Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 25 octobre 2018, n° 15/06019

AIX-EN-PROVENCE

PARTIES

Demandeur :

FRANCE DENIM (Sté)

Défendeur :

DUN DON (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

M. Prieur, Mme Petel

TGI de Marseille, du 19 mars 2015, n° 11…

19 mars 2015

 

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société FRANCE DENIM vend et distribue des modèles de vêtements pour hommes et enfants sous la marque RM'S 26 dont elle est titulaire pour l'avoir déposée le 1er décembre 2006 à l'INPI et le 11 novembre 2009 comme marque internationale.

Elle a notamment fait enregistrer trois modèles de maillotn°RM 2108 horodaté et enregistré le 18 décembre 2009, RM n°2124 horodaté et enregistré le 18 décembre 2009 et RMn°2051 qu'elle a horodaté et fait enregistrer le 17 décembre 2009.

Reprochant à la société DUN DON exploitant à Marseille une enseigne A. DONG de présenter à la vente des modèles contrefaisant ses maillots elle a fait en sorte d'acquérir auprès de cette société 90 pièces rassemblant différents modèles de maillots et a fait pratiquer en vertu d'une autorisation présidentielle en date du 8 juin 2011 une mesure de saisie-contrefaçon à l'encontre de cette société, le 6 juillet 2011.

Estimant que ces opérations confirmaient l'existence d'une atteinte à ses droits, la S.A.R.L. FRANCE DENIM a, selon acte d'huissier du 21 juillet 2011, fait assigner la S.A.R.L. DUN DON devant le tribunal de grande instance de Marseille en contrefaçon et concurrence déloyale et réparation du préjudice en résultant.

Suivant jugement contradictoire du 19 mars 2015 dont appel, le tribunal a :

- déclaré recevables les opérations de saisie contrefaçons réalisées le 06 juillet 2011 et opposables à la S.A.R.L. DUN DON,

- dit que la S.A.R.L. FRANCE DENIM justifie être l'auteur des modèles revendiqués M 2108, RM 2124 et RM 2051,

- dit que les modèles RM 2108, RM 2124 et RM 2051 ne sont pas des créations originales éligibles à la protection instituée au Livre 1 du code de la propriété intellectuelle,

- dit en conséquence que la S.A.R.L. FRANCE DENIM n'est pas recevable à agir en contrefaçon.

- débouté la S.A.R.L. FRANCE DENIM de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la S.A.R.L. FRANCE DENIM de sa demande tendant à obtenir des dommages et intérêts du fait d'actes de concurrence déloyale et parasitaires,

- condamné la S.A.R.L. FRANCE DENIM à verser à la S.A.R.L. DUN DON la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamné la S.A.R.L. FRANCE DENIM aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

En cause d'appel la société FRANCE DENIM, appelante, demande au visa des articles L. 111-1 et suivants, L. 331-1-3, L. 332-3, L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil dans ses dernières écritures en date du 10 juillet 2015 de :

- réformer dans son intégralité les termes du jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 19 mars 2015,

- dire et juger que la société DUN DON S.A.R.L. en fabriquant et en commercialisant et/ou en offrant à la vente les modèles de maillot contrefaisants les références « RM 2051 '', « RM 2108'' et « RM 2124 '' sans l'autorisation de la société FRANCE DENIM qui est titulaire des droits d'auteur sur ces créations a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur par reproduction servile,

- dire et juger qu'en commercialisent les modèles contrefaisants les références « RM 2051 '', « 2108 '' et « RM 2124 '' dans des matières, aspects et combinaisons de coloris identiques, la société DUN DON S.A.R.L. a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de la société FRANCE DENIM,

- interdire consécutivement à la société DUN DON S.A.R.L. et à l'ensemble de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs de fabriquer, d'offrir à la vente, de livrer et de commercialiser, directement ou indirectement par tout moyen, les modèles de maillots contrefaisants les références « RM 2051 '', « RM 2108 '' et « RM 2124 '' et plus généralement tous modèles reproduisant les caractéristiques originales des modèles « RM 2051 '', « RM 2108 '' et « RM 2124 '', ceci sous astreinte non comminatoire et définitive de 500 euros par infraction constatée,

- ordonner à la société DUN DON S.A.R.L. dès la signification du 'jugement' à intervenir et sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée, la confiscation et la destruction de tous les modèles de maillots contrefaisants les références « RM 2051 '', « RM 2108 '' et « RM 2124 '' commercialisés par elle qui seraient en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, ainsi que tous documents notamment catalogues, brochures, publicités sur lesquels seraient reproduits lesdits modèles, ceci par huissier et aux frais de la société DUN DON S.A.R.L.

