Livv
Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 20 juin 2017, n° 14/04487

GRENOBLE

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Combes

Conseiller :

Mme Jacob

TGI Grenoble, du 30 juin 2014

30 juin 2014

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 12 juillet 2011, Monsieur Stéphane B. a échangé son véhicule de marque Peugeot 307 immatriculé BD 301 YP contre un véhicule de marque KIA SORENTO immatriculé 585 DFF 38 appartenant à Monsieur Cédric V.

A l'occasion de l'échange, Monsieur V. a remis à Monsieur B. un certificat de contrôle technique, établi par la société Allies Contrôle Technique (la société Allies) et effectué par Monsieur Laurent B.-B., faisant état d'une corrosion du longeron avant droit et d'une détérioration du pare-choc avant.

Dans le cadre des réparations qu'il a engagées sur ces points, Monsieur B. a été informé par le garagiste que les traverses supérieures et les passages de roues étaient tordus et que le châssis avait été ressoudé.

Par ordonnance de référés du 5 octobre 2011, Monsieur B. a obtenu l'instauration d'une mesure d'expertise et la désignation de Monsieur Amédé B. en qualité d'expert.

Celui-ci, ses opérations accomplies, a déposé son rapport le 22 février 2012.

Suivant exploit d'huissier en date du 14 mars 2012, Monsieur B. a fait citer Monsieur V. et la société Allies devant le tribunal de grande instance de Grenoble en résolution de l'échange pour vices cachés.

Selon assignation du 24 octobre 2012, la société Allies a appelé en garantie Monsieur B.-B.. Les procédures ont été jointes.

Monsieur V. a revendu le véhicule Peugeot à une date non précisée.

Par jugement du 30 juin 2014, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

- prononcé la résolution de l'échange du 12 juillet 2011 intervenu entre Monsieur B. et Monsieur V.,

- condamné Monsieur V. à payer à Monsieur B. la somme de 8.000,00€,

- ordonné à Monsieur B. de restituer le véhicule KIA SORENTO à Monsieur V.,

- rejeté les demandes de Monsieur B. en condamnation in solidum de la société Allies et de Monsieur B.-B. avec Monsieur V. au titre de la restitution du prix et au titre des préjudices moral et matériel,

- débouté la société Allies de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Monsieur V. à payer à Monsieur B. une indemnité de procédure de 1.800,00€, ainsi qu'aux dépens de l'instance ayant donné lieu à l'ordonnance du 5 octobre 2011 et les frais d'expertise judiciaire.

Selon déclaration en date du 24 septembre 2014, Monsieur B. a relevé appel de cette décision en intimant uniquement Monsieur V. et la société Allies.

Le 4 février 2015, la société Allies a assigné Monsieur B.-B. dans le cadre de la procédure d'appel.

Au dernier état de ses écritures en date du 24 novembre 2014, Monsieur B. demande de :

1) confirmer le jugement déféré sur la résolution de l'échange et la condamnation de Monsieur V. à lui payer la valeur du véhicule soit 8.500,00€, outre une indemnité de procédure de 1.800,00€,

2) réformer pour le surplus et :

- condamner Monsieur V. à lui payer la somme de 3.000,00€ en réparation de son préjudice résultant de la mauvaise foi de celui-ci et de sa connaissance du vice,

- déclarer la société Allies responsable des fautes et manquements dans la réalisation du contrôle du 12 juillet 2011,

- dire que la société Allies sera tenue solidairement avec Monsieur V. du remboursement de la somme de 8.500,00€,

- condamner la société Allies à lui payer les sommes de 2.555,58€ au titre de son préjudice matériel et de 3.000,00€ en réparation de son préjudice moral,

3) en tout état de cause, condamner in solidum Monsieur V. et la société Allies à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,00€.

