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Décisions

Cass. crim., 16 décembre 1997, n° 96-82.509

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Milleville

Rapporteur :

M. de Larosière de Champfeu

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Monod, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Tiffreau et Thouin-Palat, MM. Foussard, Garaud

Rennes, du 13 mars 1996

13 mars 1996

Sur les faits et la procédure :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que des bureaux d'études et des centrales d'achat, les sociétés Urba Technic et Gracco, appartenant toutes deux au groupe Urba, la Société Auxiliaire Générale d'Etudes et de Services (SAGES), et la société Bretagne Loire Equipement (BLE), ont proposé à des entreprises de les aider à obtenir des marchés publics, en leur servant d'intermédiaires auprès de diverses collectivités publiques situées dans le département de la Sarthe ;

Que les entreprises ayant accepté cette assistance et dont la candidature a été retenue ont versé aux intermédiaires une rémunération d'un montant, convenu à l'avance, d'environ 2 % du prix du marché, après avoir reçu une facture demandant le paiement d'une assistance commerciale ; que les responsables des entreprises ont souligné que, si le recours à ces intermédiaires était indispensable pour obtenir les marchés, aucune prestation n'avait été apportée en contrepartie des rémunérations ;

Que l'information a établi qu'une grande partie des fonds ainsi collectés par ces intermédiaires a été utilisée au financement de l'activité de partis politiques et des frais engagés lors de campagnes électorales ;

Que Gérard X..., dirigeant du groupe Urba, Jean-Louis Y..., directeur d'Urba Technic, Jean-Jacques B... et Christian A..., dirigeants de Gracco, Gérard E..., président de BLE, Michelle G... et Alain L..., représentants de cette société dans la Sarthe, et C..., directrice commerciale de la SAGES, sont poursuivis pour avoir commis, de 1988 à 1991, les délits de trafic d'influence, de faux et d'usage de faux en écritures privées, et de complicité de ces infractions ;

Que Jean-Pierre Z..., gérant de la société Multiservices, appartenant au groupe Urba, et Henri D..., alors trésorier du Parti socialiste, sont poursuivis pour recel de fonds provenant du trafic d'influence commis par les dirigeants d'Urba ;

En cet état ;

I. Sur les pourvois de Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Pierre Z..., Christian A..., Jean-Jacques B..., Henri D..., Gérard E..., Alain L..., et Michelle G... :

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Pierre Z..., Christian A... et Jean-Jacques B..., pris de la violation des articles 80, 81, 101, 646, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré n'y avoir lieu à statuer sur l'inscription de faux ni surseoir à statuer sur le fond jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur le faux par la juridiction compétente ;

" aux motifs que, si le 1er mars 1995, Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Jacques B..., Jean-Pierre Z..., Christian A... se sont inscrits en faux contre la note du 5 janvier 1991 du juge Jean-Pierre figurant au dossier de la présente procédure en faisant valoir que le juge aurait commis un faux en indiquant dans cette note avoir reçu une communication téléphonique anonyme de M. C..., alias H... ;

" alors que, dans son livre publié en septembre 1991, il reconnaît qu'il n'ignorait pas l'identité de son interlocuteur et que ce document étant écrit par un magistrat, signé par lui et constatant un fait matériel dont il a été le témoin et l'auteur, il s'agit d'un acte authentique dont la fausseté du contenu en fait un faux en écritures publiques, il s'avère toutefois que la note du 5 janvier 1991 n'a que la valeur d'un simple renseignement signalant l'existence du témoin Pierre K...pouvant éclairer le magistrat instructeur sur les circonstances de l'accident sur lequel il informait ; que par application de l'article 101 du Code de procédure pénale, consigner ce renseignement par une note était inutile, le juge pouvant entendre le témoin Pierre K...sans cette formalité ; qu'il s'en déduit que les faits sur lesquels repose le faux allégué n'apparaissent pas de nature à exercer une influence sur la présente procédure ; qu'il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges ;

" alors que, d'une part, toute constatation faite par un juge dans l'exercice et les limites de ses attributions de faits matériels accomplis par lui fait foi jusqu'à inscription de faux, de sorte que le fait par un juge d'instruction dans une note rédigée puis signée de lui-même et insérée dans un dossier en cours d'affirmer mensongèrement avoir reçu une communication anonyme ce magistrat ayant quelque temps plus tard admis qu'il connaissait l'identité de son interlocuteur est susceptible de constituer un faux en écritures publiques imposant en l'espèce à la juridiction de jugement dûment avisée de la mise en oeuvre d'une procédure d'inscription de faux incident de surseoir à statuer, la gravité d'un tel acte commis par un magistrat contredisant au principe fondamental de la loyauté dans la recherche de la preuve et par là même viciant nécessairement la totalité de la procédure sans même qu'il y ait lieu de rechercher si les investigations ultérieures avaient ou non pour indispensable fondement la pièce arguée de faux ;

" et alors que, d'autre part, la liberté d'investigation conférée au juge d'instruction par l'article 81 comme par l'article 101 du Code de procédure pénale ayant toutefois pour nécessaire limite celle de la saisine du juge d'instruction qui ne saurait procéder à des investigations telles des auditions de témoins sans lien apparent avec les faits visés dans la plainte avec constitution de partie civile ou le réquisitoire, la cour d'appel, qui a ainsi considéré que le juge d'instruction aurait pu procéder à l'audition du témoin Pierre K...en s'abstenant de consigner l'existence de l'appel téléphonique du 5 janvier 1991 dans la note litigieuse considérée par elle comme inutile, sans s'expliquer sur les liens apparents pouvant exister entre ce témoin et les renseignements régulièrement recueillis par le juge Jean-Pierre à la date du 5 janvier 1991 ni rechercher par conséquent si cette audition s'inscrivait bien dans l'étendue de la saisine du juge d'instruction, ne met pas la Chambre Criminelle en mesure de s'assurer du bien-fondé de l'appréciation par la Cour selon laquelle le faux allégué n'apparaît pas de nature à exercer une influence sur la présente procédure " ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Henri D..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 80, 81, 101 et suivants, 172 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que la cour d'appel a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'inscription de faux en écritures publiques dirigée contre la note manuscrite du 5 janvier 1991 du juge d'instruction, M. Jean-Pierre, ni de surseoir à statuer sur l'inscription de faux jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur le fond par la juridiction compétente ;

