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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 19 janvier 2016, n° 14/10676

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Riechers Marescot (SA)

Défendeur :

H & M H. & Mauritz (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme Auroy, Mme Douillet

TGI de Paris, du 27 mars 2014, n° 12/122…

27 mars 2014

Vu l'appel interjeté le 16 mai 2014 par la société RIECHERS MARESCOT enregistré sous le numéro RG 14/10676,

Vu l'appel interjeté le 17 juillet 2014 par la société H&M H. ET MAURITZ GBC AB enregistré sous le numéro RG 14/15208,

Vu le jugement du 27 mars 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu la jonction des procédures prononcée par le conseiller de la mise en état le 13 janvier 2015, les procédures se poursuivant sous le numéro RG 14/10676,

Vu les dernières conclusions de l'appelante transmises le 22 septembre 2015,

Vu les dernières conclusions des sociétés H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB transmises le 18 septembre 2015,

Vu l'ordonnance de clôture du 6 octobre 2015,

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures des parties ;

Qu'il sera simplement rappelé que la société française RIECHERS MARESCOT, immatriculée en 1924, a pour activité la création, l'élaboration et la commercialisation de tulles et de dentelles ; qu'elle indique avoir pour clientèle des maisons de couture prestigieuses (Christian L., GIVENCHY, HERMES...) et être titulaire de droits d'auteur sur deux dessins de dentelle n° 43844/71144 et n° 70604/70614 ;

Que la société H&M H. & MAURITZ est la filiale française du groupe suédois H&M et a pour activité la distribution d'articles de mode de marque H&M en France ; que la société suédoise H&M H. & MAURITZ GBC AB est son fournisseur ;

Que la société RIECHERS MARESCOT indique avoir constaté que la société H&M commercialisait dans des magasins parisiens deux modèles de robe et de jupe confectionnés dans un tissu recouvert d'une dentelle reprenant les caractéristiques originales de ses deux dessins, en fraude de ses droits.

Qu'après une saisie contrefaçon effectuée le 5 juillet 2012 au siège social de la société H&M France, elle a fait citer les sociétés H&M H. & MAURITZ et H&M H. & MAURITZ GBC AB, par actes d'huissier en date des 30 juillet et 9 août 2012, devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Que le jugement dont appel a notamment :

• déclaré irrecevables les demandes de la société RIECHERS MARESCOT présentées au titre de la contrefaçon,

• dit que la société H&M H. & MAURITZ GBC AB a commis des actes de parasitisme à 1'encontre de la société RIECHERS MARESCOT,

• a condamné la société H&M H. & MAURITZ GBC AB au paiement de 20 000 euros en réparation du préjudice subi par la société RIECHERS MARESCOT pour les faits de parasitisme,

• dit n'y avoir lieu à ordonner la publication de la décision,

• ordonné 1'exécution provisoire de la décision,

• condamné la société H&M H. & MAURITZ GBC AB au paiement de la somme de 8 000 euros à la société RIECHERS MARESCOT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

• condamné la société H&M H. & Mauritz GBC AB aux dépens ;

Sur la contrefaçon

Sur la recevabilité de la demande en contrefaçon de la société RIECHERS MARESCOT

Sur la titularité des droits de la société RIECHERS MARESCOT sur les deux dessins revendiqués

Considérant que la société RIECHERS MARESCOT poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu qu'elle ne justifiait pas de sa qualité pour agir en n'établissant pas la date de première publication de ses deux dessins, point de départ de la protection revendiquée, qui est de 70 ans en vertu de l'article L. 123-3 du code de la propriété intellectuelle ; qu'elle fait valoir, d'une part, qu'elle a divulgué et régulièrement exploité ces dessins sous son nom depuis 2004 et que cette seule exploitation lui permet de bénéficier de la présomption de titularité, les sociétés H&M ne fournissant aucun élément contestant utilement les documents qu'elle produit et, d'autre part, que ses deux dessins sont protégeables par le droit d'auteur dès lors que, ayant été crées en 1983 pour l'un et en 1985 pour l'autre, la date de leur divulgation - à partir de laquelle court la durée de la protection -, ne peut être antérieure, les sociétés H&M ne pouvant, sans renverser la charge de la preuve, exiger qu'elle démontre l'absence de divulgation des dessins antérieurement aux dates de leur création ;

Que les sociétés H&M demandent la confirmation du jugement sur ce point, faisant valoir, en premier lieu, que la société RIECHERS MARESCOT ne rapporte pas la preuve de la date de première publication des deux dessins, preuve d'autant plus nécessaire que la société RIECHERS MARESCOT exerce des activités dans le domaine de la dentelle depuis 1924 et que le nom d'une société SOPHIE DE HALLETTE, fondée en 1887, figure sur les échantillons de dentelle et sur le catalogue produits par l'appelante ; qu'elles soutiennent, en second lieu, que la société RIECHERS MARESCOT ne rapporte pas la preuve d'une exploitation publique et non équivoque des dessins, sous son nom, à une date antérieure aux faits argués de contrefaçon ;

