré que le fait que celle-ci ait été conclue en toute connaissance de cause par les parties le 19 octobre 2009 avec effet à compter du 22 mars 2007, date d'expiration du bail à construction, l'affecte d'un vice susceptible de la rendre nulle et de nul effet envers quiconque, aucune disposition légale n'interdisant aux parties de donner un effet rétroactif à un tel acte auquel elles ont mutuellement consenti.
S'agissant des stipulations particulières de cette convention d'occupation temporaire, il doit être retenu :
- que selon son article 1 : « la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Martinique autorise la Société CARIBERICK à occuper la parcelle cadastrée A 410 sous le régime de l'Autorisation d'Occupation Temporaire, ainsi que la jouissance de l'immeuble qui y est construit. La société CARIBERICK pourra sous louer les locaux qui font partie de l'immeuble pendant toute la durée de l'autorisation. » ;
- que selon son article 3, l'autorisation peut être révoquée d'office, notamment « en cas de non-paiement des loyers ou « si la vente ne pouvait être conclue par la mauvaise volonté de l'acheteur » ; que selon cette même clause ; « la révocation intervient après une simple mise en demeure par lettre recommandée restée sans effet dans le délai imparti qui, sauf cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours. Elle est prononcée par décision de la CCIM sans qu'il soit nécessaire de remplir aucune formalité devant les tribunaux et a son plein effet à compter du jour de la notification de cette décision par lettre recommandée...la décision de révocation prononce l'expulsion et fixe le délai imparti à l'occupant pour évacuer les lieux. En cas de révocation, le titulaire ne peut prétendre à aucune indemnité » ;
- que l'article 4 de cette autorisation a prévu que celle-ci était « accordée et acceptée à compter du 22 mars 2007 jusqu'à la signature de l'acte authentique de vente ».
Il n'est pas contesté que la signature de l'acte de vente n'ayant pu intervenir, la société CARIBERICK, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 3 décembre 2012, a notifié à la CCIM sa renonciation à l'achat de la parcelle A410.
En retour, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 22 janvier 2013, la CCIM a pris acte de cette renonciation et a rappelé à la société CARIBERICK qu'elle restait lui devoir la somme de 147 730 euros au titre des redevances d'occupation dues du 22 mars 2007 jusqu'au 3 décembre 2012, date de la renonciation à acheter. Par ce courrier, la chambre de commerce a demandé par ailleurs à la SARL de se « rapprocher de ses services dans un délai d'un mois afin de lui adresser une proposition de règlement amiable » et souligné que, « passé ce délai, à défaut de réponse ou en cas de réponse non satisfaisante », elle serait « contrainte d'envisager un recouvrement forcé de sa créance, en usant des voies judiciaires ouvertes à cet effet ».
Par une seconde lettre recommandée avec avis de réception du 10 avril 2013, la CCIM a mis en demeure la société CARIBERICK de lui régler la somme de 77 865 euros en principal au titre de l'indemnité d'occupation temporaire après déduction, sur la somme de 147 730 euros représentant la totalité des redevances d'occupation non réglées, de la somme de 69 868 euros.
La société CARIBERICK, qui ne conteste pas ne pas avoir réglé les loyers fixés par la convention temporaire d'occupation, n'a pas déféré à cette mise en demeure.
De l'ensemble de ces considérations de droit et de fait, se déduit l'existence d'une obligation non sérieusement contestable de paiement des loyers mis conventionnellement à la charge de la SARL CARIBERICK par l'acte d'autorisation temporaire d'occupation.
Dès lors qu'il est tout aussi incontestable que la mise en demeure prévue par la convention a bien été délivrée à la SARL CARIBERICK par la CCIM mais qu'elle est restée sans effet, la Cour ne peut qu'approuver le premier juge d'avoir condamné celle-là à payer à celle-ci, à titre de provision, la somme de 77 865 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2013, date de l'assignation.
Il sera ajouté que s'agissant d'une condamnation provisionnelle dont le montant est à arbitrer souverainement par le juge des référés, le montant de l'indemnité de fin de bail à construction due par la CCIM à la société appelante et ses critères de calcul importent peu, dès lors qu'il est établi que la somme due au titre de l'obligation non sérieusement contestable de paiement des loyers s'élève à 147 730 euros et que la condamnation provisionnelle a été cantonnée à la somme de 77 865 euros, bien inférieure à cette dette de loyers incontestée.
