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Décisions

Cass. crim., 9 novembre 1999, n° 98-81.746

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Roman

Avocat général :

M. Launay

Avocats :

SCP Boré, Xavier et Boré, Me Garaud

Grenoble, ch. corr., du 25 févr. 1998

25 février 1998

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation par refus d'application de l'article L. 131-2.6°, du Code des communes, violation par fausse application des articles 221-6, 221-7, 121-1 et 121-2 du Code pénal, 1134, 1382 et 1384 du Code civil, ensemble violation de l'article 593 du Code de procédure pénale non-réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré coupables du délit d'homicide par imprudence Christian Z..., André A... et la société SATA, représentée par son président en exercice, Jacques Y... ;

" aux motifs, tant propres qu'adoptés, que la décision d'ouvrir la piste de Sarenne le 1er janvier 1996 est constitutive d'une faute qui doit être considérée comme la cause du décès de Dominique X..., victime de l'avalanche survenue ce jour-là ; que la décision d'ouvrir les pistes du domaine skiable de la société SATA relevait de la responsabilité de Christian Z..., directeur du service des pistes, chef de la sécurité de l'ensemble du domaine ; que, le 1er janvier 1996, la décision d'ouvrir la piste de Sarenne avait été prise par lui de concert avec André A..., chargé du secteur de Sarenne ; qu'ainsi est établie la culpabilité de Christian Z... et d'André A..., tous les deux préposés de la société SATA ; que la responsabilité pénale de cette dernière résultait par ailleurs du fait que, celle-ci détenant le pouvoir de décider de l'ouverture des pistes de son domaine, le comportement fautif de ses préposés doit être regardé soit comme le résultat, de la part des organes ou représentants de cette personne morale, d'un défaut d'organisation du service de sécurité, soit comme la faute personnelle de deux de ses organes ou représentants, qualité qui est celle des préposés auxquels une personne morale s'en remet pour exercer un pouvoir de décision qui lui appartient ;

" alors que, d'une part, le maire de la commune dont le territoire est exposé à des risques d'avalanches préjudiciables à la sécurité de ses administrés ou des tiers est l'autorité que l'article L. 131-2.6° du Code des communes investit du pouvoir de police, non délégable, de prendre toutes les mesures propres à prévenir les risques d'avalanches et à y remédier, la première de ces mesures consistant à autoriser ou à interdire l'ouverture des pistes existant sur le territoire de sa commune en fonction des renseignements qui lui sont fournis par les services compétents en matière de détection des avalanches et par les agents qu'il a missionnés à cette même fin ;

" qu'à cet égard, et contrairement à l'opinion des juges du fond, il importe peu, en l'espèce, que le contrat de concession dont la société était titulaire lui confie, en son article 1er, "l'aménagement et l'entretien du réseau de pistes desservies par cette installation" (c'est-à-dire les remontées mécaniques) et prévoit encore, en son article 8, que "l'exploitant s'engage, à aménager, jalonner, entretenir et surveiller les réseaux de pistes de ski à l'intérieur du périmètre de protection conformément à l'arrêté intercommunal portant création et organisation des pistes de ski ; il devra notamment procéder à l'organisation d'un système complet de moyens de secours des sportifs utilisant ces pistes" ; qu'en effet ces dispositions contractuelles n'ont eu et ne pouvaient avoir ni pour objet ni pour effet de conférer à cette société, en matière de prévention des avalanches, un pouvoir propre, distinct de celui du maire de la commune et concurrent de ce dernier, si, comme il a été décidé à tort, ces dispositions contractuelles ne s'analysaient pas comme une délégation de pouvoirs interdite ; que, dès lors, les déclarations de culpabilité de Christian Z..., d'André A... et de la société SATA, représentée par son président en exercice, Jacques Y..., reposant sur ce postulat erroné que le pouvoir de décider de l'ouverture ou de la fermeture des pistes était détenu par la société SATA à raison du pouvoir propre qui aurait été contractuellement le sien en matière de prévention des avalanches, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes ci-dessus visés ;

