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Décisions

CA Paris, 4e ch., 19 octobre 2005, n° 04/17766

PARIS

Arrêt

Confirmation

TGI Paris, du 25 mai 2004

25 mai 2004

LA COUR : Vu l'appel interjeté le 7 juillet 2004, par Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique d'un jugement rendu le 25 mai 2004 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

* dit qu'en déposant le nom de domaine « www.desirs-sexes.com » et en exploitant un site sous cette dénomination, la société 3 C Informatique et Jean-Jacques Valognes ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque Désir Sexe n° 023159459 dont est titulaire Alexandre Caratella, 

* fait interdiction à la société 3 C Informatique et à Jean-Jacques Valognes de faire usage de la dénomination Désir Sexe au singulier ou au pluriel sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, notamment pour un nom de domaine et pour l'exploitation d'un site Internet et ce, sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision,

* condamné solidairement la société 3 C Informatique et Jean-Jacques Valognes à payer à Alexandre Coratella la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,

* autorisé Alexandre Coratella à faire publier le jugement dans trois revues ou périodiques de son choix, aux frais de la société 3 C Informatique et de Jean-Jacques Valognes, tenus in solidum, sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 3 000 € HT,

* débouté Alexandre Coratella de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire et de ses demandes de transfert de nom de domaine et de confiscation,

* condamné solidairement la société 3 C Informatique et Jean-Jacques Valognes à payer à Alexandre Coratella la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les dernières écritures utiles en date du 29 juin 2005, par lesquelles la société 3 C Informatique et Jean-Jacques Valognes, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté Alexandre Coratella de sa demande au titre de la concurrence déloyale, demandent à la Cour de :

* dire que la marque Désir Sexe n'a pas de caractère distinctif, à tout le moins est contraire à l'ordre public,

* prononcer la nullité de cette marque,

* débouter Alexandre Coratella de ses demandes,

* condamner Alexandre Coratella au paiement de la somme de 1 500 €, à chacun des appelants, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les dernières écritures en date du 16 septembre 2005, aux termes desquelles Alexandre Coratella prie la Cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a été débouté de son action en concurrence déloyale, et statuant à nouveau de :

* dire que la société 3 C Informatique et Jean-Jacques Valognes ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires,

* condamner conjointement et solidairement la société 3 C Informatique et Jean-Jacques Valognes à lui payer une indemnité de 10 000 € en réparation des préjudices subis par les faits de concurrence déloyale et parasitaires, ainsi que la somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 septembre 2005 ;

Vu les conclusions et les pièces signifiées par la société 3 C Informatique et Jean-Jacques Valognes postérieurement au prononcé de cette clôture, le 19 septembre 2005 ;

Sur ce, la Cour :

Sur la procédure

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 783 du nouveau code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

Que de sorte, il convient de déclarer irrecevables les conclusions déposées et les pièces communiquées par Jean-Jacques Valognes et 3 C Informatique postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture ;

Sur le fond

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* Alexandre Coratella a pour activité la prestation de services dans le domaine de l'informatique,

* il a enregistré les 12 septembre 2001 et 8 avril 2002 les noms de domaine « desirsexe.com » et « désir-sexe.Com »,

* il est également titulaire de la marque Désir Sexe déposée le 15 avril 2002, enregistrée sous le n° 23159459 pour désigner en classes 5, 38, 41 et 42, notamment les services de communications par terminaux d'ordinateurs, fourniture d'accès à lin réseau informatique mondial, services d'affichage électronique, publication électronique, hébergement de sites informatiques, programmation pour ordinateur, créations et entretien de sites web pour des tiers, hébergement de sites informatiques,

* il exploite depuis le 1er septembre 2002, aux adresses « www.desirsexe.com » et « www.desir-sexe.com », des portails Internet conduisant à des sites payants, réservés aux adultes, exploités par des tiers,

