Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch., 15 février 2001, n° D20010083

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UPPERCUT (Sarl)

Défendeur :

WATERMAN (SA)

CA Versailles n° D20010083

14 février 2001

FAITS ET PROCEDURE

La société anonyme WATERMAN a mis sur le marché en 1990, sous la dénomination "EXPERT", un modèle de stylo comportant deux versions : stylo plume, d'une part ; stylo bille, d'autre part.

Elle le présente comme créé dans ses bureaux d'études et faisant objet, à son profit, de droits de propriété intellectuelle sur le terrain, tant du droit d'auteur que du droit des dessins et modèles, en suite - s'agissant de ces derniers - du dépôt qu'elle en a fait le 25 septembre 1990, sous le numéro 90 5983, conformément à la loi du 14 juillet 1909 alors en vigueur.

Dans le courant de l'année 1995, elle s'est émue de la diffusion, par la société UPPERCUT, de prospectus publicitaires offrant à la vente, notamment pour des cadeaux d'entreprise, des stylos plume et bille "SAN DIEGO" (à des prix d'ailleurs très inférieurs aux siens, soit par exemple : 5, 50 francs HT, par quantité de 1 000 pièces, pour le stylo bille, contre 338 francs, prix public à l'unité) qu'elle a dénoncés comme portant atteinte à ses droits.

Le 24 mai 1995, elle a fait pratiquer une saisie-contrefaçon par un commissaire de police, requis sur le fondement de l'article L 332-1 du Code de la propriété intellectuelle. Cette mesure a confirmé la commercialisation des stylos litigieux et notamment révélé que le fabricant était la société taïwanaise SZU MAO GIFT Co Ltd.

Le 4 septembre suivant, la société WATERMAN a fait assigner en contrefaçon et concurrence déloyale la société UPPERCUT devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE qui, par jugement du 26 mai 1998, a successivement écarté les moyens que la défenderesse prétendait tirer :

- de la nullité de l'assignation comme de la saisie-contrefaçon ; le Tribunal a notamment relevé, sur ce dernier point, qu'en l'absence de revendication de ses salariés, la société WATERMAN devait être présumée titulaire du droit d'auteur ;

- d'antériorités faisant obstacle à la nouveauté du modèle invoqué, celles citées ne lui étant pas apparues pertinentes, soit que l'on n'y retrouve pas tous les éléments caractéristiques du modèle, soit qu'ils n'aient pas date certaine (modèles FULL GAININGS, WINSON DEVELOPMENT et PAÏS STATIONERY CORPORATION) antérieurement à celle à laquelle "le stylo Expert a été créé et développé à compter de décembre 1989" ;

- de différences qui, limitées à l'absence de pan coupé et d'évidement de l'agrafe, "ne suppriment pas l'effet de ressemblance flagrant entre les deux modèles dû, notamment, à la double bague centrale de même espacement séparé par une bande de couleur noire donnant l'effet d'alliance".

En conséquence, le Tribunal s'est prononcé comme suit :

Dit que la société UPPERCUT s'est rendue coupable de contrefaçon du modèle de stylo "EXPERT" exploité par la société WATERMAN et, en conséquence,

Interdit à la société UPPERCUT, sous astreinte de 1 000 francs par infraction constatée, d'importer et de commercialiser les modèles contrefaits

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne la société UPPERCUT à verser à la société WATERMAN la somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon et 100 000 francs... pour concurrence déloyale et parasitaire [outre] 20 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.

Appelante de ce jugement la société UPPERCUT (conclusions du 30 octobre 2000) fait valoir que le dépôt de modèle invoqué par la société WATERMAN ne pouvait légitimer une saisie-contrefaçon par commissaire de police sur le fondement de l'article L 332-1 du Code de la propriété intellectuelle. Seule était possible une telle saisie, dans les conditions prévues à l'article L 521-1 du même code, soit par huissier commis par ordonnance rendue sur requête.

Même dans la perspective de l'article L 332-1 précité - est-il ajouté - la société WATERMAN n'aurait pu y prétendre "faute de preuves réelles de son droit d'auteur". De surcroît, le commissaire de police n'aurait pu régulièrement se faire assister par le conseil en propriété industrielle de la société WATERMAN. Cette assistance ne serait possible que dans les cas expressément prévus (cf. : art L 716-7 du Code, pour les marques), sur ordonnance rendue par le Président du Tribunal.

