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Décisions

Cass. crim., 1 octobre 1986, n° 84-94.124

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ledoux

Rapporteur :

M. Bayet

Avocat général :

M. Dontenwille

Avocats :

Société civile professionnelle Desaché-Gatineau, Société civile professionnelle Urtin-Petit, Rousseau-Van-Troeyen et M. Hennuyer

Versailles, du 12 juill. 1984

12 juillet 1984

Sur les faits ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'une vérification opérée en 1979 par les responsables de la société " Iveco-Unic SA " à Trappes et de l'enquête qui en est résultée, il a été découvert de nombreux détournements de pièces détachées commis depuis 1976 au préjudice de cette entreprise par Jacques A..., chef du service " administration des ventes au département pièces de rechanges " avec la complicité notamment de Claude B..., responsable du service " réclamations ", tous deux employés de ladite société, pour le compte de Ampelio X..., président de la société italienne " Ampelio X..." à Padoue, de Victor Z... et Bernard Y..., respectivement directeur général et responsable du service après-vente à la S. A. " Lacampagne " ainsi qu'au profit d'autres entreprises ; que les intéressés ont été respectivement poursuivis devant la juridiction correctionnelle des chefs d'abus de confiance, complicité de ce délit et recel d'abus de confiance ;

En cet état ;

I. - Sur le pourvoi de la société anonyme " Lacampagne " ; (sans intérêt) ;

II. - Sur le pourvoi formé par Ampelio X... ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 203, 382, 591, 593 et 693 du Code de procédure pénale ;

" en ce que la Cour d'appel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par X..., prévenu de recel ;

" aux motifs d'une part que " c'est par des coups de téléphone donnés d'Italie en France à B..., que X... Ampelio déclenchait en toute connaissance de leur caractère frauduleux des sorties à son profit de marchandises (obtenues par la fraude) ; que les commandes passées téléphoniquement ou par télex par X... Ampelio constituent, au sens de l'article 693 du Code de procédure pénale, l'acte caractérisant l'élément intentionnel du délit de recel, lequel ayant été accompli en France, justifie que ce délit soit poursuivi dans ce pays " ;

" alors d'une part que ne peut être réputée commise en France qu'une infraction dont au moins un élément matériel a pris place sur le territoire national ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait retenir la compétence de la juridiction française à partir de la localisation en France du seul élément intentionnel du délit de recel imputé au prévenu ;

" alors d'autre part, en toute hypothèse, qu'il ressortait des propres constatations de fait de l'arrêt attaqué que X... avait passé d'Italie, par télex et communications téléphoniques, les commandes retenues comme caractérisant l'élément intentionnel du délit de recel ; qu'en énonçant que ces actes avaient été accomplis en France, la Cour d'appel s'est contredite ;

" aux motifs d'autre part " que des opérations frauduleuses ont été commises par A... et B... au préjudice de la société Iveco-Unic " ; " que bien qu'il ne soit pas poursuivi du chef de complicité des délits imputés à A... et B..., les faits à la charge de X... Ampelio, constitutifs du délit de recel, se rattachent aux faits principaux à la charge de A... et B... (abus de confiance) dont ils ne sont qu'une résultante et dont il est impossible de les détacher " ; " qu'on se trouve donc bien en l'espèce dans un cas d'indivisibilité entre des infractions commises en France et à l'étranger " ;

" alors que l'indivisibilité entre une infraction commise à l'étranger, cause de prorogation de la compétence de la juridiction française à l'égard de l'infraction commise à l'étranger, suppose l'existence entre les faits constitutifs de ces deux infractions d'un rapport de dépendance tel, que ces faits apparaissent indissociables ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de fait de l'arrêt attaqué qu'il n'existait qu'un rapport de succession chronologique entre, d'une part, l'abus de confiance entièrement conçu et réalisé en France par A... et B..., dont il est expressément relevé par l'arrêt que X... n'était pas le complice, et, d'autre part, le recel ensuite reproché à X..., dont A... et B... n'étaient pas les complices ; qu'en estimant, dans de telles circonstances de fait, que les deux infractions étaient indivisibles, l'arrêt attaqué s'est contredit " ;

Attendu que pour écarter l'exception d'incompétence soulevée in limine litis par Ampelio X..., poursuivi pour recel d'abus de confiance et tirée de ce que le prévenu étant de nationalité italienne ayant toujours demeuré en Italie, le délit de recel qui lui est imputé est censé avoir été commis en ce pays, la Cour d'appel, après avoir relevé que soit par des coups de téléphone donnés en France à B..., tantôt au siège de son employeur à Trappes, tantôt à son domicile personnel à Brétigny, soit par des télex adressés à la société Lacampagne à Pau qui les transmettait à B..., X... déclenchait en toute connaissance de leur caractère frauduleux des sorties à son profit de marchandises dont il savait que, grâce à la fraude, elles ne seraient jamais payées à la société " Iveco-Unic SA ", en déduit que l'article 693 du Code de procédure pénale dont les prévisions sont applicables à l'espèce, justifie que le délit reproché soit poursuivi en France ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, abstraction faite de tous autres surabondants et non déterminants, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision sur la compétence ;

Qu'en effet, la prise de possession en France d'objets de provenance frauduleuse, réalisée par l'intermédiaire de tiers agissant pour le compte d'un étranger résidant hors du territoire national, caractérise l'élément matériel constitutif du délit de recel reproché à ce dernier justifiant la compétence de la juridiction répressive française ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

III. - Sur le pourvoi formé par la société " Iveco-Unic SA " partie civile (sans intérêt) ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.