Livv
Décisions

CA Paris, 18 septembre 2018, n° 17/01028

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodis (SA)

Défendeur :

MJA (Selafa)

CA Paris n° 17/01028

17 septembre 2018

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, président et par Clémentine GLEMET, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

La Sa de distribution de produits de l'édition (Sodis) a pour activité la distribution de livres. Elle commercialisait ses produits par le groupe de distribution Virgin Stores, ci après « Virgin ».

Par jugement en date du 14 janvier 2013, le tribunal de commerce de Paris a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Virgin.

Par jugement en date du 17 juin 2013, le tribunal de commerce de Paris a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la Selafa Mja, prise en la personne de Maître A... étant désignée liquidateur judiciaire.

La société Sodis a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire pour un montant de 2 375 076,36 euros et par ordonnance du juge-commissaire du 10 juillet 2014 sa créance a été admise au passif de la société Virgin pour un montant de 1 158 729,83 euros.

Pendant la période d'observation, la société Sodis a continué à fournir la société Virgin après la remise d'un dépôt de garantie de 455 000 euros, destiné à l'assurer du paiement de toute créance née au cours de cette période.

A la suite de la mise en liquidation de la société Virgin, par courrier du 26 juillet 2013, la Selafa Mja, es qualités, a sollicité de la société Sodis le remboursement du dépôt de garantie, déduction faite des créances postérieures non payées en garantie desquelles le dépôt de garantie avait été convenu, soit un montant de 88 680,56 euros.

Elle a réitéré sa demande par courrier du 5 juillet 2014, ramenant toutefois le montant de la somme à 70 313,41 euros.

Ces demandes étant demeurées sans suite, la Selafa Mja, es qualités, a alors assigné la société Sodis en remboursement du dépôt de garantie, la société Sodis s'y opposant en sollicitant une compensation avec sa créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective..

Par jugement en date du 1er décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a déclaré irrecevable la demande de compensation de créances sollicitée par la société Sodis et l'a condamnée à payer à la Selafa Mja, es qualités, la somme de 70 313,50 euros avec intérêt à compter du 15 octobre 2014, et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société Sodis, a relevé appel de ce jugement le 11 janvier 2017.

Par conclusions signifiées le 4 avril 2017, la société Sodis, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- statuant à nouveau, ordonner la compensation entre sa créance et celle de Virgin,

- condamner la Selafa Mja, es qualités, aux dépens.

Par conclusions signifiées le 24 mai 2017, la Selafa Mja, es qualités, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter la société Sodis de toutes ses demandes,

- condamner la société Sodis à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sodis aux dépens.

SUR CE,

Il est constant et admis par chacune des parties que la société Sodis est, au titre de ses créances antérieures au jugement d'ouverture, créancière d'une somme de 1 158 729,83 euros à l'encontre de la société Virgin, ainsi qu'il résulte de l'ordonnance du juge-commissaire du 10 juillet 2014, tandis que compte tenu du dépôt de garantie effectué par la société Virgin et de la poursuite du partenariat commercial pendant la période postérieure au jugement d'ouverture, la liquidation judiciaire de la société Virgin est créancière de la société Sodis pour un montant de 70 313,50 euros.

Pour s'opposer au paiement de la somme de 70 300,50 euros, la société Sodis soutient que les créances sont connexes et demande leur compensation.

Pour déclarer irrecevable la demande de compensation sollicitée, les premiers juges ont fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par le liquidateur judiciaire, en se fondant sur l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du juge-commissaire du 10 juillet 2014 qui a admis la créance de la société Sodis pour un montant de 1 158 729,83 euros « sans compensation du dépôt de garantie versée pendant la période d'observation du redressement judiciaire ».

Cependant, dans sa déclaration de créance, la société Sodis n'avait pas, à ce stade, sollicité une compensation des créances connexes et, en l'absence de production de notes d'audience prises par le greffier ou de motivation du juge-commissaire, il n'est pas établi que celle-ci ait effectué une demande de compensation à l'audience.

En conséquence, aucun élément ne permet de conclure que le juge-commissaire avait rejeté une demande de compensation, le libellé de l'ordonnance devant être interprété comme une décision de celui-ci de statuer uniquement sur l'existence, le montant et la nature de la créance au jour du jugement d'ouverture et non sur la compensation avec le dépôt de garantie.

Il s'ensuit que la fin de non-recevoir présentée par le liquidateur judiciaire sera rejetée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de compensation de la société appelante.

Au fond, le liquidateur judiciaire fait valoir qu'admettre la compensation sollicitée serait contraire à la règle de l'égalité des créanciers et constituerait une violation du principe d'ordre public d'interdiction de paiement des créances antérieures.

Selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.

Il en résulte que l'interdiction du paiement des créances nées avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ne fait pas obstacle à la compensation entre une créance antérieure avec une créance connexe du débiteur, même si celle-ci est née postérieurement.

Le liquidateur judiciaire soutient également que les créances invoquées ne résultent pas d'un ensemble contractuel unique, au motif que les contrats successifs d'achat de marchandises qui ont fait naître la créance antérieure du fournisseur ont été conclus et exécutés à une date où le dépôt de garantie consenti n'avait aucune existence.

Selon lui, la connexité doit résulter de l'intention des parties de faire de leurs différentes conventions un ensemble contractuel indivisible, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.

Les créances réciproques sont considérées comme connexes lorsqu'elles sont issues ou dérivent de l'exécution ou de l'inexécution du même contrat, mais également lorsqu'elles se rattachent à un contrat cadre ou à plusieurs conventions, même informelles, constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations entre les parties.

En l'espèce, il convient de relever que les parties ont entretenu pendant de nombreuses années des relations commerciales suivies et ont, le 18 janvier 2013, conclu un contrat cadre régissant leurs relations. Par la suite, la société Virgin a, par e-mail du 31 janvier 2013, écrit à la société Sodis pour lui proposer, afin de de fluidifier leurs relations de leur verser une avance permanente de 60 000 euros à titre de « cash deposit », ce qui a été effectué, les autres conditions contractuelles étant inchangées.

Il en résulte que les relations entre les parties étaient toujours en cours au jour du jugement d'ouverture, que les conventions initiales se sont poursuivies, de sorte que la créance de la société Virgin et celle de la société Sodis s'inscrivaient dans un ensemble contractuel unique caractérisant la connexité des créances réciproques.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de compensation présentée par la société Sodis.

Il s'ensuit que la créance détenue par la société Virgin à l'égard de la société Sodis d'un montant de 70 313,50 euros étant inférieure à la créance connexe de la société Sodis envers la société Virgin d'un montant de 1 158 729,83 euros, il n'y a pas lieu à condamnation et le jugement sera donc infirmé.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non recevoir présentée par la Selafa Mja, prise en la personne de Maître A... , es qualités de liquidateur judiciaire de la société Virgin Store,

Constate que la société Virgin Store est créancière de la société Sodis pour un montant de 70 313,50 euros,

Constate que la société Sodis est créancière envers la société Virgin Store pour un montant de 1 158 729,83 euros,

Dit que les créances réciproques sont connexes,

Ordonne en conséquence leur compensation,

Rejette la demande en paiement de la Selafa Mja, prise en la personne de Maître A... , es qualités de liquidateur judiciaire de la société Virgin Store,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,

Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.