Considérant que l'exploitation non équivoque d'une oeuvre par une personne morale sous son nom et en l'absence de revendication du ou des auteurs, fussent-ils identifiés, fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne morale est titulaire sur l'oeuvre, qu'elle soit collective ou non, du droit de propriété intellectuelle de l'auteur ;

Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation en établissant que les caractéristiques de l'oeuvre revendiquée sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Considérant qu'en l'espèce la société RIECHERS MARESCOT identifie le dessin de dentelle n°43844/71144 revendiqué en versant aux débats : un échantillon de dentelle en original portant le nom de la société et la référence 71144 ; des pièces d'archives du dessin 71144 souche 43844 ; un extrait du répertoire des métiers RIECHERS MARESCOT visant le dessin 43844 avec la date du 3 mai 1989 ; une fiche technique relative au 'dessin souche' 43844 portant la date du 15 juillet 1985, indiquant plusieurs références de dessins liés, et notamment la référence 71144 ; les attestations établies par deux salariés de la société RIECHERS MARESCOT - MM. MARTINEZ et CUGNY -, le premier indiquant qu'il a travaillé pour la société en tant que export manager' à partir de 1981 et qu'il a eu l'occasion de 'voir le dessin 43844 devenu par la suite 71144 naître au bureau de dessin et le second, salarié de 1965 à 2008, témoignant de ce que le dessin 43844, décliné notamment dans une version 71144, a été créé par les équipes de dessinateurs de la société et qu'il a personnellement eu connaissance de ce dessin [se] référant aux commandes, factures et mise en fabrication de ces différentes versions ;

Qu'elle produit, par ailleurs, des factures à entête RIECHERS MARESCOT datées de 2004, 2006, 2007, 2008 à 2012, mentionnant des articles référencés 43844 et 71144, certaines de ces factures ayant été adressées à la société DRIES VAN NOTEN en 2010, ainsi qu'une photographie d'un défilé de mode DRIES VAN NOTEN comportant l'indication 'RIECHERS MARESCOT' et faisant apparaître un modèle de robe comportant la dentelle dont le dessin est revendiqué ; que ces pièces établissent que la société RIECHERS MARESCOT exploite et commercialise sous son nom le dessin de dentelle revendiqué depuis l'année 2004 ;

Que la société RIECHERS MARESCOT identifie de même le dessin de dentelle revendiqué n° 70604/70614 en produisant : des photographies d'échantillons, portant le nom de la société RIECHERS MARESCOT, d'une même dentelle déclinée en plusieurs couleurs portant les références 70614, 70624, 70634 et 70644 ; un échantillon de dentelle noire en original portant la référence 70644 ; des pièces d'archives du dessin 70604 ; un extrait du répertoire des métiers RIECHERS MARESCOT visant le dessin 70604 avec la date du 21 décembre 1983 ; une fiche technique relative au 'dessin souche' 70604 portant la date du 21 décembre 1983, indiquant plusieurs références de 'dessins liés', et notamment les références 70614, 70624,70634 et 70644 ;

Qu'elle produit, par ailleurs, des factures à entête RIECHERS MARESCOT datées de 2005 à 2009 mentionnant des articles référencés 70614, 70624, 70634 et 70644 et une photographie d'un défilé de mode HERMES comportant l'indication MARESCOT CREATIONS RIECHERS et faisant apparaître un modèle de chemisier confectionné dans la dentelle dont le dessin est revendiqué ; que ces pièces établissent que la société RIECHERS MARESCOT exploite et commercialise sous son nom le dessin de dentelle revendiqué depuis l'année 2005 ;

Considérant qu'il s'infère de ces éléments que les deux dessins de dentelle revendiqués ont été crées à l'initiative de la société RIECHERS MARESCOT et en son nom au cours des années 1980 et qu'ils ont été divulgués sous son nom depuis l'année 2004 pour l'un et depuis l'année 2005 pour l'autre ;

Considérant que les sociétés H&M, qui n'opposent aucun élément contraire, ne peuvent prétendre, en se fondant sur l'article L. 123-3 du code de la propriété intellectuelle, voir la société RIECHERS MARESCOT apporter la preuve négative que ses dessins de dentelle n'ont pas été publiés pour la première fois plus de 70 ans avant les faits argués de contrefaçon, ce qui reviendrait à priver les sociétés créées il y a plus de 70 ans et revendiquant des droits d'auteur du bénéfice de la présomption de titularité ; qu'au demeurant, il ne résulte d'aucun élément du dossier que les deux dessins de dentelle seraient exploités depuis plus de 70 ans ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, l'argumentation des sociétés H&M étant inopérante, de juger que la société RIECHERS MARESCOT établit la titularité de ses droits sur les deux dessins de dentelle revendiqués et qu'elle est par conséquent recevable à agir en protection de son droit d'auteur ;

Que le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé en toutes ces dispositions et qu'il sera statué sur l'ensemble des demandes des parties ;