Sur le fond, seule pourrait être retenue la date du dépôt de modèle (25 septembre 1990), à l'exclusion de celle retenue par les premiers juges (décembre 1989) sur la base d'attestations de salariés de la société WATERMAN sollicitées pour les besoins de la cause et de surcroît accompagnées de plans fragmentaires, n'en confirmant en rien l'exactitude ;

De multiples antériorités démontreraient de façon certaine l'absence d'originalité comme de nouveauté du modèle de la société WATERMAN. Cette dernière n'aurait fait que reproduire les caractéristiques de stylos connus de longue date. Suit une longue énumération de modèles présentés comme antérieurs, dont ceux des sociétés FULL GAININGS, WINSON DEVELOPMENT et PAIS STATIONERY CORPORATION, ayant respectivement - contrairement à l'appréciation des premiers juges - date certaine remontant à 1989, juillet 1990 et octobre 1990.

La mauvaise foi de la société WATERMAN serait manifeste. Elle chercherait à protéger un genre en déposant des modèles largement commercialisés avant elle dans le monde entier. Elle laisserait d'ailleurs nombre d'entreprises vendre des produits quasi identiques, n'attaquant à son gré que certaines sociétés qu'elle sait plus vulnérables. Ses agissements auraient causé à la société UPPERCUT un préjudice dont elle serait fondée à réclamer réparation.

La Cour devrait donc réformer la décision entreprise et :

Déclarer nulle et sans effet la saisie-contrefaçon en date du 24 mai 1995,

Débouter la société WATERMAN de l'ensemble de ses demandes et faire droit à la demande reconventionnelle de la société UPPERCUT,

Déclarer le dépôt de la société WATERMAN n° 90 5983 nul et sans effet compte tenu des antériorités produites et dire que le Greffe devra communiquer pour radiation du dépôt une copie de l'arrêt à intervenir à l'I.N.P.I.,

Condamner la société WATERMAN à titre de dommages-intérêts et compte tenu des différents motifs ci-dessus énoncés à la somme de 220 500 francs,

Ordonner de plus le remboursement par la société WATERMAN à la société UPPERCUT de la somme versée par elle, soit 300 000 FF avec intérêts de droit à compter de la saisie attribution en date du 26 novembre 1999 selon procès verbal de la SCP DAIGREMONT,

Ordonner également le remboursement des frais indûment payés à l'huissier pour procédure abusive,

Ordonner de plus la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société UPPERCUT et aux frais de la société WATERMAN et condamner la société WATERMAN aux frais de publication à hauteur de 75 000 francs HT à titre de dommages-intérêts supplémentaires,

Condamner en toute hypothèse la société WATERMAN à payer à la société UPPERCUT la somme de 60 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.

La société WATERMAN (conclusions du 7 novembre 2000) s'est attachée à réfuter point par point cette argumentation qui, selon son opinion, n'affecterait en rien le bien fondé du jugement entrepris.

Tout au plus les condamnations prononcées devraient-elles inclure des mesures de publicité dans la presse, de sorte que la Cour devrait :

Confirmer purement et simplement le jugement rendu...

Et y ajoutant,

Dire et juger que la société WATERMAN pourra publier la décision à intervenir "in extenso" ou par extraits dans quatre journaux, revues ou magazines de son choix aux frais avancés de la société UPPERCUT dans la limite d'un maximum de 150 000 francs HT à titre de dommages-intérêts complémentaires s'il y a lieu,

Condamner la société UPPERCUT à verser à la société WATERMAN la somme de 50 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC...

Il est renvoyé au jugement entrepris et aux conclusions précitées, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

DECISION

I - SUR L'OBJET ET LA DATE DE CREATION DES MODELES INVOQUES

Considérant que la Cour se trouve au premier chef saisie d'une action en contrefaçon de deux modèles de stylo, l'un à plume, l'autre à bille, que la société WATERMAN a engagée à l'encontre de la société UPPERCUT sur le fondement - comme rappelé dès l'acte introductif d'instance - des "livres I et V" du Code de la propriété intellectuelle ;

Que la société WATERMAN invoque en effet, pour ces modèles, le bénéfice du droit d'auteur, acquis "du seul fait de sa création" à tout auteur d'une oeuvre de l'esprit "quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination" (livre I du Code) et les droits résultant du dépôt qu'elle en a fait à l'Institut National de la Propriété Industrielle (livre V du Code), le 25 septembre 1990 ;

