Cass. crim., 28 septembre 2016, n° 15-84.485
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Planchon
Avocat général :
M. Wallon
Avocat :
SCP Spinosi et Sureau
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 et 321-1 du code pénal, L. 241-3 du code de commerce, 1832 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable d'abus de bien social et de recel d'escroquerie ;
" aux motifs qu'à l'audience, M. X... conteste le montant de 138 000 euros, expliquant qu'il a fondé sa société en Corse avec son épouse après la liquidation de la précédente et que l'objet social était l'expertise en assurance et non l'activité immobilière, la confusion provenant d'une erreur de l'INSEE ; qu'il précise avoir agi dans l'attente de l'arrivée d'un autre associé, qui a finalement fait défaut ; qu'il dit avoir ensuite traversé une période difficile en raison de son divorce, admettant qu'il a imité la signature de son épouse ; qu'il admet avoir couvert ses frais, personnels et professionnels avec les fonds de la société, disant qu'il a gratifié si maîtresse avec ces mêmes fonds sans penser à fraude ; que s'agissant de la pension alimentaire payée directement à son ex femme par la société, il affirme qu'il s'agissait en fait de ses honoraires et affirme que les services fiscaux ont bien retrouvé des déclarations de revenus personnels faites par lui au titre des années 2006 à 2009 ; qu'il ne conteste pas avoir établi un faux testament pour remplacer le vrai, qui avait disparu ; que par mémoire et à l'audience, l'avocat du prévenu soutient les arguments suivants :
- s'agissant de l'abus de biens sociaux, l'infraction n'est pas constituée faute d'élément matériel en raison de l'absence de preuve du montant retenu ; que faute d'élément légal, la société visée n'étant composée que d'un seul expert, et non deux, ce qui la rend fictive et nulle faute d'affectio societatis ; que faute d'arrêté de comptes, en raison de l'impossibilité de déterminer si les fonds appartenaient à l'intéressé ou à la société,
- s'agissant du recel d'escroquerie ; que faute d'élément matériel et légal car le délit d'escroquerie est prescrit (commis en 2001, début d'enquête en 2008) et il ne saurait porter sur un immeuble ; que faute d'élément intentionnel, Mme Huguette Z..., qui savait l'existence du vrai testament, n'ayant pas eu l'intention de commettre une infraction ; que les éléments ci-dessus exposés montrent que pendant plusieurs années, M. X..., qui se savait interdit bancaire, a créé avec son épouse une société commerciale et non une société d'exercice libéral, enregistrée à l'INSEE, dotée d'un compte bancaire, d'une adresse réelle, pour le compte de laquelle le prévenu a travaillé tout au long de cette période ; que les clients auxquels M. X... a eu à faire ont été sollicités au titre de cette société et l'ensemble des paiements ont été effectués sur les comptes de la société ; que dans ces conditions, c'est en vain que le prévenu se prévaut de l'illicéité de cette société à raison de la présence d'un seul expert au rang des associés ou d'un manque " d'affectio societatis " ; qu'en ce qui concerne le montant des détournements, il apparaît, au rebours des explications du prévenu, que c'est par faveur que le magistrat instructeur a retenu la somme de 138 000 euros, qui constitue un minimum, les enquêteurs ayant déduit dans leur calcul un forfait au titre des frais et autres, alors qu'en l'absence de la moindre pièce comptable, l'ensemble des sommes mises en évidence pouvait être retenu ; que l'examen des réquisitions bancaires démontre que ces sommes ont toutes été détournées, aux fins ci-dessus exposées, ce que l'intéressé ne conteste pas ; que s'agissant de l'élément intentionnel, la cour retient que M. X..., conscient de l'interdiction bancaire dont il était frappé, a mis en oeuvre un procédé de détournement permettant non seulement de contourner cette interdiction, mais aussi d'échapper à tout prélèvement fiscal, personnel ou au titre de son activité sociale, en veillant à ne laisser aucune trace comptable ; que l'élément intentionnel est ainsi caractérisé ; que, quant aux faits de recel, M. X... n'a pas contesté avoir commis un faux testament en parfaite connaissance de cause ; que s'il a produit ultérieurement un testament argué de vrai, rien n'a permis d'en établir l'authenticité ; que le recel, délit continu, ne saurait se prescrire que pour autant qu'il cesse ; que si les faits dont d'escroquerie dont provient le recel poursuivi ont été commis plus de trois années avant le déclenchement de l'enquête, tel n'est pas le cas de la possession par M. X..., de manière directe ou indirecte dans des conditions qu'il maîtrise, ou de l'utilisation du bien recelé ; que c'est en parfaite adéquation avec la loi pénale, qui prévoit que le recel peut porter sur toute chose, que le magistrat instructeur a retenu un bien immeuble dans son ordonnance de renvoi ;
