Cass. com., 13 octobre 2009, n° 08-16.634
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Hémery, SCP Yves et Blaise Capron
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2008), que la société Advent, société de gestion de fonds d'investissement, a engagé, en avril 2004, avec les actionnaires du groupe de sociétés Idex dont M. et Mme Alain X... (les consorts X...) des négociations en vue du rachat des actions des sociétés de ce groupe et a formalisé, le 8 juillet 2004, une offre d'acquisition ; que les parties ont convenu une période d'exclusivité totale expirant le 31 juillet 2004 et une période d'exclusivité de signature expirant le 31 août 2004, prorogée au 17 septembre 2004 ; qu'après réunions et échanges de projets entre équipes et conseils, les parties ont décidé de tenir une réunion fixée au 10, puis au 17, et enfin au 20 septembre 2004, au cours de laquelle tous les points de désaccords subsistants devaient être résolus ; que, le 19 septembre 2004, M. Alain X... a demandé à la société Advent de préciser certains points ; que le 20 septembre, les vendeurs ont refusé de tenir la réunion et ont demandé à la société Advent sa position finale sur les points en suspens ; que cette dernière a adressé, le 21 septembre, une nouvelle offre en prévision de la réunion du 27, traduisant des concessions de sa part sur les questions encore en discussion ; que, le 24 septembre 2004, les consorts X... ont indiqué par téléphone qu'ils mettaient fin aux négociations et ont annulé la réunion du 27; que les vendeurs ont trouvé quelques jours plus tard un accord avec un autre fonds d'investissement qui a été concrétisé avant la fin de l'année 2004 ; que la société Advent a assigné les consorts X... en réparation du préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir retenu un manquement à l'obligation de bonne foi dans la conduite des pourparlers et de les avoir condamnés à réparer le préjudice subi, alors selon le moyen :
1°) que la partie à qui une convention est proposée est toujours libre de ne pas la souscrire ; qu'hormis le cas où elle est tenue par un engagement antérieur, elle n'est pas tenue de justifier sa décision, qui est discrétionnaire ; que la cour d'appel constate qu'à l'époque où les consorts X... ont refusé les dernières offres de la société Advent International Corporation, soit le 24 septembre 2004, les engagements d'exclusivité et de bonne foi qu'ils avaient contractés le 9 juillet 2004, et qui sont venus à leur terme le 17 septembre 2004 à 19 heures, étaient caducs ; qu'en leur reprochant, dans ces conditions, d'avoir fait volte-face et d'avoir mis brutalement fin à des pourparlers qu'ils étaient libres de rompre à leur gré, sans déduire de raison ou de motif, la cour d'appel a violé le principe de la liberté contractuelle, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2°)que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en reprochant à M. Alain X... de n'avoir pas informé la société Advent International Corporation, au cours des négociations qu'il conduisait avec elles, de son intention de ne pas contracter, quand elle constate qu'il était tenu, jusqu'au 31 juillet 2004, à minuit, par une exclusivité totale lui interdisant de nouer des relations ou d'engager des pourparlers avec quiconque, et jusqu'au 17 septembre 2004 à 19 heures, par une exclusivité partielle lui interdisant de conclure ou de s'engager à traiter avec autrui, ainsi que, du 9 juillet au 17 septembre 2004, par une obligation contractuelle de bonne foi, la cour d'appel, qui souligne que la rupture s'est produite le 24 septembre 2004, c'est-à-dire : une semaine seulement après l'échéance du terme auquel les obligations d'exclusivité et de bonne foi se trouvaient soumises, a violé le principe de la liberté contractuelle et l'article 1382 du code civil ;
3°) que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel, qui énonce que M. Alain X... a pris, «au cours des négociations», la décision de ne pas traiter, n'indique pas à quelle date exactement cette décision a été prise ; qu'elle ne dit pas si M. Alain X... a décidé de rompre à une époque où il était contractuellement tenu de se conformer à une obligation d'exclusivité ou à une obligation de bonne foi ; qu'en n'indiquant pas la date à laquelle M. Alain X... a pris la décision de rompre, circonstance décisive pour qualifier la faute qu'elle impute aux consorts X..., la cour d'appel a violé le principe de la liberté contractuelle et l'article 1382 du code civil ;
4°) que la réparation allouée à la victime a pour mesure nécessaire le dommage qu'elle a subi ; qu'en allouant à la société Advent International Corporation une indemnité liquidée sur le pied des frais inutiles qu'elle a exposés, sans préciser la date à laquelle M. Alain X... aurait pris la décision de ne pas traiter et, ce faisant, conduit la société Advent International Corporation à exposer des frais inutiles, la cour d'appel a violé le principe indemnitaire, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève par motifs adoptés que le refus par les vendeurs de tenir de véritables réunions de négociations pour tenter de résoudre les dernières difficultés coïncide avec la reprise, fin août 2004, de négociations avec un autre fonds d'investissement et le choix de M. Alain X... d'une solution dans laquelle, loin de vendre ses titres, il en faisait apport et conservait un rôle de dirigeant ; qu'il retient encore, par motifs propres, que la rupture des pourparlers trouve une explication dans le choix fait par M. Alain X... pendant le cours des négociations, et dont il n'a pas informé la société Advent, de refuser la solution proposée par cette dernière, à la fin du mois de juillet 2004, quant à son rôle opérationnel au sein du groupe après la cession de celui-ci, à savoir la présidence du conseil de surveillance et d'un "comité stratégique" mais non celle du directoire et quant aux conditions financières de son intéressement et de donner la préférence à une solution dans laquelle il faisait apport de ses titres à une nouvelle société détentrice du contrôle du groupe Idex et conservait ses fonctions de dirigeant, tout en prolongeant les pourparlers avec la société Advent alors même qu'il n'avait plus l'intention de contracter ; qu'il relève enfin que les discussions se sont poursuivies à la demande des vendeurs après le 17 septembre 2004 ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les consorts X... avaient brutalement rompu les négociations sans motif légitime après avoir laissé croire à la société la conclusion proche du contrat, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire la recherche inopérante de la date à laquelle M. X... avait pris la décision de rompre, n'a pas violé le principe de la liberté contractuelle ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que, si les manquements à leur obligation de bonne foi caractérisés à l'encontre des consorts X... n'avaient pas été commis, une partie des très importants frais liés au travail qu'elle a accompli et aux études et prestations qui lui ont été facturées par ses conseils et qu'elle a, sans imprudence de sa part, exposées en vue de conduire à bonne fin ses négociations avec les actionnaires d'Idex, la cour d'appel a respecté le principe de la réparation intégrale du préjudice subi ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Alain X... aux dépens.