Considérant que les deux modèles sont largement identiques ; qu'il s'agit pour l'essentiel d'un même modèle décliné en une version stylo plume et une version stylo bille ; que les principales caractéristiques, telles qu'énoncées par la société WATERMAN et confirmées par les pièces du dossier (échantillons, reproductions, certificat d'identité délivré par l'INPI), peuvent être situées comme suit :

-le stylo a une forme générale oblongue ou en fuseau,

- au centre du stylo figure une bague séparant celui-ci en deux parties : la bague bordée de deux anneaux ou "joncs" donnant un effet d'alliance, distant de 0, 5 cm entre lesquels figure une bande de couleur noire,

- l'agrafe est évidée sur les trois-quarts de sa longueur par une rainure ; elle est attachée par une bague fixée à 0, 7 cm de la partie supérieure du stylo ;

- l'agrafe a une forme étroite au niveau de l'attache, puis s'élargit progressivement jusqu'à l'endroit où s'interrompt l'évidement et se rétrécit pour se terminer par une pointe arrondie ;

- pour le stylo plume, un autre anneau ou "jonc" donnant un effet d'alliance, figure en partie basse et se trouve remplacé, dans le modèle bille, par une extrémité tronconique en métal ;

- le sommet du stylo au dessus de l'agrafe comprend un pan coupé ;

Considérant que pour n'en avoir effectué le dépôt que le 25 septembre 1990, la société WATERMAN justifie que la création de ses modèles remonte à la fin de l'année 1989 ; qu'elle verse en effet aux débats :

- les plans de fabrication de plusieurs éléments, assortis de prescriptions techniques précises, faisant expressément référence au modèle "EXPERT", dûment numérotés et datés ; les dates s'échelonnent du 21 décembre 1989 au 27 février 1990 ; l'exécution de ces plans a d'évidence suivi le dessin de la forme extérieure des stylos ;

- des attestations concordantes de son chef du service "recherche et développement", ainsi que d'un de ses chefs de groupe "bureau d'études", confirmant notamment l'origine des plans et l'exactitude des dates qui y sont portées ; leur qualité de salariés de la société WATERMAN ne saurait, dans le contexte, suffire pour leur dénier toute valeur ;

Qu'eu égard à la portée des antériorités citées - ainsi qu'il le sera vu plus loin - il est au demeurant sans intérêt de s'attarder sur la querelle dans laquelle s'engage la société UPPERCUT, quant à la possibilité de retenir une date de création antérieure au dépôt, en recourant d'ailleurs à des considérations étrangères à la présente espèce, comme fondées sur les articles 1328 du Code civil et 109 du Code de commerce, là où la date de création est un fait dont la preuve peut toujours être rapportée par tous moyens ;

II - SUR LES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE

Considérant sans doute que, pris isolément, les divers éléments du modèle invoqué présentent des caractéristiques connues ou pouvant tout au moins être rapprochées de celles de modèles pré-existants ; que leurs combinaison, agencement, particularités dans les formes et proportions, n'en confèrent pas moins au modèle invoqué, envisagé dans sa globalité, une physionomie propre, tout à la fois originale et nouvelle, ayant notamment pour effet de le distinguer de ces derniers ;

Que c'est vainement que l'on chercherait, dans les autres modèles cités par la société UPPERCUT, une quelconque antériorité de toute pièce, c'est à dire présentant toutes les caractéristiques du modèle invoqué et pouvant justifier son affirmation selon laquelle la société WATERMAN n'a "fait que commercialiser à nouveau un modèle de stylo existant" ;

Que l'on ne s'expliquerait d'ailleurs pas, si tel était le cas, le besoin qu'à eu la société UPPERCUT de consacrer à ce qu'elle présente comme sa démonstration, plus de dix pages d'explications particulièrement denses, émaillées de références à de multiples modèles de stylo antérieurs ou présentés comme tels ;

Considérant qu'en réalité, contrairement à ses affirmations, aucun de ces modèles ne constitue une antériorité de toute pièce ; que, pour s'en tenir à ceux présentant certaines caractéristiques communes ou approchantes, il suffira de relever, entre autres différences :

- s'agissant des modèles "MONT BLANC" : une forme générale ne formant pas un fuseau, ou tout au moins un fuseau en continu ; des bagues centrales qui, pour être au nombre de deux, sont plus rapprochées et composées d'éléments plats, supprimant l'effet d'alliance ; l'absence d'évidement à l'intérieur de l'agrafe ; l'absence de pan coupé, pour la partie supérieure du chapeau ;