- ordonner la société DUN DON S.A.R.L. qu'elle produise :

1°) tous documents comptables à savoir toutes les factures, bons de livraisons, les états des ventes détaillés et stocks restants et commandes en cours, correspondant à des bermudas catégorie 78 et comprenant notamment leurs prix de vente et leurs volumes depuis le 1er janvier 2010

2°) un relevé de tous documents commerciaux, à savoir tous les catalogues, notices et prospectus et de l'ensemble de ses établissements depuis le janvier 2010, ainsi que la production des factures et autres pièces permettant de justifier du nombre de ces catalogues, notices et prospectus,

- condamner la société DUN DON S.A.R.L. au paiement d'une somme de 20.000 euros en réparation du préjudice moral et matériel subi par elle du fait de l'atteinte portée à ses droits d'auteur sur les modèles contrefaisants les références « RM 2051 '', « RM 2103 '' et

«RM 2124 '‘ ;

- condamner la société DUN DON S.A.R.L. au paiement d'une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- ordonner la publication de tout ou partie de la décision dans trois journaux au choix de la société FRANCE DENIM, le coût de chaque insertion, qui devra être supporté par la société DUN DON S.A.R.L. ne pouvant excéder la somme de 1 500 euros H.T,

- condamner la société DUN DON S.A.R.L. à payer la somme de 6 000 euros en application de 1 artic1e 700 du Code de Procédure Civile.

La S.A.R.L. DUN DON intimée s'oppose aux prétentions de l'appelante, et demande dans ses dernières conclusions en date du 17 août 2015 de :

- débouter la société FRANCE DENIM de toutes ses demandes.

- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 mars 2015.

Y ajouter,

- condamner la société FRANCE DENIM à verser à la société DUN DON la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du CPC,

- condamner la société FRANCE DENIM aux dépens distraits au profit de Me Paul- Victor B., avocat au Barreau de MARSEILLE.

Sur les droits de la société FRANCE DENIM,

L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

Le droit de l'article susmentionné est conféré selon l'article L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quel qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Il se déduit de ces dispositions que le principe de protection d'une oeuvre, sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.

Selon l'article L. 112-2 du même code, sont considérées comme oeuvres de l’esprit. 14° les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure.

Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur.

Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom.

Enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur.

Selon l'article L. 511-4 du même code un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.

Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle.

Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, un dessin ou modèle est nouveau si à la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué.

Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

Sont protégeables les dessins ou modèles communautaires conformément aux termes du règlement communautaire n°6/2002 du 12 décembre 2001 pendant une durée de trois ans à compter de leur divulgation au public et s'ils sont nouveaux et présentent un caractère individuel.

Un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s'il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la communauté.

Le dessin et le modèle sont nouveaux en ce qu'aucun modèle identique n'a été divulgué au public antérieurement à la première divulgation au public.

Ils présentent un caractère individuel en ce que l'impression d'ensemble qu'ils produisent sur les consommateurs diffèrent de celle que produisent des modèles divulgués au public avant leur première date de commercialisation.

La société FRANCE DENIM expose qu'elle créé elle-même par l'intermédiaire d'un service de stylisme intégré à sa structure, les modèles qu'elle met en vente et distribue.

Elle décrit les trois modèles qu'elle soutient avoir été contrefaits par la société DUN DON comme suit :

* Le modèle de maillot N° RM 2108 présente des motifs entremêlés et entrecroisés de fleurs non identifiées et non présentes en tant que telles dans la nature, bicolores, distinguant les pétales et les fleurs, soit bleu marine et bleu ciel, soit blanches et bleu ciel, soit bleu ciel et bleu turquoise clair, soit noires et blanches, soit grises et blanches.

