CA Pau, 2e ch. sect. 1, 19 septembre 2017, n° 16/00056
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Diac (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Morillon
Conseillers :
Mme Diximier, Mme Janson
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Vu l'appel formé le 7 janvier 2016 par la SA DIAC du jugement prononcé le 8 décembre 2015 par le tribunal de commerce de PAU,
Vu les conclusions de la SA DIAC en date du 16 mars 2016,
Vu l'ordonnance de mise en état du 12 octobre 2016,
Vu l'ordonnance de clôture du 24 mai 2017 et la fixation de l'affaire à l'audience du 27 juin 2017.
La SA DIAC a consenti à Monsieur Didier L. qui exerce une entreprise individuelle à MESPLEDE ( 64 ) spécialisée dans la pose de revêtement sols et murs, deux crédits destinés au financement de deux véhicules :
- le contrat n° 1200 220988 C en date du 7 juin 2012 destiné à financer l'acquisition d'un véhicule RENAULT GRAND MODUS GAMME 12 immatriculé 41 76 SK 65,
- le contrat n° 1332 889 8 C du 29 octobre 2013 destiné à financer l'acquisition d'un véhicule RENAULT TRAFIC FOURGON immatriculé BZ 342 FW.
Après avoir réglé directement le fournisseur qui lui a délivré une quittance subrogative, elle a bénéficié sur les deux véhicules d'une clause de réserve de propriété du vendeur.
Par jugement en date du 23 septembre 2014, le tribunal de commerce de Pau a prononcé le redressement judiciaire de Monsieur Didier L. et a désigné la SELARL B. ET ASSOCIES en qualité de mandataire judiciaire.
La SA DIAC a régulièrement déclaré ses créances entre les mains du mandataire et a sollicité la restitution des deux véhicules auprès du débiteur avec copie de sa demande au mandataire.
À défaut de réponse dans un délai d'un mois elle a présenté une requête au juge commissaire aux fins de revendication des véhicules sur le fondement des dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-18 du code de commerce.
Par ordonnance du 26 mars 2015, le juge commissaire a reconnu la validité et l'opposabilité des clauses de réserve de propriété des deux véhicules mais a autorisé Monsieur L. à conserver l'usage des véhicules et à reprendre le paiement des mensualités prévues au contrat de prêt, au motif que les véhicules étaient nécessaires à la poursuite de son activité.
Sur recours du créancier, par jugement en date du 8 décembre 2015, le tribunal de commerce a :
- constaté que la déchéance du terme n'avait pas été prononcée pour les contrats de prêt visés et que les dispositions contractuelles continuaient à s'appliquer,
- autorisé le débiteur à reprendre le paiement des mensualités prévues au contrat de prêt afin de conserver l'usage des deux véhicules objet des contrats,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration en date du 7 janvier 2016, la SA DIAC a interjeté appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions en date du 16 mars 2016, la SA DIAC demande à la Cour de :
- la recevoir en son appel et de l'y déclarer bien fort bien fondée.
- réformer le jugement du Tribunal de Commerce de PAU en date du 8 décembre 2015,
- ordonner la restitution des véhicules :
- Renault Trafic immatriculé BZ 342 FW,
- Renault Modus immatriculé 4176 SK 65,
. condamner Monsieur Didier L. et la SELARL B & ASSOCIES à lui régler la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de article 696 du Code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que la notion de contrat en cours ne trouve pas à s'appliquer présentement dans la mesure où il s'agit d'un contrat de vente de biens mobiliers dont la propriété était réservée et dont le prix n'était pas payé lors de l'ouverture de la procédure collective.
Elle soutient qu'en qualité de tiers subrogé ayant réglé au vendeur l'intégralité du prix, elle dispose du fait de la subrogation conventionnelle des mêmes droits que le vendeur.
Elle maintient que leur seul effet pour Maître B. es qualités pour éviter la restitution était de régler la totalité de sa créance.
