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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 5 juin 2015, n° 14/17304

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

TINTAMAR (SAS)

Défendeur :

NOCIBE (Sarl), EUROPRO (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mme Nerot, Mme Renard

TGI de Paris, du 11 juill. 2014, n° 12/1…

11 juillet 2014

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement du contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 3ème section),

Vu l'appel interjeté le 14 août 2014 par la société Tintamar et Maître Muriel A., es qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde la société SAS Tintamar,

Vu les dernières conclusions de la société Tintamar et de Maître Muriel A., es qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société SAS Tintamar, appelante, en date du 11 février 2015,

Vu les dernières conclusions de la SAS Nocibé France distribution et de la SA de droit belge Europo, intimées et incidemment appelantes, du 12 janvier 2015,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 mars 2015,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société Tintamar qui a pour activité la commercialisation de sacs et accessoires, est titulaire d'un modèle français intitulé 'doublure mobile de sac s'adaptant à différentes tailles de sac' n° 045275, déposé le 28 octobre 2004, publié sous les n°757386 à 75739dont les droits lui ont été transférés le 18 avril 2007 et inscrits, portant sur un organisateur de sacs, composé d'une pochette 'fourre tout', agrémentée de plusieurs poches plaquées et d'une trousse fermée par une fermeture éclair, qu'elle exploite sous la dénomination VIP Very Intelligente Pocket'.

Elle est également titulaire d'un modèle communautaire déposé auprès de l'OHMI le 11 mai 2005 publié sous le n° 34451010-0001.

La société Nocibé France Distribution appartient au groupe Nocibé et est spécialisée dans la distribution sélective de parfums et de cosmétiques à travers son réseau de boutiques.

La société Tintamar a eu connaissance du fait que les magasins Nocibé offraient à ses clients, dans le cadre d'une opération promotionnelle liée à la fête des mères 2012, une pochette organisac, pour tout achat d'une valeur supérieure à 89 euros et celle-ci était par ailleurs offerte avec un porte-carte et un porte-clés à partir de 109 euros. La société Nocibé a fait fabriquer par la société europro 153.000 pochettes 'organis sac' distribués dans ses boutiques.

Le 24 mai 2012, un représentant de la société Tintamar a acquis au sein de la parfumerie Nocibé [...], dans le 9ème arrondissement de Paris, la pochette litigieuse.

Suivant autorisation présidentielle du 31 mai 2012 la société Tintamar a fait pratiquer le 1er juin 2012 une première saisie-contrefaçon au sein du magasin Nocibé de la [...] 9ème arrondissement le 5 juin 2012 une deuxième saisie-contrefaçon dans les locaux du siège sociale de la société à Villeneuve d'Ascq.

Selon acte d'huissier du 28 juin 2012 la société Tintamar a fait assigner la société Nocibé France Distribution et la société de droit belge Europro qui lui a fourni les pochettes litigieuses en contrefaçon.

Le 19 mars 2013 le tribunal de commerce de la Rochelle a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Tintamar et le mandataire judiciaire désigné à cette procédure est intervenu volontairement aux débats.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

- débouté les sociétés Nocibé France Distribution et Europro de leur demande de nullité du procès verbal de saisie-contrefaçon du 1er juin 2012 dans les locaux du magasin Nocibé sis à ,

- annulé le procès verbal de saisie-contrefaçon du 5 juin 2012 et écarté des débats le procès verbal de saisie-contrefaçon du 5 juin 2012 et toutes les pièces y annexées,

- débouté les sociétés Nocibé France distribution et Europro de leurs demandes en nullité du modèle français n° 045275 dont la société Tintamar est titulaire,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au titre du droit d'auteur formée à titre subsidiaire,

- débouté la société Tintamar de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de son modèle français n° 045275,

- condamné la société Tintamar à verser aux sociétés Nocibé France distribution et Europro, chacune la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement au profit des avocats de la cause.

