Cass. crim., 17 février 1998, n° 96-86.477
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Milleville
Rapporteur :
Mme Karsenty
Avocat général :
M. Cotte
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 171 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt rendu le 7 avril 1994 par la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a refusé de prononcer la nullité des opérations de placement en garde à vue de Frédéric Y... ainsi que de toute la procédure subséquente ;
" aux motifs que Frédéric Y... a été interpellé le 22 juin 1993 à 16 heures 30 dans le cadre d'une enquête préliminaire ;
qu'une perquisition a immédiatement été effectuée à son domicile à l'issue de laquelle Frédéric Y... a été gardé à la disposition de l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête (article 77 du Code de procédure pénale), et la garde à vue lui a été notifiée lors de son arrivée au commissariat de police à 18 heures 30 ;
que c'est à cet instant que les avis légaux lui ont été donnés ;
qu'il apparaît qu'il a été fait une stricte application des textes ;
que la notification des droits ayant été faite à 18 heures 30, lors de la notification de la garde à vue, et non à 16 heures 30, lors de l'interpellation, n'est pas de nature à faire grief aux droits de la défense, ce droit ne pouvant s'exercer qu'à compter de la vingtième heure du début de la garde à vue ;
" alors que selon l'article 63-1 du Code de procédure pénale, toute personne placée en garde à vue doit être immédiatement informée des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4, ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue ;
que l'article 171 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du 4 janvier 1993 applicable aux faits, sanctionne d'une nullité textuelle toute méconnaissance des dispositions de l'article 63-1 ;
que le placement en garde à vue s'entendant de toute mesure consistant à appréhender un individu et à le priver de sa liberté de mouvement, Frédéric Y... qui a été interpellé le 22 juin 1993 à 16 heures 30 et a fait immédiatement l'objet d'une interdiction à sa liberté d'aller et venir, devait immédiatement se voir notifier son placement en garde à vue, ainsi que les droits qui y sont attachés ;
que cette notification est intervenue 2 heures 30 plus tard, après qu'une perquisition a été effectuée à son domicile et qu'une audition a été commencée ;
que dès lors, en différant sans nécessité, au-delà du temps que justifiait le transfert et l'accomplissement des diligences normales de mise à disposition de l'officier de police judiciaire, le placement en garde à vue de Frédéric Y... et son information immédiate de ses droits, les services de police ont méconnu l'obligation définie par l'article 63-1, ce qui a porté nécessairement atteinte aux droits de la défense ;
que l'arrêt attaqué ne pouvait, par suite, refuser d'annuler les actes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué du 7 avril 1994, que, par requête du 3 février 1994, Frédéric Y..., alors mis en examen du chef de tentative d'extorsion de fonds, a soulevé la nullité de sa garde à vue et de la procédure subséquente, en raison de la notification tardive qui lui aurait été faite des droits prévus aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du Code de procédure pénale ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu à annulation, la chambre d'accusation relève, qu'agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire et ayant identifié Frédéric Y... à 16 heures 30, le 22 juin 1993, les services de police se sont rendus en présence de l'intéressé à son domicile pour procéder avec son accord, à une perquisition ;
qu'à l'issue et au vu des résultats de celle-ci, qui s'est déroulée de 17 heures à 18 heures 15, Frédéric Y... a été gardé à la disposition de l'officier de police judiciaire, qui, à son arrivée au commissariat, à 18 heures 30, lui a notifié la mesure de garde à vue et les droits énumérés à l'article 63-1 du Code de procédure pénale, conformément aux prescriptions de cet article ;
qu'elle ajoute que le point de départ de la garde à vue a été rétroactivement fixé à 16 heures 30 ; Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation qui a fait l'exacte application des articles 77 et 63-1 du Code de procédure pénale, issues de la loi du 24 août 1993, applicable en la cause, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 400 du Code pénal abrogé en vigueur au moment des faits, 121-5, 312-12 et 312-13 du nouveau Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du chef de tentative d'extorsion de fonds ;
" aux motifs que l'extorsion peut être obtenue soit par force ou violence directement exercée sur la victime, soit par l'effet d'une contrainte résultant de menaces dirigées contre elle ;
que constitue cette menace la formule employée par Frédéric Y... à l'appui de ses exigences financières : " si tu dis un mot, t'es mort ! " ;
"que la remise par Frédéric Y... du manuscrit dans la boîte aux lettres de M. X..., ainsi porté à la connaissance de sa victime, avec indication précise de l'heure et du lieu imposé pour le dépôt de la somme d'argent, tend directement à la consommation du délit, le prévenu étant ainsi entré dans la période d'exécution que seule son interpellation dès le 22 juin 1993 n'a pu lui permettre de mener à son terme ;
" alors d'une part, que si la remise du manuscrit dans la boîte aux lettres peut être considérée comme un acte préparatoire à la commission de l'infraction d'extorsion de fonds, elle ne constitue pas le commencement d'exécution prévu par l'article 121-5 du Code de procédure pénale, et justifiant une condamnation de ce chef ;
qu'en effet, il n'est pas exclu que l'auteur de cette lettre ait pu en définitive renoncer à son projet et s'abstenir de se rendre au rendez-vous fixé pour la remise des fonds sollicités, cette démarche seule pouvant être constitutive d'un commencement d'exécution tendant directement et immédiatement à la commission du crime ;
que dès lors, la tentative n'était pas caractérisée et, en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors d'une part, que le délit d'extorsion de fonds par force, violence ou contrainte suppose que le moyen de pression employé ait déterminé ou soit susceptible de déterminer la remise des fonds ;
que tel n'est pas le cas du document contenant une menace quant aux conséquences du silence qui ne serait pas respecté en cas de remise elle-même ;
qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel n'a pas caractérisé tous les éléments constitutifs de l'infraction ;
" alors enfin, que la violence ou la contrainte, au sens de l'article 400 du Code pénal, doit être appréciée in concreto, compte tenu notamment de l'âge et de la condition physique et intellectuelle de la personne sur laquelle elle s'exerce;
qu'en l'espèce, en se bornant à relever l'existence d'une menace, sans en constater le caractère sérieux et crédible, de nature à impressionner le plaignant, magistrat, lequel au demeurant a bien entendu immédiatement averti les services de police, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la tentative d'extorsion de fonds dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.