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Décisions

CA Metz, 1re ch. civ., 11 juin 2020, n° 19/00409

METZ

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. David

Conseillers :

Mme Fournel, Mme Dussaud

CA Metz n° 19/00409

10 juin 2020

A la date du 14 Mai 2020, l'affaire a été fixée par le président de la chambre en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties ayant expressément accepté le recours à ces dispositions par formulaire joint au dossier.

L'affaire a été mise en délibéré au 11 Juin 2020 par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, les parties en ayant été avisées.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 24 juin 2011 Monsieur Dominique B. a vendu à Monsieur M. un véhicule BMW Série 5 immatriculé AE-631-RN, véhicule qu'il avait lui-même acquis auprès de Monsieur Nicolas F. le 21 octobre 2010.

Alléguant des désordres sur le véhicule, et une anomalie sur le kilométrage repérée lors d'une expertise amiable, Monsieur M. a obtenu à l'encontre de Monsieur B. par ordonnance de référé du 02 octobre 2012 la désignation d'un expert, lequel indiquait finalement dans son rapport que le kilométrage réel du véhicule était de 183.509 km au jour des opérations d'expertise au lieu des 111.450 km indiqués au compteur, le kilométrage ayant été falsifié vraisemblablement en 2009.

Par jugement du 13 avril 2015 rendu dans l'instance opposant Monsieur M. à Monsieur B., le Tribunal de Grande Instance de Thionville a rejeté la demande de Monsieur B. en révocation de l'ordonnance de clôture aux fins de lui permettre d'appeler en la cause son propre vendeur, en observant que Monsieur B. avait eu à plusieurs reprises antérieurement la possibilité de le faire. Le Tribunal a ensuite, en application des articles 1641 et suivants du code civil, prononcé la résolution de la vente du véhicule litigieux, a condamné Monsieur B. à rembourser à Monsieur M. la somme de 24.000 €, a dit qu'en contrepartie du remboursement du prix Monsieur M. restituera le véhicule à Monsieur B., et a condamné ce dernier aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur M. une somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 14 mars 2017 la Cour d'Appel de Metz a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et a en outre rejeté la demande de Monsieur B. tendant à se voir donner acte de ce qu'il se réserve la possibilité de solliciter la garantie de Nicolas F., observant qu'il n'entrait pas dans l'office du juge de statuer sur une telle demande qui ne tend pas à voir trancher un point de droit ou de fait dont dépendrait la solution du litige.

Par acte du 04 novembre 2016, Monsieur Dominique B. a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Thionville Monsieur Nicolas F., afin de voir prononcer la résolution de la vente du véhicule intervenue entre lui-même et Monsieur F., condamner Monsieur F. à lui restituer le prix de vente soit 28.000 €, ordonner à Monsieur F. de le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, et condamner Monsieur F. aux dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur B. s'est fondé sur le défaut de délivrance d'une chose conforme en application des dispositions de l'article 1603 du code civil, et a considéré que son action n'était pas prescrite.

Monsieur F. a considéré que les décisions successivement rendues par le Tribunal de Grande Instance puis par la Cour d'Appel avaient au contraire confirmé que le véhicule était affecté d'un vice caché, de sorte que l'action en résolution pouvant être intentée à son encontre se prescrivait par deux ans, et que la prescription était par conséquent acquise.

Par jugement du 13 décembre 2018 le Tribunal de Grande Instance de Metz a statué comme suit:

« Constate que M. Dominique B. a saisi le tribunal d'une action en résolution de vente pour défaut de délivrance d'une chose conforme;

Rejette le moyen tiré de la prescription de l'action en garantie des vices cachés présenté par M. Nicolas F.;

EN CONSEQUENCE,

Déclare parfaitement recevable l'action en résolution de vente pour défaut de délivrance d'une chose conforme formée par M. Dominique B.;

Prononce la résolution de la vente conclue le 21 octobre 2010 entre, d'une part, M. Nicolas F., d'autre part, M. Dominique B. portant sur un véhicule BMW immatriculé AE 631 RN;

Condamne M. Nicolas F. à régler à M. Dominique B. la somme de 28.000 euros correspondant au prix de vente;