" 1°) alors que la remise d'immeubles construits n'entre pas dans les prévisions de l'article 313-1 du code pénal ; qu'en déclarant M. X... coupable d'avoir recelé une maison d'habitation provenant d'une escroquerie, lorsque le recel ne peut pas porter sur un immeuble, dès lors que celui-ci ne peut pas être l'objet de l'infraction originaire, la cour d'appel a méconnu les articles 313-1 et 321-1 du code pénal ;
" 2°) alors que l'abus de bien social suppose qu'une société commerciale ait été valablement constituée ; que le contrat de société exige, comme conditions essentielles de sa formation, l'intention des parties de s'associer, des apports réciproques faits en vue de la constitution d'un fonds social et la participation de chacun des associés aux bénéfices et aux pertes de l'entreprise ; que la société consultants expertises est une société d'experts ne pouvant, dès lors, valablement exister qu'en présence de deux associés experts, seuls ces derniers pouvant être animés par l'affectio societatis ; qu'en jugeant, pour déclarer le prévenu coupable d'abus de biens sociaux, qu'il est vain de soutenir l'inexistence de cette condition, aux motifs inopérants que la société était dotée d'un compte bancaire, d'une adresse réelle, que les clients auxquels le prévenu a eu à faire ont été sollicités au titre de cette société et que l'ensemble des paiements ont été effectués sur les comptes de la société, sans interpréter, ainsi qu'elle y était invitée, la volonté des parties pour apprécier l'existence de l'affectio societatis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors qu'en jugeant que c'est en vain que le prévenu se prévaut de l'illicéité de la société à raison de la présence d'un seul expert au rang des associés ou d'un manque d'affectio societatis, tout en relevant que Mme Luigina A...a effectivement servi de prête-nom en acceptant de figurer dans les statuts d'une société dont elle ne s'est jamais préoccupée par la suite mais au fonctionnement de laquelle elle n'a pas eu accès, circonstance excluant tout affectio societatis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que M. X... a créé, en 2004, avec son épouse, qui n'était qu'un prête-nom, la société commerciale AD consultants qui a exercé son activité d'expertise immobilière et en assurance sous l'enseigne DEA expertises ; qu'il ne conteste pas avoir, entre 2006 et 2008, utilisé les fonds de cette société, pour un montant total de 138 000 euros, pour ses besoins personnels ; que, par ailleurs, il a reconnu avoir, en 2001, établi un faux testament présentant sa mère comme l'unique ayant droit de son oncle défunt, permettant ainsi à celle-ci d'hériter de ce dernier, outre des sommes versées sur une assurance-vie, d'une villa localisée à Porticcio dont elle a fait donation de la nue-propriété au demandeur ;
Attendu que le tribunal correctionnel devant lequel le prévenu a été renvoyé des chefs d'abus de biens sociaux et de recel d'escroquerie, l'a déclaré coupable et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 50 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer ; que le prévenu, ainsi que le procureur de la République, ont interjeté appel de cette décision ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de l'infraction de recel de l'escroquerie commise par sa mère, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, l'escroquerie peut porter sur un immeuble, lequel constitue un bien au sens de l'article 313-1 du code pénal ;
Que, dès lors, le grief allégué n'est pas fondé ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches :
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit d'abus de biens sociaux, l'arrêt relève que la société AD consultants était de forme commerciale, régulièrement enregistrée à l'INSEE et exerçait une activité réelle ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'aucune action en nullité n'a été engagée du fait d'un fonctionnement étranger aux règles légales à l'égard de la société AD consultants, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit septembre deux mille seize.