L'alternance des coloris des fleurs dépend étroitement de la couleur du fond dominant sur lequel elles prennent place : les fleurs bleu marine et bleu ciel, blanche et bleu ciel, bleu ciel et turquoise clair prennent place sur les maillots dont la couleur du fond dominant est le bleu turquoise foncé.

Les fleurs de couleur turquoise foncé et blanche, bleu marine et blanche, noire et blanche et grise et blanche prennent place sur les maillots dont la couleur du fond dominant est le blanc.

Qu'il convient d'ajouter à cette description d'autres éléments caractérisant l'oeuvre originale de son auteur, à savoir la présence de motifs en forme d'oiseau digitalisés et pointillés traversant sans discontinuer les motifs représentés par les fleurs, et se distinguant par leur incrustation par pointillés.

Chacune des fleurs est surmontée d'une tige et d'un pistil représenté par une fleur de petite taille, de couleur unique à quatre pétales réguliers, la tige arborant elle-même, sur son sommet, deux billes de chaque côté.

Qu'enfin, des fleurs et des feuilles dont l'originalité fait qu’elles ne peuvent être rattachées à l'existence de motifs présents dans la nature enserrent les autres motifs, par le biais de simples contours les dessinant, leurs couleurs s'intégrant directement ainsi à la couleur du fonds dominant.

* Le modèle de maillot N° RM 2124 se présente sur couleur de fond dominant blanche, marron glacé ou violet.

Sur le fond de couleur blanche, prennent place des dessins et des traits de fleurs d'hibiscus de la même couleur que la couleur du fonds dominant, les fleurs se caractérisant alors par le fait que seuls ces contours apparaissent sous des doubles voire des triples traits de couleur turquoise et bleu marine.

Les fleurs apparaissent sous un dessin soigné caractérisant également l'œuvre originale de son auteur, ainsi que des pistils se disséminant sous la forme de points semblant être jetés au vent, de formes, de taille et de couleur turquoise et bleu marine.

Des fleurs aux pétales turquoise foncé apparaissent également sur le maillot à fond dominant blanc et reprennent le même principe du pistil et de sa diffusion anarchique.

Des feuilles de palmier dont seuls les contours apparaissent été également dessinées sur les maillots à fond dominant blanc, et prennent cette même couleur.

Des dessins identiques en des coloris différents apparaissent sur le maillot de même modèle dans les coloris marron glacé et violet.

* Le modèle de maillot N° RM 2051 se présente quant à lui sur un fond dominant de couleur gris-beige, noire, ou blanche, surmonté d'un quadrillage à double trait, formant des carrés réguliers.

Les mêmes fleurs imaginaires que celles apparaissant sur le modèle n° RM 2108 sont présentes et surplombent le quadrillage, tout en le laissant apparaître en filigrane.

La marque RM'S 25 surlignée apparaît également sur les maillots, de couleur identique à l'une des deux couleurs choisies en vue de former le quadrillage à double trait.

Que l'ensemble de ces éléments sont parfaitement de nature à identifier une oeuvre originale de son auteur, justifiant de la protection indispensable sollicitée au titre de la présente requête.

Elle ajoute que des coloris différents pour chaque maillot sont mentionnés dans les reçus d'horodatage, afin d`assurer une protection étendue au modèle et à ses caractéristiques esthétiques.

Que l'authenticité de ses modèles de maillots, au-delà même des caractéristiques esthétiques, est assurée par les procédés suivants, qui bénéficient également de la protection des oeuvres de l'esprit :

- intérieur de ceinture : bande tissée avec marque sérigraphiée.

- étiquette de marque cousue sur la petite poche intérieure.

- étiquette pendante avec la marque RM'S 26, sur lesquels apparaissent également les motifs à fleurs repris sur les maillots (fleurs imaginaires, feuilles de palmier ou de bananier).

- étiquette de marque sur poche arrière.

- étiquette logo insérée dans poche arrière.