" aux motifs que, saisie d'un moyen faisant grief à la chambre d'accusation d'avoir, par son arrêt du 7 mai 1992, refusé d'annuler la note litigieuse et la procédure subséquente, " la Chambre Criminelle, par arrêt du 13 octobre 1992, a approuvé la décision de la chambre d'accusation en ces termes : " qu'ainsi que (les juges) l'observent, il s'agit seulement d'un renseignement signalant l'existence d'un témoin pouvant éclairer le magistrat instructeur sur les circonstances de l'accident sur lequel il informait et non pas un témoignage recueilli dans des conditions irrégulières pouvant porter atteinte aux droits de la défense ; que l'audition postérieure du témoin, quelle que soit la teneur des propos enregistrés, n'excède pas les limites de la saisine du juge d'instruction dès lors que celui-ci se borne à les consigner puis, comme tel a été le cas, à communiquer la procédure au ministère public aux fins de réquisitions éventuelles " ; " que cette argumentation de la chambre d'accusation approuvée par la Cour de Cassation demeure pertinente pour apprécier la portée du faux allégué dans la présente instance ; que la Cour s'y réfère expressément ; " que la note du 5 janvier 1991 n'a que la valeur d'un simple renseignement signalant l'existence du témoin Pierre K...pouvant éclairer le magistrat instructeur sur les circonstances de l'accident sur lequel il informait ; que par application de l'article 101 du Code de procédure pénale, consigner ce renseignement par note était inutile, le juge pouvant entendre le témoin Pierre K...sans cette formalité ; " qu'il s'en déduit que les faits sur lesquels repose le faux allégué n'apparaissent pas de nature à exercer une influence sur la présente procédure " ;

" alors que, d'une part, tous les actes d'un juge d'instruction, et en particulier les notes et renseignements qu'il recueille et qu'il verse au dossier, doivent, quels qu'en soient les effets juridiques, faire la preuve de leur authenticité, sous peine de faux en écritures publiques de nature à vicier la procédure subséquente, dès lors que le juge d'instruction a poursuivi ses investigations sur de tels actes ; " qu'en l'espèce, le juge d'instruction Jean-Pierre a versé régulièrement au dossier une note rendant compte d'une conversation avec un dénonciateur qu'il présentait comme anonyme, alors qu'il est acquis qu'il ne l'était pas, puis a procédé, à partir de cette note, à l'audition d'un témoin interrogé sur le contenu de ladite conversation, et, enfin, a sollicité l'ouverture d'une information supplétive ; qu'il appartenait dès lors aux juges du fond, saisis d'une procédure de faux en écritures publiques contre cette note qui a été versée au dossier et qui a provoqué nécessairement l'audition d'un témoin, comme l'a reconnu le juge d'instruction, de statuer sur cet incident et d'annuler la procédure subséquente ; qu'en se bornant à retenir cependant que cette note n'avait que la valeur d'un simple renseignement et à affirmer qu'elle était " inutile " et que " le juge aurait pu se dispenser de cette formalité " (sic), la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors que, d'autre part, en l'état d'une note par laquelle le juge d'instruction s'est livré à la consignation officielle d'un entretien téléphonique qu'il a reconnu avoir faussement présenté comme anonyme, la cour d'appel ne pouvait qualifier le versement de cette note au dossier de " formalité inutile " sans rechercher si, en agissant de la sorte, le juge d'instruction n'avait pas manqué à son devoir de loyauté et n'avait pas méconnu les droits de la défense " ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Michelle G..., Gérard E..., et Alain L..., pris de la violation des articles 591, 593 et 646 du Code de procédure pénale et de l'article 6 b et d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'inscription de faux, ni de surseoir à statuer sur le fond jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur le faux par la juridiction compétente ;

" aux motifs que le juge d'instruction, M. Jean-Pierre, a établi, le 5 janvier 1991, une note manuscrite ainsi libellée : " mentionnons avoir reçu ce jour à 10 heures 30 une communication téléphonique anonyme d'un M. C..., alias H..., affirmant que le docteur K...aurait des révélations à faire sur les causes indirectes de l'accident du travail de l'îlot 7, et notamment sur le rôle joué par la Codefi dans le montage financier du chantier dont les coûts en matière de sécurité auraient été volontairement réduits, le chantier n'étant pas rentable intrinsèquement " ; que, dans un livre publié en septembre 1991 intitulé " Bon Appétit Messieurs ! ", le juge d'instruction, M. Jean-Pierre, écrit page 80, sous le titre " Le Mans, le 5 janvier 1991 " : " Dans notre métier, les dénonciations sont monnaie courante. Elles sont rarement anonymes, mais leurs auteurs souhaitent généralement demeurer dans l'ombre. Je n'ignore pas l'identité de celui qui m'appelle aujourd'hui. Nous choisissons ensemble son pseudonyme, il s'appellera M. F... Il " pratique " le parti social depuis tellement d'années qu'il en connaît parfaitement le fonctionnement. Mais, il semble être expert sur le plan national, il l'est au moins sur le plan local. Ce qu'il souhaite me dire, sous couvert de l'anonymat est suffisamment intéressant pour que je consigne ses déclarations dans une note que je joins au dossier de l'accident de l'îlot 7 " ; qu'au cours de l'instruction, les prévenus ont demandé à la chambre d'accusation de Rennes d'annuler cette note du 5 janvier 1991 et la procédure subséquente ; que par arrêt du 7 mai 1992, la cour d'appel a dit n'y avoir lieu à annulation de cette pièce pour les motifs suivants :

" 1° rien n'obligeait le juge à faire apparaître dans son dossier l'existence de cet appel anonyme justifiant ainsi l'audition ultérieure dans les formes régulières du docteur K...;

" 2° il s'agit d'un simple renseignement n'ayant aucune force ni valeur probante et dont on ne peut tirer aucun argument à charge ou à décharge en l'absence de déclaration sur le fond de l'affaire ;