Il fait valoir que :

- le véhicule Kia était encore au nom de Madame Madeleine S., Monsieur V. n'ayant pas effectué la modification du certificat d'immatriculation,

- le procès-verbal de contrôle technique remis par Monsieur V. faisait état de simples défauts à corriger sans obligation de contre-visite,

- son garagiste l'a immédiatement avisé des vices rendant impropre le véhicule à son utilisation,

- la société Allies a commis une faute en ne relevant pas ces vices,

- le véhicule a manifestement été maquillé en vue de sa revente,

- Monsieur V. ne fournit pas d'élément pour dater la cession intervenue entre Madame S. et lui,

- cette cession peut être située au 1er septembre 2010, date du contrôle technique vierge de toute remarque,

- l'opération d'échange a manifestement servi à se débarrasser d'un véhicule gravement endommagé et grossièrement réparé,

- l'agrément personnel du contrôleur n'exclut pas la responsabilité de la société Allies,

- si la société Allies avait fait correctement son travail, il n'aurait jamais acquis le véhicule litigieux, de sorte que la résolution de la vente la concerne,

- la société Allies est responsable délictuellement à son égard.

Par conclusions récapitulatives du 21 août 2015, Monsieur V. sollicite le débouté de Monsieur B. de l'intégralité de ses prétentions, de lui enjoindre de lui restituer le véhicule Kia Sorento sous astreinte de 200,00€ par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir et de justifier qu'il est encore en possession de ce véhicule.

Il expose que :

- il n'est pas un professionnel de l'automobile et a fait confiance au contrôleur,

- sans le contrôle technique, l'échange ne serait pas intervenu, de sorte que la responsabilité de la société Allies et celle du contrôleur doivent être engagées,

- il est de bonne foi,

- Monsieur B. ne lui a jamais restitué le véhicule et il ignore si celui-ci le détient encore.

En dernier lieu, le 29 décembre 2014, la société Allies conclut à :

1) à titre principal, la confirmation du jugement déféré,

2) subsidiairement, la condamnation de Monsieur B.-B. à la relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,

3) en tout état de cause, la condamnation de Monsieur B.-B. à lui payer une indemnité de procédure de 1.500,00€.

Elle explique que :

- aucune poursuite à son encontre ne peut être introduite sur le fondement des vices cachés alors qu'elle n'est pas le vendeur du véhicule litigieux,

- sur le fondement de l'article 1382 du code civil, il appartient à Monsieur B. de démontrer qu'il existe un lien de causalité entre le dommage qu'il prétend subir et la faute de Monsieur B.-B.,

- elle ne pouvait engager sa responsabilité contractuelle qu'à l'égard du propriétaire du vendeur,

- Monsieur V. ne fait état d'aucune faute de sa part,

- le cas échéant, Monsieur B.-B. devra assumer la responsabilité de sa faute contractuelle et sera tenu de la relever et garantir.

Monsieur B.-B., cité à la personne de sa mère, n'a pas constitué avocat.

La décision sera rendue par défaut.

La clôture de la procédure est intervenue le 11 avril 2017.

SUR CE

1°) sur les demandes de Monsieur B.

en résolution de l'échange pour vices cachés :

Par application de l'article 1707 du code civil, l'échange est soumis aux mêmes règles que la vente à l'exception de l'action en rescision pour cause de lésion.

Aux termes de l'article 1641 de ce même code, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement l'usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que :

- sans démontage, le véhicule KIA présente des séquelles graves de réparations sommaires, avec un état de corrosion très important au niveau du châssis, résultant d'un choc antérieur d'intensité moyenne,

- le châssis est déformé avec un masticage dissimulant la déformation du longeron du châssis avant droit,

- la corrosion du masticage révèle une déformation et une intervention datant de plusieurs mois avant la vente,

- ces vices étaient cachés pour un acquéreur profane,

- ces vices rendent le véhicule impropre à sa destination.