Concernant la titularité de ses droits elle justifie qu'elle dispose d'un service intégré de stylisme qui comporte cinq stylistes, qu'un huissier a décrit dans son procès-verbal en date du 1er septembre 2011 ; que celui-ci a identifié les étapes de création des maillots litigieux créés par les salariés stylistes nommément identifiés, avec la date de création depuis son esquisse et ses propriétés avec la fiche produit.

Elle précise qu'elle justifie de la mise sur le marché des maillots en cause par la production des factures émises et des bons de livraisons attachés à compter du 19 février 2010 jusqu'au 27 juillet 2010.

Elle ajoute qu'elle justifie de l'existence de son réseau de commercialisation par l'ensemble des contrats conclus avec les agences commerciales et divers commerciaux et des étapes de fabrication avec le fabricant et le coût de fabrication ;

Concernant les dessins et modèles elle fait valoir qu'il n'existe aucune similitude entre les motifs à fleurs de la marque VILEBREQUIN et les motifs créés par elle ;

Que les motifs, les fleurs, leurs agencements, leurs couleurs ne sont pas identiques.

La S.A.R.L. DUN DON fait valoir que les maillots de bains étant dénués de toute originalité ils ne peuvent être bénéficiaires de la protection au titre du droit d'auteur et au titre de la protection prévue par le règlement CE 6/2002.

Elle précise que l'imprimé du maillot de bain de FRANCE DENIM reproduit un hibiscus que l'on retrouve dans la nature et que la marque VILEBREQUIN 'commercialise' elle-même des maillots avec l'imprimé d'hibiscus ; que FRANCE DENIM ne conteste pas que de nombreux concurrents commercialisent des maillots de bains comportant des motifs d'hibiscus.

Que d'ailleurs l'huissier de justice décrit comment en quelques clics un salarié de la société FRANCE DENIM réalise des modèles de maillots de bains à l'aide d'un logiciel.

Elle ajoute que la société FRANCE DENIM ne démontre pas être titulaire de droits d'auteur, l'invocation de l'existence d'une équipe de stylistes, les reçus d'horodatage étant insuffisants, aucune publication de presse, parutions, catalogues mentionnant le nom de la société n'étant communiqués, elle semble s'être approvisionnée auprès du même fournisseur, les pièces communiquées ne permettent pas de les rattacher au présent litige et les nouvelles pièces versées aux débats sont incompréhensibles et irrecevables car en langue anglaise et chinoise.

Ceci rappelé, si les maillots dont s'agit s'insèrent dans le genre de maillots à fleurs ils présentent de par la combinaison des caractéristiques ci-dessus relevées, dont certaines peuvent, comme l'hibiscus, avoir un caractère banal pris individuellement, une individualité de par le choix des couleurs, la taille des motifs, les oiseaux en pointillés, les quadrillages doublés, et donc un caractère nouveau et propre éligible à la protection des modèles.

Le consommateur averti a une impression globale différente de l'antériorité opposée qui n'est pas de toute pièce.

Les caractéristiques des maillots ci-dessus exposées par la société FRANCE DENIM manifestent par leurs couleurs, leurs agencements, l'élaboration des motifs créés, par une combinaison identifiable et singulière qui portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur de sorte que ces maillots sont éligibles à la protection du droit d'auteur.

En l'absence de tout revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé les maillots dont s'agit, les actes de possession de la société FRANCE DENIM qui les exploite sous son nom et les a fait enregistrer font présumer, et ce qui n'est pas contesté, que cette personne est titulaire ces maillots quelle que soit sa qualification, du droit de propriété incorporelle de l'œuvre.

Il s'ensuit que ces maillots sont éligibles à la protection au titre du droit d'auteur contrairement à ce qu'a dit le tribunal.

Sur la contrefaçon,

L'article L.122-4 CPI dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle (de l'œuvre) faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

L'article L.521-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

L'article L. 513- 4 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle.

L'article L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle précise que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur L'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente.

L'article L. 331-1-3 du Code de propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte.

L'article L. 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que si la demande lui est faite, la juridiction saisie d'une procédure civile prévue aux livres Ier, II et III de la première partie peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer 1'origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvé en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services.