Sur l'originalité des dessins de dentelle de la société RIECHERS MARESCOT

Considérant que la société RIECHERS MARESCOT prétend que ses dessins sont originaux, leurs caractéristiques originales procédant de choix et d'agencements particuliers reflétant la personnalité de leur auteur et sa propre créativité ; que les sociétés H&M ne peuvent exiger qu'elle démontre que l'état de l'art antérieur ne comportait pas d'antériorité ;

Que les sociétés H&M répondent qu'il incombe à l'appelante de démonter l'originalité alléguée en exposant l'état de l'art antérieur et en indiquant précisément en quoi consisterait l'empreinte de la personnalité de l'auteur et son effort créateur par rapport à cet art antérieur ; que la description à laquelle se livre l'appelante, aussi détaillée soit elle, n'est pas une démonstration de l'originalité ;

Considérant que le principe de la protection d'une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale n'est pas discuté, mais il incombe à celui qui entend se prévaloir des droits de l'auteur de caractériser l'originalité de cette création, l'action en contrefaçon de droits d'auteur étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire reflétant la personnalité et la créativité de son auteur ;

Considérant que le dessin de dentelle n° 43844/71144 consiste en un motif floral de style baroque, représentant des fleurs de lys, dont certaines sont à peine ouvertes et dont le pétale supérieur dépasse et est bordé de quatre petits bourgeons recroquevillés ; que la fleur plus à plat présente cinq pétales dont l'un est plus clair et présente de petits trous ; que sont accolés sur le pétale opposé trois petits bourgeons recroquevillés ; que la dentelle est parsemée de gros pois pleins, souvent regroupés par 2 ou 3 ; que des contrastes apparaissent, deux à trois tissages différents étant utilisés pour chaque élément floral ; qu'un fil délimite chaque élément et permet de contraster avec le fond ;

Que le dessin de dentelle n° 70604/70614, de style baroque, consiste en un tissage quadrillé sur lequel sont apposés des motifs en forme d'arabesque ainsi que des petites fleurs à six pétales ; qu'un premier motif est composé de deux arabesques, lesquelles se rejoignent par une petite fleur à six pétales, cette petite fleur se poursuivant par un motif en forme de U arrondi, avec un petit point en son centre ; que plusieurs autres arabesques et petites fleurs composent le fond ajouré ; qu'à côté de ce fond, se distingue un dessin de forme arrondie, composé en son centre de la même petite fleur à six pétales, du motif en forme de U arrondi ainsi que d'un motif de feuille de chêne à trois trous ; que sont intégrés au dessin différents points de différentes tailles ;

Considérant que l'originalité de ces deux dessins de dentelle réside dans la combinaison particulière, pour le premier, de motifs floraux et de feuillages, et pour le second, de motifs en forme d'arabesque et de fleurs, ces combinaisons, par leur caractère arbitraire et purement esthétique, reflétant la créativité et la personnalité de l'auteur ;

Que les sociétés H&M, qui n'opposent elles-mêmes aucune antériorité, ne sauraient exiger de la société RIECHERS MARESCOT qu'elle apporte la preuve que l'art antérieur ne comportait pas d'antériorité, étant rappelé que l'antériorité est inopérante en droits d'auteur et qu'en tout état de cause les sociétés H&M ne rapportent pas la preuve que les combinaisons de motifs floraux et de feuillages ou d'arabesques et de fleurs tels que reproduites dans les dessins revendiqués étaient banales ;

Que les deux dessins de dentelle n° 43844/71144 et n° 70604/70614 exploités par la société RIECHERS MARESCOT bénéficient, par conséquent, de la protection instituée au titre du droit d'auteur ;

Sur le bien fondé de la demande en contrefaçon

Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon

Considérant que les sociétés H&M poursuivent la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de réception de pièces correspondants ainsi que leur retrait des débats ; qu'elles arguent du défaut de signature de la requête par l'avocat constitué pour la société RIECHERS MARESCOT, du défaut de présentation au saisi de la minute de l'ordonnance et du fait que les investigations se sont poursuivies en l'absence de découverte préalable d'objets argués de contrefaçon sur les lieux de la saisie, et ce, illégalement en l'état de l'article L. 332-1du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 applicable à l'époque des faits ;

Que la société RIECHERS MARESCOT objecte qu'aucun texte n'impose la signature de la requête à peine de nullité ; que l'original de l'ordonnance a été présenté au directeur administratif et financier de H&M France ; que l'huissier était expressément autorisé par le juge à poursuivre ses opérations, même en l'absence de découverte préalable des produits argués de contrefaçon au siège de la société ;

Considérant que la requête critiquée indique que l'avocat constitué est le Cabinet CCK AVOCATS ASSOCIES en la personne de Me Corinne C. K. ; que la requête est signée ; que Me C. K. atteste que c'est Me Marie-Claude F.qui a présenté la requête aux fins de saisie contrefaçon le 4 juillet 2012 sur ses instructions et qui l'a signée à sa demande, ce que confirme Me F., collaboratrice de Me C. K. et dont la qualité d'avocate n'est pas contestée, dans un témoignage versé aux débats ;