Sur la garantie réclamée par la SARL CARIBERICK à ses trois sous-locataires que sont la société L., la société ECM et M. Didier P. (entreprise Attitude Plongée), il sera rappelé, ainsi qu'il a déjà été ci-dessus exposé, qu'en application de l'article L.251-6 du code de la construction et de l'habitation, les baux commerciaux qu'elle leur a consentis avant l'expiration du bail à construction dont elle bénéficiait, ont pris fin à l'expiration de ce bail soit le 22 mars 2007. En toute hypothèse, il est de principe, dans tous les cas, que la résiliation du bail principal entraîne la résiliation du sous-bail.
Il sera rappelé également et contrairement à ce qu'avance la société CARIBERICK, de même d'ailleurs que ses locataires, que pendant la durée du sous-bail, il n'existe aucun lien de droit entre le propriétaire des lieux loués et le sous locataire, lequel se trouve tenu par les obligations de la sous-location uniquement envers le locataire principal qui est son unique bailleur. Si, en cas d'expiration ou de résiliation du bail principal, le sous-locataire, en application de l'article L.145-32 alinéa 2 du code de commerce, dispose d'un droit direct de renouvellement de son bail à l'égard du propriétaire des lieux loués, encore faut-il que le bail principal soit lui-même un bail commercial, ce qui n'est le cas, en l'espèce, ni du bail à construction venu à expiration le 22 mars 2007, ni de la convention d'occupation temporaire dont il a déjà été dit qu'elle échappait elle-même au statut des baux commerciaux.
C'est cependant à tort que le premier juge a considéré que « la société CARIBERICK n'avait aucun droit pour signer, en qualité de bailleur, des baux commerciaux car elle n'était pas en mesure d'offrir le cœur de ses obligations, c'est à dire la propriété commerciale à ses cocontractants ».
En effet, il n'est contesté par aucune des parties qu'en réalité les baux commerciaux régulièrement convenus avant l'expiration du bail à construction entre, d'une part, la SARL CARIBERICK et, d'autre part, la société L., la société ECM et M. Didier P., d'autre part, se sont poursuivis après cette expiration en vertu de l'autorisation de sous-location donnée par la CCIM dans la convention d'occupation temporaire. Or, le fait que le bail à construction ne soit pas un bail commercial, n'interdisait nullement à la SARL CARIBERICK de consentir, comme elle l'a fait avec l'autorisation de son propre bailleur, des baux commerciaux portant sur les locaux construits au titre de ce bail à construction, de même que la convention d'occupation précaire, bien que n'étant pas elle-même assujettie au statut des baux commerciaux, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle donne en sous location commerciale les locaux loués par elle-même à titre temporaire.
Dès lors, il ne peut être contesté que les sous locataires sont demeurés tenus par les obligations de leur bail commercial envers leur bailleur, la SARL CARIBERICK et non pas envers la CCIM, avec qui il sera répété qu'ils n'ont aucun lien de droit. À ce titre, ils étaient notamment tenus de verser à cette SARL les loyers dus jusqu'à la résiliation de la convention temporaire d'occupation, soit le 3 décembre 2012, puisque la résiliation de celle-ci, qui s'est substituée au bail à construction pour devenir le titre principal en vertu duquel la sous location leur a été consentie, a nécessairement entraîné la résiliation des sous-locations selon le principe ci-dessus rappelé. C'est à compter de cette date de résiliation que les sous locataires, qui ne bénéficiaient pas du droit direct de renouvellement de leur bail de l'article L.145-32 alinéa 2 du code de commerce précité faute pour leur bailleur de disposer d'un droit d'occupation lui-même soumis au statut des baux commerciaux, sont devenus occupants sans droit ni titre des lieux et qu'a donc pris fin leur obligation de payer leur loyer à la SARL CARIBERICK.