Condamne M. Dominique B. à restituer le véhicule BMW immatriculé AE 631 RN à M. Nicolas F. aux frais exclusifs de ce dernier;

Déboute M. Dominique B. de sa demande tendant à voir M. Nicolas F. lui régler la somme de 3400 euros au titre de la garantie de condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile dans le litige l'ayant opposé à M. M. ;

Condamne M. Nicolas F. aux dépens ainsi qu'à régler à M. Dominique B. la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Déboute M. Nicolas F. de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ,

Dit n'y avoir lieu à distraction des dépens

Prononce l'exécution provisoire du présent jugement ».

Pour statuer ainsi le Tribunal a relevé qu'il résultait clairement des termes de l'assignation et des conclusions, que Monsieur B. fondait son action à l'encontre de Monsieur F. sur l'article 1603 du code civil et le défaut de délivrance. Il a constaté que Monsieur F. ne faisait état d'aucune prescription concernant l'action en résolution de la vente pour défaut de conformité, et que l'inexactitude du kilométrage affiché au compteur lors de la vente d'un véhicule constituait effectivement un défaut de conformité justifiant la résolution de la vente. Il a en revanche débouté Monsieur B. de sa demande visant à la condamnation de Monsieur F. à lui payer une somme de 3.400 € au titre de la garantie, en observant que la garantie à laquelle le vendeur initial pourrait être tenue ne porte que sur les dommages et intérêts accordés en complément de la résolution et qui constitueraient un préjudice prévisible, et que tel n'est pas le cas des frais irrépétibles, qui ne s'assimilent pas à des dommages et intérêts.

Par déclaration du 14 février 2019, Monsieur Nicolas F. a interjeté appel de l'ensemble de cette décision, à l'exception de celle ayant débouté Monsieur B. de sa demande en paiement d'une somme de 3.400 €.

Aux termes de ses dernières conclusions du 13 janvier 2020 Monsieur Nicolas F. demande à la Cour de

« Vu l'article 122 du CPC,

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu les articles 1350, 1351 du Code civil,

Vu les articles 1702 et suivants du code civil Vu les articles 1582 et suivants du Code civil,

Recevoir l'appel de Monsieur Nicolas F.,

Infirmer le jugement du 13 décembre 2018,

Dire et juger que le contrat conclu entre les parties est un échange,

Déclarer Monsieur Dominique B. irrecevable en ses demandes, notamment pour défaut d'intérêt et de qualité à agir et subsidiairement comme étant prescrit en sa demande de résolution de la vente intervenue le 21 octobre 2010 sur le fondement des vices cachés comme sur le fondement du défaut de conformité ainsi qu'en ses demandes complémentaires de restitution du prix de vente et de l'ensemble de ses autres demandes,

Subsidiairement, débouter Monsieur Dominique B. de l'ensemble de ses demandes,

Encore plus subsidiairement, et si la résolution de la « vente » était prononcée

Constater que Monsieur Dominique B. ne justifie pas du versement à Monsieur Nicolas F. d'une somme au titre du prix de vente du véhicule,

Prononcer la résolution du contrat aux torts de Monsieur Dominique B. pour défaut de paiement du prix de vente,

Débouter Monsieur Dominique B. de sa demande de restitution du prix de vente,

Dire et juger que les frais de restitution du véhicule resteront à la charge de Monsieur Dominique B., à qui incombe l'obligation de restitution.

En tout état de cause,

Condamner Monsieur Dominique B. aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel

Condamner Monsieur Dominique B. à payer à Monsieur Nicolas F. une somme de 2.500 € par instance au titre de l'article 700 du CPC »

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 décembre 2019, Monsieur Dominique B. demande à la Cour de :

« Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant :

Déclarer prescrite la demande reconventionnelle de Monsieur F. en restitution du prix de vente,

Condamner Monsieur F. à payer à Monsieur B. la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître B.-P., Avocat aux offres de droit ».