" 3° une telle note ne saurait être assimilée à une audition d'un témoin ;

" 4° il n'apparaît pas que l'interlocuteur du juge ait donné son nom ou révélé son identité et en tout cas il n'est pas contestable que cette personne désirait tout particulièrement demeurer anonyme et, s'il eût été plus conforme à la réalité de mentionner l'existence d'une communication d'une personne " désirant conserver l'anonymat " il ne résulte du terme " anonyme " employé aucune conséquence particulière de nature à nuire aux droits de la défense ;

" 5° aux termes de l'article 101 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction peut entendre toute personne dont la déposition lui paraît utile sans qu'il ait à justifier des raisons ou des circonstances qui le conduisent à procéder à cette audition ; que dès lors, la note manuscrite du 5 janvier 1991 faisant état de la dénonciation sous couvert d'anonymat du docteur K...comme témoin n'était pas nécessaire et ne saurait par suite faire grief aux droits de la défense ; que la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, par arrêt du 13 octobre 1992, a approuvé la décision de la chambre d'accusation en ces termes : " qu'ainsi que (les juges) l'observent, il s'agit seulement d'un renseignement signalant l'existence d'un témoin pouvant éclairer le magistrat instructeur sur les circonstances de l'accident sur lequel il informait et non pas un témoignage recueilli dans des conditions irrégulières pouvant porter atteinte aux droits de la défense ; que l'audition postérieure du témoin, quelle que soit la teneur des propos enregistrés, n'excède pas les limites de la saisine du juge d'instruction, dès lors que celui-ci se borne à les consigner puis, comme tel a été le cas, a communiqué la procédure au ministère public aux fins de réquisition éventuelle " ; que Michelle G..., Gérard E... et Alain L... soutiennent que la note manuscrite du 5 janvier 1991 constitue un faux en écriture publique ; qu'ils demandent à la Cour de constater ce faux et d'annuler en conséquence la procédure subséquente ou subsidiairement procéder à l'instruction nécessaire sur ce faux et, dans l'attente, surseoir à statuer ; que l'argumentation de la chambre d'accusation, approuvée par la Cour de Cassation, demeure pertinente pour apprécier la portée du faux allégué dans la présente instance ; que la note du 5 janvier 1991 n'a que la valeur d'un simple renseignement signalant l'existence du témoin Pierre K...pouvant éclairer le magistrat instructeur sur les circonstances de l'accident sur lequel il informait ; que par application de l'article 101 du Code de procédure pénale, consigner ce renseignement par note était inutile, le juge pouvant entendre le témoin Pierre K...sans cette formalité ; qu'il s'en déduit que les faits sur lesquels repose le faux allégué n'apparaissent pas de nature à exercer une influence sur la présente procédure (arrêt attaqué, p. 24 à p. 26) ;

" alors que, premièrement, le prévenu a le droit de faire entendre ou à être confronté à toute personne ayant connaissance des faits poursuivis, même si cette personne a souhaité conserver l'anonymat ; que l'inscription de faux à l'égard d'un élément du dossier d'instruction, qui a pris de simples renseignements prétendument anonymes, permet au prévenu, soit d'avoir connaissance de l'identité de l'auteur de cette déclaration et, le cas échéant, de le faire entendre et d'y être confronté, soit de faire constater que, ne pouvant avoir connaissance de son identité, il ne dispose pas de tous les moyens nécessaires à sa défense ; qu'en décidant qu'il n'y a lieu ni à statuer, ni à surseoir à statuer sur la procédure de faux incident dirigée contre la note du 5 janvier 1991 du juge Jean-Pierre, quand bien même l'identité de l'auteur de l'appel anonyme était connue de ce magistrat, la cour d'appel a privé Gérard E..., Michelle G... et Alain L... du droit d'entendre cette personne, d'y être confrontés ou de faire constater l'impossibilité d'assurer leur défense ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors que, deuxièmement les demandeurs ignorent si l'auteur prétendument anonyme des renseignements consignés dans la note litigieuse est intervenu sous son identité au cours de la procédure et que dès lors, ne pouvant connaître l'auteur de chaque déclaration consignée, ils n'ont pu utilement combattre les éléments de preuve recueillis contre eux ; qu'en refusant de statuer ou de surseoir à statuer sur la procédure de faux incident, la cour d'appel les a non seulement privés de la possibilité de contrôler le déroulement de l'instruction, mais a également méconnu le principe de l'égalité des armes ;

" alors que, troisièmement, en ne s'expliquant pas sur les déclarations du juge Jean-Pierre dans son ouvrage intitulé " Bon Appétit Messieurs ! ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; " alors que, quatrièmement, et enfin, l'annulation d'une pièce arguée de faux incident entraîne la nullité de tout acte s'y rapportant ; que les déclarations du docteur K...sont motivées par la note du 5 janvier 1991 ; qu'ainsi l'annulation de cette note aurait entraîné nécessairement l'annulation du procès-verbal de son audition ; qu'en décidant que l'annulation de la note litigieuse serait indifférente quant à la procédure subséquente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'après avoir formé, devant le tribunal correctionnel, une demande en inscription de faux contre un acte d'information établi en janvier 1991, les prévenus ont demandé à la juridiction de jugement qu'elle constate la fausseté de cet acte et prononce son annulation, ainsi que celle de la procédure ultérieure ;

Attendu que, si c'est à tort que la juridiction du second degré a cru devoir statuer sur ces demandes, qui tendent à l'annulation d'actes de l'information sans faire état de motifs de nullité apparus après le renvoi devant la juridiction de jugement, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure, dès lors que ces demandes sont irrecevables en vertu de l'article 595 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que les moyens, qui les reprennent devant la Cour de Cassation, le sont également ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Henri D..., pris de la violation des articles 178, 179 et 460 du Code pénal, 180, 206, 288, 593 et 681 ancien du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué, pour déclarer Henri D... coupable du délit de recel de trafic d'influence et le condamner à diverses peines, a considéré que les faits reprochés relevaient bien de la compétence de la juridiction d'instruction désignée par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, et donc de la juridiction du fond ;