Qu'il résulte des articles 114 et 117 du code de procédure civile que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, le défaut de signature de la requête par l'avocat constitué ne constitue pas une nullité de fond mais une nullité de forme qui ne pourrait entraîner la nullité de l'acte que si était démontrée l'existence d'un grief causé par l'irrégularité ; que les sociétés H&M ne justifient pas d'un tel grief ;

Considérant par ailleurs que Me T., huissier de justice ayant diligenté les opérations de saisie-contrefaçon, atteste que lors de ces opérations, il était porteur de l'original de la requête et de l'ordonnance judiciaire rendue le 4 juillet 2012 ; qu'est en outre versée aux débats une copie d'une lettre en date du 9 juillet 2012 qu'il a adressée à Me C. K. mentionnant le retour de 'l'original de la requête et de l'Ordonnance afin de saisie contrefaçon', ce qui corrobore son témoignage ;

Considérant, enfin, qu'il est constant que lors de la saisie contrefaçon effectuée le 5 juillet 2012 au siège social de la société H&M H. & MAURITZ, l'huissier de justice a constaté qu'aucun produit n'était commercialisé ou détenu en stock sur place mais a poursuivi ses opérations en se faisant remettre divers documents par le directeur administratif et financier de la société présent sur les lieux ;

Que c'est en vain que les sociétés intimées soutiennent que l'huissier a ainsi procédé illégalement dès lors que l'ordonnance rendue sur requête du 4 juillet 2012 autorisait expressément et précisément l'huissier instrumentaire, 'en l'absence de découverte préalable de produits argués de contrefaçon sur les lieux de ses opérations, à poursuivre celles-ci, et notamment à produire aux personnes présentes les pièces visées par la présente requête, ou leur reproduction, afin de recueillir leurs déclarations, en s'abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires à l'exécution de la présente ordonnance (...) à effectuer toutes recherches et constatations utiles notamment d'ordre comptable (...) afin de découvrir la provenance et l'étendue de la contrefaçon invoquée (...) à reproduire ou faire reproduire, et au besoin éditer, copier ou photocopier sur tout support de son choix, tous documents comptables tels que les comptes, bons de commandes, factures d'achat et de vente, états des stocks, documents douaniers, crédits documentaires, en relation avec les faits reprochés, ainsi que la liste des établissements qui ont passé des commandes et/ou qui commercialisent les modèles argués de contrefaçon, et ce même en l'absence des produits argués de contrefaçon sur place' (mise en gras rajoutée) ;

Que la modification de l'article L. 332-1 par la loi n° 2014-3152014 du 11 mars 2014 qui a ajouté que l'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux oeuvres prétendument contrefaisantes en l'absence de ces dernières' ne rend pas illégale la pratique antérieure consistant pour le juge, le cas échéant, à autoriser expressément l'huissier, en l'absence de produits argués de contrefaçon sur le lieu des opérations, à poursuivre celles-ci, notamment en se faisant remettre des documents en lien avec les faits reprochés ;

Considérant, dans ces conditions, que les sociétés H&M verront rejeter leur demande en nullité des opérations de saisie-contrefaçon et des procès-verbaux y afférents ;

Sur les actes de contrefaçon

Considérant que la société RIECHERS MARESCOT soutient que les vêtements et tickets de caisse qu'elle verse aux débats suffisent à rapporter la preuve du lien entre les dentelles litigieuses et les sociétés H&M ; qu'un simple examen de ses dessins et des tissus dans lesquels sont confectionnés les modèles H&M permet de constater que ces derniers reproduisent les caractéristiques originales des dessins ;

Que les sociétés H&M répondent que les vêtements et tickets de caisse produits par l'appelante sont dépourvus de force probante, la société RIECHERS MARESCOT, en l'absence de constat d'achat réalisé par un huissier de justice, n'apportant pas la preuve de ce que les vêtements qu'elle verse aux débats sont ceux dont la vente a donné lieu à l'émission des tickets de caisse produits ; que ses dessins de dentelle et ceux de la société appelante produisent une impression visuelle d'ensemble différente ; que ses tissus n'ont en commun avec les dessins revendiqués que la reprise de motifs floraux et d'arabesques qui sont traités différemment, ce qui leur confère des caractéristiques visuelles d'ensemble, des dimensions et des proportions différentes ;

Considérant que la contrefaçon est un fait dont la réalité peut être établie par tous moyens ;

Que la société RIECHERS MARESCOT verse aux débats :

• en original, deux robes en dentelle, l'une noire, l'autre rose, portant chacune une étiquette en tissu H&M cousue au vêtement et une étiquette en carton indiquant une référence 068861 et un prix de 39,95 €,

• en original, une robe noire en dentelle portant une étiquette tissu H&M cousue au vêtement et une étiquette en carton indiquant la référence 068861 et un prix de 39,95 €,

• en original, une jupe beige en dentelle portant une étiquette tissu H&M cousue au vêtement et une étiquette en carton indiquant la référence 085614 et un prix de 19,95 €,

• la copie d'un ticket de caisse du magasin H&M Passy Plaza - [...], mentionnant la date du 25 avril 2012 et un achat de deux articles Jersey Fancy référencés 68861 au prix unitaire de 39,95 €,