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

1° Sur la recevabilité des demandes :

Monsieur Nicolas F. argue de l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes formées à son encontre par M. Dominique B., en faisant valoir tout d'abord que M. B. est dépourvu de qualité et d'intérêt à agir dès lors que le contrat passé entre les parties était un contrat d'échange de véhicules et non de vente, de sorte que toutes ses demandes, qui tendent à la résolution d'un contrat de vente, sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir.

Il affirme ainsi qu'il a échangé son véhicule BMW série 5 avec le véhicule BMW série X de Monsieur B. et verse aux débats divers documents administratifs établissant qu'il est devenu propriétaire de ce dernier véhicule en même temps que Monsieur B. devenait propriétaire du sien.

Subsidiairement il considère que la demande de Monsieur B. est également irrecevable à raison de la prescription de son action, dès lors qu'il résulte du jugement rendu le 13 avril 2015 et de l'arrêt confirmatif du 14 mars 2017, que le défaut de kilométrage affectant le véhicule objet des débats constituait un vice caché et que ces décisions ont autorité de chose jugée sur ce point, de sorte la prescription de l'action fondée sur le vice caché était acquise lors de l'assignation du 8 novembre 2016.

Il observe encore qu'en tout état de cause, Monsieur B. a été informé par son propre acquéreur de l'irrégularité du kilométrage dès avant l'expertise amiable, que cette irrégularité était connue depuis le 14 septembre 2011 de sorte que l'action de Monsieur B. est également prescrite pour n'avoir pas été intentée dans le délai de cinq ans suivant cette date.

Cependant, la discussion relative à la nature du contrat ayant été passé entre les parties relève d'une appréciation au fond, étant rappelé qu'en application de l'article 12 du code de procédure civile le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé », ce qui implique nécessairement une discussion au fond.

L'affirmation selon laquelle le contrat litigieux serait un échange et non une vente, n'affecte donc en rien la recevabilité de la demande, et quelle que soit la qualification juridique finalement retenue et les conséquences qui pourront en découler, il reste que Monsieur B. conserve un intérêt à agir en résolution du contrat ayant lié les parties, qu'il soit qualifié de vente ou d'échange.

Quant à la prescription de l'action, si l'indication d'un kilométrage erroné lors de la vente d'un véhicule est actuellement considérée en jurisprudence comme constitutive d'une violation de l'obligation de délivrance, pour autant la qualification de vice caché a pu également être retenue en jurisprudence pour aboutir à la remise en cause d'une vente, ainsi que l'ont fait les décisions dont se prévaut M. F. dans le litige ayant opposé M. B. et M. M..

Ces deux décisions, rendues dans un litige opposant d'autres parties que celles actuellement en la cause, n'ont cependant pas, en application de l'article 1355 du code civil, autorité de chose jugée dans le litige opposant M. F. à M. B. et ne peuvent faire obstacle à ce que ce dernier se prévale, pour le même fait, d'une autre qualification que celle retenue par les décisions précitées.

Dès lors que M. B. fonde son action sur les dispositions des articles 1603 et suivants du code civil relatifs à l'obligation de délivrance, le délai pour agir en matière de vice caché visé à l'article 1648 du code civil ne peut lui être opposé.

Par ailleurs aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la fausseté du kilométrage n'était pas connue de Monsieur B. lors du contrat passé entre les parties, qu'il s'agisse d'une vente ou d'un échange, étant rappelé qu'en application des articles 1706 et 1707 du code civil, toutes les règles prescrites pour le contrat de vente, à l'exception de la rescision pour lésion, s'appliquent à l'échange.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire versé aux débats, qu'une expertise amiable a eu lieu préalablement à l'expertise judiciaire, entre M. M. et M. B.. Dans ce cadre, l'expert indique avoir effectué une réunion d'expertise le 18 juillet 2012, à l'occasion de laquelle il a constaté la falsification du kilométrage.

Monsieur B. était présent à cette expertise et n'a d'ailleurs pas contesté ce fait.

Par ailleurs il indique lui-même dans ses écritures avoir reçu un « rapport amiable » le 4 juillet 2012.

Le point de départ du délai de prescription quinquennal le concernant doit donc être fixé au plus tard le 18 juillet 2012, date à laquelle la falsification du compteur a été portée à sa connaissance, voire à la date du 4 juillet 2012 pour tenir compte des indications figurant dans ses écritures.