" aux motifs que le procureur de la République du Mans a, par réquisitoire supplétif du 11 janvier 1991, mis en mouvement l'action publique pour extorsion de fonds, faux, usage de faux et complicité, en visant un procès-verbal d'audition du docteur K...qui révélait l'existence dans la Sarthe d'un réseau de financement occulte de partis politiques par l'intermédiaire de sociétés collectant des fonds utilisés ensuite pour régler les dépenses de campagnes électorales (p. 38, 2e alinéa) ; que, dès lors, la juridiction d'instruction désignée par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, était valablement saisie à l'égard de quiconque avait concouru à l'emploi de ces fonds, d'autant qu'elle n'était pas liée par la qualification donnée par le procureur de la République à ces faits ;

" alors que la saisine exceptionnelle de la chambre d'accusation, en application de l'article 681 du Code de procédure pénale déroge aux règles ordinaires de compétence et est limitée aux faits visés dans l'arrêt de désignation de la Cour de Cassation ; qu'elle ne saurait non plus s'étendre à d'autres personnes que celle visée par l'arrêt de désignation et dépourvue de tout lien de complicité et de coaction avec les faits imputés à celle-ci ; " qu'en l'espèce, par arrêt du 27 juin 1991, puis par arrêt du 4 mars 1992, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a désigné la chambre d'accusation de Rennes pour connaître des poursuites pouvant être engagées contre diverses personnes pour des faits susceptibles de caractériser des délits de corruption et trafic d'influence ; que, dès lors, la chambre d'accusation était incompétente pour instruire sur des faits totalement distincts de recel qui auraient concerné Henri D..., ni ces faits ni leur auteur supposé n'étant visés par l'arrêt de désignation " ;

Attendu qu'Henri D... a soutenu que, faute de désignation faite en application des articles 679 à 688 du Code de procédure pénale alors applicables, les juges n'étaient pas compétents pour connaître du délit de recel de trafic d'influence qui lui est reproché ;

Attendu que, pour écarter cette exception, la cour d'appel énonce que, le 11 janvier 1991, l'action publique a été mise en mouvement pour extorsion de fonds, faux, usage de faux et complicité, par un réquisitoire du procureur de la République du Mans, visant une audition, en qualité de témoin, du docteur K..., qui révélait l'existence, dans le département de la Sarthe, d'un réseau illicite de financement du Parti socialiste par l'intermédiaire des sociétés du groupe Urba ;

Que l'arrêt retient que la juridiction d'instruction était saisie dès l'origine à l'égard de quiconque avait concouru à la collecte de ces fonds et à leur emploi à des fins de financement politique, sans que le délit de recel eût besoin d'être visé, cette qualification, applicable aux faits reprochés à Henri D..., ressortant de l'audition initiale du docteur K...;

Que la cour d'appel en déduit que ces faits de recel ont été compris dans la saisine de la juridiction d'instruction régulièrement désignée par la Cour de Cassation ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

Qu'en effet, la qualification retenue lors de l'engagement des poursuites ne lie pas les juridictions d'instruction et de jugement, qui ont le devoir de restituer aux faits dont elles sont saisies leur véritable qualification ;

Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Henri D..., pris de la violation de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, de l'article 26 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, des articles 59, 60, 178, 179, 460, 121 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri D... coupable du délit de recel de trafic d'influence et l'a condamné de ce chef à diverses peines ;

" aux motifs qu'en sa qualité de trésorier, il lui incombait d'assurer des subsides au Parti socialiste (p. 35, dernier alinéa) ; " qu'entendu le 12 juin 1991 par la Commission d'enquête parlementaire en qualité de trésorier du Parti socialiste, qualité qu'il n'a pas alors déniée, Henri D... a donné sur les sources de financement du parti et les difficultés qu'il rencontrait à cet égard des informations précises qui témoignent qu'il assurait pleinement les fonctions qui lui avaient été dévolues... " (p. 36, 1er alinéa) ; " que Henri D... connaissait suffisamment le fonctionnement du groupe Urba pour déclarer qu'il était répréhensible, au stade de la distribution des fonds collectés, qu'il a qualifié lui-même d'abus de biens sociaux ;... que ses liens avec ce groupe l'ont nécessairement conduit à interroger les responsables sur les modalités de collecte des fonds, étant observé qu'Henri D..., pour justifier la dissolution du groupe Urba, a invoqué devant la Commission parlementaire le montant élevé des frais généraux, soit 40 %, dévorant ainsi, disait-il, la substance qu'il était censé générer, alors même que ce montant pouvait apparaître faible pour une entreprise offrant une réelle prestation dans la mesure où, en l'état de son fonctionnement, 60 % du chiffre d'affaires du groupe Urba constituaient des bénéfices, affectés en totalité aux besoins du Parti socialiste, pourcentage très élevé ainsi que le faisait observer le rapporteur de la commission ;... que cette Commission l'a ainsi interrogé : " M. M...qui connaissant sans nul doute à la fois les méthodes et les résultats obtenus par Urba Gracco, vous en a-t-il informé ? " Henri D... a répondu : " Malgré les difficultés, les socialistes se parlent encore et donc évidemment nous en avons parlé M. M...et moi-même " ; qu'ainsi, l'élément matériel du recel est établi " dès lors que des charges dont le paiement incombait à Henri D... ont été réglées par des tiers au moyen des sommes obtenues frauduleusement " (p. 37, 5e alinéa) ;

" alors que, d'une part, aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en se fondant sur des déclarations officielles d'Henri D..., en qualité de parlementaire et de trésorier d'une formation politique, devant une Commission d'enquête parlementaire, déclarations ressortissant par leur nature à l'exercice de la fonction de son mandat de député, pour renvoyer ce dernier devant un tribunal correctionnel, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;

" alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, les déclarations officielles recueillies lors des auditions organisées par une Commission d'enquête parlementaire instituée en application de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ne peuvent servir de support légal à des poursuites ultérieures, organisées par l'autorité judiciaire, sans que soient méconnus les textes susvisés et notamment le principe de la séparation des pouvoirs " ;