- s'agissant des modèles BP-105P du catalogue TRADEWINDS (1985-1986) et BP-105P du catalogue TAIWAN STATIONERY : des bords sensiblement parallèles, supprimant l'impression de fuseau ; une double bague (de largeur différente pour un des modèles) composée de deux éléments plats très rapprochés, ne donnant aucun effet d'alliance ; la fixation de l'agrafe au sommet du capuchon du stylo ; l'absence d'évidement à l'intérieur de celle-ci, dont la forme est en outre différente ;

- s'agissant des modèles PARKER présentés dans l'ouvrage "PENS & PENCILS" : l'absence de forme générale en fuseau, la partie la plus épaisse n'étant pas au centre du stylo ou les bords étant sensiblement parallèles ; une double bague composée de deux éléments plats rapprochés, ne créant pas l'effet d'alliance ; l'absence d'évidement à l'intérieur de l'agrafe, dont la forme est par ailleurs différente ;

- s'agissant des modèles 443 WINSON DEVELOPMENT COMPANY et GF-981 B PAÏS STATIONERY CORPORATION : une double bague composée de deux anneaux nettement plus espacés et de section sensiblement inférieure, ne créant pas d'effet d'alliance ; une bande noire, entre les deux anneaux, d'une section plus importante que le corps du stylo ; l'absence de pan coupé au sommet du stylo ; une agrafe de forme différente, car plus large à son point d'attache au stylo et ne comportant aucun évidement ;

- s'agissant du modèle CONWAY STEWART : des bords sensiblement parallèles, supprimant l'effet de fuseau ; un double bague centrale composée, non pas de "joncs" créant un effet d'alliance, mais d'anneaux plats ne dépassant pas de l'épaisseur du stylo et sensiblement plus rapprochés ; une agrafe de forme radicalement différente, large au niveau de l'attache et se rétrécissant de façon continue pour se terminer par une sorte de losange ;

- s'agissant des nombreux modèles F 9600 de la société FULL GAININGS, et pour s'en tenir au seul (sur une cinquantaine) pouvant être rapproché de celui invoqué : une partie haute arrondie, et non à pan coupé, aux proportions plus importantes ; une agrafe partiellement recouverte de laque, d'une largeur sensiblement constante et ne comportant ni évidement, ni ébauche d'évidement ; en outre, comme confirmé à l'examen des échantillons fournis, une ligne générale plus lourde et une double bague dorée centrale ne produisant pas l'effet d'alliance, la partie laquée placée entre les deux bagues étant même d'un diamètre supérieur à celle de ces dernières ; par ailleurs, la bague située à la base du stylo plume est fondue dans le corps du stylo, supprimant ici encore l'effet d'alliance ;

Qu'il n'est au demeurant pas établi que ce dernier modèle soit antérieur à la date de dépôt dont justifie la société WATERMAN ; qu'en effet, le catalogue de la société FULL GAININGS, présenté comme preuve, n'est pas daté ; que, pour affirmer que sa publication remonte à 1989, la société UPPERCUT se borne à produire une unique attestation, obtenue pour les besoins de la cause de la dirigeante de ladite société (devenue FULL WIN WRITING INSTRUMENT CORP) ; qu'elle est d'autant plus sujette à caution qu'elle est assortie de deux factures visant des modèles F 9600-1 et F 9600-1M non visés dans le catalogue précité ;

Considérant que le modèle de stylo invoqué par la société WATERMAN, qu'il s'agisse du stylo plume comme du stylo bille, constitue une création protégeable par le droit d'auteur, comme satisfaisant à la condition d'originalité requise à cet effet, ainsi qu'au titre des dessins et modèles, comme nouvelle et ayant fait l'objet d'un dépôt régulièrement effectué et publié ;

Que s'agissant d'une oeuvre collective au sens de l'article L 113-2 du Code précité, réalisée sous sa direction et publiée sous son nom, la société WATERMAN s'est trouvée investie ab initio des droits d'auteur ; qu'elle peut au demeurant se prévaloir de la présomption de propriété résultant :

- de l'exploitation commerciale du modèle qu'elle a faite sous son nom, en l'absence de toute revendication de la part des personnes physiques ayant participé à sa réalisation ;

- du dépôt fait du même modèle, auquel la loi attache expressément une telle présomption (cf. : art. L 511-2 du Code précité)