La date du 19 septembre 2011 revendiquée par Monsieur F. ne saurait être retenue, dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise amiable précité qu'à cette date, seul Monsieur M. avait été informé par son garagiste, de ce que « le kilométrage relevé au compteur de son véhicule ne correspondait pas à l'historique après-vente enregistré », Monsieur B. n'ayant donc aucune connaissance de ce défaut à la date du 19 septembre 2011, et aucune preuve n'étant rapportée de ce qu'il en aurait été régulièrement informé avant le 18 juillet 2012.

Le délai de prescription arrivait donc à son terme le 18 juillet 2017, au plus tôt le 04 juillet 2017, et a valablement été interrompu par la délivrance de l'assignation du 04 novembre 2016, de sorte qu'aucune irrecevabilité issue de la prescription de l'action ne peut être opposée à Monsieur B..

2° Sur la prescription et la recevabilité de la demande reconventionnelle formée par M. F. :

Monsieur F. soutient dans ses conclusions que Monsieur B. ne lui a jamais versé la somme de 28.000 € en paiement du véhicule litigieux, puisque selon lui le contrat passé entre les parties consistait dans un échange de leurs véhicules respectifs.

Il considère dès lors que si la Cour estimait que le contrat passé était un contrat de vente, et que Monsieur B. était fondé en ses demandes de résolution, la résolution du contrat de vente devrait alors intervenir aux torts de Monsieur B. pour défaut de paiement du prix, ce dernier ne rapportant aucune preuve du paiement ni du montant versé. Il considère cette demande recevable en appel comme constituant une demande reconventionnelle.

Monsieur B. fait valoir qu'en première instance Monsieur F. n'a jamais sollicité la résolution du contrat de vente pour défaut de paiement du prix, et qu'il s'agit là par conséquent d'une demande nouvelle irrecevable à hauteur d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile. Il considère également que cette demande soulevée plus de cinq ans après la vente, se heurte à la prescription.

En application de l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel. Elle doivent cependant respecter les exigences posées par l'article 70 du même code et se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Par ailleurs l'article 564 du code de procédure civile admet la recevabilité d'une nouvelle prétention si elle a pour but de faire écarter les prétentions adverses.

En l'espèce, Monsieur F. a soutenu dès la première instance que le contrat liant les parties était un contrat d'échange, ne permettant pas à Monsieur B. d'obtenir restitution d'une somme de 28.000 € en cas de résolution de ce contrat.

La résolution est en l'espèce sollicitée par Monsieur B., de sorte qu'en tirant toutes conséquence de l'éventuelle qualification de vente donnée au contrat litigieux, et en sollicitant que cette résolution soit prononcée aux torts de Monsieur B. et sans possibilité pour lui d'obtenir paiement d'une somme de 28.000 €, Monsieur F. ne fait qu'user de la faculté qui lui est laissée par l'article 564 précité, afin de faire écarter les prétentions adverses.

Au surplus, et s'il fallait considérer que Monsieur F. forme lui même la demande en résolution du contrat litigieux, cette demande reconventionnelle serait recevable comme se rattachant aux prétentions originaires, également fondées sur l'inexécution du contrat, par un lien suffisant.

Enfin, et alors que seul Monsieur B. soutient que le contrat litigieux serait une vente, impliquant le paiement d'un prix, et alors que la demande reconventionnelle de Monsieur F. ne peut avoir de sens que si la qualification de vente est retenue, il n'est pas possible de retenir comme point de départ de la prescription la date d'exécution du contrat passé, Monsieur F. ne pouvant se prévaloir d'un défaut de paiement du prix qu'une fois tranchée la nature du contrat.

Sa demande à hauteur d'appel ne se heurte donc à aucune cause d'irrecevabilité.

3° Au fond :

-Sur la nature du contrat passé entre les parties :

A l'appui de ses affirmations selon lesquelles le contrat passé entre les parties serait un contrat d'échange de véhicules, Monsieur F. verse aux débats différentes pièces établissant qu'il est entré en possession du véhicule BMW immatriculé AN-117-WA, appartenant précédemment à Monsieur B., en même temps que celui-ci devenait propriétaire du sien.