Attendu qu'Henri D... a versé au dossier de l'information un exemplaire du rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur le financement des partis et des campagnes électorales sous la Ve République et de ses annexes ; que la cour d'appel a utilisé, comme élément de preuve au soutien de la déclaration de culpabilité de l'intéressé, la teneur de son audition devant ladite Commission ;

Que le demandeur ne saurait soutenir que les juges auraient ainsi méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ou l'irresponsabilité parlementaire prévue par l'article 26, alinéa 1er, de la Constitution, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas poursuivi pour des opinions et des votes émis dans l'exercice de son mandat mais pour des faits distincts, d'autre part, que son audition publique devant une commission d'enquête parlementaire, dont il n'était pas membre, n'est pas un acte prévu par les titres IV et V de la Constitution, et qu'enfin le contenu de cette audition a été soumis au débat contradictoire ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Michelle G..., Gérard E..., et Alain L..., pris de la violation de l'article 178 du Code de procédure pénale tel qu'il était applicable à l'époque des faits, de l'article 433-2 du Code pénal, les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Gérard E... à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 30 000 francs, Michelle G... et Alain L... à un an d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 francs ;

" aux motifs que la société Bretagne Loire Equipement (BLE) a été créée en 1974 sous la forme d'une société anonyme au capital de 1 500 000 francs, située à Lorient ; que Gérard E... est président de cette société depuis le 1er mars 1984, dissoute en avril 1993 ; qu'il a exercé l'activité de " promotion d'entreprise " consistant en une assistance commerciale des entreprises auprès des collectivités publiques sur 9 départements dont le département de la Sarthe dans lequel elle était bien implantée et représentée par les attachés commerciaux, Michelle G... de juin 1984 à 1989, et Alain L... à partir du 28 août 1989 ; que la relaxe en ce qui concerne l'affaire Novaxis est définitive ; que pour le surplus, tous les responsables d'entreprise ont déclaré que les représentants de BLE avaient pris l'initiative de leur proposer leurs services ; qu'ils ont précisé avoir contracté avec BLE, puis lui avoir versé des commissions, parce que les attachés commerciaux de cette société leur avaient fait comprendre qu'ils avaient des contacts avec les décideurs et qu'ils avaient intérêt à ce que BLE fasse la promotion de leurs entreprises auprès de ceux-ci pour obtenir les marchés ; qu'il est constant qu'en aucun cas l'assistance commerciale de BLE ne s'est traduite par la fourniture d'un document de travail (note, rapport, synthèse...) ou d'un justificatif des opérations qui auraient pu être réalisées ; que, si quelques chefs d'entreprise ont fait état de la nature relationnelle des prestations et de la communication d'informations recueillies auprès des décideurs, en revanche tous les autres ont relevé l'absence totale de prestations, le versement des honoraires ou commissions étant perçu comme une nécessité en vue de l'obtention d'un marché ; qu'il résulte des dépositions des responsables d'entreprise que l'efficacité de la SA BLE auprès des décideurs était liée à son appartenance au Parti communiste et à l'influence qu'elle pouvait ainsi exercer sur les élus locaux de même sensibilité ; qu'en outre les responsables étaient persuadés dès que la SA BLE était chargée de collecter des fonds pour le Parti communiste ; que la SA BLE, filiale de la SA GIFCO (à 95 %) et adhérente du GIE GICAP, a versé à ce dernier une cotisation annuelle sur ses honoraires de promotion d'entreprise de plus de 25 % HT de son chiffre d'affaires, 16, 32 % selon Gérard E..., et dépendait étroitement du groupe GIFCO-GICAP ; que le président du GIFCO, Jacques N..., ancien élu du Parti communiste qui est décédé, dirigeait lui-même l'" Espace-Collectivités " depuis 1985 à la Fête de l'Humanité, manifestation régie par l'Agence Centrale de Presse (ACP) qui partage ses locaux avec la SA L'Humanité (L'Humanité étant administrateur de l'ACP) ; que les sociétés du groupe GIFCO ont versé d'importantes redevances à cette agence en contrepartie des facilités qui leur étaient données par l'" Espace " dans leurs relations entre les entreprises et les donneurs d'ordre ; qu'ainsi BLE a payé à l'ACP, entre le 13 avril 1988 et le 16 juillet 1991, 1 079 145 francs ; que BLE a dépensé des sommes importantes pour des annonces et insertions parues dans leur quasi-totalité dans des publications du Parti communiste, des bulletins de municipalité communiste ou des fêtes organisées par le Parti communiste ou la CGT (1 483 703 francs entre 1988 et 1991) ;

que l'argent a circulé aussi entre les sociétés du groupe GIFCO ; qu'ainsi BLE s'était vue facturer par les sociétés Sopareco et Aprau, fin 1988, courant 1989, plus de 400 000 francs au titre d'honoraires forfaitaires pour " mission d'assistance commerciale " ; que ces factures se rapportent à des chantiers du Mans (Les Halles, Novaxis, Vauguyon et Les Maillets) pour lesquels BLE a perçu des honoraires " d'assistance commerciale " auprès de Sogea-Atlantic, Duval, Soprec, Dalla Vera ; qu'il a encore été constaté que, dans le département de la Sarthe, les factures émises par BLE entre 1988 et 1991 se rapportaient essentiellement à la ville du Mans, à la communauté urbaine du Mans, aux communes d'Allonnes et de Champagne, toutes dirigées à un moment par un représentant du Parti communiste ou en ce qui concerne la CUM, objet d'un partage du pouvoir entre le Parti et d'autres formations politiques ; que l'adéquation entre la coloration politique de BLE et celle des décideurs apparaît encore à travers les exemples de la ville du Mans et de la CUM où, en présence du partage de pouvoirs susévoqué, ont pu être observées à l'occasion de certains marchés, les interventions combinées, par voie cumulative, d'Urba Technic et Sages d'une part, de BLE d'autre part ; que le registre des employés de la société BLE révélait la présence de deux permanents du Parti communiste ; que Guy O..., quelques temps attaché commercial de BLE dans la Sarthe, a indiqué à Paul P..., gérant de la SARL Archibat 72, que la société BLE était filiale d'un groupe important appelé GIFCO qui appartenait au Parti communiste et lui a précisé que ce groupe était lié au financement du Parti communiste (SB. 28, p. 2) ; que l'ensemble de ces éléments montre l'appartenance de la SA BLE à une structure centralisée dont l'un des objets est d'assurer un financement occulte du Parti communiste ;