En cause d'appel la société Tintamar et Maître Muriel A., es qualités de commissaire à l'exécution du plan, appelants, demandent essentiellement dans leurs dernières écritures du 11 février 2015, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé le procès verbal de saisie-contrefaçon des 1er et 5 juin 2012 et débouté les sociétés Nocibé France Distribution et Europro de leur demande de nullité du modèle dont elle est titulaire,

- le réformer pour le surplus,

- valider les saisies-contrefaçons en date des 1er et 5 juin 2012,

- dire et juger que les sociétés Nocibé France Distribution et Europro ont commis des actes de contrefaçon du modèle français n°045275 dont elle est titulaire,

- subsidiairement, dire et juger que les sociétés Nocibé France Distribution et Europro SA ont commis des actes de contrefaçon au droit d'auteur de ce modèle,

- condamner solidairement les sociétés Nocibé France Distribution et Europro SA à payer à la société Tintamar les sommes suivantes :

* 1 510 110 euros au titre de la perte subie,

* 503 370 euros au titre de la vulgarisation du produit,

* 100 000 euros au titre de la perte de chance de développement,

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation du gain réalisé par elles,

* 50 000 euros au titre de à compter du jour initial avec capitalisation des intérêts,

- ordonner des mesures d'interdiction sous astreinte, de rappel des produits contrefaisants et leur destruction aux frais solidaires des sociétés intimées,

- ordonner des mesures de publicité par affichage dans les magasins, par voie de presse et internet,

- condamner solidairement les sociétés intimées à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens incluant les frais de saisie-contrefaçon avec droit de recouvrement pour son conseil.

Les sociétés Nocibé France Distribution et Europro demandent dans leurs dernières écritures du 12 janvier 2015 portant appel incident de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le procès verbal du 5 juin 2012 et toutes les pièces annexées, débouté la société Tintamar de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de son modèle et condamné la société Tintamar sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le réformer pour le surplus,

- prononcer la nullité verbal de saisie-contrefaçon du 1er juin 2012

- prononcer la nullité du modèle français n° 045275,

- prononcer la nullité du modèle communautaire n°3445510-0001,

- en tout état de cause,

- débouter la société appelant de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société appelante à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement au profit de leur conseil.

Sur la validité des mesures de saisie-contrefaçon

* Saisie-contrefaçon du 1er juin 2012

En vertu d'une autorisation présidentielle du 31 mai 2012 la société Nocibé a fait pratiquer le 1er juin 2012 une mesure de saisie-contrefaçon au sein du magasin Nocibé de la [...] .

En application de l'article 495 du code de procédure civile l'huissier instrumentaire doit nécessairement remettre aux détenteurs des objets saisis une copie de l'ordonnance sur requête avant le déroulement des opérations de saisie-contrefaçon.

Les sociétés intimées soulèvent la nullité de cette mesure de saisie-contrefaçon aux motifs qu'à la lecture du procès verbal la saisie aurait été réalisée au vue d'une simple copie et que la partie saisie n'a pas disposé d'un temps suffisant entre la prise de connaissance de la mesure et le début des opérations puisque celles-ci ont durée en tout 15 minutes.

Il doit exister un délai raisonnable entre ces deux événements afin que la partie saisie puisse vérifier avant tout début d'exécution la régularité de la mission donnée à l'huissier, être informée des motifs justifiant cette mesure et de l'étendue des investigations autorisées afin d'en contrôler en cours d'exécution, le respect.

En l'espèce la signification de l'ordonnance du 31 mai 2012 portant autorisation de la mesure et sa description est intervenue le 1er juin 2012 à 10h20.

Il ressort des mentions portées au procès verbal de saisie qu'à 10h35 l'huissier indique en page 2 :

Après avoir exposé le but de ma mission à madame G. Catherine, responsable de la boutique, celle-ci tente de joindre le siège social de la société, au bout d'une dizaine de minutes, elle obtient une personne en ligne et me passe le combiné téléphonique, après avoir déclaré mes nom, prénom et qualité, j'explique la situation à mademoiselle M. Eglantine, juriste au siège de la société.' Puis l'huissier procède à ses opérations et les a clôturées à 11h25. Il en ressort que l'huissier instrumentaire a préalablement signifié à la partie saisie l'ordonnance du 31 mai 2012 et laissé à la responsable du magasin un délai suffisant pour en prendre connaissance et en référer au siège de la société. Par ailleurs, rien ne permet d'établir que l'huissier instrumentaire ait procédé à ses opérations au simple vue d'une copie de l'ordonnance et non de l'original. Il s'en suit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité de ce procès verbal et des pièces y annexées.

* Saisie-contrefaçon du 5 juin 2012

En vertu de la même autorisation présidentielle du 31 mai 2012 la société Nocibé a fait pratiquer le 5 juin 2012 une mesure de saisie-contrefaçon dans les locaux du siège social de la société Nocibé à Villeneuve d'Ascq.