Monsieur F. produit effectivement :

-copie du coupon du certificat d'immatriculation du véhicule de Monsieur B. immatriculé AN-117-WA, dont il expose qu'il lui a été remis au moment de l'échange,

-copie du procès-verbal de contrôle technique réalisé à la demande de Monsieur B. sur le véhicule BMW Série X immatriculé AN-117-WA, le 18 octobre 2010 dont il expose qu'il lui a également été remis au moment de l'échange,

-un justificatif du paiement pour taxes concernant la nouvelle carte grise du même véhicule en date du 1er décembre 2010 adressé à Monsieur F.,

-la déclaration de cession de son propre véhicule BMW Série 5 immatriculé AE-631-RN, par Monsieur F. à Monsieur B., signée par les deux parties le 21 octobre 2010 date de la cession,

-l'accusé d'enregistrement de la déclaration de cession faite par Monsieur B. concernant son propre véhicule immatriculé AN-117-WA en date du 21 octobre 2010 mentionnant « identité du vendeur : B. Dominique , Identité de l'acheteur : F. Nicolas ».

-Copie du certificat de garantie européenne Glastint attribué le 26 mars 2010 à Monsieur B. concernant un véhicule BMW série 5.

Il n'est pas contesté par ailleurs que la cession du véhicule AE-631-RN au profit de Monsieur B. est également intervenue le 21 octobre 2010, ainsi qu'il résulte de la déclaration de cession versée aux débats.

Il résulte effectivement de ces documents, que Monsieur B. et Monsieur F. se sont réciproquement cédé le même jour 21 octobre 2010, leurs véhicules respectifs , immatriculés AE-631-RN pour le véhicule cédé par M. F. et AN-117-WA pour le véhicule cédé par Monsieur B..

Monsieur B. considère que ces éléments sont insuffisants à faire preuve de l'existence d'un contrat d'échange passé entre les parties, ni la concomitance ni la compensation entre les sommes dues n'étant de nature à modifier la nature juridique du contrat . Il souligne que Monsieur F. omet un élément essentiel qui est la déclaration de cession du véhicule litigieux signée le 21 octobre 2010 et considère que rien ne justifie que la vente attestée par les documents officiels soit requalifiée en contrat d'échange.

En outre, et alors que Monsieur F. fait valoir que Monsieur B. ne rapporte ni la preuve du paiement d'un prix ni celle de son montant, celui-ci réplique que le paiement du prix ne constitue pas un élément constitutif du contrat de vente ou une condition de sa validité, un paiement par compensation étant tout à fait possible.

Cependant, le simple fait de remplir la déclaration de cession exigée par l'administration à chaque changement du propriétaire d'un véhicule, ne fait pas preuve de la nature du contrat par le biais duquel un véhicule a changé de propriétaire.

La cession se définit comme le fait de transférer la propriété d'un bien, à titre onéreux ou gratuit, et peut donc recouvrir d'autres hypothèses que la vente, et notamment celle de l'échange.

En l'espèce, le document rempli par les parties est intitulé « déclaration de cession d'un véhicule », et comporte, au bas du document, une partie également à remplir intitulée « certificat de vente ». Cependant, la déclaration de cession prévue, ne laisse à l'ancien propriétaire déclarant que le choix d'opter entre le fait d'avoir « cédé » ou d'avoir « cédé pour destruction » son véhicule. Il n'est fait aucune distinction entre la cession à titre onéreux et la cession à titre gratuit, il n'est prévu aucune case à cocher mentionnant « cession à titre gratuit ».

De même rien dans le document n'indique que la partie intitulée « certificat de vente » n'avait pas à être remplie dans le cas d'une cession à titre gratuit ou d'un échange, l'hypothèse d'un échange ou de toute autre cession à titre gratuit n'y est pas prévue, mais à l'inverse, ce « certificat de vente » ne comporte nullement toutes les indications requises pour vérifier la validité d'une vente, puisque notamment il n'est pas prévu d'y faire figurer le prix.