• en original, un ticket de caisse du magasin H&M du [...], mentionnant la date du 25 mai 2012 et un achat de deux articles 'Jersey Fancy' référencés l'un 68861 au prix de 39,95 €, et l'autre 856140 au prix de 19,95 € ;

Que le lien entre les vêtements et les tickets de caisse émis par les magasins H&M de Paris et de Lyon est ainsi suffisamment établi ; que la société RIECHERS MARESCOT démontre que les robes et la jupe qu'elle produit aux débats sont des produits qui ont été proposés à la vente en 2012 par des magasins H&M situés en France ;

Considérant que la comparaison à laquelle s'est livrée la cour du tissu de la robe en dentelle H&M référencée 068861 et de l'échantillon de dentelle RIECHERS MARESCOT portant la référence 43844/71144 (pièce 2 de l'appelante) permet de constater une très grande similarité, mise en évidence par le comparatif fourni par l'appelante (sa pièce 14) de photos du dessin 43844/71144 avec le dessin figurant sur la robe H&M ; qu'une très grande similarité apparaît de même à l'examen du tissu utilisé pour la jupe H&M référencée 085614 et des échantillons de dentelle RIECHERS MARESCOT portant les références 70614, 70624, 70634 et 70644 (pièces 15-1 à 15-4 de l'appelante), qui est mise en évidence par le comparatif fourni par l'appelante (sa pièce 20) de photos de son dessin de dentelle avec le dessin figurant sur la jupe H&M ; que la cour constate que les produits H&M reproduisent les caractéristiques originales décrites supra des deux dessins de dentelle de la société RIECHERS MARESCOT ;

Qu'il apparaît ainsi que les sociétés H&M H. & MAURITZ GBC AB et H&M H. & MAURITZ ont commis des actes de contrefaçon des dessins de dentelle n° 43844/71144 et n° 70604/70614 de la société RIECHERS MARESCOT ;

Que dans la mesure où la société RIECHERS MARESCOT obtient gain de cause sur sa demande principale en contrefaçon, il n'y a pas lieu à statuer sur sa demande subsidiaire en concurrence parasitaire visant les mêmes faits ;

Sur les actes de concurrence parasitaire distincts reprochés à la société H&M H. & MAURITZ GBC AB

Considérant que la société RIECHERS MARESCOT soutient que la société H&M H. & MAURITZ GBC AB a commis des fautes distinctes constitutives de parasitisme en procédant à des copies serviles de ses deux dessins de dentelle pour commercialiser, sur une seule et même saison, deux produits différents - une robe et une jupe -, notamment dans des coloris identiques aux siens, et en se plaçant ainsi délibérément dans son sillage pour profiter, sans bourse délier, de ses frais de développement et de ses investissements ;

Que la société H&M H. & MAURITZ GBC AB répond que la société RIECHERS MARESCOT est irrecevable en sa demande, faute de qualité à agir, dès lors i) qu'elle n'invoque aucun fait autre que la commercialisation des produits argués de contrefaçon, ii) qu'elle ne démontre pas avoir commercialisé en France les deux dessins de dentelle revendiqués et iii) qu'en tout état de cause, elle n'établit pas avoir elle-même commercialisé ces deux dessins de dentelle en France à la date des actes argués de concurrence parasitaire, ni même durant les années précédentes, 'à l'exception de quelques échantillons s'agissant des références de tissus numérotées 43844/71144" ; que, sur le fond, la société RIECHERS MARESCOT ne justifie pas de la nature ou du montant des investissements et frais de développement qu'elle invoque pour la création ou la promotion des tissus de dentelle en cause ;

Considérant qu'en invoquant des actes de concurrence parasitaire, la société RIECHERS MARESCOT dénonce le fait que la société H&M H. & MAURITZ GBC AB a décliné, au cours d'une même saison, le tissu des vêtements litigieux dans deux coloris identiques à ceux qu'elle même avait choisis pour ses dentelles et qu'elle s'est ainsi placée dans le sillage de la forte valeur commerciale de ses dessins de dentelle ; que les actes ainsi dénoncés sont distincts de la seule commercialisation des produits argués de contrefaçon ; que par ailleurs, comme il a été dit, il résulte des pièces versées aux débats par l'appelante qu'elle a exploité et commercialisé sous son nom le dessin de dentelle 43844/71144 depuis l'année 2004 et le dessin de dentelle 70604/70614 depuis l'année 2005, les factures produites montrant que les dentelles en cause ont été commercialisées notamment en France (notamment aux sociétés ZAPA, GIVENCHY, MARANI, LANVIN, C.L.A.) ; que les fins de non recevoir de la société intimée seront en conséquence rejetées et la société Riechers Marescot sera déclarée recevable en sa demande en concurrence parasitaire pour des faits distincts de ceux constitutifs de la contrefaçon ;

Que, sur le fond, le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne morale ou physique, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissement ;

Qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier précédemment exposés que la société H&M H. & MAURITZ GBC AB, fournisseur de la filiale française du groupe H&M, a copié les deux dessins de dentelle de la société RIECHERS MARESCOT pour créer deux modèles de vêtements entièrement confectionnés dans les dentelles contrefaites - la robe référencée 068861 et la jupe référencée 085614 -, qui ont été déclinés dans deux coloris (noir pour la robe et beige pour la jupe) précédemment adoptés par la société RIECHERS MARESCOT pour ses dentelles et qui ont été commercialisés au cours de la même saison printemps/été 2012 ; que la copie des dessins associée à la reproduction des couleurs caractérise la création d'un effet de gamme de nature à induire la confusion dans l'esprit d'une partie de la clientèle des magasins H&M qui achète également des vêtements de marques plus prestigieuses ainsi que dans l'esprit de professionnels de la mode et du textile ;

Que la société RIECHERS MARESCOT produit un relevé de décomptes des sommes engagées au cours des exercices 2009-2010, 2010-2011 et 2011-2012 pour participer à des salons et des expositions, certifié conforme par son expert-comptable ; que comme l'ont retenu à juste raison les premiers juges, l'engagement de ces sommes a pour but de promouvoir, au cours de ces salons, les produits de la société et de trouver des débouchés pour assurer leur diffusion ; que s'il n'est pas établi que les deux dessins de dentelle en cause ont été présentés au cours de ces salons, la présence de la société à ces événements visait à la faire connaître et à lui permettre de présenter son savoir-faire et profitait ainsi à l'ensemble des produits qu'elle commercialisait ; que la société RIECHERS MARESCOT produit, par ailleurs, deux documents, certifiés conformes par son expert-comptable, listant les différents coûts induits par la conception et la réalisation de chacun de ses deux modèles, soit 15 936,20 € pour le modèle n° 43844/71144 et 14 806,80 € pour le modèle n° 70604/70614 ; que la société RIECHERS MARESCOT justifie ainsi des investissements qu'elle a réalisés pour développer ses deux dessins de dentelle ;

Que, dans ces conditions, il apparaît que la société H&M H. & MAURITZ GBC AB s'est indûment placée dans le sillage de la société RIECHERS MARESCOT et a profité de son savoir-faire et de ses investissements, ce qui caractérise un comportement de parasitisme distinct de la contrefaçon ;

Sur les mesures réparatrices

Sur les demandes indemnitaires

Au titre de la contrefaçon

Considérant que la société RIECHERS MARESCOT sollicite la condamnation in solidum des sociétés H&M à lui verser les sommes suivantes :

• 410 656 € au titre du manque à gagner subi du fait des actes de contrefaçon,

• 80 000 € au titre de la banalisation de ses dessins,

• 60 000 € en réparation de son préjudice moral,

• une provision de 190 230 € au titre des bénéfices matériels indûment réalisés par les sociétés H&M,

• 30 000 € en réparation de l'atteinte portée à ses investissements intellectuels,

• 20 000 € en réparation de l'atteinte portée à ses investissements promotionnels ; qu'elle demande encore la confiscation à son profit des recettes de la société H&M H. & MAURITZ générées par la contrefaçon ;

Que les sociétés H&M soutiennent que l'appelante ne justifie pas de son préjudice et tente même d'obtenir plusieurs fois la réparation d'un même préjudice supposé ; que la demande de confiscation des recettes de la société H&M France à son profit se heurte au principe du droit à la réparation civile selon lequel l'indemnisation ne peut être supérieure au préjudice réellement subi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits ; que ce texte prévoit en outre que la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte et non exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ;

Qu'en l'espèce, au titre du manque à gagner, la société RIECHERS MARESCOT fait valoir, en ce qui concerne le dessin n°43844/71144, qu'il ressort des opérations de saisie-contrefaçon que la société H&M France aurait acquis auprès de son fournisseur, la société H&M H. & MAURITZ GBC AB, 4 048 robes référencées 688610 et qu'elle a ainsi été privée d'une commande de dentelle, à raison de 2 mètres de dentelle environ par produit, de plus de 8 000 mètres au prix moyen de 34 € HT le mètre, soit une perte de chiffre d'affaires de 137 632 € et une perte de marge de 80 060,53 € ; qu'en ce qui concerne le dessin n° 43844/71144, les opérations de saisie-contrefaçon ont montré que la société H&M France aurait acquis auprès de son fournisseur, la société H&M H. & MAURITZ GBC AB, 10 927 jupes référencées 856140 et qu'elle a ainsi été privée d'une commande de dentelle, à raison d'environ 1,5 mètres de dentelle par produit, d'environ 16 000 mètres au prix moyen de 30,27 € HT le mètre, soit une perte de chiffre d'affaires de 484 320 € et une perte de marge de 330 596,83 € ; qu'elle produit des attestations comptables relatives à ses deux dentelles mentionnant leurs prix ;

Qu'il doit cependant être tenu compte du fait que les clients qui acquièrent des vêtements en dentelle dans les boutiques H&M n'auraient pas, pour la plupart, acheté des vêtements confectionnés avec les dentelles de la société RIECHERS MARESCOT, de sorte que les ventes réalisées par la société H&M ne correspondent pas exactement à un gain manqué pour la société appelante ;

