CA Paris, 4e ch. A, 14 décembre 2005, n° D20050134
PARIS
Confirmation
Vu l'appel interjeté le 6 janvier 2005, par la société SID d'un jugement rendu le 10 décembre 2004 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- dit qu'en important, offrant à la vente et vendant, sans autorisation, des bijoux reproduisant les caractéristiques des modèles référencés A807, A810, A811, A815, B812, B813, C816 et C817, créés par Dominique D et commercialisés par la société DOMINIQUE DENAIVE, les sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU ont respectivement porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux d'auteur de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE,
- interdit aux sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU la poursuite de ces agissements sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision,
- donner acte à la société SID de ce qu'elle propose de faire procéder à ses frais à la destruction des bijoux contrefaisants invendus sous contrôle d'huissier,
- condamné in solidum les sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU à verser à Dominique D la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des atteintes à son droit moral,
- condamné in solidum les sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU à verser à la société DOMINIQUE DENAIVE la somme de 150 000 euros, les sociétés TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE, LE LOTUS BLEU n'étant tenues qu'à hauteur de 100 000 euros, en réparation de son préjudice,
- ordonné la publication du dispositif de la décision dans trois journaux ou revues aux frais in solidum des défendeurs dans la limite d'une somme totale de 10 500 euros HT,
- condamné in solidum les sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU à payer à Dominique D et à la société DOMINIQUE DENAIVE la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu les dernières écritures en date du 24 octobre 2005, par lesquelles la société SID, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle entend faire sienne l'argumentation de la société TOURNESOL en ce qu'elle sollicite :
- le prononcé de la nullité de la requête et de l'ordonnance du 8 juillet 2003 , de la signification de l'ordonnance sur requête du même jour préalable aux opérations de saisie contrefaçon et des actes successifs en application des article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9, 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile, L. 332-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle pour atteintes au droit de la défense et violation du contradictoire et des prescriptions d'ordre public pénal régissant une procédure non contradictoire de saisie contrefaçon,
- le débouté de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE de l'ensemble de leurs demandes en l'absence de communication spontanée et immédiate des pièces pour établir leur qualité et leur intérêt à agir, en application des articles 9, 12, 15, 31, 122 et 132 du nouveau Codé de procédure civile, 6-1 de la CEDH,
- à titre subsidiaire, l'irrecevabilité et le débouté des demandes de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE en application des articles L. 111-1 et suivants, L. 335- 2 du Code de la propriété intellectuelle,
- le débouté de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE de leurs demandes indemnitaires non motivées et non fondées,
et de :
- constater que Dominique D ne justifie pas de sa qualité de créateur des bijoux litigieux,
- constater que la société DOMINIQUE DENAIVE n'administre pas la preuve de ses droits sur les bijoux,
- déclarer Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE irrecevables en leur action en contrefaçon,
- constater que Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE ne revendiquent aucun apport ou originalité particulier,
- constater que les modèles de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE ne sont ni des inventions, ni des créations, ni des innovations,
- constater au contraire que les caractéristiques des modèles existent depuis l'antiquité ou à tout le moins, depuis les années 1930,
- dire que les modèles ne peuvent bénéficier de la protection des Livre I et III du Code de la propriété intellectuelle,
- dire que les ressemblances entre les modèles opposés relèvent de la reprise de genres,
- déclarer irrecevables, en tout cas mal fondées, les demandes de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE,
- constater les différences fondamentales existant entre les modèles qu'elle a commercialisés et ceux de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE, :
- débouter Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE de leurs demandes,
- constater qu'aucun fait distinct de la contrefaçon alléguée n'est invoqué par Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE à l'appui de leurs prétentions relatives à la concurrence déloyale,
- constater en tout état de cause que ses bijoux sont d'une qualité bien supérieure à ceux de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE,