Par voie de conséquence, le jugement déféré, qui ordonne la résolution de l'échange et la restitution par Monsieur V. du prix d'estimation à 8.000,00€ (valeur Argus indiquée par l'expert) et non 8.500,00€ (estimation de Monsieur B.) du véhicule de marque Peugeot 307 immatriculé BD 301 YP échangé par Monsieur B., à charge pour lui de restituer le véhicule de marque KIA SORENTO immatriculé 585 DFF 38, sans qu'il soit besoin d'assortir cette restitution d'une astreinte, sera confirmé.

en condamnation in solidum de Monsieur V. avec la société Allies au titre de la restitution du prix :

Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, seul celui qui a conclu l'échange, est tenu, à défaut de restitution du véhicule échangé de restituer la valeur de celui-ci.

Monsieur B., qui ne peut se prévaloir d'aucun lien contractuel avec la société Allies, ne peut la poursuivre qu'au titre de sa responsabilité contractuelle et, non au titre de la garantie des vices cachés.

en condamnation de Monsieur V. à paiement de dommages-intérêts complémentaires :

Selon l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'absence de démonstration que le maquillage du véhicule est imputable à Monsieur V. et non au propriétaire précédent, Madame S., le rapport d'expertise n'apportant aucune précision sur ce point, la mauvaise foi de Monsieur V. n'est pas rapportée.

Dans ces conditions, celui-ci n'est redevable d'aucune somme complémentaire à Monsieur B., hormis la restitution de la valeur du véhicule échangé.

sur la responsabilité de la société Allies :

Par application de l'article 1240 nouveau du code civil , tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il est incontestable que la société Allies n'a pas rempli correctement sa mission de contrôle technique en ne relevant pas le masticage et en ne cherchant pas à vérifier l'état du véhicule au regard de celui-ci alors que l'expert expose, que sans aucun démontage du véhicule, celui-ci présentait une déformation du longeron du châssis avant droit rendant le véhicule impropre à sa destination.

Il est évident que si Monsieur B. avait disposé, avant de conclure la convention litigieuse, de tels renseignements, il n'aurait jamais échangé son véhicule en bon état de fonctionnement contre une automobile accidentée, incorrectement réparée et dont les vices avaient été maquillés.

Ainsi la faute de la société Allies est en lien de causalité certain et direct avec le dommage résultant de l'échange d'un véhicule en bon état de fonctionnement contre un véhicule dangereux et impropre à son usage de circulation.

Dans ces conditions, Monsieur B. est fondé à obtenir la condamnation de la société Allies à réparer les dommages qu'elle lui a causés, consistant dans le coût de la souscription d'un crédit pour remplacer le véhicule défectueux et d'un préjudice moral concernant le stress engendré par cette opération douteuse.

Par voie de conséquence et au regard des justificatifs produits, il convient de condamner la société Allies à payer à Monsieur B. des dommages-intérêts de 3.000,00€ toutes causes de préjudices confondus.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

2°) sur la demande en garantie de la société Allies :

La société Allies, n'étant pas fondée à demander devant la juridiction civile la condamnation de son salarié, a été, à juste titre, déboutée de ce chef de demande par le tribunal.

3°) sur les demandes accessoires :

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Monsieur B. et à la charge in solidum de Monsieur V. et de la société Allies, qui ont, ensemble, contribué à la réalisation des dommages subis par l'appelant.

Pour les mêmes raisons, Monsieur V. et la société Allies seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Confirme le jugement déféré sauf sur le rejet des demandes de Monsieur B. à l'encontre de la société Allies Contrôle Technique,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la société Allies Contrôle Technique à payer à Monsieur Stéphane B. la somme de 3.000,00€ de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondues,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu d'assortir d'une astreinte la restitution par Monsieur Stéphane B. du véhicule KIA SORRENTO à Monsieur Cédric V.,

Condamne in solidum Monsieur Cédric V. et la société Allies Contrôle Technique à payer à Monsieur Stéphane B. la somme de 3.000,00€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes en indemnité de procédure,

Condamne in solidum Monsieur Cédric V. et la société Allies Contrôle Technique aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.