Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-81.085
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. d'Huy
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut et contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance ;
" aux motifs propres qu'au terme des débats, il y a lieu de constater que l'extrait de Kbis joint à la procédure de gendarmerie pour la société Leonard-Chambray traiteur Argos, établi le 27 février 2015, fait état d'une radiation à la date du 25 février 2013 avec cessation d'activité au 30 septembre 2012 ; que contrairement à ce qui est soutenu par la défense, il n'appartient pas à l'accusation de prouver que M. Jean-Luc X... avait effectivement cessé son activité à cette date, cette mention ayant été portée par le greffe du tribunal de commerce sur sa propre déclaration ; qu'il sera également retenu que l'intéressé reste vague dans ses explications sur les causes de la non-exécution des prestations promises, évoquant des ennuis de santé, dont il ne justifie pas, mais qui seraient pour lui constitutifs d'une force majeure l'exonérant de l'exécution de ses obligations ; qu'il sera ainsi relevé que le contrat signé par M. Stéphane Z... était postérieur à la déclaration de cessation d'activité de M. X..., ce qui n'a pas empêché celui-ci de percevoir un acompte de 1 500 euros ; qu'en outre, si Mme A... a signé son contrat antérieurement à la date de cessation d'activité, les paiements échelonnés se sont poursuivis après cette date, la plaignante ayant produit une facture datée du 7 juin 2013 faisant état du règlement du solde de 3 000 euros sur la somme totale de 7 335 euros, en sus des acomptes déjà versés ; que, par ailleurs, M. X... ne fournit aucun élément de nature à l'exonérer de ses obligations résultant du contrat qu'il a signé avec Mme A... et M. Z... ; qu'en outre, un doute demeure sur la possibilité légale qu'il avait de continuer à louer des locaux recevant du public au regard des procédures judiciaires et administratives en cours ; que, si ce doute n'a pas juridiquement d'incidence sur le délit d'abus de confiance qui lui est reproché, il apporte une coloration particulière sur l'appréciation de la bonne foi du prévenu ; qu'enfin, M. X... reconnaît par les écritures de son avocat que Mmes B... et A... et M. Z... étaient ses seuls clients dans la période de la prévention, de telle sorte qu'il ne peut raisonnablement soutenir qu'il poursuivait son activité ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré M. X... coupable des délits d'abus de confiance au préjudice de Mme A... et de M. Z... ;
" et aux motifs, a les supposer adoptés, qu'il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à M. X... sous la prévention de abus de confiance, faits commis du 1er octobre 2012 au 31 janvier 2013 à Mézières-en-Vexin sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ;
" 1°) alors que l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire ; que pour dire M. X... coupable d'abus de confiance, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance qu'il a encaissé des arrhes versées dans le cadre de deux contrats de location de salle, sans exécuter les prestations prévues au contrat ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser la précarité de la remise des fonds qui auraient été détournés de leur finalité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que l'activité de loueur peut être exercée en dehors de toute inscription au registre du commerce lorsqu'elle exercée à titre non-professionnel ; qu'en se fondant sur la circonstance, inopérante, que M. X... aurait continué à exercer son activité après la date de cessation d'activité figurant sur « l'extrait de Kbis joint à la procédure de gendarmerie pour la société Leonard-Chambray traiteur Argos pour en déduire qu'il était coupable d'abus de confiance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors qu'il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que M. X... avait soutenu que l'absence d'exécution des prestations prévues résultait d'une cause médicale indépendante de sa volonté, produisant plusieurs certificats médicaux à l'appui de cette affirmation ; qu'en se bornant à énoncer que M. X... « reste vague dans ses explications sur les causes de la non-exécution des prestations promises, évoquant des ennuis de santé, dont il ne justifie pas », après avoir pourtant rappelé que, par son précédent arrêt du 9 décembre 2015, elle avait ordonné sa mise en liberté au regard des « divers certificats médicaux » produits, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 4°) alors que M. X... avait soutenu que l'absence d'exécution des prestations résultait de ce que l'établissement loué avait fait l'objet d'une décision de fermeture administrative pour non-respect de la réglementation relative aux établissements recevant du public de sorte que l'inexécution du contrat de location résultait d'une cause extérieure indépendante de sa volonté et qu'il n'y avait donc eu aucun détournement intentionnel des fonds ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 5°) alors que M. X... avait soutenu que les locataires parties civiles n'avaient pas exécuté leurs obligations contractuelles, ce qui constituait une cause de résiliation à leurs torts exclusifs en application du contrat de location ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu l'article 314-1 du code pénal ;
Attendu que, selon ce texte, l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Stephen Z... a porté plainte contre M. Jean-Luc X..., exerçant une activité de traiteur et de services pour l'organisation de réceptions dans le cadre d'une entreprise créée le 1er janvier 2008 et radiée le 25 février 2013 après une déclaration de cessation d'activité au 30 septembre 2012, à qui il a versé la somme de 1 500 euros pour l'organisation de son mariage, prestation qui n'a pas été honorée ; que Mme Mylène A... a également porté plainte contre M. X..., après lui avoir réglé, pour le même type de prestation, la somme de 5 600 euros sans contrepartie ; qu'au terme de l'enquête, M. X... a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir, du 1er octobre 2012 au 31 janvier 2013, détourné, au préjudice de M. Z... et Mme A..., des fonds, en l'espèce en ayant notamment encaissé des arrhes, courant janvier 2013 alors qu'il avait cessé son activité le 30 septembre 2012, qui lui avaient été remis à charge d'en faire un usage déterminé, en l'espèce l'organisation de mariages ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ces faits et condamné à un an d'emprisonnement et une interdiction de gérer, a décerné un mandat d'arrêt à son encontre et prononcé sur les intérêts civils, par un jugement dont le prévenu ainsi que le ministère public ont interjeté appel ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable d'abus de confiance, l'arrêt, après avoir indiqué que les chèques de Mme A... ont été encaissés sur un compte privé et non sur le compte professionnel et qu'ils ont été les seuls à être portés au crédit de ce compte, énonce que l'extrait Kbis de l'entreprise fait état d'une radiation à la date du 25 février 2013 avec une cessation d'activité au 30 septembre 2012 ; que le contrat signé par M. Z... est postérieur à la déclaration de cessation d'activité de M. X..., ce qui n'a pas empêché celui-ci de percevoir un acompte de 1 500 euros ; que, si Mme A... a signé son contrat antérieurement à la date de cessation d'activité, les paiements échelonnés se sont poursuivis après cette date, celle-ci ayant produit une facture datée du 7 juin 2013 faisant état du règlement du solde de 3 000 euros sur la somme totale de 7 335 euros, en sus des acomptes déjà versés ; que les juges relèvent que le prévenu ne fournit aucun élément de nature à l'exonérer de ses obligations résultant des contrats signés avec les plaignants, concernant la location de son établissement, [...], pour M. Z..., et la location de ce même établissement et l'organisation de la réception du mariage pour Mme A... ; que la cour d'appel en conclut que la déclaration de culpabilité de M. X... pour les délits d'abus de confiance commis au préjudice de M. Z... et de Mme A... doit en conséquence être confirmée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs faisant apparaître que les fonds, remis en vertu de contrats de prestations de service, l'ont été en pleine propriété, peu important la connaissance par le prévenu, dès la remise des fonds, de son impossibilité d'exécuter le contrat, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les faits poursuivis pouvaient recevoir une autre qualification, a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de la cour d'appel de ROUEN, en date du 9 janvier 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq avril deux mille dix-huit.