III - SUR LA SAISIE-CONTREFAÇON

Considérant qu'en l'état de la double protection acquise et revendiquée, faculté était ouverte à la société WATERMAN de faire constater la réalité des faits argués de contrefaçon en recourant, à son choix, à la procédure de saisie-contrefaçon prévue :

- à l'article L 332-1 du Code précité (droit d'auteur), en saisissant directement d'une réquisition le commissaire de police territorialement compétent, afin qu'il y procède ;

- à l'article L 521-1 du même Code, en présentant une requête au Président du Tribunal de Grande Instance compétent, aux fins d'autorisation d'y faire procéder par un huissier ;

Que, contrairement à ce que soutient la société UPPERCUT, c'est donc régulièrement qu'elle a opté pour la première de ces deux voies ;

Considérant qu'il n'y a pas plus lieu à annulation de la saisie pratiquée, au motif que le commissaire de police était assisté du conseil en propriété industrielle de la société WATERMAN, dès lors que :

- déjà, l'article L 332-1 du Code n'interdit nullement à ce fonctionnaire de se faire assister d'un expert ou autre technicien, s'il le juge utile ; une telle assitance peut d'ailleurs s'avérer souvent souhaitable, pour l'efficacité de la mesure ; elle n'entraîne en tout cas aucun transfert de compétence, la procédure n'en restant pas moins diligentée par lui seul et sous sa seule responsabilité ;

- tout au plus doit-il veiller à ce qu'il n'en résulte aucun risque de débordement, qu'il s'agisse de la sérénité devant présider au déroulement des opérations ou de l'absence de détournement d'informations étrangères à l'éventuelle contrefaçon ; les règles de déontologie auxquelles sont astreints les conseils en propriété industrielle dans l'exercice de leur profession ("dignité, conscience, indépendance et probité" et observation du "secret professionnel" - cf. : art. R422-52 et 422-54 du Code précité), constituent à cet égard une garantie suffisante ;

- la société UPPERCUT n'a pas contesté la présence du conseil en propriété Industrielle lors des opérations de saisie, pas plus d'ailleurs que devant les premiers juges ; ce n'est qu'en cause d'appel qu'elle s'est avisée d'y voir et dénoncer une irrégularité, sans pour autant exciper du moindre grief ;

Qu'au demeurant, elle ne conteste pas la réalité des faits argués de contrefaçon, par ailleurs établis par la diffusion qu'elle a faite, en 1995, d'un prospectus publicitaire offrant à la vente les stylos argués de contrefaçon, sous la dénomination SAN DIEGO ;

IV - SUR LA CONTREFAÇON ET LA CONCURRENCE DELOYALE

Considérant que ces stylos constituent une copie quasi servile du modèle invoqué, sauf en ce que la partie supérieure ne comporte pas de pan coupé, tandis que l'intérieur de l'agrafe ne comporte pas d'évidement ; que ces différences ne suppriment cependant pas la reprise de ce qui en fait l'originalité et la nouveauté, alors surtout qu'en estompent les effets :

- s'agissant de la partie supérieure : l'identité de forme, proportion et couleur devant être pour le surplus constatée ;

- s'agissant de l'intérieur de l'agrafe, le remplacement de l'évidement par une ébauche de ce dernier, avec les mêmes positionnement, forme et proportions ;

Que c'est donc à bon droit et par une exacte appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont retenu, à la charge de la société UPPERCUT, des faits de contrefaçon outre, en l'état de la dévalorisation de la marque et du modèle de la société WATERMAN, des faits distincts de concurrence déloyale ;

Qu'ils ont de même exactement liquidé le préjudice de la société WATERMAN et prononcé, à l'encontre de la société UPPERCUT, les condamnations correspondantes à dommages intérêts ; que le rétablissement de la société WATERMAN en l'état antérieur, justifie tout au plus qu'il soit fait droit à sa demande de publication du présent arrêt, dans les conditions prévues au dispositif ;

Considérant que la société UPPERCUT sera donc déboutée de son appel et le jugement entrepris confirmé, sans qu'il y ait lieu de s'attarder sur ses griefs, non établis et en tout cas inopérants, de discrimination dans la poursuite des contrefacteurs et de constitution abusive de droit de propriété intellectuelle ;

Que la partie qui succombe doit supporter les dépens ; que ni l'équité, ni la situation économique des parties ne justifient qu'il soit fait exception à l'application de l'article 700 du NCPC, afférent à la charge des frais non compris dans les dépens.