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Décisions

Cass. com., 13 octobre 1998, n° 96-13.350

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

La Latitude (SA), Bes

Défendeur :

Jet Tours (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

Mme Aubert

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Célice et Blancpain, SCP Guiguet, Bachellier et Poitier de la Varde

Fort-de-France, du 26 janv. 1996

26 janvier 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 janvier 1996), rendu sur renvoi après cassation, que la société hôtelière Le Latitude (la société hôtelière) s'étant engagée, par contrat, à mettre à la disposition de la société Sotair, 85 des 90 chambres que compte son hôtel, cette dernière société a décidé de suspendre le recours à ces prestations en invoquant le non-respect par la société hôtelière du cahier des charges ; que la société hôtelière ayant été mise en redressement judiciaire, l'administrateur a exigé l'exécution du contrat ; que la liquidation judiciaire de la société hôtelière ayant été prononcée, le liquidateur a assigné la société Sotair en réparation du préjudice causé par la suppression de la clientèle exclusive liée à l'exécution du contrat ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que celui qui invoque l'exception d'inexécution doit apporter la preuve de cette inexécution ; qu'en retenant que la société Sotair pouvait légitimement retirer la clientèle à laquelle avait droit la société hôtelière jusqu'au 30 octobre 1986, au motif que celle-ci n'établissait pas être en mesure de fournir la prestation promise, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les dispositions des articles 37 de la loi du 25 janvier 1985 et 1315 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'inexécution par la société hôtelière de ses obligations ne devait s'apprécier que postérieurement à la décision de l'administrateur judiciaire de poursuivre le contrat du 17 septembre 1984 ; que, dès lors, à compter de cette décision, la société Sotair était à nouveau tenue d'adresser sa clientèle, à tout le moins, de fournir sa garantie d'occupation, à la société hôtelière à charge pour cette dernière d'accueillir ladite clientèle dans le respect du contrat poursuivi, étant entendu que les obligations de la société hôtelière n'étaient exigibles qu'à la condition que la société Sotair respecte son obligation de lui adresser sa clientèle ; qu'en exigeant préalablement de l'administrateur judiciaire qu'il justifie de son aptitude à poursuivre régulièrement les relations contractuelles, la cour d'appel a derechef violé l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en refusant délibérément d'exécuter les obligations du contrat dont la poursuite avait été décidée par l'administrateur judiciaire, la société Sotair a provoqué la liquidation de la société hôtelière et a ainsi, unilatéralement et de fait, provoqué la rupture des relations contractuelles ; qu'en refusant de sanctionner cette faute de la société Sotair, en méconnaissance du principe selon lequel la résolution est judiciairement prononcée, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;

Mais attendu que l'administrateur a la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise ; qu'ayant relevé qu'en présence d'une société dont la défaillance avait provoqué, avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la mise en oeuvre par le cocontractant de l'exception d'inexécution et qui, après la décision de continuer le contrat, n'a justifié d'aucun concours financier, d'aucune amélioration de la structure hôtelière, d'aucune reconstitution d'une équipe de personnel suffisante et compétente tandis que l'administrateur, qui a communiqué tardivement les propositions de révision des prix, n'a pas accompli les démarches essentielles pour la survie de l'entreprise et le respect du contrat en cours, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, décidé à bon droit que l'administrateur n'était pas en mesure de fournir la prestation promise, et qu'il ne pouvait être fait grief au cocontractant de n'avoir pas exécuté les obligations nées du contrat ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur fait encore grief à l'arrêt d'avoir constaté que la société Sotair a une créance sur la société hôtelière et d'en avoir fixé le montant à 10 000 francs sous réserve de déclaration alors, selon le pourvoi, que la société Sotair n'ayant jamais justifié du coût de relogement de sa clientèle du fait de la prétendue défaillance de la société hôtelière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions d'appel ni de l'arrêt, que le liquidateur ait contesté la réalité et le montant du préjudice subi par la société Sotair ; que le moyen est nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.