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Décisions

Cass. crim., 1 juin 2005, n° 04-87.757

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocat général :

M. Launay

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Metz, du 10 déc. 2004

10 décembre 2004

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Fabrice X... coupable d'escroquerie et l'a condamné à un an d'emprisonnement ferme ;

" aux motifs que l'article 313-1 du Code de procédure pénale (sic) est ainsi rédigé : "l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus de qualité, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'autrui, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un rôle (sic) opérant obligation ou décharge" ; qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que Fabrice X... a ouvert au début de l'année 2002 un compte bancaire à la "Société Générale" ; qu'un carnet de chèques lui a été remis ; que son compte était momentanément alimenté par la seule ressource dont il disposait : le RMI ; que, courant août 2002, étant, selon ses propres dires, "absolument sans ressources", le RMI n'étant plus versé, il a été amené à utiliser son carnet de chèques alors même qu'il savait -il ne le conteste pas- que son compte courant n'était plus approvisionné ; qu'il résulte également du dossier que Fabrice X..., dont le casier judiciaire est significatif (13 condamnations dont 4 pour escroqueries), a émis toutes les formules bancaires qu'il avait à sa disposition sur une brève période de temps entre le 16 août 2002 et le 22 août 2002 soit 7 jours, prenant de vitesse la "Société Générale" dont la première lettre invitant le prévenu à régulariser sa situation bancaire "dans les plus brefs délais et au plus tard le 25 août 2002" faute de quoi l'intéressé serait exposé à une interdiction d'émettre des chèques, n'a pu être envoyée que le 21 août 2002 ; qu'enfin, la quasi-totalité des chèques émis par le prévenu, à l'exception de deux d'un montant respectif de 43,20 euros et de 40 euros sont d'un montant élevé et pour certains même très conséquents (par exemple : 2099 euros - 2268 euros - 1800 euros - 1599 euros - 1899 euros) rendant par ailleurs incrédibles les dires du prévenu prétendant avoir agi de la sorte uniquement pour nourrir et habiller sa famille ;

" alors, d'une part, que la simple émission de chèques non provisionnés, en l'absence de fait extérieur ou acte matériel, mise en scène ou intervention de tiers, n'est pas constitutive de manoeuvres frauduleuses ; qu'en déclarant Fabrice X... coupable d'escroquerie, pour avoir uniquement émis des chèques à son nom, mais non provisionnés, sans constater par ailleurs aucun élément extérieur permettant de donner force et crédit à ce simple mensonge, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors, d'autre part, qu'en affirmant que Fabrice X... a émis toutes les formules bancaires qu'il avait à sa disposition, la cour d'appel, qui s'est bornée à constater la réitération d'un mensonge, mais pas l'existence de manoeuvres frauduleuses, a de nouveau violé les textes susvisés ;

" alors, enfin, que le fait que la cour d'appel ait relevé que Fabrice X... a émis ses chèques sur une courte période, ne permet de caractériser ni l'élément extérieur donnant force et crédit à son mensonge, ni le caractère déterminant des prétendues manoeuvres, les bénéficiaires desdits chèques étant dans l'ignorance totale de ces différents faits " ;

Vu l'article 313-1 du Code pénal ;

Attendu qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse, au sens de l'article précité, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ;

Attendu que, pour déclarer Fabrice X... coupable d'escroqueries, l'arrêt énonce que le prévenu a émis, en connaissance de cause, 23 chèques sans provision, d'un montant total de 17 527,54 euros ; que les juges ajoutent, pour écarter le moyen de défense tiré de l'absence de manoeuvres frauduleuses, que le prévenu a ainsi agi, sur une brève période de temps, entre le 16 août et le 22 août 2002, prenant de vitesse son établissement bancaire, dont la première lettre l'invitant à régulariser sa situation n'a pu lui être envoyée que le 21 août 2002 ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il ne ressort, à la charge du demandeur, que la constatation d'allégations mensongères qui, bien que formulées par écrit et de façon réitérée, ne peuvent constituer des manoeuvres frauduleuses, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe susénoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 10 décembre 2004.