- constater que les prix pratiqués relèvent du jeu de la liberté du commerce,
- débouter Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE de leurs prétentions relatives à la concurrence déloyale,
- constater que la société DOMINIQUE DENAIVE a réalisé au cours de son exercice 2003, un chiffre d'affaires de 443 024 euros et un bénéfice de 13 626 euros,
- constater qu'elle a cessé la commercialisation des bijoux concernés à la fin de l'année 2002, :
- constater que Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE ne justifient d'aucun préjudice et les débouter de leurs prétentions financières
- lui donner acte de ce qu'elle garantit les sociétés TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LOTUS de toute condamnation éventuelle prononcée à leur encontre,
- condamner Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu les dernières écritures en date du 14 novembre 2004, aux termes desquelles la société TOURNESOL, poursuivant la réformation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société SID à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et en ce qu'il a rejeté la demande de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE au titre de la concurrence déloyale, prié la Cour de :
- prononcer la nullité de la requête et de l'ordonnance du 8 juillet 2003 , de la signification de l'ordonnance sur requête du même jour préalable aux opérations de saisie contrefaçon et des actes successifs en application des article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9, 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile, L. 332-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle pour atteintes au droit de la défense et violation du contradictoire et des prescriptions d'ordre public pénal régissant une procédure non contradictoire de saisie contrefaçon,
- débouter Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE de l'ensemble de leurs demandes en l'absence de communication spontanée et immédiate des pièces pour établir leur qualité et leur intérêt à agir, en application des articles 9, 12, 15, 31, 122 et 132 du nouveau Code de procédure civile, 6-1 de la CEDH,
- à titre subsidiaire, dire Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE irrecevables et mal fondés en application des articles L. 111-1 et suivants, L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle,
- débouter Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE de leurs demandes indemnitaires non motivées et non fondées,
- la décharger de toute condamnation,
- condamner Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE au versement d'une indemnité de 5.000 euros en réparation du préjudice subi par une action judiciaire abusive,
- condamner Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE, à titre subsidiaire la société SID au paiement d'une indemnité de 8 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures en date du 21 octobre 2005, aux termes desquelles la société ANTOINE FASHION, poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'elle a été condamnée à payer des dommages et intérêts suite aux actes de contrefaçon, demande à la Cour de :
- dire non constitué le délit de contrefaçon,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé non établis les actes de concurrence déloyale,
- en tout état de cause, prendre acte que la société SID la garantit de toutes condamnations prononcées à son encontre,
- condamner Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE, et à titre subsidiaire la société SID à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu les dernières écritures en date du 24 octobre 2005, par lesquelles Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE prient la Cour de :
- dire la société SID irrecevable en ses prétentions nouvelles et l'en débouter,
- débouter les sociétés TOURNESOL et ANTOINE F de leurs demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes indemnitaires et en ce qu'il les a déboutés de la demande en concurrence déloyale,
- condamner in solidum les sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU à verser à la société DOMINIQUE DENAIVE la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi pour concurrence déloyale,
- condamner in solidum ces mêmes sociétés à verser à Dominique D la somme complémentaire de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société SID au paiement d'une amende de 1 500 euros et à leur verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile,
- dire que la publication ordonnée en première instance fera mention de l'arrêt et que le coût des publications sera d'un montant de 5.000 euros HT par insertion,
- condamner in solidum les sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU au versement de la somme de 20 000 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'assignation délivrée le 8 août 2005 par Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE à la société LE LOTUS BLEU ;
Vu l'assignation et la réassignation délivrées les 8 août et 6 octobre 2005 par Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE à la société NOUVEAU PRESTIGE.