* il a constaté que la société 3 C Informatique, désignée en tant que déposant, et Jean-Jacques Valognes, nommé contact administratif et technique, ont déposé le nom de domaine « www.desirs-sexes.com » le 6 décembre 2002 et exploitent à cette adresse un site Internet pour adultes, lequel est également un portail renvoyant à des sites payants pour adultes,

* après avoir fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier les 27 et 28 mai 2003, Alexandre Coratella a assigné Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale ;

Sur la contrefaçon

Considérant que pour s'opposer au grief de contrefaçon, Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique soutiennent que la marque Désir Sexe ne serait pas distinctive et porterait atteinte à l'ordre public, de sorte qu'ils en sollicitent l'annulation ;

Mais considérant sur le premier point, que la dénomination Désir Sexe n'est pas exclusivement nécessaire pour désigner les services visés au dépôt, communications par terminaux d'ordinateurs, fourniture d'accès à un réseau informatique mondial, services d'affichage électronique, publication électronique, hébergement de sites informatiques, programmation pour ordinateur, créations et entretien de sites web pour des tiers ;

Qu'elle n'en constitue pas davantage la désignation d'une caractéristique de ces services ;

Considérant sur le second point, que si les sites exploités sur Internet accessibles aux adresses « www.desirsexe.com » et « www.desir-sexe.com », exhibant de jeunes femmes dénudées, ont un caractère érotique voire pornographique, il n'en subsiste pas moins que le signe Désir Sexe n'est cependant pas, en lui-même, immoral et contraire aux bonnes moeurs ;

Que par voie de conséquence, il convient de débouter Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique de leur demande d'annulation de la marque revendiquée ;

Considérant qu'il ressort du procès-verbal de constat des 27 et 28 mai 2003, que les services proposés sur Internet par Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique à l'adresse « desirs-sexes » sont similaires aux services d'hébergement de sites informatiques visés au dépôt de la marque Désir Sexe et exploités par Alexandre Coratella sur ce même réseau Internet ;

Que l'emploi du nom de domaine « desirs-sexes » postérieurement tant au dépôt du signe Désir Sexe qu'à la réservation des noms de domaine « desirsexe » et « desirsexe » par Alexandre Coratella, constitue l'imitation illicite la marque Désir Sexe, l'adjonction des lettres finales « S », étant inopérante à écarter, dans l'esprit des internautes concernés, visuellement, phonétiquement et intellectuellement, tout risque de confusion entre les dénominations en présence, de sorte que les faits de contrefaçon sont caractérisés ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que Alexandre Coratella ne justifie d'aucun fait distinct des actes de contrefaçon et ne démontre aucunement que Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique auraient cherché à se placer dans son sillage et détourner sa clientèle ;

Qu'il s'ensuit que la décision entreprise, qui a débouté Alexandre Coratella de ses demandes fondées sur des actes de concurrence déloyale et parasitaires, sera confirmée ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que les appelants justifient avoir procédé à la fermeture du site litigieux le 7 juillet 2003, soit quelques jours après la délivrance de l'acte introductif d'instance ;

Considérant que l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de la marque, entre le mois de décembre 2002 et le mois de juillet 2003, a été justement réparée par le tribunal par l'allocation à Alexandre Coratella d'une indemnité de 15 000 € ;

Que les mesures d'interdiction prononcées par les premiers juges seront confirmées ; qu'il en sera de même de la mesure de publication sauf à faire mention du présent arrêt ;

Sur les autres demandes

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier à Alexandre Coratella ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 3 000 € ; que Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutés de leurs demandes formées sur ce même fondement ;

Par ces motifs

Déclare irrecevables les conclusions déposées et les pièces communiquées sous les n° 6, 7 et 8, par Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique le 19 septembre 2005, postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture,

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Dit que la mesure de publication ordonnée par les premiers juges devra faire mention du présent arrêt,

Condamne in solidum Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique à payer à Alexandre Coratella la somme complémentaire de 3 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne in solidum Jean-Jacques Valognes et la société 3 C Informatique aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.