Ce document reste donc un document purement déclaratif ayant pour but d'informer l'administration d'un changement de propriétaire, mais est insuffisant pour valoir à lui seul preuve de ce que la cession s'est faite par le biais d'un contrat de vente.

En outre, si le paiement effectif du prix n'est pas une condition de validité au stade de la formation du contrat de vente, en revanche une vente suppose pour être conclue qu'un prix ait bien été convenu, la vente n'étant parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acquéreur, que « dès lors qu'on est convenu de la chose et du prix »selon les termes de l'article 1583 du code civil.

En l'espèce, si l'annonce passée par Monsieur F. sur le site « le bon coin » permet de savoir que le véhicule litigieux était initialement proposé à la vente au prix de 28.500 €, aucun des documents versés aux débats ne fait preuve de ce que les parties se seraient finalement entendues sur un prix, et lequel, étant observé qu'il n'est produit aucun écrit malgré la valeur de la transaction, non plus qu'aucune preuve de paiement, reçu ou autre.

La preuve d'un accord portant sur un prix, essentielle à la formation d'un contrat de vente, fait donc également défaut.

Il résulte en outre des propres conclusions de Monsieur B., que celui-ci ne cherche pas à soutenir qu'il aurait effectivement acquitté un prix sous la forme d'une somme d'argent, mais se prévaut d'une compensation sans plus de précisions. Si effectivement une compensation entre deux sommes est toujours possible, celle-ci suppose cependant deux dettes déterminées dans leur montant, et exigibles. Si tel était le cas il était loisible pour le moins à Monsieur B. d'indiquer entre quels montants une telle compensation était intervenue et pour parvenir à quel prix, ce qu'il ne fait pas.

Ses propres explications tendent donc à confirmer qu'en l'espèce le contrat finalement passé entre les parties n'a pas été une vente, en ce que aucun prix n'a été fixé, ce qui, joint à l'ensemble des documents précédemment visés, accrédite donc l'affirmation de Monsieur F. selon lesquelles les parties auraient convenu d'un simple échange entre leurs véhicules, sans paiement d'une soulte.

Il convient donc dès lors de considérer que le contrat ayant lié les parties était bien un contrat d'échange, et d'infirmer sur ce point la décision du premier juge.

-Sur l'inexécution de l'obligation de délivrance d'une chose conforme :

En application de l'article 1707 du code civil, toutes les règles prescrites pour le contrat de vente, à l'exception de celles relatives à la rescision pour lésion, s'appliquent au contrat d'échange.

Le contrat d'échange est donc soumis à l'obligation de délivrance d'une chose conforme à ce qui avait été convenu, telle qu'elle résulte des articles 1603 et 1604 du code civil.

En l'espèce, il résulte des pièces produites, que l'annonce initialement passée par Monsieur F. pour son véhicule sur le site « le bon coin » le 12 septembre 2010, faisait état d'un véhicule BMW Série 5 e60 535 d année 2006, kilométrage 95.000 km, proposé initialement au prix de 28.500 €.

L'expertise judiciaire réalisée par M. K. a cependant confirmé les indications résultant de l'expertise amiable réalisée par M. Daniel T., à savoir que la reconstitution du kilométrage du véhicule faisait apparaître que ce kilométrage était brusquement passé de 139.213 km le 22 octobre 2008, tels qu'indiqués sur l'historique de BMW, à 63.181 km le 24 novembre 2008 ainsi qu'indiqué faussement sur le carnet d'entretien.

Le kilométrage au compteur a ainsi été frauduleusement diminué de 72.059 km entre le 22 octobre et le 24 novembre 2008.

Compte tenu de l'importance que revêt le kilométrage dans l'appréciation de l'état et du prix d'un véhicule d'occasion, et compte tenu en l'espèce de l'importance du kilométrage dissimulé, supérieur à 70.000 km, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le contrat passé entre les parties, en l'occurrence qualifié de vente, avait porté sur un véhicule non conforme aux spécifications indiquées et convenues entre les parties, de sorte que la résolution du contrat était encourue, qu'il s'agisse d'une vente ou d'un échange, en application des articles 1707 et 1610 du code civil.

-Sur les restitutions découlant de la résolution du contrat d'échange.