Considérant que les sociétés NOUVEAU PRESTIGE et le LOTUS BLEU, défaillantes en premier instance, n'ont pas constitué avoué devant la Cour, de sorte que le présent arrêt sera réputé contradictoire ;
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :
- Dominique D est un créateur de bijoux fabriqués et commercialisés par sa société DOMINIQUE DENAIVE à laquelle il a cédé ses droits de reproduction,
- revendiquant des droits sur neuf modèles de bijoux de la collection SIAM, créés en 2001 et 2002, la société DOMINIQUE DENAIVE, dûment autorisée par ordonnances présidentielles, a fait pratiquer le 8 juillet 2003, deux saisies contrefaçon dans les locaux de la société TOURNESOL, exerçant sous l'enseigne MILADY, et de la société ANTOINE FASHION,
- ces opérations ont révélé que les produits litigieux avaient été acquis auprès la société SID,
- autorisée par ordonnance présidentielle du 9 juillet 2003, la société DOMINIQUE DENAIVE a fait pratiquer, le même jour et le 21 juillet 2003, une troisième contrefaçon dans les locaux de la société SID laquelle a indiqué s'être approvisionnée auprès de la société BILLY TRADING située à Hong Kong et a fourni une facture d'achat émise le 7 mai 2003,
- ayant découvert que les sociétés NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU commercialisaient également les bijoux litigieux, la société DOMINIQUE DENAIVE, autorisée par ordonnance présidentielle du 31 juillet 2003, a fait procéder le 1(er) août 2003 à deux saisies contrefaçon dans les locaux de ces sociétés lesquelles ont indiqué que les articles provenaient de la société SID,
- dans ces conditions, Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE ont assigné le 9 septembre 2003, les sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et en concurrence déloyale ;
I - Sur la validité des requêtes, ordonnances, et procès-verbaux de saisie contrefaçon et actes subséquents :
Considérant que la société TOURNESOL soulève, argumentation faite sienne par la société SID, la nullité de la procédure de saisie contrefaçon du 8 juillet 2003 et des actes subséquents en raison de la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'huissier n'ayant pas dénoncé les pièces présentées au soutien de la requête afin de saisie ;
Mais considérant que l'article 495 du nouveau Code de procédure civile aux termes duquel copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, ne fait pas obligation de signifier au saisi la copie des pièces présentées au soutien de la requête ; que par ailleurs, force est de constater que ces pièces ont été communiquées dans le cadre de l'instance au fond, de sorte que la société TOURNESOL ne justifie d'aucun grief et que les droits de la défense n'ont pas été bafoués ;
Considérant que la société TOURNESOL n'est pas davantage fondée à soutenir que la société DOMINIQUE DENAIVE n'aurait pas justifié d'un titre établissant de sa qualité d'ayant droit de l'auteur de sorte, selon elle, que seul l'auteur aurait été habilité à présenter une requête en contrefaçon ;
Qu'en effet, il appartenait à la société TOURNESOL, si elle entendait contester la qualité à agir de la société DOMINIQUE DENAIVE, d'en référer au juge ayant rendu l'ordonnance du 8 juillet 2003 ; qu'il est constant qu'aucun recours en rétractation n'a été formé, de sorte que dans le cadre de la procédure au fond, la société TOURNESOL n'est pas fondée à prétendre que l'ordonnance et la saisie pratiquée seraient nulles comme contraires aux principes de la contradiction et de l'égalité des armes ;
Considérant que la société TOURNESOL n'est pas davantage fondée à soulever l'irrecevabilité des demandes de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE, en raison, selon elle, de l'absence spontanée de communication de pièces et de la violation du contradictoire ;
Qu'en effet, force est de constater que Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE ont communiqué leurs pièces devant le tribunal, de sorte que la société TOURNESOL a été à même d'en débattre contradictoirement ;
II - Sur la recevabilité des nouveaux moyens de la société SID :
Considérant que les intimés soulèvent à tort, l'irrecevabilité de la société SID à contester la qualité d'auteur de Dominique D, la titularité des droits de la société DOMINIQUE DENAIVE, l'originalité des modèles revendiqués et les actes de contrefaçon ;
Qu'en effet, si en première instance, la société SID n'a pas opposé ces moyens en défense, ces contestations ne constituent pas des demandes nouvelles au sens de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, mais des moyens nouveaux tendant aux mêmes fins, à savoir le rejet de l'action en contrefaçon ; que de sorte, ils sont recevables ;
III - Sur les droits de Dominique D et de la société DOMINIQUE DENAIVE :
Considérant que la société SID et la société TOURNESOL prétendent que Dominique D ne justifierait aucunement de sa qualité d'auteur sur les modèles concernés et qu'ainsi la titularité des droits patrimoniaux de l'auteur revendiquée par la société DOMINIQUE DENAIVE ne serait pas établie ;