Que la cour dispose ainsi des éléments suffisants pour évaluer le préjudice de la société RIECHERS MARESCOT à la somme de 50 000 € au titre du manque à gagner subi du fait des actes de contrefaçon commis sur ses deux dessins de dentelle ;

Qu'au titre du préjudice moral, auquel doit être rattaché le préjudice résultant de la banalisation des dessins, il sera retenu que la vente, en France comme à l'étranger où H&M dispose de nombreuses boutiques comme le confirme la pièce 30 de l'appelante, de vêtements H&M à prix modiques reproduisant les dentelles crées par la société RIECHERS MARESCOT et destinées notamment, comme le montrent les destinataires des factures versées au dossier, à des clients prestigieux, français ou étrangers, dans le secteur de la mode et de la lingerie, a nécessairement dévalorisé les dentelles, qui sont susceptibles de n'être plus choisies par la clientèle de l'appelante, et porté atteinte à l'image de marque de cette dernière ; que la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice moral de la société RIECHERS MARESCOT à la somme de 30 000 € ;

Qu'en ce qui concerne les bénéfices matériels indûment réalisés par les sociétés H&M, auxquels doivent être rattachées les économies d'investissements intellectuels et promotionnels invoquées par la société RIECHERS MARESCOT en pages 28 et 29 de ses écritures (qualifiées d''atteinte portée' à ses investissements intellectuels et promotionnels dans le dispositif de ses conclusions), si la demande est faite à titre de "provision", elle s'analyse en réalité à une demande d'indemnisation définitive dans la mesure où la somme sollicitée est le résultat d'une évaluation au vu de la masse contrefaisante et de la marge réalisée par H&M, étant observé que la société appelante ne sollicite pas de mesure d'instruction afin d'évaluer un entier préjudice ;

Que l'appelante, en l'absence de factures d'achat communiquées à l'huissier de justice, évalue la marge réalisée par les sociétés H&M à 20 € pour la robe (soit 80 960 € pour les 4048 robes) et de 10 € pour la jupe (soit 109 270 € pour les 10 927 jupes) ; qu'elle justifie, comme il a été dit, avoir engagé pour la création de ses deux dessins de dentelle les sommes de 15 936,20 € (pour le modèle n°43844/71144) et 14 806,80 € (pour le modèle n° 70604/70614) et participer en outre à des salons afin de promouvoir ses produits ;

Qu'il ne peut cependant être tenu compte, comme le soulignent les sociétés H&M, du nombre de produits contrefaisants acquis par la société H&M France auprès de son fournisseur mais du nombre de produits contrefaisants effectivement commercialisés ; que le procès-verbal de saisie-contrefaçon révèle qu'ont été vendues 8 377 jupes référencées 856140 et 3 689 robes référencées 688610 ; que les frais promotionnels ont servi à promouvoir l'ensemble des produits de la société RIECHERS MARESCOT et pas seulement les deux dentelles contrefaites ;

Que la cour dispose ainsi des éléments suffisants pour évaluer à 120 000 € la somme devant être définitivement allouée à la société RIECHERS MARESCOT au titre des bénéfices réalisés par les sociétés H&M, en ce compris les économies d'investissements intellectuels et promotionnels que celles-ci ont retirées de l'atteinte aux droits de l'appelante ;

Que la confiscation des recettes au profit de la partie lésée, mesure complémentaire prévue par l'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, reviendrait en l'espèce à condamner deux fois les sociétés H&M qui sont déjà condamnées à payer à la société RIECHERS MARESCOT la somme de 120 000 € au titre de leurs bénéfices matériels indûment réalisés ; que la demande sera rejetée ;

Que les sociétés H&M H. & MAURITZ et H&M H. & MAURITZ GBC AB, qui ont commis les actes de contrefaçon, seront condamnées in solidum à payer les sommes allouées à la société RIECHERS MARESCOT ;

Au titre de la concurrence parasitaire

Considérant que la société RIECHERS MARESCOT sollicite la condamnation de la société H&M H. & MAURITZ GBC AB à lui payer la somme de 100 000 € ;

Considérant que la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice de la société à la somme de 20 000 € ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société RIECHERS MARESCOT demande qu'interdiction soit faite aux sociétés H&M ainsi qu'à l'ensemble de leurs filiales, établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants, et autres revendeurs, de fabriquer et faire fabriquer, d'importer, d'exporter et/ou de commercialiser des vêtements confectionnés dans un tissu reproduisant ses deux dessins et ce, sous astreinte ; qu'elle sollicite en outre la destruction de l'ensemble des produits litigieux et la publication de l'arrêt à intervenir dans 10 journaux ou publications professionnels ainsi que sur la page d'accueil du site internet de la société ;

Que les sociétés H&M concluent au rejet de la demande de publication qu'elles jugent excessive et disproportionnée au regard de la réalité de la diffusion des dessins de dentelle revendiqués et font valoir qu'il n'est pas allégué que son site internet ait servi à la commercialisation ou à la présentation au public des articles incriminés ;