Le procès verbal établi le 5 juin 2012 précise que la signification de l'ordonnance a eu lieu à 14h30 par acte séparé qui est versé aux débats mais sans mention de l'heure de la signification de l'ordonnance.

La société Tintamar fait valoir qu'un délai a été respecté entre la notification de l'ordonnance et le début des opérations car le procès verbal indique que ce n'est qu'après avoir pris connaissance de la requête et de l'ordonnance que la partie saisie en la personne de madame L. qui avait été contactée lors de la première saisie, a fait des déclarations et que celle-ci lui a déclaré 'je peux vous préciser ce que vous voulez avoir....je vous ai préparé..' qu'elle a donc disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance de la mission.

Cependant, le procès verbal de saisie mentionne 14h30 comme heure du début des opérations et l'huissier après avoir décliné ses nom, prénom et qualité, indique qu'il a rencontré la directrice juridique à qui il a exposé l'objet de sa mission et signifié par acte séparé l'ordonnance à 14 h 30.

Il précise Après avoir pris connaissance de la requête et de l'ordonnance je lui ai délivré copie, madame L. me déclare..;

Il en ressort qu'aucun délai ne s'est écoulé entre la signification de la requête et de l'ordonnance et le début des opérations et que la partie saisie ait disposé d'un délai raisonnable pour en prendre connaissance et d'alerter son conseil, sa connaissance de l'exécution de la saisie-précédente à Paris n'est pas de nature à régulariser cette inobservation qui a porté grief à la partie saisie.

Il s'en suit que c'est à bon droit que le tribunal a annulé ce procès verbal de saisie-contrefaçon et les pièces y afférentes.

Sur la validité du modèle

Aux termes de l'article L. 511-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ;

Selon l'article L. 511-3 du même Code, un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou de la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par les détails ;

L'article L. 511-4, alinéa 1er du dit Code dispose qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée ;

Selon l'article L. 511-6 du même code, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il n'y a pas divulgation lorsque le dessin ou modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public du seul fait qu'il a été divulgué à un tiers sous condition, explicite ou implicite, de secret.

L'article L. 511-8 du même code prévoit que n'est pas susceptible de protection :

1°) l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit.

La société Tintamar est titulaire d'un modèle français intitulé doublure mobile de sac s'adaptant à différentes tailles de sac n° 045275, déposé le 28 octobre 2004, publié sous les n° 757386 à 75739 dont les droits lui ont été transférés le 18 avril 2007 et inscrits, portant sur un organisateur de sacs, composé d'une pochette 'fourre tout', agrémentée de plusieurs poches plaquées et d'une trousse fermée par une fermeture éclair, qu'elle exploite sous la dénomination VIP Very Intelligente Pocket.

Elle est également titulaire d'un même modèle communautaire déposé le 11 mai 2005 sous le n° 344510-0001 suite à une cession effectuée le 23 janvier 2007, non opposé dans la présente instance.

Ces modèles ont été régulièrement renouvelés.

Seul le modèle français est opposé de sorte que la société Nocibé ne justifie d'aucun intérêt à solliciter la nullité du modèle communautaire.

La société Tintamar décrit les caractéristiques de son modèle comme suit :

- un système de fermeture par un cordons coulissant,

chaque côté par un accessoire en plastique,

- une poche frontale fermée par un zip,

- des poches de différentes tailles disposées sur le pourtour extérieur de la pochette

- un rapport de dimension 22x16x6.

Elle soutient, comme l'a relevé le tribunal, que ce modèle combine différents éléments arbitraires esthétiques démontrant qu'il n'est pas exclusivement guidé par la fonctionnalité du produit.

Ce modèle se présente au vu des figures et de la description littérale, comme une pochette souple plus large que haute, présentant un système de fermeture par un cordon coulissant qui se termine par deux tirettes en caoutchouc, une poche frontale en forme de trousse, plus petite, fermée par un zip et sept poches latérales de tailles différentes disposées et plaquées sur le pourtour extérieur de la pochette, dans lequel le cordon et les tirettes en caoutchouc sont rouges.

Les sociétés intimées qui contestent la validité de ce modèle font valoir que la société Tintamar ne démontre pas en quoi la forme de son modèle n'est pas exclusivement guidée par la fonction du produit et que celle-ci ne présente pas un parti-pris esthétique.