Considérant que pour justifier sa qualité d'auteur des neufs modèles de la collection SIAM, Dominique D verse aux débats l'attestation de Patricia H, comptable de la société DOMINIQUE DENAIVE, laquelle certifie avoir suivi la mise en place des collections de Dominique DENAIVE et l'avoir vu élaborer toute la collection SIAM aux différentes étapes, pâte à modèles, moulages, et réalisations de prototypes ;
Que par ailleurs, le nom de Dominique D figure sur la présentation d'un collier de la collection SIAM dans le magazine FIGARO MADAME du 1(er) février 2003 ;
Considérant qu'il est établi que les modèles revendiqués de la collection SIAM ont été divulgués par la société DOMINIQUE DENAIVE qui en assure la commercialisation, ainsi qu'il est justifié par la production de factures, et qui les a présentés sous son nom dans le catalogue hiver 2002/2003, de sorte qu'ils permettent d'identifier les modèles revendiqués et leur conférer date certaine ;
Que la société DOMINIQUE DENAIVE, agit aux côtés de la personne physique, se déclarant créateur, et ne lui conteste pas sa qualité d'auteur des modèles, qui ne fait en outre l'objet d'aucune revendication de la part d'un tiers ;
Considérant ainsi, que Dominique D justifie de ses droits d'auteur sur les bijoux en cause, la société DOMINIQUE DENAIVE, qui exploite ces modèles sous son nom, étant présumée à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon être titulaire des droits patrimoniaux, de sorte qu'ils sont recevables à agir ;
IV - Sur la protection des bijoux revendiqués :
Considérant que la Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE caractérisent ainsi les modèles revendiqués :
- un modèle de collier référencé A807, par un rang composé de petits rectangles enchaînés en métal, traité bronze et émaillé à froid, chaque extrémité du collier étant composée d'une fleur émaillée à froid, dont le motif est repris à l'extrémité de la fermeture composée d'une chaîne allongée, un pendentif constitué d'un rectangle en métal, d'un carré en métal laiton serti d'une pièce de résine et se terminant par trois pampilles,
- un modèle de collier référencé A810, par deux rangs de perles de couleur en verre maintenues au centre par une bague en laiton sur laquelle est fixée une pièce ronde centrale en résine ajourée, ornementée de trois pampilles en métal composées, selon une alternance particulière, de motifs en forme de fleurs et de perles,
- un modèle de collier référencé A811, par sa composition en résine, métal et perles noires en verres, comportant en alternance les perles noires et quatre olives allongées et sculptées avec au centre un tube en laiton de forme rectangulaire, deux anneaux et un pendentif central ajouré,
- un modèle de collier référencé A815, en résine et métal comportant cinq rangs de perles de couleur en verre reliées au centre par une bague en laiton, laquelle retient un pendentif en tiers de cercle au centre duquel est fixée une pièce ovale en métal dont le milieu est en couleur, pendentif retenant une pièce ronde en résine habillée en son centre d'un motif rectangulaire en métal et se terminant par un pompon en passementerie noire,
- un modèle de bracelet référence B812, monté sur deux élastiques, composé de neuf pièces en résine, chacune de forme rectangulaire et aux angles arrondis, sur lesquelles est collé un petit empiècement en métal de forme rectangulaire en relief comportant au centre quatre petits pétales stylisés,
- un modèle de bracelet référencé B813, monté sur deux élastiques, composé de dix pièces en résine, chacune de forme rectangulaire et bombée, sur lesquelles est collé un petit empiècement de forme rectangulaire et en relief comportant au centre un petit motif de couleur de forme également rectangulaire,
- un modèle de boucles d'oreilles référencé C816, comportant trois pampilles, montées sur un clip de forme carrée, composé d'une pièce en métal et serti d'une pièce en résine, les pampilles étant reliées au clip par un empiècement en métal de forme rectangulaire et en relief disposant en son centre un petit motif en couleur rectangulaire,
- un modèle de boucles d'oreilles référencé C817 à pampille montée sur un clip en forme de goutte, composée d'une pièce en métal et sertie d'une résine, la pampille étant composée d'une pièce carrée en métal avec quatre pétales stylisés et deux perles en verre, d'une pièce en demi-cercle en métal avec un même pétale au centre et d'une pièce ovale cassée en métal sertie d'une pièce en résine,
- un modèle de collier d'abord commercialisé sous la référence A659, puis A756, et enfin A825, composé de deux pièces " cornes " en résine sur les côtés, entre lesquelles se trouvent cinq grosses perles aplaties intercalées de petites perles en verre, la fermeture étant constituée d'une chaîne en métal laiton de forme ovale et martelée ;
Considérant que pour s'opposer au grief de contrefaçon, les sociétés TOURNESOL et SID contestent l'originalité de ces modèles faisant valoir qu'ils appartiendraient au même genre de bijoux anciens ;