" alors que, premièrement, le trafic d'influence suppose que le prévenu ait cherché à obtenir personnellement divers avantages ; que la cour d'appel a décidé que Gérard E..., Michelle G... et Alain L... ont suscité le paiement de commissions destinées indirectement au financement des activités d'un Parti politique ; que faute d'avoir constaté que Gérard E..., Michelle G... et Alain L... ont personnellement bénéficié du paiement de ces commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" alors que, deuxièmement, et en toute hypothèse, si un Parti politique a pu bénéficier directement ou indirectement desdites commissions il ne s'expose à aucune incrimination, étant pénalement irresponsable ; qu'ainsi, faute d'infraction, il ne peut être reproché à Gérard E..., Michelle G... et Alain L... d'avoir participé même en tant que complices à un trafic d'influence " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Michelle G..., Gérard E..., et Alain L..., pris de la violation des articles 147 et 150 du Code pénal, applicables à l'époque des faits, des articles 441-1 et suivants du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a retenu la culpabilité de Gérard E... pour faux et usage de faux, et la culpabilité d'Alain L... pour complicité à ces infractions, et les a condamnés, respectivement, à une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 30 000 francs, et à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et une amende de 10 000 francs ;

" aux motifs que Gérard Q..., en sa qualité de président de la société BLE, Michelle G... et Alain L..., en leur qualité d'attachés commerciaux de cette société, ont participé personnellement aux faits de trafic d'influence dénoncés par les entreprises ; que si Michelle G... et Alain L... n'ont pas eux-mêmes établi des factures constitutives de faux, la prospection à laquelle ils se livraient auprès des entreprises et leur intervention directe dans la fixation des pourcentages des honoraires a rendu ces faux possibles ; qu'eu égard à la date de cessation d'activité de Michelle G... dans la Sarthe, en mai 1989, et aux dispositions de la loi d'amnistie du 15 janvier 1990, seul Alain L... a été renvoyé pour complicité de faux et usage de faux en écritures de commerce ; qu'il sera également retenu de ce chef dans les liens de la prévention ; que Gérard E... ne pouvait ignorer les conditions dans lesquelles Michelle G... et Alain L... ont exercé leurs fonctions de façon constante durant plusieurs années ; qu'il a au demeurant reconnu que ces personnes agissaient sur ses instructions et avaient des comptes à lui rendre ; qu'il signait seul les correspondances relatives à la facturation, les factures étant émises, expédiées et encaissées au siège de BLE ; qu'il échet d'entrer en voie de condamnation à son égard pour l'ensemble des faits visés à la prévention ;

" alors que les délits de faux et d'usage de faux supposent que le préjudice résulte de l'acte argué de faux ou de l'usage qui en est fait ; que, selon la cour d'appel, le paiement des commissions litigieuses était effectué dans l'espérance de l'obtention de marchés résultant de traités conclus avec l'autorité publique ; que l'arrêt attaqué a relevé que les factures prétendument fausses ont pu être un instrument permettant l'obtention de ces marchés, sans pour autant établir que ces fausses factures auraient été la cause des paiements litigieux ; que l'arrêt attaqué est privé de base légale " ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Pierre Z..., Christian A... et Jean-Jacques B..., pris de la violation des articles 178 de l'ancien Code pénal, 433-2 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré constitué à l'encontre de Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Jacques B... et Christian A... le délit de trafic d'influence et à l'encontre de Jean-Pierre Z... celui de recel de fonds provenant de ce trafic ;

" aux motifs que les responsables de certaines sociétés dépendant du groupe Urba ont sollicité ou reçu des dons de plusieurs entreprises, sans contrepartie autre que l'influence, réelle ou supposée, que les entrepreneurs prêtaient à ces sociétés sur les responsables chargés de décider en matière de marchés publics, lesquels étaient liés, comme les sociétés du groupe Urba, au Parti socialiste ; que les entrepreneurs espéraient ainsi une décision favorable à leurs intérêts ; que les dirigeants des sociétés du groupe Urba ont dès lors abusé d'une influence réelle ou supposée ; qu'il apparaît ainsi que les éléments matériels du délit de trafic d'influence sont établis en l'espèce ;

" alors que le délit de trafic d'influence suppose à tout le moins pour être constitué que l'influence promise consiste en l'emploi effectif ou annoncé de procédés coupables exercés sur des autorités ou administrations pour obtenir de leur part des décisions favorables et ne saurait résulter du simple fait d'avoir rempli le rôle d'intermédiaire entre des entreprises et des responsables de marchés publics dès lors qu'il n'est pas établi que ces derniers aient été victimes de pressions quelle qu'en soit la forme ; qu'il s'ensuit en l'espèce où, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges (jugement p. 38), dont les motifs ont été adoptés par la Cour, qu'il n'avait jamais été démontré que l'intervention du groupe Urba ait eu une incidence sur les procédures d'attribution des marchés publics, pas plus qu'il n'est relevé par la Cour l'existence de pressions exercées par ce groupe sur les autorités chargées de l'attribution des marchés publics, le délit de trafic d'influence ne se trouvait pas légalement constitué " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Gérard X..., Jean-Louis Y..., Christian A... et Jean-Jacques B..., pris de la violation des articles 150 et 151 de l'ancien Code pénal, 441-1 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Jacques B... et Christian A... coupables de faux et usage de faux en écritures de commerce pour avoir délivré ou fait délivrer des factures fictives à diverses sociétés et avoir encaissé ou fait encaisser ces factures ;