Elles précisent que par définition un organisateur de sac doit comporter des poches et pochettes de tailles plus ou moins grandes sur ses faces extérieures et intérieures pour ranger des objets de différentes tailles. Elles ajoutent que ses dimensions et sa forme rectangulaire n'ont rien d'arbitraires puisqu'elles répondent à un souci purement pratique car la pochette de la société Tintamar présente une forme standard adaptable à toutes les formes de sacs à mains féminins. Elles précisent que sa souplesse et la fermeture par un cordon coulissant sont exclusivement fonctionnelles en ce qu'elles servent à optimiser la contenance de la pochette.

Elles poursuivent en indiquant que la très grande majorité des organisateurs commercialisés présentent les mêmes caractéristiques. Elles en concluent que ce modèle est nul pour être exclusivement guidé par la fonction du produit.

Elles contestent par ailleurs le caractère nouveau de ce modèle car l'ensemble des caractéristiques revendiquées par la société Tintamar existaient déjà selon la même architecture dans le brevet US 1999669 Puse Kit déposé le 18 juillet 1934, le modèle français 42568-003 déposé le 5 janvier 1951, le modèle français n° 42568-009 déposé le 5 janvier 1951, le brevet US 6561240 déposé le 13 août 2001, le brevet US 3533459 déposé le 8 avril 1968, le brevet US 383161 Fitted Construction déposé le 8 novembre 1972, le brevet USD n°265149 Hand bag insert déposé le 6 novembre 1979, le modèle français n° 877445-004 déposé le 11 décembre 1987, le modèle français n°890020-009 déposé le 3 janvier 1989, le brevet US 4811769 Purse Insert déposé le 25 janvier 1988, le modèle français n° 906888-007 déposé le 25 octobre 1990, le modèle international DM/015052-11 déposé le 14 novembre 1889, le modèle français n° 950362-004 déposé le 20 janvier 1995, le brevet US n° 5881850 Removable sel-standing article organizer assembly déposé le 20 mai 1996, le modèle anglais design n) 2078943 déposé le 5 novembre 1998, le modèle anglais Design n° 2084309 déposé le 22 juin 1999, le modèle français n° 000037-003 déposé le 5 janvier 2000, le brevet USD n° 460622 Removable handbag organizer déposé le 29 janvier 2001, le brevet US n° 6823909 Intergeangable organizer for carrying bags déposé le 23 juillet 2002 qui constituent le fonds commun des organisateurs de sacs.

Elles ajoutent que le modèle ne revêt également aucun caractère propre car il ne se démarque pas suffisamment des autres modèles d'organisateurs de sacs qui existaient lors de son dépôt.

Si ce modèle d'organisateur de sacs présente comme le soulignent les sociétés intimées un caractère fonctionnel certain relatif à son adaptabilité à divers sacs à mains et les possibilités de rangement de divers produits, la combinaison des caractéristiques revendiquées selon un agencement nouveau lui confère un caractère esthétique et non exclusivement fonctionnel qui permet de le distinguer des autres sacs organisers antérieurement déposés de sorte que l'observateur averti qui est une femme portant habituellement un sac à main et qui achète des organisateurs de sacs à mains et en connaît les différentes présentations, de par cette impression globale différente résultant de cette physionomie propre et nouvelle ne peut le confondre avec ceux-ci.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité de ce modèle français éligible à la protection.

Sur l'action en contrefaçon

Aux termes de l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle ;

L'article L. 513-5 du même code dispose que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ;

L'article L. 52l-l du code de la propriété intellectuelle ajoute que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ;

Les faits postérieurs au dépôt mais antérieurs à la publication de l'enregistrement du dessin ou modèle ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés ;

Ainsi le monopole conféré au titulaire d'un modèle déposé s'étend à tous produits que l`observateur averti précité, considérera comme étant semblables du fait de l'absence de différences visuelles d'ensemble ;

Le droit communautaire prévoit les mêmes conditions mais fait référence à l'utilisateur averti.

La société Tintamar soutient que la pochette litigieuse reprend la quasi-totalité des codes faisant L'originalité' de son modèle et que ce modèle compte tenu de la très grande marge de manoeuvre et des nombreuses combinaisons qui auraient pu être envisagées pour le concevoir, alors qu'il ne revêt aucune caractéristique fondamentale permettant de se démarquer de la pochette Tintamar et il ne produit pas sur l'observateur averti une impression d'ensemble différente de celle produite par l'organisers Tintamar.