Par ordonnance de mise en état du 12 octobre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions signifiées le 31 mai 2016 par les intimés.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mai 2017 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 27 juin 2017.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
SUR CE
I - SUR LES DEMANDES PRINCIPALES :
A - Sur la procédure :
En application des articles :
- L. 624-10 du code de commerce Le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État,.
- R. 624-14 Pour l'application de l'article L. 624-10, la demande en restitution est faite par le propriétaire du bien par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur, s'il en a été désigné, ou, à défaut, au débiteur. Une copie de cette demande est adressée au mandataire judiciaire.
A défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu'il soit statué sur les droits de ce dernier. Même en l'absence de demande préalable en restitution, le juge-commissaire peut également être saisi à cette même fin par l'administrateur ou par le débiteur.
- R. 624-15 Pour bénéficier des dispositions de l'article L. 624-10, les contrats qui y sont mentionnés doivent avoir été publiés avant le jugement d'ouverture selon les modalités qui leur sont applicables.
Aux mêmes fins, en l'absence de réglementation particulière, le propriétaire du bien doit avoir fait publier le contrat avant le jugement d'ouverture, selon le cas, au registre mentionné à l'article R. 313-4 du code monétaire et financier ou au registre prévu au troisième alinéa de l'article R. 621-8 du présent code.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la DIAC bénéficie d'un contrat avec clause de réserve de propriété publié.
De ce fait, en application de l'article L. 624- 10 précité, elle est dispensée d'engager une action en revendication.
Si elle a commis une erreur de plume dans tous les courriers qu'elle a adressés tant au débiteur qu'au mandataire judiciaire dans la mesure où elle a utilisé le terme de revendication et au lieu de celui de restitution, il n'en demeure pas moins qu'elle a respecté scrupuleusement la procédure d'une demande d'acquiescement à restitution adressée au débiteur et en copie au mandataire et d'une requête en restitution adressée au juge-commissaire dans le délai du mois suivant la présentation de la demande d'acquiescement.
Ainsi, cette simple erreur n'entache pas pour autant la procédure mise en oeuvre dès lors que les textes visés sont ceux qui sont applicables en la matière, que d'une façon générale, la procédure suivie est conforme à celle applicable en matière de restitution et que de surcroît, tant devant le tribunal de commerce que devant la Cour dans ses écritures, elle a sollicité, clairement, la restitution des véhicules litigieux.
B - Sur le fond :
Il est acquis que la vente avec clause de réserve de propriété ne constitue pas un contrat en cours - au sens du code de commerce - au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective dès lors que la chose a été livrée à l'acheteur emprunteur antérieurement audit jugement.
La règle est identique pour le prêteur subrogé dans les droits du vendeur qui bénéficie non seulement de la créance primitive mais également de tous les avantages et accessoires de celle-ci.
Par ailleurs, il est tout aussi acquis qu'aucune disposition légale n'exige que le créancier ait prononcé la déchéance du terme du prêt litigieux ou qu'il soit en mesure de reprocher un défaut de paiement au débiteur pour se prévaloir de la clause de réserve de propriété dont il est bénéficiaire.
Pour l'espèce présente, il en résulte donc qu'il importe peu que la DIAC n'ait pas adressé une mise en demeure au débiteur ou n'ait pas prononcé la résiliation du contrat ; la seule condition posée à sa demande de restitution étant d'être bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété dans un contrat publié.
L'étant, il convient en conséquence de faire droit à sa demande et de réformer dans toutes ses dispositions la décision attaquée.
II - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens seront supportés par Monsieur Didier L. et la SELARL B. et ASSOCIES es qualités.
Il n'y a pas lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 8 décembre 2015 par le tribunal de commerce de PAU,
Statuant à nouveau,
Ordonne la restitution par Monsieur Didier L. à la SA DIAC des véhicules :
- Renault Trafic immatriculé BZ 342 FW,
- Renault Modus immatriculé 4176 SK 65,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Didier L. et la SELARL B. & ASSOCIES es qualités de mandataire judiciaire aux dépens.