Il faut rappeler d'ailleurs à ce sujet que, d'une manière générale, lorsqu'il est consenti par une personne qui n'est pas propriétaire de la chose louée, le bail commercial, pour être inopposable au véritable propriétaire, n'en est pas moins valable dans les rapports entre ce bailleur dépourvu de la propriété du bien loué et son locataire, lequel ne peut se soustraire au paiement des loyers au prétexte que son bailleur n'est pas propriétaire des lieux qu'il lui loue.
Pour autant, dès lors qu'ils n'ont aucun lien de droit avec le propriétaire des lieux qui leur sont loués, les sous-locataires ne sauraient devoir au locataire principal garantie des loyers que celui-ci s'est abstenu de payer au bailleur propriétaire des lieux.
En effet, si, en application de l'article 1753 du code civil, le bailleur principal peut demander au sous-locataire le paiement des loyers que celui-ci doit au locataire principal lorsque ce dernier ne règle pas ses propres échéances, il n'en reste pas moins qu'il s'agit là d'une faculté permettant au propriétaire des lieux de s'adresser au débiteur de son propre débiteur mais dont il peut ne pas user. Cette faculté n'a en tout cas pas pour effet d'instituer au profit du débiteur du loyer principal une garantie dont serait tenue à son égard son propre débiteur des sous-loyers.
C'est donc à tort que la SARL CARIBERICK, d'une part, reproche à la CCIM de ne pas s'être retournée contre la société L., la société ECM et M. Didier P. pour obtenir paiement des loyers qu'elle lui doit elle-même en exécution de la convention temporaire d'occupation et que, d'autre part, elle réclame la condamnation de ces trois sous-locataires à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. Le rejet de cette prétention par le premier juge doit donc être approuvé et confirmé.
Il est établi qu'après le 22 mars 2007 et jusqu'en avril 2009 au moins, les sous locataires ont poursuivi le paiement de leurs loyers entre les mains de la SARL CARIBERICK qui les a encaissés, comme il n'est pas contesté qu'ils ont cessé, à partir de l'année 2009 et à des dates différentes pour chacun d'entre eux, de régler les loyers dus au titre des baux commerciaux les obligeant envers cette SARL jusqu'au 3 décembre 2012.
Pour autant, il est établi que la SARL CARIBERICK n'a jamais entrepris d'action en paiement des loyers contre la société L., la société ECM et M. Didier P., de même qu'elle n'a pas, en conséquence de l'expiration au 3 décembre 2012 de son propre titre d'occupation des lieux qu'elle leur sous-louait, procédé dans des conditions conformes aux exigences du statut des baux commerciaux, à la résiliation des baux en cause. En s'abstenant d'agir, la SARL CARIBERICK a rendu incertaine, si ce n'est dans son existence, au moins dans son montant et dans son exigibilité actuelle, l'obligation à paiement des loyers dont elle se prévaut. Ce faisant, elle a rendu cette obligation d'autant plus sérieusement contestable que ses locataires étant privés du droit au maintien de leur bail ou de son renouvellement selon les conditions protectrices posées par le statut des baux commerciaux, ceux-ci peuvent être fondés à agir à son encontre devant le juge du fond, ainsi qu'ils allèguent vouloir le faire, pour obtenir réparation du préjudice qu'ils estiment subir de ce fait.
Dès lors, pour ces motifs que la Cour substitue à ceux du premier juge, l'obligation de paiement des loyers dont se prévaut la SARL CARIBERICK à l'égard de ses locataires est devenue sérieusement contestable devant le juge des référés, en sorte que le litige né de l'inexécution de cette obligation ne peut être tranché que par le juge du fond.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des prétentions de la SARL CARIBERICK.
En définitive, l'ordonnance déférée est confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles concernant les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
En équité, la SARL CARIBERICK sera condamnée à verser à la CCIM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la somme globale de 3 000 euros à la SARL L., la SARL ECM et M. Didier P., pris ensemble.
La Cour la condamne par ailleurs aux dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
- confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
- condamne la SARL CARIBERICK aux dépens de l'instance d'appel ;
- condamne la SARL CARIBERICK à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile , la somme de 2 000 euros à la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Martinique (la CCIM) et la somme globale de 3 000 euros à la SARL L., la SARL ECM et M. Didier P. (entreprise Attitude Plongée), tous trois unis d'intérêt ;
- rejette toutes les autres demandes formées en cause d'appel.