Les sociétés intimées contestent que le modèle litigieux soit contrefaisant du modèle déposé en faisant valoir que la comparaison des organisateurs de sac en cause qu'ils appartiennent à un même genre et sont conçus sur le même concept à savoir une pochette principale autour de laquelle on retrouve plusieurs poches.

Elles ajoutent que les différences sont immédiatement perceptibles et sont importantes et que les sacs produisent une impression d'ensemble différente.

L'huissier instrumentaire a décrit la pochette litigieuse comme suit :

il s'agit d'une pochette de couleur grise composée de plusieurs poches dont une pochette avec fermeture éclair. Je constate également que deux liens de serrages avec une boule de part et d'autre permettant d'assurer le serrage, que le serrage reste tenu en position fermée.

Il ressort de la comparaison entre le sac litigieux et le modèle que le sac litigieux est très souple, avec très peu de poches et de détails lui conférant un aspect épuré alors que le modèle de la société Tintamar présente un aspect moins souple en raison de ses lignes très droites et de ses angles très prononcés, il est auto-portant et comporte de multiples poches qui lui confèrent un aspect utilitaire.

La pochette de la société Tintamar comporte une trousse rattachée à la pochette principale par deux pressions visibles alors que dans la pochette Nocibé la pochette zipée est cousue sur la pochette principale formant un tout excluant toute exploitation distincte des pochettes à la différence de cette de la société Tintamar.

La trousse Nocibé ne comporte pas de languettes à ses angles hauts et de mousqueton à la différence de la pochette Nocibé et qu'elle comprend des swarovski éléments en bas à droite que la pochette de la société Tintamar ne comporte pas.

Les fermetures des deux sacs sont coulissants mais diffèrent car le sac Nocibé est composé de rubans avec un fermoir coulissant de forme ronde, tandis que le modèle de la société Tintamar comprend des ficelles au bout desquelles sont apposées des languettes rigides et fixes.

Le modèle déposé comporte des ficelles; languettes et marque de couleur rouge sur un sac d'une seule couleur alors que la partie supérieure du sac Nocibé se distingue par une autre couleur.

Les poches extérieures sont en nombre différent : deux lette Nocibé et non 9 et sont disposées différemment sur les deux sacs.

Il en ressort que si les deux pochettes répondent à un même concept développé depuis plus de 70 ans, les ressemblances relevant de l'emprunt commun à ce type de pochette, l'organisateur de sac de la société Nocibé en raison nombreuses différences relevées ci-dessus produit pour l'observateur averti qui est un consommateur plus attentif une impression visuelle d'ensemble différente conférant à chacun des modèles en cause une physionomie propre, et c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de contrefaçon.

Sur l'action en droit d'auteur

L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

Le droit de l'article susmentionné est conféré selon l'article L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Il s'en déduit le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.

Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;

Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;

La société Tintamar soutient que son modèle composé d'éléments particulièrement étudiés : pochette souple comprenant une face revêtue d'une large poche zippée sur toute la largeur, cousue sur la pochette 'fourre-tout' principale, sept poches cousues sur une bande, les unes à côté des autres, de différentes tailles et sans dispositif pour la fermer, disposées sur les faces latérales et arrière de la pochette 'fourre-tout' principale, ces coutures bord à bord donnant un aspect déstructuré au modèle, y compris au niveau des arêtes lesquelles apparaissent de ce fait malléables et déformables.

Elle ajoute que la pochette fourre-tout principale comporte des cordelettes au bout desquelles se trouvent des éléments en plastique, permettant de tirer les cordelettes de part et d'autre destinées à fermer la pochette fourre-tout principale, accentuant l'effet déstructuré et malléable de la pochette.

La combinaison de l'ensemble de ces caractéristiques génère par leur agencement singulier une physionomie globale d'un sac organisers déstructuré et malléable qui traduit, nonobstant sa fonction utilitaire, un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur et est donc éligible à la protection au titre du droit d'auteur.

Cependant, comme examiné ci-dessus la pochette Nocibé si elle appartient au même genre de sac organisers, se différencie nettement de celui de la société Tintamar alors qu'existent sur le marché depuis longtemps de très nombreux sacs organiseurs.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande formée à ce titre fondée sur les mêmes faits.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'allouer à chacune des sociétés intimées la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.

Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante,

Rejette l'appel incident des sociétés intimées,

En conséquence confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la société appelante à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.