La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

Les documents ou informations recherchés portent sur :

a) Les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou services, ainsi que des grossistes et destinataires et des détaillants,

b) Les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en cause.

La société FRANCE DENIM indique que les maillots commercialisés par la société DUN DON sont la copie servile de ses modèles ce que ne conteste pas cette société.

Elle expose que la facture d'achat des 90 pièces qui étaient mélangées avec d'autres modèles, lors de la mesure de saisie-contrefaçon du 6 juillet 2011, fait apparaître que le prix d'une pièce était de 1,70 euros TTC et qu'elle est fondée à solliciter le paiement de la somme de 510 euros correspondant au montant du chiffre d'affaires réalisé par la société DUN DON au titre de la vente des ballots contenant les modèles contrefaisants.

Elle poursuit en indiquant qu'elle justifie du prix de commercialisation de ses propres modèles à un montant de 6,60 euros TTC, ce qui représente un manque à gagner de 1 463, 40 euros TTC sur les seuls éléments trouvés lors des opérations de saisie ;

Qu'il est établi que les ballots contenant les modèles contrefaisants étaient destinés à la vente en gros de sorte qu'il appartient à la société DUN DON de justifier de l'acquisition auprès de ses deux fournisseurs différents des maillots contrefaisants et d'identifier ces derniers, et ce en application des dispositions de l'article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle permettant d'obtenir les éléments comptables relatifs à son approvisionnement et l'identification des circuits économiques, et ce sous astreinte.

Elle soutient que l'atteinte à ses droits sont de nature à perturber durablement le réseau de distribution de ses modèles par l'existence d'une distribution parallèle de produits contrefaisants et qu'elle est fondée en sa demande de paiement d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La société DUN DON fait valoir que la société FRANCE DENIM ne décrit pas en quoi les modèles saisis seraient contrefaisants, un simple montage photo ne suffit pas et ne saurait valoir une description de la contrefaçon.

Elle ajoute que les opérations de saisie-contrefaçon lui sont inopposables car seul le texte du procès-verbal de saisie lui a été communiqué et non l'intégralité du procès-verbal de saisie c'est à dire les maillots de bain prétendument contrefaisants, et ce, malgré une sommation qui lui a été signifiée le 7 décembre 2011.

Il ressort des pièces communiquées à l'intimée que l'appelante lui a communiqué notamment le procès-verbal de dépôt au greffe des objets saisis argués de contrefaçon en date du 7 juillet 2011 et le procès-verbal d'huissier du 1er septembre 2011 contenant des photographies couleurs des produits litigieux ;

L'examen des produits saisis et des produits authentiques enregistrés fait apparaître que les premiers reproduisent à l'identique les seconds tant au niveau des dessins, de leur emplacement, des couleurs et même en y apposant sur certains sa marque.

Il s'ensuit que la société DUN DON a commis des actes de contrefaçon.

Sur la concurrence déloyale,

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard de la liberté du commerce ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

La société FRANCE DENIM fait valoir que les modalités de conditionnement des maillots contrefaisants, dans des ballots mélangés à d'autres modèles en diluant ainsi la contrefaçon par des méthodes de distribution favorisant la confusion et la disculpation portent atteinte à ses droits et que cette méthode constitue en soi une méthode de concurrence déloyale, la société DUN DON ne contestant pas avoir copié servilement ses modèles de maillots de bain allant même jusqu'à apposer la marque RMS 26 sur un modèle, de sorte qu'un client moyennant attentif peut facilement confondre les modèles ;

Qu'elle a indûment tiré profit de ses investissements et de son travail.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial en résultant.

Elle demande en outre que soient prononcées des mesures d'interdiction, de confiscation et destruction, sous astreinte pour faire cesser l'atteinte à ses droits.

La société FRANCE DENIM indique qu'il n'est pas possible d'agir concomitamment sur la contrefaçon et la concurrence déloyale.

Elle ajoute la copie servile n'est pas démontrée et qu'elle est contestée et qu'on ne peut lui reprocher alors qu'elle est un grossiste de vendre des lots comprenant différents modèles de maillots.