La résolution du contrat d'échange implique en principe la restitution respective par chacune des parties du véhicule obtenu par le biais de l'échange.

Outre que Monsieur B. ne réclame pas la restitution du véhicule cédé à Monsieur F., il résulte des pièces de ce dernier qu'il a lui aussi depuis cédé le véhicule acquis auprès de Monsieur B., de sorte que la restitution réciproque n'est plus possible.

En application de l'article 1705 du code civil, le copermutant qui est évincé de la chose qu'il a reçue en échange, a le choix de conclure à des dommages et intérêts ou de répéter la chose.

Par le biais de l'action en résolution qu'il a introduite pour défaut de délivrance conforme, Monsieur B. se trouve dans une situation analogue à celle du copermutant évincé, puisque la résolution de l'échange a pour conséquence l'obligation de restituer les véhicules échangés.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que Monsieur F. de son côté n'est plus propriétaire du véhicule de Monsieur B., et que ce dernier sollicite uniquement paiement d'une somme d'argent, la restitution du véhicule de Monsieur B. n'étant plus possible, il convient de prendre acte de cette impossibilité et de la résoudre en dommages et intérêts au profit de Monsieur B..

Au vu des éléments de la cause, de la valeur du véhicule à l'époque de l'échange, du temps écoulé et de l'usage qui a pu être fait du véhicule avant la résolution du contrat, la Cour considère avoir les éléments suffisants pour fixer à 20.000 € le montant des dommages et intérêts revenant à Monsieur B. en suite de la résolution du contrat d'échange et de la restitution du véhicule BMW immatriculé AE-631-RN.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris, et de condamner Monsieur F. à verser la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en suite de la résolution du contrat pour défaut de délivrance d'un bien conforme, et ce sous réserve de la restitution du véhicule BMW immatriculé AE-631-RN.

La décision du premier juge ayant rejeté la demande formée par M. B. en paiement d'une somme de 3.400 € n'a pas fait l'objet d'un appel incident et est donc définitive sans que la Cour ait à statuer sur ce point.

La modification de la qualification juridique du contrat passé entre les parties n'a pas pour conséquence de modifier fondamentalement la solution retenue par le premier juge.

Dans ces conditions, il convient de confirmer sa décision pour ce qui concerne les dispositions relatives à l'article 700 et aux dépens.

A hauteur d'appel, il est équitable d'allouer à Monsieur B., en remboursement des frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'instance, une indemnité de 2.500 €.

Monsieur F. qui succombe dans la majeure partie de ses prétentions, supportera les dépens.

Il n'y a pas lieu de prononcer la distraction des dépens, cette possibilité étant exclue dans les départements d'Alsace-Moselle en application de l'article 103 du code de procédure civile local.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au Greffe,

Rejette les moyens d'irrecevabilité tirés du défaut d'intérêt à agir ou de la prescription et déclare recevables l'ensemble des demandes de Monsieur Dominique B. ,

Déclare recevable à hauteur d'appel la demande reconventionnelle de Monsieur Nicolas F.,

Au fond,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-Condamné Monsieur Dominique B. à restituer le véhicule BMW immatriculé AE-631-RN à Monsieur Nicolas F. aux frais exclusifs de ce dernier,

-Condamné Monsieur Nicolas F. aux dépens ainsi qu'à régler à Monsieur Dominique B. la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-Débouté Monsieur F. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Dit n'y avoir lieu à distraction des dépens.

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Prononce la résolution du contrat d'échange passé entre les parties, ayant porté sur les véhicules BMW AE-631-RN et AN-117-WA,

Constate que la restitution à Monsieur Dominique B. du véhicule AN-117-WA n'est pas possible et n'est pas sollicitée,

Condamne Monsieur Nicolas F. à verser à Monsieur Dominique B., à titre de dommages et intérêts en suite de la résolution du contrat pour non respect de l'obligation de délivrance, la somme de 20.000 €,

Rejette la demande reconventionnelle de Monsieur Nicolas F.

Condamne Monsieur Nicolas F. à verser à Monsieur Dominique B. la somme de 2.500 €,

Le condamne aux entiers dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à distraction des dépens.