Cass. 3e civ., 7 septembre 2017, n° 16-19.874
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocat :
SCP Leduc et Vigand
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 4 mai 2016), que Mme Y Z est propriétaire de parcelles de terre dont la SCEA Jardin d'Ava (la SCEA) est preneur à bail ; qu'un jugement du 17 décembre 2013 a placé Mme Y Z en redressement judiciaire ; que, par actes extrajudiciaires des 27 décembre 2013 et 11 avril 2014, celle-ci a mis en demeure la SCEA de payer les fermages, puis a sollicité la résiliation du bail ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y Z fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors selon le moyen que selon l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance, mise en demeure qui doit, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ; que selon l'article L. 411-53, le bailleur peut mêmement s'opposer au renouvellement du bail s'il justifie de l'un des motifs mentionnés à l'article L. 411-31 précité, dans les conditions prévues audit article ; que par l'effet du renvoi opéré par l'article L. 411-53 à l'article L. 411-31 précité et eu égard à l'identité des conditions de fond et de forme auxquelles doit satisfaire le bailleur pour s'opposer au renouvellement ou obtenir la résiliation judiciaire du bail rural, il est indifférent que celui-ci ait visé l'un ou l'autre des textes précités dans sa mise en demeure dès lors qu'il résulte suffisamment des termes de celle-ci que le bailleur entendait se prévaloir du défaut de paiement des fermages à l'appui d'une opposition à renouvellement et/ou d'une demande de résiliation judiciaire ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs expressément adoptés du jugement que les mises en demeure litigieuses faisaient ressortir que Mme Y entendait se prévaloir du défaut de paiement du fermage, non seulement pour s'opposer le cas échéant au renouvellement du bail, mais également pour sauvegarder son droit à la résiliation du bail, ce qui ressortait de la formule « sans préjudice de mon droit de demander la résiliation du bail » ; qu'en considérant néanmoins que ces mises en demeure étaient nulles pour avoir reproduit les dispositions relatives au seul refus de renouvellement et non celles, identiques, applicables à la résiliation du bail, la cour viole l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les mises en demeure visaient l'article L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 13 juillet 2006, et relevé que ce texte, tant dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée que dans celle en vigueur à la date de l'acte, régissait le refus de renouvellement et non la résiliation du bail, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ces mises en demeure ne pouvaient fonder une demande de résiliation du bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième et le troisième moyens, réunis :
Vu les articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce ;
Attendu que les dispositions qui prévoient que les instances en paiement reprises après déclaration de créances ne peuvent tendre qu'à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ne s'appliquent pas aux créances dont le débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire est bénéficiaire;
Attendu que la cour d'appel a ordonné l'inscription, au passif de la liquidation judiciaire de Mme Y Z, des sommes au paiement desquelles la SCEA a été condamnée au profit de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il précise que la condamnation de la SCEA Jardin d'Ava au paiement de la somme de 9 601,92 euros au profit de Mme Y Z, en paiement des fermages pour les années 2009 à 2013, sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière à la diligence de la SCP Tirmant-Raulet, en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Y Z et ordonne l'inscription au passif de cette liquidation judiciaire de la condamnation de la SCEA Jardin d'Ava à payer à Mme Y Z la somme de 3 000 euros au titre du fermage dû pour l'année 2015, l'arrêt rendu le 4 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ces chefs ;
Condamne la SCEA Jardin d'Ava à payer à la SCP Tirmant-Raulet, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme Y Z, la somme de 3 000 euros au titre du fermage dû pour l'année 2015.