CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 mai 2018, n° 17/06372
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Studioa (Sarl)
Défendeur :
Minelli (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Renard, Mme Lehmann
FAITS ET PROCEDURE
La société StudioA qui offre un espace showroom d'accessoires de modes, notamment de chaussures et d'articles de maroquinerie pour de jeunes stylistes, fabrique et commercialise ce même type de produits.
Elle a déposé le 5 juin 2014, sous le n° 14/2545 à l'INPI un modèle de sandale compensée plate dénommée malabar sandale.
La société Minelli a pour activité la création, la fabrication, l'achat et la vente d'articles chaussants et d'accessoires notamment en France.
A l'occasion de la collection Printemps/été 2015, elle a commercialisé une sandale à plate-forme compensée, dénommée glory'ou encore compensé gloire qui se caractérise par un jeu d'entrelacement des bandes constituant la tige de la chaussure.
La société StudioA considérant que les sandales commercialisées par la société Minelli constituaient une contrefaçon de son modèle a été autorisée par ordonnance du 27 octobre 2015, à faire procéder à une saisie contrefaçon, qui a été réalisée le 26 novembre au siège de la société Minelli et au cours de laquelle ont été saisies huit paires de chaussures et ont été remis des documents retraçant les commandes et ventes de ces chaussures.
C'est dans ces conditions que, par acte du 22 décembre 2015, la société StudioA a assigné la société Minelli devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon.
Par jugement du 10 mars 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté les demandes de la société Minelli tendant à voir déclarer nulles les opérations de saisie-contrefaçon et à écarter des débats le procès-verbal de saisie contrefaçon
- dit que le modèle n° 142545 déposé à l'INPI le 5 juin 2014 par la société StudioA est nul pour défaut de caractère propre
- dit que le jugement sera transmis à l'INPI pour inscription dans son registre par la parie la plus diligente
- débouté en conséquence la société StudioA de sa demande en contrefaçon fondée sur ce modèle
- condamné la société StudioA à payer à la société Minelli la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La société StudioA a interjeté appel le 23 mars 2017.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 février 2018, la société StudioA demande à la cour de :
Confirmer les points suivants :
- dire et juger que la société Minelli ne justifie d'aucun grief qui résulterait du défaut de signature de la requête aux fins de saisie-contrefaçon par l'avocat constitué de la société StudioA ;
- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes à l'encontre de la société Minelli ;
- dire et juger que son modèle « Malabar Sandale » présente un caractère propre et est nouveau ;
en conséquence,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande de la société Minelli tendant à voir déclarer nulles les opérations de saisie-contrefaçon et à écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon ;
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que le modèle « Malabar Sandale » présente un caractère nouveau ;
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société Minelli de l'ensemble de ses demandes ;
Infirmer les points suivants et juger à nouveau :
- dire et juger que son modèle « Malabar Sandale » présente un caractère propre ; - dire et juger que sa demande au titre du droit d'auteur n'est pas une prétention nouvelle et qu'elle est recevable ;
- dire et juger que son modèle « Malabar Sandale » est marqué de l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
- dire et juger que la société Minelli a commis des actes de contrefaçon de modèle enregistré ;
en conséquence,
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit nul le modèle « Malabar Sandale » n° 142545 pour défaut de caractère propre ;
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en contrefaçon fondée sur ce modèle ;
- condamner la société Minelli à lui verser la somme de 111 814,06 euros au titre de son manque à gagner en raison de cette contrefaçon ;
- condamner la société Minelli à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle subit ;
- condamner la société Minelli à lui verser la somme de 191 532 euros au titre des bénéfices réalisés par la société Minelli grâce à la contrefaçon ;
- interdire à la société Minelli de représenter et commercialiser les modèles référencés « Compensé Gloire » reproduisant le modèle « Malabar Sandale » de la société StudioA et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner à la société Minelli de détruire son stock de produits des modèles référencés « Compensé Gloire » et d'en justifier ;
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 8 journaux ou revues au choix de la société StudioA et aux frais de la société Minelli à concurrence de 5 000 euros hors taxes par insertion ainsi que sur le site internet www.Minelli.fr pendant une durée d'un mois à compter du lendemain de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- débouter la société Minelli de son appel incident,
