Livv
Décisions

Cass. crim., 6 mai 2014, n° 13-82.677

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Hydro Aluminium extrusion France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Barbier

Avocat général :

M. Mathon

Avocat :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Amiens, du 20 mars 2013

20 mars 2013

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 222-19, alinéa 1er, et 222-21, alinéa 1er, du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'entreprise utilisatrice (la société Hydro aluminium, la demanderesse) d'un salarié intérimaire (M. X) coupable du délit de blessures involontaires par personne morale avec incapacité égale ou supérieure à trois mois dans le cadre du travail, en répression, et l'a condamnée à une amende de 1 000 euros ;

aux motifs que, le 3 mai 2008, M. X, employé à titre intérimaire par la SNC Hydro aluminium, était grièvement brûlé, alors qu'occupé à des travaux de peinture dans un local de l'entreprise, il avait posé par mégarde le pied sur le couvercle d'une cuve contenant un bain chimique à très haute température, lequel avait glissé, permettant le passage d'une partie du corps qui était entré en contact avec le produit ; qu'à défaut d'avoir eu la qualité d'employeur des travailleurs intérimaires mis à sa disposition, la SNC était néanmoins responsable des conditions d'exécution du travail, notamment en matière de sécurité, pendant la durée de la mission ; que tout manquement aux règles en matière de sécurité du travail constituait nécessairement une faute pénale commise pour le compte de la personne morale sur qui pesait l'obligation de sécurité, sans qu'il y eût lieu d'identifier la personne physique qui avait pu s'en rendre coupable, ni de rechercher si elle avait agi comme organe ou représentant de la personne morale ; que l'article R. 4323-63 du code du travail interdisait d'utiliser des escabeaux comme poste de travail, mais l'autorisait en cas d'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l'évaluation du risque avait établi que celui-ci était faible et qu'il s'agissait de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif ; qu'en l'espèce, l'évaluation du risque n'avait pu établir la faiblesse du risque liée à l'utilisation d'un escabeau pour accomplir des travaux de peinture qui, prévus sur deux jours, n'étaient pas de courte durée ; que, par ailleurs, l'examen des documents de la cause révélait l'existence sur les lieux de l'accident d'un dégagement permettant l'utilisation d'une plate-forme individuelle appelée « gazelle » ; qu'un tel équipement, muni d'une plate-forme plus large et de garde-corps sur trois côtés, était donc matériellement possible ; que son utilisation aurait été de nature à empêcher le salarié de prendre appui sur la cuve ; que dès lors, l'accident de travail trouvait bien sa cause dans la faute de la SNC, ayant consisté à mettre à la disposition du salarié un équipement de travail non approprié ;

« alors que le juge ne peut déclarer une personne morale pénalement responsable d'une infraction sans rechercher si les manquements relevés ont été commis, pour son compte, par un organe ou un représentant ; qu'en l'espèce, pour déclarer l'entreprise utilisatrice coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué a retenu à tort qu'il n'y avait pas lieu d'identifier la personne physique qui avait pu se rendre coupable des manquements relevés ni de rechercher si elle avait agi comme organe ou représentant de la personne morale » ;

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que, le 3 mai 2008, un travailleur intérimaire mis à la disposition de la société Hydro aluminium extrusion France, chargé d'effectuer des travaux de peinture, a été blessé après avoir chuté d'un escabeau et être entré en contact avec un produit chimique à haute température ; qu'il est apparu que l'accident aurait pu être évité si un équipement muni d'une plate-forme plus large et de garde-corps sur trois côtés avait été utilisé ; qu'à la suite de ces faits, la société Hydro aluminium extrusion France a été renvoyée devant la juridiction correctionnelle du chef de blessures involontaires par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, pour ne pas avoir fourni à la victime un équipement de travail approprié, l'utilisation d'un escabeau étant interdite, sauf impossibilité technique, par l'article R. 4323-63 du code du travail ; que le tribunal correctionnel ayant déclaré la prévention établie, la société Hydro aluminium extrusion France et le ministère public ont a relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement et dire la société appelante coupable de blessures involontaires, l'arrêt retient que l'accident trouve sa cause dans la faute de la prévenue, ayant consisté à mettre à la disposition du salarié un équipement de travail non approprié ; que les juges ajoutent que tout manquement aux règles en matière de sécurité au travail constitue nécessairement une faute pénale commise pour le compte de la personne morale sur qui pèse l'obligation de sécurité, sans qu'il y ait lieu d'identifier la personne physique qui a pu s'en rendre coupable, ni de rechercher si elle a agi comme organe ou représentant de la personne morale ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les manquements relevés résultaient de l'abstention de l'un des organes ou représentants de la société prévenue, et s'ils avaient été commis pour le compte de cette société, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 121-2 du code pénal ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 20 mars 2013, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.