Elle conteste le préjudice allégué qui n'est pas, selon elle établi et indique qu'elle est une petite S.A.R.L., sans filiale ni établissement secondaire.

La société FRANCE DENIM ne justifiant pas d'actes de concurrence déloyale distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, la présence de maillots mélangés à d'autres modèles n'étant pas de nature à caractériser ces actes de concurrence déloyale, celle-ci est donc infondée en ses demandes à ce titre.

Sur les mesures réparatrices,

La société FRANCE DENIM justifie d'une perte de chiffre d'affaires au regard du nombre des produits contrefaisants saisis et de leur prix de vente, de 1463, 40 euros TTC. Par ailleurs la vente en gros des produits contrefaisants mélangés à d'autres produits porte atteinte à l'image de la société et perturbe son circuit de distribution de sorte que la société FRANCE DENIM est fondée en sa demande de réparation à hauteur de la somme de 20 000 euros tous chefs de préjudices confondus.

Il convient également aux fins de déterminer le nombre exact de produits contrefaisants acquis d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 331-1-2 du code de la propriété de donner injonction à la société DIN DON de produire tous documents comptables, factures, bons de livraisons, états de ventes détaillés et stocks restant correspondant aux trois modèles contrefaisants et comprenant notamment leur prix de vente Et leurs volumes depuis le 1er janvier 2010, dans le mois de la signification de la présente décision, sous peine, passé ce délai d'une astreinte de

50 euros par jour.

Il convient par ailleurs pour faire cesser le préjudice d'ordonner sous astreinte des mesures d'interdiction et de destruction comme mentionnées au présent dispositif.

Les condamnations ci-dessus ordonnées étant suffisantes pour réparer l'entier préjudice il n'y a pas lieu à faire droit à la demande de publication.

L'équité commande d'allouer à la société appelante la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par l'intimée.

Les dépens resteront à la charge de l'intimée qui succombe.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 19 mars 2015,

Rejette l'ensemble des demandes de l'intimée,

Dit que la société DUN DON S.A.R.L. en fabriquant et en commercialisant et/ou en offrant à la vente les modèles de maillot contrefaisants les références « RM 2051 '', « RM 2103 '' et « RM 2124 '' sans l'autorisation de la société FRANCE DENIM qui est titulaire des droits d'auteur sur ces créations a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur par reproduction servile,

Condamne la société DUN DON S.SA.R.L. à payer à la société FRANCE DENIM la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon,

Interdit à la société DUN DON S.A.R.L. de fabriquer, d'offrir à la vente, de livrer et de commercialiser, directement ou indirectement par tout moyen, les modèles de maillots contrefaisants les références « RM 2051 '', « RM 2108 '' et « RM 2124 '' et plus généralement tous modèles reproduisant les caractéristiques originales des modèles « RM 2051 '', « RM 2108 '' et « RM 2124 '', ceci sous astreinte à compter de la signification de l'arrêt de 500 euros par infraction constatée,

Ordonne à la société DUN DON S.A.R.L. dès la signification de l'arrêt, sous astreinte de

500 euros par jour de retard et par infraction constatée, la confiscation et la destruction de tous les modèles de maillots contrefaisants les références « RM 2051 '', « RM 2108 '' et « RM 2124 '' commercialisés par elle qui seraient en sa possession, ainsi que tous documents notamment catalogues, brochures, publicités sur lesquels seraient reproduits lesdits modèles, ceci par huissier et aux frais de la société DUN DON S.A.R.L.

Ordonne la société DUN DON S.A.R.L. de produire tous documents comptables, factures, bons de livraisons, états de ventes détaillés et stocks restant correspondant aux trois modèles contrefaisants et comprenant notamment leur prix de vente et leurs volumes depuis le 1er janvier 2010, dans le mois de la signification de la présente décision, sous peine, passé ce délai d'une astreinte de 50 euros par jour.

Condamne la société DUN DON S.A.R.L. à payer à la société FRANCE DENIM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes de la société appelante,

Condamne la société intimée en tous les dépens.