" aux motifs que les accords entre les entreprises et les sociétés du groupe Urba ont été la cause des factures émises pour rétribuer " l'assistance commerciale et administrative " prétendument fournie par ces sociétés ; qu'en réalité, cette assistance n'avait d'autre consistance que l'influence dont se prévalaient les sociétés du groupe Urba ou qui leur était prêtée par les entrepreneurs ; que les prestations étaient fictives ; que ces factures sont ainsi des faux ;

" alors que la Cour qui, à travers son analyse des déclarations des différents chefs d'entreprise, relève qu'à tout le moins la société Urba Gracco a joué un rôle d'intermédiaire en facilitant tant l'information des chefs d'entreprise sur l'existence et les conditions de divers marchés publics que les contacts de ceux-ci avec les décideurs locaux, n'a pas dès lors légalement justifié sa décision retenant l'absence de prestations fournies en contrepartie des factures litigieuses, le fait que la Cour ait pu considérer ces prestations comme inutiles parce que superflues ne leur conférant pas pour autant un caractère fictif " les moyens étant réunis ;

Attendu, d'une part, que, pour déclarer Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Jacques B... et Christian A..., dirigeants d'Urba, ainsi que Gérard E..., Michelle G... et Alain L..., animateurs de BLE, coupables de trafic d'influence, la cour d'appel énonce qu'ils ont, en exécution d'accords préalables, reçu des fonds d'entreprises ayant obtenu des marchés publics, pour rémunérer leur intervention auprès des élus chargés de les attribuer, appartenant au Parti socialiste lié au groupe Urba, ou au Parti communiste, que finançait BLE, et que ces prévenus ont ainsi abusé d'une influence réelle ou supposée ;

Attendu, d'autre part, que, pour déclarer les dirigeants précités d'Urba ainsi que Gérard E..., coupables de faux et d'usage de faux, et Alain L..., complice de ce dernier, l'arrêt retient qu'ils ont adressé ou fait adresser à des entreprises ayant obtenu des marchés des factures supposées rétribuer une prétendue " assistance commerciale ", laquelle était inexistante ; que la juridiction du second degré relève que ces factures contenaient des mentions contraires à la vérité et ajoute que leur montant a été encaissé ; que les juges en déduisent que ces factures sont des faux ;

Attendu, par ailleurs, que, pour déclarer Jean-Pierre Z... coupable de recel, l'arrêt retient que le produit du trafic d'influence commis dans le cadre des sociétés Urba Conseil et Gracco a été versé à la société Multiservices qu'il dirigeait, et qu'il a utilisé ces fonds, en connaissant leur origine frauduleuse, pour payer des dépenses électorales engagées dans l'intérêt du Parti socialiste ; Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance, et dès lors que constitue un faux le fait d'établir, en vue de justifier des mouvements de fonds en comptabilité, des pièces justificatives inexactes concernant les opérations correspondantes, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que les moyens ne sauraient, dès lors, être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Henri D..., pris de la violation des articles 59, 60, 178, 179 et 460 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri D... coupable du délit de recel de trafic d'influence et l'a condamné de ce chef à diverses peines ;

" 1° aux motifs, d'une part, qu'il incombait à Henri D... de veiller aux moyens d'assurer les subsides du Parti socialiste ; que les liens entre ce parti et le groupe Urba ne sont pas discutés (p. 36, 2e alinéa) ; qu'il est établi qu'à l'époque où Henri D... exerçait ses fonctions, il était en relation avec Gérard X... pour l'affectation des fonds collectés ; que ce dernier réglait des dépenses dont le Parti socialiste avait la charge notamment au plan national ; qu'en outre le groupe Urba affectait aux besoins du parti à titre de permanents des salariés (p. 37, 1er alinéa) ; que le recel ne nécessite pas la détention, par l'auteur de l'infraction des fonds obtenus à l'aide d'un délit ; mais qu'en l'espèce l'élément matériel est établi dès lors que les charges dont le paiement incombait à Henri D... ont été réglées par des tiers au moyen des sommes obtenues frauduleusement (p. 37, 5e alinéa) ;

" alors que le recel n'est constitué qu'à l'encontre de celui qui, lui-même ou dans sa fonction, a directement bénéficié du produit de l'infraction ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que " même s'il n'est pas établi que des fonds aient été versés par le groupe Urba au Parti socialiste, celui-ci (Urba) prendra en charge le paiement de dépenses engagées par les militants du parti, tout particulièrement à des fins électorales, soit aux échelons locaux, soit à l'échelon national... " (p. 36, 3e alinéa) ; qu'il en résulte ainsi que cette prise en charge des dépenses militantes par un tiers n'a jamais affecté stricto sensu la trésorerie du Parti socialiste dont la gestion était sous l'unique responsabilité d'Henri D... exclusivement ; que, dès lors, la seule qualité de trésorier de l'inculpé, telle que retenue par la prévention, n'était pas de nature à fonder une présomption de responsabilité relative aux conditions prétendument frauduleuses de prise en charge par des tiers, comme le groupe Urba, de certaines des activités du Parti socialiste ;

" alors, en outre, qu'Henri D... faisait expressément valoir dans ses conclusions régulièrement déposées (p. 4 et 5) qu'en toute hypothèse le Parti socialiste n'avait, à l'époque des faits, aucune personnalité juridique ; qu'il s'agissait d'une association de fait non déclarée ne disposant d'aucun statut la régissant, et n'ayant accordé au simple gestionnaire de la trésorerie aucune délégation ni mandat ; que, dès lors, l'infraction présumée ne pouvait, le cas échéant, n'être imputée qu'à l'organe qui, à l'époque des faits, était doté du pouvoir de représentation ; que dès lors, sa responsabilité ne pouvait être recherchée en qualité de trésorier, seules les personnes à qui pouvaient être imputés directement des faits susceptibles de fonder une inculpation pouvant être poursuivies ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen déterminant, la chambre d'accusation n'a pas motivé sa décision, en violation des textes susvisés ;