- condamner la société Minelli à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître E. en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 février 2018 la société Minelli demande à la cour de :
à titre liminaire
- déclarer recevable son appel incident
- dire et juger que les opérations de saisie-contrefaçon sont entachées de nullité et par conséquent écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon et la pièce adverse n°22, réformant le jugement sur ce point
à titre principal
- dire et juger que le modèle 15/2545 est nul, confirmant le jugement sur ce point
- déclarer irrecevable la demande de la société StudioA sur le fondement du droit d'auteur
en conséquence
- débouter la société StudioA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
à titre subsidiaire
- dire que le modèle invoqué par la société StudioA n'est pas protégeable par le droit d'auteur
- dire et juger qu'elle ne s'est pas rendue coupable d'acte de contrefaçon de modèle enregistré et/ou de droit d'auteur
en conséquence
- débouter la société StudioA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
à titre très subsidiaire
- débouter la société StudioA de ses demandes relatives au préjudice subi
en tout état de cause,
- condamner la société StudioA à lui verser la somme de 10 000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile, réformant le jugement sur ce point et confirmer celui-ci en ce qu'il a condamné la société StudioA aux dépens
- condamner la société StudioA à lui verser la somme de 8 000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais d'appel et aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 février 2018.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la demande en nullité des opérations de saisie contrefaçon
La société Minelli fait valoir que la requête aux fins de saisie contrefaçon a été signée par maître H., inscrite au barreau de Lyon qui n'avait pas capacité de représenter la société Studio A devant le président du tribunal de grande instance de Paris.
Il est produit, d'une part, une requête au nom de la société StudioA avec les mentionssuivantes, d'une part, 'ayant pour avocat postulant la selas Lamy Lexel avocats associés, maître Jérome S., avocat inscrit au barreau de Paris' lequel se constitue, d'autre part ayant pour avocat postulant la selas LamyLexel avocats associés, maître Marie D.-H., avocat inscrit au barreau de Lyon' et 'Fait à Lyon le 26 octobre 2015" avec une signature non identifiée, d'autre part une requête dépourvue de signature.
Il n'en résulte pas la démonstration que la requête aux fins de saisie n'a pas été présentée par l'avocat ayant la capacité requise.
Par ailleurs la société Minelli ne rapporte pas la preuve d'un grief résultant de l'incertitude liée à l'identification de l'auteur de la signature en cause.
En conséquence c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la demande de la société Minelli tendant au prononcé de la nullité des opérations de saisie contrefaçon.
Sur la recevabilité de la demande de la société StudioA au titre des droits d'auteur
La société Minelli fait valoir que la société Studio A n'a pas invoqué une protection au titre des droits d'auteur en première instance et qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel.
La société StudioA soutient que sa demande n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge à savoir la réparation d'actes de contrefaçon dont elle se dit victime, ses prétentions en cause d'appel n'ayant pas été modifiées.
L'article 565 du Code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
La demande de la société StudioA tendait à faire constater des atteintes à ses droits sur le fondement du droit des dessins et modèles enregistrés qui relève d'un régime autonome de celui du droit d’auteur ; pour autant le cumul des deux protections qui n'est pas automatique, est possible.
Le droit d'auteur est fondé sur la protection d'une oeuvre originale marquée par l'empreinte de son auteur, le droit des dessins et modèles sur celle d'une oeuvre nouvelle et propre ; en l'espèce l'oeuvre revendiquée est la même et la société StudioA oppose une sandale commercialisée par la société Minelli comme portant atteinte à ses droits protégés par chacun des deux régimes
En conséquence, quand bien même il appartient à la cour d'examiner le litige au regard de deux droits distincts, la demande de la société StudioA en cause d'appel est une demande qui tend à faire constater une contrefaçon donc à la même fin que celle présentée en première instance.
En conséquence la demande formulée en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur en cause d'appel ne constitue pas une demande nouvelle et la société Minelli ne saurait arguer avoir été privée du double degré de juridiction.
Sur la protection au titre des droits des dessins et modèles
La société Minelli soutient que les chaussures de la société Studio ne sont pas nouvelles et ne présentent pas un caractère propre car s'agit d'une copie servile d'une sandale créée antérieurement par la créatrice belge Véronique B. et qui avait été exposée dès septembre 2012 et commercialisée au cours de la saison printemps-été 2013 par la société Camper.
La société StudioA soutient que la société Minelli ne rapporte pas la preuve de la divulgation de la sandale de Véronique B. avant le dépôt de son modèle.
L'article L. 511-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu''Un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il n'y a pas divulgation lorsque le dessin ou modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté Européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.
Il résulte des pièces produites que la sandale attribuée par la société Minelli à la créatrice Véronique B. a été exposée au public dès le mois de septembre 2012 à l'occasion du 20 ème anniversaire de l'installation de la marque Camper à Paris, plusieurs versions de cette sandale étant visibles sur la vidéo du compte Youtube de la marque Camper ; par ailleurs il résulte des extraits du site d'archives concernant le site commercial www.camper.com/fr qu'elles ont été commercialisées à compter de la saison printemps/été 2013.
Il résulte de ces éléments convergents que la sandale de Véronique B. a été divulguée dès l'automne 2012 puis au cours de la saison printemps-été 2013, soit avant le dépôt du modèle n°142545 par la société StudioA puisque celui-ci est intervenu le 5 juin 2014 ; cette divulgation est caractérisée par la mise sur le marché du produit qui le rendait raisonnablement connu des professionnels du secteur, de sorte qu'il constitue une antériorité opposable à la société StudioA.
L'article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que ' seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre'.
La société StudioA décrit son modèle comme se caractérise par la combinaison des éléments suivants :
- la tige composée de deux brides croisées en veau miroir or ou argent ou en veau noir et blanc, coupées franc,
- la semelle en gomme naturelle, le compensé en micro/eva blanc
- la semelle de protection est en gomme naturelle avec une relève à l'avant et une petite relève à l'arrière
- la première de propreté en cuir naturel ourlé d'une trépointe naturelle.
Elle soutient que la combinaison de ces caractéristiques complexes, appréciée dans son ensemble confère à ce modèle une physionomie qui le distingue des autres modèles du même genre et qui traduit un parti pris esthétique.
La sandale Branquiho opposée par la société Minelli présente une confection identique à savoir une plate-forme en micro/eva de 4 cm environ entre la demi-semelle et la semelle et une tige composée de deux bandes qui se croisent au niveau de la claque en se superposant et une boucle de fermeture sur le côté.
En revanche, elle présente des différences notables en ce que :
- la tige se différencie seulement en ce que la section de rattachement à la semelle située au milieu du pied est sensiblement plus large dans le modèle StudioA et il est arrondi là où il présente un angle droit sur la sandale B. ;
- la semelle du modèle malabar se distingue par sa couleur de la bride alors que la couleur de la semelle de la sandale B. s'adapte à la couleur de la bride ;
- la semelle du modèle de la société StudioA présente à l'arrière une relève au niveau du sol ;
- la boucle se distingue en ce qu'elle est de la couleur de la bride dans le modèle malabar alors qu'elle est noire dans la sandale B. ; par ailleurs la première se ferme vers l'arrière à l'inverse de la seconde ;
- le modèle malabar présente une bande en matériau brillant avec une ligne arrondie vers l'avant alors que dans la sandale opposée, celle-ci est mat avec un angle vers l'avant.
Ces différences sont telles qu'elles dépassent le détail insignifiant de sorte que l'antériorité constituée par la sandale B. n'est pas de nature à détruire le caractère nouveau du modèle de sandale déposée par la société StudioA ; il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement sur ce point.
En ce qui concerne la caractère propre, l'article L. 511-4 dispose que 'Un dessin ou modèle a un carcatère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averi diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.
Pour l'appréciation du caractère propre il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle.
En l'espèce l'observateur averti sera la consommatrice de chaussures pour femmes dotée d'une vigilance particulière en raison de sa bonne connaissance et de son expérience personnelle du secteur concerné de la sandale à talon compensé.
Le modèle malabar de la société StudioA a un aspect brillant alors que la sandale B. est d'aspect mat ; cette différence ne saurait être assimilée à une différence de couleur dès lors que toute couleur peut se différencier par cet aspect, le brillant ayant un effet chic tandis que le mat donne un fini plus décontracté ; par ailleurs, l'effet brillant tranche avec l'aspect naturel de la semelle de propreté, de couleur similaire à la semelle ce qui crée une opposition de couleur alors que la semelle de la sandale B. est monochrome .
La boucle du modèle malabar est de la couleur de la bride ; il présente deux relèves, l'une à l'avant plus accentué que dans la sandale B. et une autre à l'arrière dont il n'est pas démontré qu'elle aurait un intérêt et fonctionnel, la section de rattachement à la semelle est plus large.
La combinaison de l'ensemble de ces éléments confère à la sandale malabar une impression d'ensemble distincte de celle donnée par la sandale de Véronique B. de sorte que la consommatrice avertie pourra facilement les distinguer.
En conséquence, le modèle malabar présente un caractère propre et il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point.
Sur la contrefaçon
La société StudioA soutient que la sandale commercialisée par la société Minelli sous la dénomination 'Compensé gloire' reprend à l'identique les caractéristiques de son modèle à savoir :
- les bandes croisées en veau miroir or et argent et en veau noir et blanc, coupées franc,
- la semelle en gomme naturelle, un compensé en micro/eva
- la relève à l'avant ainsi que la petite relève à l'arrière
- la première de propreté en cuir naturel ourlé d'une trépointe naturelle
- la semelle de la chaussure présente la même opposition de couleurs, naturel/blanc/naturel.
Si le dessus de la chaussure malabar est constitué de deux pièces de cuir alors que la sandale Minelli est formée de plusieurs pièces, cette modification ne concerne que le mode de fabrication et ne modifie en rien l'aspect global de la sandale qui est identique.
Il apparaî dès lors que l'ensemble des caractéristiques du modèle de la société StudioA ont été reprises dans une même combinaison ; en conséquence la société Minelli qui a reproduit servilement le modèle déposé par la société StudioA et l'a proposé à la vente a commis des actes de contrefaçon. Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement sur ce point.
D'ailleurs la société Sudio A produit des courriels de ses clients, professionnels de la vente de chaussures, qui commercialisent son modèle et qui l'ont alertée sur la confusion créée par la sandale de la sociétét Minelli.
Sur les actes de contrefaçon au titre des droits d'auteur
La société Minelli soutient que la société StudioA n'est pas recevable à se prévaloir de la protection au titre des droits d'auteur faute d'être titulaire des droits d'auteur sur le dessin 14/2545 ;
La société StudioA prétend rapporter la preuve de ce qu'elle a divulgué la sandale en cause dès septembre 2013 de sorte qu'elle est dispensée de rapporter la preuve de sa création alors même qu'elle produit une attestation de la styliste qui indique avoir créé le modèle n° 14/2545 en 2014 dans le cadre de son travail pour la société StudioA et lui avoir cédé ses droits.
La société StudioA produit également une facture du 21 octobre 2013 portant sur 34 paires de chaussures vendues en deux coloris différents à la société Barneys et des extraits de magazine dans lesquels figure le modèle pour la saison printemps 2014 ; en conséquence la société StudioA, qui démontre ainsi l'exploitation du modèle malabar, est recevable en son action en contrefaçon.
La sandale de la société StudioA comporte des bandes croisées en veau miroir or et argent et en veau noir et blanc, coupées franc, une semelle en gomme naturelle, un compensé en micro/eva, deux relèves, l'une à l'avant, l'autre plus légère à l'arrière, une première de propreté en cuir naturel ourlé d'une trépointe naturelle créant une opposition avec les bandes, qui est reprise sur la semelle.
La combinaison de l'ensemble de ces éléments confère une physionomie propre à la sandale malabar, marquée de l'empreinte de la personnalité de son auteur.
Les différences entre la sandale compensée Gloire de la société Minelli et le modèle Malabar, qui portent sur la forme de la tige et la cambrure de la semelle, sont minimes et insuffisantes à démarquer la sandale litigieuse de celle de la société StudioA.
En conséquence il y a lieu de retenir des actes de contrefaçon des droits d'auteur à l'encontre de la société Minelli.
Sur le préjudice de la société StudioA
La société StudioA fait valoir que le modèle malabar est un modèle phare de sa collection et qu'elle a enregistré moins de ventes du fait de la présence sur le marché du produit contrefaisant vendu au prix de 99 € HT contre 191,67€HT pour son modèle, qu'elle a subi une atteinte à son image alors que la société Minelli a réalisé des bénéfices.