Considérant que la société SID fait valoir que les modèles de bracelets B812 et B813 s'inspirent de bijoux de style victorien dont l'apparition date de 1860, ainsi qu'il résulte du livre de Mary P " Collecting Victorian Jewellery " ;
Qu'elle ajoute que ce type de bracelets était également répandu dans les années 1930 ainsi qu'il résulte du livre " Bijoux frivoles des années trente " paru aux éditions Luce W en l988 ;
Mais considérant que les bracelets opposés sont composés de pièces rectangulaires ou convexes sur lesquelles ne figurent aucun empiècement en métal rectangulaire et en relief comportant des motifs ;
Considérant, en ce qui concerne les modèles de colliers référencés A810 et A815, que la société SID soutient que les médaillons de forme ronde ou ovale étaient particulièrement répandus dans la Chine antique, puis de nouveau utilisés au XVIII ème et XIX ème siècle sous la forme d'amulettes chinoises en disques de jade se terminant par un gland en tissu, très utilisé dans les années 1920 ;
Mais considérant que si les modèles revendiqués comportent des pièces rondes s'inspirant des disques de jade reproduits dans les ouvrages produits aux débats, ils en diffèrent cependant en ce qu'ils comportent des rangées de perles et des pampilles en métal ;
Que les modèles de pendentifs agrémentés d'un gland de soie, créés par les sociétés CARTIER et BOUCHERON sont assemblés selon d'autres compositions ;
Considérant que le collier référencé A825, s'il s'inspire du genre ethnique apparu en Chine à l'époque Han entre le II ème siècle av. JC et le II ème siècle après JC, diffère des colliers du même genre, notamment d'un modèle art-déco de 1932, par la présence de deux pièces " cornes " en résine sur les côtés, entre lesquelles sont enfilées cinq grosses perles aplaties ;
Considérant que si l'utilisation de perles pendantes sur des boucles d'oreilles est connue, il n'en demeure pas moins que le modèle C816 diffère des bijoux opposés par l'agencement de ces pampilles et des pièces en métal serties de pièces en résine ;
Considérant qu'aucune antériorité n'est opposée pour les bijoux A807, A811 et C817 ;
Considérant que les formes, les proportions et les agencements particuliers des neuf bijoux revendiqués, résultant d'un choix dans la combinaison des matériaux et la disposition de leurs éléments (perles, pièces en métal, pièces en résine, pampilles) confèrent à ces modèles un aspect esthétique propre, les distinguant des autres modèles du même genre ; que, par leur caractère inédit et original, ils traduisent un effort créatif qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Que ces modèles sont ainsi protégeables au titre du Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;
V - Sur la contrefaçon :
Considérant que contrairement à ce que soutient la société SID, les bracelets référencés SID n° 140396 et 140395 reproduisent servilement les modèles Dominique DENAIVE B812 et B813, la différence infime de taille des facettes n'affectant pas la même impression d'ensemble qui se dégage de l'examen des bijoux en présence ;
Que le collier référencé SID 221707 reproduit les caractéristiques précitées du modèle Dominique DENAIVE A810 ; que les différences mineures tenant notamment au nombre de chaînes de perles, à la forme des fermoirs, et aux illustrations apposées sur les médaillons ne sont pas immédiatement perceptibles ;
Que le collier référencé SID n° 221710 reproduit servilement le modèle Dominique DENAIVE A825, les deux pièces en corne entourant cinq grosses perles ; que les différences alléguées portant sur la taille des perles et leur couleur n'affectent pas la même impression d'ensemble qui se dégage des deux modèles ;
Que les boucles d'oreilles SID référencées 321006 reproduisent partiellement les modèles Dominique DENAIVE C816 et A807, à savoir les pampilles montées sur un clip de forme carrée, composée d'une pièce en métal sertie de résine, la différence liée à la taille de l'empiècement carré n'étant pas perceptible ;
Que les boucles d'oreilles SID référencées 321011 reprennent l'ensemble des caractéristiques précitées du modèle Dominique DENAIVE C817, notamment la pampille montée sur un clip en forme de goutte, serti de résine, la pièce de forme carrée ornée de quatre pétales stylisés ;
Que le collier SID référencé 221708 reproduit les caractéristiques du collier Dominique D A815, par la présence de rangs de perles, reliés au centre par une bague en laiton laquelle retient un pendentif en tiers de cercle au centre duquel est fixée une pièce ronde se terminant par un pompon en passementerie ; que les seules différences liées aux matériaux employés sont sans effet à défaut d'affecter la même impression d'ensemble qui se dégage des deux bijoux ;
Que le collier SID référencé 221708 reproduit partiellement le modèle Dominique DENAIVE A811, par la même alternance de perles et d'olives allongées et sculptées, comportant au centre un tube en laiton de forme rectangulaire et un pendentif central, les dissemblances tenant aux matériaux utilisés ne modifiant pas l'impression d'ensemble visuelle commune aux deux bijoux ;
Considérant qu'il ressort de cet examen, que la reproduction servile ou partielle des neufs modèles originaux est de nature à engendrer un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur moyennement attentif en laissant accroire à une origine commune des produits ou à tout le moins qu'ils sont offerts à la vente par des sociétés économiquement dépendantes ;
Considérant par voie de conséquence, que les faits de contrefaçon sont caractérisés ;
Considérant que la société ANTOINE FASHION ne peut arguer de sa bonne foi inopérante en matière civile de contrefaçon de droits d'auteur ;
VI - Sur la concurrence déloyale :
Considérant que la société DOMINIQUE DENAIVE reproche également aux sociétés SID, TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU des actes de concurrence déloyale, par la commercialisation de copies serviles des modèles originaux, à un prix nettement inférieur et dans une moindre qualité ;
Mais considérant que si ces griefs sont susceptibles d'aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon laquelle se définit comme la reproduction intégrale ou partielle de l'oeuvre sans l'autorisation de son auteur, ils ne constituent pas des faits distincts de concurrence déloyale ; qu'en outre, il n'est pas démontré que les prix pratiqués seraient abusivement bas ou que les ventes seraient réalisées à perte ;
Que le grief de concurrence déloyale doit être rejeté ;
VII - Sur les mesures réparatrices :
Considérant que les mesures d'interdiction et de publication ordonnées par le tribunal seront confirmées, sauf en ce qui concerne cette dernière à faire mention du présent arrêt ;
Considérant que les opérations de saisie contrefaçon ont révélé que la société SID a importé 1.620 articles contrefaisants auprès d'une société BILLY TRADING située à Hong Kong et en a commercialisé 700, auprès de multiples détaillants dont les sociétés TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU, toutes situées à proximité dans le 3(ème) arrondissement de Paris ;
Qu'il n'est pas démenti que les modèles originaux sont vendus à des enseignes de renom au prix de vente en gros d'environ 40 euros, alors que le prix moyen de vente des bijoux contrefaisants par la société SID à ses détaillants est de 7,89 euros ;
Que compte tenu de ces éléments et de la reprise de neuf modèles d'une même collection, le tribunal a justement réparé l'atteinte portée au droit moral de Dominique D par l'allocation de la somme de 20 000 euros et l'atteinte portée aux droits patrimoniaux de la société DOMINIQUE DENAIVE par le versement de la somme de 150 000 euros ;
Considérant que la décision du tribunal, qui a dit les sociétés TOURNESOL, ANTOINE F, NOUVEAU PRESTIGE et LE LOTUS BLEU tenues à hauteur de la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi par la société DOMINIQUE DENAIVE, sera confirmée ;
VIII - Sur les demandes en garantie :
Considérant que la société SID ne conteste pas devoir garantir les sociétés TOURNESOL, ANTOINE F des condamnations mises à leur charge ;
Que la décision du tribunal, qui, en page 7 des motifs, condamne la société SID à garantir les sociétés TOURNESOL et ANTOINE F des condamnations prononcées à leur encontre tant en principal qu'en frais et accessoires, sera rectifiée en ce que cette disposition a été matériellement omise au dispositif ;
IX - Sur les autres demandes :
Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande en dommages et intérêts formée par la société TOURNESOL pour procédure abusive ;
Considérant que l'exercice du droit d'appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable ; que ces exigences ne sont pas satisfaites en l'espèce ; que la demande formée par Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE, sur le fondement de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile, sera rejetée ;
Considérant en revanche, que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à Dominique D et la société DOMINIQUE DENAIVE ; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 10 000 euros ; que les sociétés SID, TOURNESOL, qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutées de leurs demandes formées sur ce même fondement ;
PAR CES MOTIFS
Vu l'article 462 du nouveau Code de procédure civile,
Rectifie la décision susvisée,
Ajoute à son dispositif :
" Condamne la société SID à garantir les sociétés TOURNESOL et ANTOINE F des condamnations prononcées à leur encontre tant en principal qu'en frais et accessoires "
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Dit que la mesure de publication ordonnée par le tribunal devra faire mention du présent arrêt,
Condamne in solidum les sociétés SID, TOURNESOL et ANTOINE F à payer à Dominique D et à la société DOMINIQUE DENAIVE la somme complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne in solidum les sociétés SID, TOURNESOL et ANTOINE F aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.