" 2° aux motifs, d'autre part, que " les fonds collectés dans la Sarthe se sont mêlés aux sommes versées au groupe Urba sur tout le territoire, suivant les mêmes mécanismes illicites comme l'établissent les pièces du dossier, pour constituer une masse indivisible ayant bénéficié à Henri D..., dans l'exercice de ses fonctions de trésorier " (p. 37, 6e alinéa) ; " alors qu'en l'état de ces énonciations, qui, d'une part, ne caractérisent aucun lien direct et certain entre les activités d'Urba dans la Sarthe et la prise en charge financière de certaines activités du Parti socialiste au niveau national, et qui, d'autre part, se bornent, en vertu de la théorie de la fongibilité des sommes d'argent, inopérante en matière pénale, à relever que les fonds collectés dans la Sarthe se seraient fondus dans la masse des fonds collectés au niveau national dont partie a pu financer certaines activités du Parti socialiste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et au regard des textes précités ;

" 3° aux motifs, enfin, qu'en ce qui concerne l'élément intentionnel, il est caractérisé par la connaissance personnelle qu'avait nécessairement Henri D..., en raison de ses fonctions au Parti socialiste et des relations qu'il entretenait avec les dirigeants du groupe Urba, des méthodes délictueuses de collecte de fonds du groupe Urba (p. 37, dernier alinéa) ;

" alors qu'Henri D... était poursuivi sous la prévention d'avoir, entre le 15 mai 1988 et le 31 janvier 1990, sciemment recelé des fonds provenant de délits de trafic d'influence commis dans le département de la Sarthe par différentes personnes dans leurs relations avec diverses sociétés locales ou nationales, pour faire obtenir ou tenter de faire obtenir à ces sociétés des marchés publics ou traités de la communauté urbaine et de l'Office Public des HLM du Mans ; qu'en ne caractérisant aucunement une prétendue connaissance personnelle qu'aurait eue Henri D... de ces faits, dans ce département, avec ces personnes et avec ces entreprises, pour l'obtention de ces marchés, pendant cette période, et en se bornant à des considérations générales sur les fonctions politiques nationales d'Henri D... et ses relations avec les dirigeants nationaux d'Urba, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer Henri D... coupable de recel de fonds provenant d'un trafic d'influence, l'arrêt attaqué, après avoir observé que 30 % des sommes recueillies par le groupe Urba étaient affectés au paiement des dépenses du Parti socialiste au plan national et qu'en outre Urba rémunérait, à titre de salariés, des permanents de ce Parti, retient que des charges dont le paiement incombait au demandeur en sa qualité de trésorier national du Parti socialiste ont été réglées par des tiers au moyen de sommes obtenues frauduleusement ;

Que les juges ajoutent qu'Henri D..., qui déterminait avec Gérard X... le montant et la nature des dépenses qui seraient prises en charge par Urba, connaissait le caractère frauduleux du mécanisme de collecte des fonds ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant d'une appréciation souveraine, et dès lors qu'il n'importe que le prévenu n'ait pas connu le détail des circonstances de commission des délits d'où provenaient les fonds, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Henri D..., pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 131-26 du nouveau Code pénal, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir confirmé le jugement sur les qualifications des faits et les déclarations de culpabilité, l'a réformé sur l'application de la peine, d'une part, en condamnant Henri D... à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, et d'autre part, en prononçant à son encontre l'interdiction des droits civiques énumérés au 1° et 2° de l'article 131-26 du Code pénal pour une durée de deux ans ;

" alors qu'une juridiction du second degré qui confirme un jugement sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité ne peut aggraver la peine sans exposer les motifs justifiant d'une appréciation différente de celle des premiers juges ; qu'en se bornant à condamner le prévenu à une peine plus lourde, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors qu'une juridiction pénale ne peut prononcer la peine " complémentaire, mais facultative, de l'interdiction de tout ou partie des droits civiques sans motiver sa décision " ;

Attendu qu'aucune disposition légale n'imposant au juge de motiver le choix d'une peine autre que l'emprisonnement sans sursis, le moyen ne saurait être accueilli ;

II. Sur le pourvoi de C... ;

Vu les pièces de l'état civil, qui établissent le décès de la demanderesse au cours de l'instance en cassation, les conclusions de reprise d'instance, le mémoire ampliatif et le mémoire en défense produits ;

Attendu que, si le décès de l'intéressée éteint l'action publique à son égard, la Cour de Cassation demeure compétente pour statuer sur le pourvoi en ce qui concerne les intérêts civils ; qu'I... et J..., ses fils, interviennent en qualité d'héritiers de la demanderesse ;

Mais sur le premier moyen de cassation proposé pour C..., pris de la violation des articles 410 et 512 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a statué contradictoirement par application de l'article 410 du Code de procédure pénale à l'égard de C... ; " alors que par lettre en date du 10 décembre 1995, X... avait fourni une excuse à la Cour et demandé à être jugée contradictoirement en son absence ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur la validité de cette excuse, tout en statuant contradictoirement à l'égard de ladite prévenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, selon les articles 410 et 512 du Code de procédure pénale, les juges sont tenus de statuer sur le bien-fondé de l'excuse invoquée par le prévenu qui a eu régulièrement connaissance de la citation et qui ne comparaît pas ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que, par lettre adressée au président de la cour d'appel, C... a indiqué qu'elle ne pourrait comparaître à l'audience pour des raisons de santé, a sollicité que cette excuse soit acceptée, et demandé à être jugée contradictoirement, en étant représentée par son avocat ;

Que l'arrêt attaqué se borne à énoncer que la prévenue : " qui n'a pas comparu bien que régulièrement citée, mais qui a demandé par écrit à être jugée en son absence sera jugée contradictoirement par application de l'article 410 du Code de procédure pénale " ;

Mais attendu qu'en s'abstenant de prononcer sur la validité de l'excuse invoquée, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;

Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés pour C... ;

I. Sur les pourvois de Gérard X..., Jean-Louis Y..., Jean-Pierre Z..., Christian A..., Jean-Jacques B..., Henri D..., Gérard E..., Alain L..., et Michelle G... :

Les REJETTE ;

II. Sur le pourvoi de C...,

DONNE ACTE à I..., et J..., héritiers de C..., de leur intervention ;

DECLARE l'action publique éteinte ;

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles concernant C..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 13 mars 1996, toutes les dispositions de l'arrêt concernant les autres prévenus demeurant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes.