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Décisions

Cass. crim., 17 octobre 2017, n° 16-87.249

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocat :

SCP Gatineau et Fattaccini

Agen, du 17 nov. 2016

17 novembre 2016

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 2016, qui l'a condamnée, pour infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, à 3 000 euros d'amende et, pour contravention de blessures involontaires, à 5 000 euros d'amende, dont 3 500 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, R 625-2 et R. 625-5 du code pénal, L. 4321-1, L. 4741-1, L.4741-2, R. 4323-61 à R. 4323-64 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable de la contravention de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois dans le cadre du travail et du délit de mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d'équipement de travail ne préservant pas la sécurité du travailleur, et l'a condamnée à une peine de 3 000 euros d'amende pour le délit et à une peine de 5 000 euros dont 3 500 euros avec sursis pour la contravention connexe, et prononcé sur les intérêts civils ;

aux motifs que selon l'article 121-2 du code pénal, « les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou leurs représentants » ; qu'aux termes de l'article 706-43 du code de procédure pénale, l'action publique est exercée à l'encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal à l'époque des poursuites ; qu'il résulte des pièces produites par M. X devant la cour qu'il a été engagé comme directeur salarié à compter du 1er janvier 2008, et qu'en vertu d'une délibération de l'assemblée générale ordinaire de la société du 21 juin 2013, il a été nommé en qualité de co-gérant de la société X à compter du 15 juin 2013 ; que la société X a été citée à l'audience du 16 janvier 2015 devant le tribunal correctionnel d'Agen par acte d'huissier du 19 novembre 2014, il était donc bien gérant et représentant de la société X à l'époque des poursuites ; que M. X a été en mesure de valablement représenter la société X tout au long de la procédure, et aucune disposition légale ne prévoit que l'ensemble des co-gérants, soient entendus ou appelés dans la cause ; que les éléments de l'enquête établissent que des filets ont été posés en sous-face mais uniquement sur une partie qui ne couvrait pas la zone incriminée le jour de l'accident, alors que cette installation avait été demandée en début de chantier par l'inspection du travail ; qu'au moment de l'accident, les victimes marchaient sur des platelages (rails de sécurité) qui reposaient directement sur la couverture et non sur des traverses, ce qui ne pouvait suffire à supporter le poids de quatre personnes, avec en outre le poids extracteur estimé à 70 kg ; qu'aucune des victimes ne portait de stop-chutes, seulement deux étaient à disposition alors que quatre employés évoluaient sur le toit ; que les quatre salariés de la société X évoluaient sur des platelages posés à même la toiture en fibro-ciment, ce qui ne peut constituer un dispositif de protection adapté pour les salariés, comme le soutient la société appelante, et ce d'autant, qu'ils manipulaient un extracteur volumineux ; que M. X, entendu par les services de la gendarmerie le 14 août 2012, a reconnu qu'au début de ce chantier, l'inspection du travail et le responsable de sécurité de son entreprise, avaient décidé qu'un filet de protection anti-chute devait être installé ; qu'il ne s'expliquait pas l'absence de ces filets lors de la chute de ces deux ouvriers ; qu'il résulte clairement de l'enquête de l'inspection du travail et de la gendarmerie, que la pose de filets anti-chute en sous-toiture, initialement prévue, à défaut de harnais stop-chute qui en tout état de cause n'étaient pas en nombre suffisant, était de nature à répondre aux prescriptions des articles R. 4323-58 et suivants du code du travail réglementant l'exécution de travaux temporaires en hauteur et certains équipements de travail utilisés à cette fin ; que la société disposait d'un chef d'équipe à qui il appartenait de s'assurer que les dispositifs initialement prévus étaient bien en place au moment de l'accident ; que MM. Z et A ont fait une chute au travers des plaques de fibro-ciment et ont été gravement blessés du fait de l'inobservation de ces dispositions ; qu'en conséquence, le tribunal a fait une juste appréciation de la faute de l'employeur directement à l'origine des blessures de la victime ; que la déclaration de culpabilité sera en conséquence confirmée ;

1°) alors qu'une personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que s'il est établi que l'infraction a été commise pour son compte par l'un de ses organes ou représentants, conformément aux exigences de l'article 121-2 du code pénal ; que si l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré dans toutes ses dispositions, il n'a pas repris les motifs du jugement selon lesquels la « procédure désigne suffisamment le représentant de la personne morale qui a commis les infractions pour son compte, en l'espèce, M. X », fermement contestés par la prévenue dans ses conclusions d'appel dès lors qu'à l'époque des faits reprochés, M. X ne disposait ni d'un mandat social, ni d'une délégation de pouvoir ; qu'il résulte ainsi des propres énonciations de l'arrêt attaqué que M. X a été engagé comme directeur salarié à compter du 1er janvier 2008 sans que soit établie l'existence d'une quelconque délégation de pouvoir, et que ce n'est qu'en vertu d'une délibération de l'assemblée générale ordinaire de la société du 21 juin 2013 qu'il a été nommé en qualité de co-gérant de la société X à compter du 15 juin 2013 ; qu'en l'état de ces constatations démontrant que M. X ne pouvait être considéré à l'époque des faits reprochés, soit le 13 août 2012, ni comme un organe, ni comme un représentant de la société, la cour d'appel ne pouvait néanmoins, sans méconnaître le texte précité, déclarer la société X coupable des faits qui lui étaient reprochés après avoir simplement relevé que M. X avait été en mesure de valablement représenter la société X tout au long de la procédure, faute d'avoir établi que les manquements relevés résultaient de l'abstention de l'un de ses organes ou représentants et qu'ils avaient été commis pour son compte ;

« 2°) alors qu' une personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que s'il est établi que l'infraction a été commise pour son compte par l'un de ses organes ou représentants, conformément aux exigences de l'article 121-2 du code pénal ; que pour déclarer la société X coupable de la contravention de blessures involontaires et du délit de mise à disposition d'équipement de travail ne préservant pas la sécurité du travailleur pour des travaux temporaires en hauteur, l'arrêt attaqué se borne à relever que la société disposait d'un chef d'équipe « à qui il appartenait de s'assurer que les dispositifs initialement prévus étaient bien en place au moment de l'accident » ; qu'en prononçant ainsi, sans constater l'existence d'une délégation de pouvoirs ni s'expliquer sur le statut et les attributions de ce salarié propres à en faire un représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision »;

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que la société X a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs, d'une part, de mise à disposition de travailleur d'équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité, d'autre part, de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire totale n'excédant pas trois mois, après que deux de ses salariés eurent été victimes, le 13 août 2012, d'une chute de près de huit mètres de haut par suite de l'effondrement d'une toiture, sur laquelle ils effectuaient des travaux sans filet de protection ; que les juges du premier degré ont déclaré la société coupable des faits, en la personne de M. X, identifié comme son représentant ; que la prévenue, à titre principal, et le ministère public, à titre incident, ont relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de la société X, qui faisait valoir qu'à l'époque des faits, elle avait pour seul gérant M. Alain X, auquel aucune faute n'était imputée, tandis que M. Franck X, qui n'était alors que directeur salarié, n'avait reçu aucune délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité et n'avait donc pas qualité pour la représenter, et confirmer le jugement entrepris, l'arrêt énonce que M. Franck X a été engagé comme directeur salarié à compter du 1er janvier 2008, puis nommé en qualité de cogérant à compter du 15 juin 2013, de sorte qu'il a été en mesure de valablement représenter la société tout au long de la procédure ; que les juges ajoutent qu'entendu par les enquêteurs le lendemain de l'accident, il a indiqué ne pas s'expliquer l'absence de filet de protection contre les chutes, dont l'installation avait pourtant été prévue ; qu'ils retiennent, par ailleurs, que la société employait un chef d'équipe à qui il appartenait de s'assurer que ces dispositifs de protection étaient bien en place au moment des travaux ; qu'ils en déduisent que le tribunal a fait une juste appréciation de la faute de l'employeur à l'origine du dommage subi par les victimes ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans mieux déterminer par quel organe ou représentant de la société les manquements à l'origine de l'accident, qu'elle a constatés, ont été commis pour le compte de celle-ci et sans rechercher, à cet égard, au besoin en ordonnant un supplément d'information, si M. Franck X, dont elle a relevé qu'au moment des faits il n'était que directeur salarié, ou le chef d'équipe, auquel elle a imputé une faute d'abstention, était titulaire, quelle qu'en fût la forme, d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité de nature à lui conférer la qualité de représentant de la personne morale, et alors qu'était inopérante la circonstance que M. X a valablement représenté la société au cours de la procédure, au sens de l'article 706-43 du code de procédure pénale, en sa qualité de cogérant acquise postérieurement à l'accident, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 121-2 du code pénal ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 17 novembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.