" alors que, d'autre part et précisément, dans ses conclusions laissées sans réponse, en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, la société SATA faisait valoir que le cahier des charges du 1er mars 1995 disposait, en son article 9, alinéa 4 : "en ce qui concerne l'ouverture, la fermeture des pistes, la SATA se conformera aux dispositions de l'arrêté intercommunal, sous le contrôle permanent du maire", et l'arrêté intercommunal du 7 février 1984, en son article 10 le directeur du service des pistes et de sécurité est agréé par le maire, si bien que Christian Z..., directeur des pistes agréé par le maire, remplissait sa mission conformément aux instructions du maire, sous l'autorité directe duquel il se trouvait placé en la matière, et ne se conformait pas à ses propres instructions, faute par elle de disposer des pouvoirs de police nécessaires ;

" alors que, par ailleurs, à partir du moment où les juges du fond en matière de prévention des avalanches et de son implication sur l'ouverture et la fermeture des pistes de ski attribuaient à la société SATA un pouvoir propre et distinct de celui du maire de la commune, bien que seul investi à cet effet du pouvoir de police non délégable nécessaire, et au demeurant concurrent de ce dernier, la société SATA, personne morale, ne pouvait être déclarée pénalement responsable de la mort de Dominique X..., pour y avoir contribué par sa faute personnelle, telle que prévue et définie aux articles 221-6, 221-7, 121-1 et 121-2 du Code pénal, sans, au préalable, que les domaines respectifs de ces deux pouvoirs aient été délimités, et analysée l'organisation des services de sécurité que l'un et l'autre avaient générés ; qu'à défaut de ce faire, l'arrêt attaqué manque encore de base légale par violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

" et alors que, de surcroît, au sens des articles 221-6, 221-7, 121-1 et 121-2 du Code pénal, la faute personnelle commise par le préposé dans l'exercice de ses fonctions ne constitue pas la faute personnelle de son commettant, ce dernier fût-il une personne morale " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et du jugement qu'il confirme que, le 1er janvier 1996 vers midi, sur le territoire de la commune du Freney-d'Oisans, une avalanche a provoqué l'ensevelissement de plusieurs skieurs sur la piste noire de Sarenne et le décès de l'un d'eux, Dominique X... ;

Que Christian Z..., directeur des pistes, André A..., chef du secteur de Sarenne, tous deux au service de la société d'aménagement touristique de l'Alpe-d'Huez (SATA), société d'économie mixte chargée du fonctionnement des remontées mécaniques et de l'exploitation du domaine skiable, et cette société elle-même, sont poursuivis pour homicide involontaire ;

Attendu que, pour déclarer Christian Z... et André A... coupables de ce délit, l'arrêt confirmatif attaqué énonce qu'ils ont décidé d'ouvrir, pour la première fois, la piste sur laquelle s'est produit l'accident, sans avoir, au préalable, déclenché des avalanches qui étaient prévisibles, compte tenu notamment du fort risque signalé par le bulletin de la station météorologique ;

Que, pour retenir, en outre, la responsabilité pénale de la SATA, les juges, après avoir analysé les obligations contractuelles du concessionnaire, tant envers la commune qu'envers les usagers du domaine skiable, relèvent que le pouvoir de police du maire en matière de prévention des avalanches, prévu par l'article L. 131-2.6° du Code des communes, devenu l'article L. 2212-2.5° du Code général des collectivités territoriales, n'exclut pas, en cas de méconnaissance des obligations de sécurité prévues par la loi, les règlements ou le contrat, " la responsabilité de l'exploitant vis-à-vis de l'usager, dans le cadre d'une délégation de service public industriel et commercial relevant, sur ce point, du droit privé " ;

Que l'arrêt ajoute qu'en prenant d'un commun accord la décision fautive d'ouverture de la piste, Christian Z... et André A... ont, à l'égard du public, " exercé le pouvoir de décision de la SATA, dans le cadre du contrat de remontées mécaniques et de son obligation accessoire de sécurité ", et avaient donc la qualité de représentants de la société, au sens de l'article 121-2 du Code pénal ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que ces prévenus, pourvus de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, avaient reçu une délégation de pouvoirs de la part des organes de la personne morale, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen, nouveau et, comme tel, irrecevable en sa troisième branche, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.