Les articles L. 331-3-1 et L. 521-7 du Code de la propriété intellectuelle énoncent qu'il convient pour fixer les dommages et intérêts de prendre en compte distinctement les conséquences économiques, le préjudice moral et les bénéfices réalisés par l'auteur de la contrefaçon.
Il résulte des pièces saisies que la société Minelli a commercialisé 2 902 paires de sandales compensé gloire.
La société StudioA fait état d'une marge brute de 38, 53€ par paire de chaussures, estimant sur cette base son manque à gagner à la somme de 111 814,06€.
La société Minelli fait valoir que le manque à gagner invoqué par la société Sudio A est théorique et doit être tempéré du fait notamment de la présence sur le marché de la sandale de Véronique B. et du fait qu'elle a commercialisé sa sandale une saison après la société Sudio A.
Il n'est pas démontré que la sandale B. était encore commercialisée lorsque le modèle de la société StudioA l'a été ni que ce dernier aurait cessé de l'être lorsque la sandale Minelli a été mise sur le marché ; pour autant il n'est pas démontré que les clientes de la société Minelli auraient opté pour le produit de la société StudioA du fait même de son prix.
Au regard de ces éléments la cour fixera à la somme de 30 000€ le préjudice subi par la société StudioA au titre de son manque à gagner.
La société StudioA invoque une atteinte à son image au motif que les consommateurs ont pu croire à une collaboration avec la société Minelli alors qu'elle commercialise des produits hauts de gamme.
Elle justifie de sa notoriété par des articles de presse et la liste des points de vente ; en conséquence la mise sur le marché d'une copie servile à bas prix a banalisé cette création et a nécessairement porté atteinte à son image ; la cour réparera ce préjudice en lui allouant la somme de 10 000€.
Enfin la société Minelli a réalisé une marge brute de 66€ par paire de sandales soit une marge totale sur 2 902 paires de 191 532€ alors qu'elle a fait l'économie de tout investissement financier dans la recherche et la mise au point de son produit et n'avait pas de frais de personnels dédiés à cet article ; pour autant, elle a des frais de fonctionnement et de personnel qui s'imputent sur la marge brute qu'elle réalise pour l'ensemble des produits qu'elle commercialise ; or elle produit une attestation de son commissaire aux comptes mettant en évidence que le résultat opérationnel courant de la vente litigieuse a été négatif.
En conséquence la cour fixera la réparation des préjudices subis par la société StudioA aux sommes de 30 000€ et 10 000€.
Il y a lieu également d'interdire à la société Minelli de représenter et de commercialiser le produit contrefaisant et ce, sous astreinte de 100€ par infraction constatée ; la cour ordonnera en outre la publication d'un extrait de l'arrêt à intervenir dans trois journaux pendant un mois
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et la demande reconventionnelle de la société Minelli
La société Minelli succombant il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de la débouter de sa demande tendant à voir augmenter celle-ci.
En revanche la société StudioA ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Minelli de ses demandes tendant à voir déclarer nulles les opérations de saisie-contrefaçon et à écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon et en ce qu'il a dit que le modèle de la société Studio A présentait un caractère nouveau.
Et statuant à nouveau,
DECLARE recevable la demande de la société StudioA au titre du droit d'auteur ;
DIT que le modèle « Malabar Sandale » de la société StudioA présente un caractère propre ;
DIT que le modèle « Malabar Sandale » est marqué de l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
DIT que la société Minelli a commis des actes de contrefaçon de modèle enregistré et de droits d'auteur ;
CONDAMNE la société Minelli à verser à la société StudioA les sommes suivantes :
- 30 000 euros au titre de son manque à gagner en raison de cette contrefaçon ;
- 10 000 euros au titre du préjudice moral.
INTERDIT à la société Minelli de représenter et commercialiser les modèles référencés « Compensé Gloire » reproduisant le modèle « Malabar Sandale » de la société StudioA et ce, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
ORDONNE la publication de l'arrêt à intervenir dans 3 journaux ou revues au choix de la société StudioA et aux frais de la société Minelli à concurrence de 5 000 euros hors taxes par insertion ;
DEBOUTE la société Minelli de son appel incident ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE la société Minelli à payer la société StudioA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Minelli aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.