Considérant que la mesure d'interdiction sollicitée est justifiée dans son principe au regard de la nécessité de prévenir le renouvellement des actes illicites ; qu'il y sera fait droit dans les conditions prévues au dispositif ; qu'il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte dès lors qu'il n'est pas prétendu que les actes illicites perdureraient ;

Considérant que le procès-verbal de saisie-contrefaçon révèle que le 5 juillet 2012, il existait un stock, dans l'ensemble des magasins H&M en France, de 359 robes et de 2550 jupes contrefaisantes ; qu'il y a lieu, en tant que de besoin compte tenu de l'ancienneté du constat d'huissier, d'ordonner la destruction des vêtements contrefaisants dans les conditions précisées au dispositif ;

Considérant qu'une mesure de publication apparaît nécessaire à la fois dans la presse et sur le site internet de la société H&M eu égard au fait que cette enseigne a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour des faits identiques, comme le révèlent les décisions de justice versées au dossier, et à l'étendue de la contrefaçon liée à celle du réseau des magasins H&M et pour préserver les droits de la société victime et dissuader d'éventuels contrefacteurs ; qu'il sera fait droit à la demande dans les conditions définies au dispositif ;

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

Considérant qu'il s'infère de la présente décision que la société RIECHERS MARESCOT n'a commis aucun abus de son droit d'agir en justice ; que la demande des sociétés H&M sera rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que les sociétés H&M qui succombent seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel ;

Qu'elles garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés ; que la somme qui doit être mise à la charge des sociétés H&M au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société RIECHERS MARESCOT en première instance et en appel, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon, peut être équitablement fixée à 15 000 € ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la société RIECHERS MARESCOT est titulaire des droits patrimoniaux d'auteur sur ses dessins de dentelle n° 43844/71144 et n° 70604/70614,

Dit que les deux dessins de dentelle n° 43844/71144 et n° 70604/70614 de la société RIECHERS MARESCOT ont originaux et bénéficient de la protection au titre du droit d'auteur,

Rejette la demande des sociétés H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB tendant à voir déclarer nuls les opérations de saisie-contrefaçon et les procès-verbaux y afférents,

Dit que les sociétés H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB ont commis des actes de contrefaçon des dessins de dentelle n° 43844/71144 et n° 70604/70614 de la société RIECHERS MARESCOT en reproduisant ces dessins sur un modèle de robe et un modèle de jupe vendus courant 2012 dans les boutiques H&M,

Dit que la société H&M H. & MAURITZ GBC AB, fournisseur, a commis des actes distincts de parasitisme en se plaçant dans le sillage de la société RIECHERS MARESCOT et en profitant de son savoir-faire et de ses investissements,

Condamne in solidum les H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB à payer à la société RIECHERS MARESCOT les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

• 50 000 € au titre du manque à gagner subi du fait des actes de contrefaçon commis sur ses deux dessins de dentelle,

• 30 000 € en réparation de son préjudice moral,

• 120 000 € au titre des bénéfices indûment réalisés par les sociétés H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB, en ce compris les économies d'investissements intellectuels et promotionnels retirées de l'atteinte aux droits de la société RIECHERS MARESCOT,

Condamne la société H&M H. & MAURITZ GBC AB à payer à la société RIECHERS MARESCOT la somme de 20 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme distincts,

Fait interdiction aux sociétés H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB ainsi qu'à l'ensemble de leurs filiales, établissements secondaires, succursales et usines, de fabriquer et faire fabriquer, d'importer, d'exporter et/ou de commercialiser des vêtements confectionnés dans un tissu reproduisant les dessins n° 43844/71144 et n° 70604/70614 de la société RIECHERS MARESCOT,

Ordonne, en tant que de besoin, la destruction des vêtements contrefaisants (robes référencées 068861 et jupes référencées 085614) par un huissier de justice au choix de la société RIECHERS MARESCOT et aux frais avancés de la société H&M H. ET MAURITZ sur présentation du devis de l'huissier, et ce, tant au siège social de la société H&M H. ET MAURITZ qu'au sein de ses filiales, établissements secondaires et succursales et usines,

Dit que le dispositif du présent arrêt sera publié :

• dans deux organes de presse au choix de la société RIECHERS MARESCOT et aux frais avancés des sociétés H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB sur présentation du devis de l'huissier, à hauteur de 6 000 € HT par insertion,

• sur la page d'accueil du site internet www.hm.com pendant une durée de deux mois à compter de la signification de cet arrêt, dans un encart qui ne pourra être inférieure à 1000 x 1000 pixels en haut de la ligne de flottaison, dans une police12, et ce, sous astreinte de 1 500 € par jour de retard dont la liquidation restera de la compétence du juge de l'exécution,

Déboute les H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive,

Condamne in solidum les sociétés H&M H. ET MAURITZ et H&M H. ET MAURITZ GBC AB aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement à la société RIECHERS MARESCOT de la somme de 15 000 € au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon.