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Décisions

Cass. crim., 21 novembre 2012, n° 11-89.010

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Soulard

Avocat :

SCP Ghestin

Pau, du 10 nov. 2011

10 novembre 2011

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 321-1 du code pénal et des articles 6, 8, 203 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique ;

" aux motifs que la prévenue fait conclure à la prescription de l'action publique des faits de recel retenus à son encontre, au motif que sa responsabilité pénale n'a été recherchée qu'à compter d'un réquisitoire supplétif du 26 juin 2006, après le décès de M. Jean Y..., auteur des infractions principales d'abus de biens sociaux et banqueroute, alors qu'il n'y avait pas véritablement de faits nouveaux, au contraire la plainte initiale de Mme Z... le 21 novembre 2001, puis ses courriers et relances au procureur de la République de Dax, bien que ce magistrat n'ait pas estimé opportun d'ouvrir l'information de ce chef contre Mme X... dans son réquisitoire introductif du 18 novembre 2002, permettaient ils de connaître cette infraction et d'en entreprendre la poursuite ; que le premier acte interruptif, le supplétif du 26 juin 2006, n'est intervenu que tardivement, l'infraction étant apparente depuis plus de trois ans ; que la prévenue tire argument de la décision de ne pas la poursuivre, de son audition par la gendarmerie par procès-verbal du 2 juin 2003 comme simple témoin ; que la cour observe que l'infraction de recel reprochée à Mme X... est nécessairement connexe au délit d'abus de biens sociaux et banqueroute par détournement d'actif reprochés à M. Y... son concubin, décédé en janvier 2006 ; que les actes de procédure effectués en enquête préliminaire, puis sur commission rogatoire après l'ouverture de l'information, visant les informations principales, ont nécessairement interrompu la prescription à l'égard du receleur du produit de ces délits ; que tandis que le fait d'entendre Mme X... comme simple témoin, alors et surtout qu'elle a nié tout contact à l'époque avec l'auteur principal, démontre davantage que l'infraction est réelle, seulement indiquée dans les courriers adressés par l'ex-épouse de son amant, n'était à l'époque ni établie, ni véritablement soupçonnée ; qu'au surplus le délit de recel est continu et a perduré bien au-delà des plaintes invoquées par la prévenue, par lettres au procureur de la République, dans l'enquête initialement dirigée contre le seul M. Y... ; que la cour rejettera en conséquence l'exception de prescription ;

" 1°) alors que le décès du prévenu entraine l'extinction de l'action publique et rend non avenus les actes interruptifs de la prescription à l'égard des infractions connexes n'ayant fait l'objet d'aucun acte de poursuite avant le décès ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que le réquisitoire supplétif du procureur visant des faits de recel imputés à Mme X... était daté du 26 juin 2006, soit postérieurement au décès de M. Y... dont elle constate qu'il est survenu en janvier 2006 ; qu'en déclarant néanmoins que les actes de l'enquête préliminaire et de l'information concernant M. Y... avaient interrompu la prescription de l'action publique portant sur les faits de recel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les délits principaux qui avaient été reprochés à M. Y..., décédé en janvier 2006, auraient été commis courant 2000 ; qu'en se bornant à relever que les actes de procédure effectués en enquête préliminaire puis sur commission rogatoire après l'ouverture de l'information sur les faits reprochés à M. Y... des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux et banqueroute frauduleuse avaient interrompu la prescription contre le receleur du produit de ces délits sans indiquer la date desdits actes de procédure, la cour d'appel qui n'a donc pas constaté qu'il s'était écoulé un délai inférieur à trois ans entre le dernier acte de poursuite de l'infraction principale et le réquisitoire supplétif du 26 juin 2006 n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 3°) alors que la prescription de l'infraction principale et celle de recel sont indépendantes ; que le report du point de départ de la prescription de l'infraction principale n'affecte pas le cours de la prescription de recel qui part du jour où il a pris fin ; qu'en se bornant à affirmer que le « délit de recel est continu et a perduré bien au-delà des plaintes invoquées par la prévenue » sans rechercher la date à laquelle le délit de recel a pris fin, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir recélé, de 2000 à 2006, le produit de divers délits pour lesquels M. Y..., décédé le 25 janvier 2006, avait été mis en examen ;

Attendu que, pour écarter l'exception de prescription tirée de ce qu'aucun acte de poursuite n'avait été accompli à l'égard de la prévenue à la date de ce décès, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'il n'est pas établi que la prévenue ait cessé de détenir les biens recélés, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 321-1 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable du délit de recel et l'a condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve et prononcé la peine de confiscation d'un appartement situé à Ajaccio et des fonds inclus dans un compte détenu auprès des établissements ING LSN Private Banking en Suisse ;

" aux motifs que les délits de banqueroute, abus de confiance et abus de biens sociaux et faux, à l'encontre de M. Y... ressortent d'évidence des pièces du dossier ; que la SAVRA (Hossegor) et la SARL garage Castes ont fait l'objet d'une liquidation judiciaire. La plainte du liquidateur de la première fait apparaître des détournements d'actifs, paiement des salaires de la comptable du groupe sans contrepartie pour cette société-vente du fonds de commerce à vil prix à M. A..., ainsi que l'absence de comptabilité à partir de l'année 2000 ; que de même que le rapport déposé par les services fiscaux des abus de biens sociaux :
- compte courant débiteur de JNF dans ALSA à hauteur de 7 286 158 francs,
- dépenses personnelles et prélèvement d'espèces, à hauteur de 2012000 francs, non enregistrées par ALSA comme charges engagées dans l'intérêt de son exploitation, mais figurant au cours de 3 exercices au débit de comptes fournisseur simplement numérotés, dépourvus d'intitulé, ou au nom de M. Y..., bien qu'il n'entretienne aucune relation de client à fournisseur avec ALSA,
- convention à propos de cessions de créances et compensations entre JNF, Soustons Auto, La Landaise et ALSA, celle-ci cédant à l'occasion de la vente d'ALSA au groupe Lameran un actif financier supérieur à 4 millions de francs à son dirigeant, pour 1 franc et sans autre contrepartie,
- perception et dissipation par M. Y... de l'indemnité de 1 700 000 francs attribuée par Renault SA à la SA JNF ; que lorsqu'il a perçu cette somme, M. Y... cherchait à la placer, notamment au Luxembourg ; quelques temps plus tard, il quitte la région de Dax, n'a plus d'activité ni de revenus ; qu'il est acquis qu'il a ensuite vécu jusqu'en 2006 avec le produit de placements au Luxembourg ; qu'il y détenait un compte, des documents relatifs aux opérations sur ce compte ont été découverts chez Mme X... ; que les époux B..., leur fréquentation, indiquent qu'ils réglaient leurs dépenses en liquide et que M. Y... leur avait dit voyager au Luxembourg pour y chercher de l'argent ; qu'un compte dénommé "chouans" mouvementé par M. Y... est découvert, ouvert aux deux noms, ainsi qu'un second "troussebougne" utilisé par Mme X... ; que l'appartement d'Ajaccio a été payé à 75 % en liquide. M. Y... a dit aux époux B... l'avoir mis au nom de sa compagne pour échapper au fisc ; que lors de sa mise en examen, le 7 avril 2006, M. Y... indique au juge d'instruction n'avoir plus rien ; qu'il est cependant manifeste qu'il avait transféré d'importantes sommes provenant de ses sociétés et de leur cession à l'étranger et vivait de revenus ou prélèvements sur ces placements. Mme X... vivait avec lui, même si elle le dit de manière épisodique depuis les années 2000, en tout cas son départ de Dax ; qu'elle même n'avait plus de fortune, ayant connu des échecs commerciaux et matrimoniaux. Tout au plus prétend-elle avoir perçu un héritage placé en Suisse ; qu'elle prétend l'avoir en partie employé à l'acquisition de l'appartement à Ajaccio ; qu'il apparaît cependant que le portefeuille qu'elle détient en Suisse est évalué à 784 212 euros en octobre 2006, 733 767 euros en décembre 2005 ; qu'elle indique son héritage comme d'une valeur de 4 millions de francs, ce qui contredit son emploi à l'acquisition de l'appartement ; que les délits d'abus de confiance, banqueroute, d'abus de biens sociaux et de faux imputés à M. Y... sont établis, même si les poursuites n'ont pas abouti en raison de son décès en cours de procédure ; que mis en examen de ces délits, il n'a pu donner d'explications pertinentes sur les faits reprochés lors de son interrogatoire du 2 juin 2003, ne contestant pas véritablement les faits, expliqués par le contexte particulier tenant à sa maladie ainsi qu'à ses démêlés conjugales ; que l'information a établi que M. Y... s'est "retiré" à partir de 1999, quittant la région de Dax pour s'établir dans le Sud-Est puis en Corse, où il a bénéficié des ressources procurées par son activité commerciale puis le démantèlement de son groupe ; que, tout autant que ces années là, malgré des séjours dans le département du Gard, au chevet de sa mère, Mme X... cohabitait avec lui, jouissant de ses ressources utilisant son véhicule 4X4, et l'appartement acquis à Ajaccio pour 243 918,43 euros à son nom, le jour même ou M. Y... en faisant sa légataire universelle ; que la prévenue à prétendu avoir financé cet achat à partir d'une somme de l'ordre de 4 millions de francs, placée au Luxembourg, produit de la vente d'or laissé par son père ; qu'en outre aucun document relatif à cet avantage n'a été retrouvé chez elle, ni produit, ses proches ignoraient tout de cet avantage ; que l'enquête a établi que fin 2005 la valeur de son portefeuille détenu en Suisse était de 733 767,85 euros, ce qui donne après ajout du prix d'achat de l'appartement, une somme de l'ordre de 992 000 euros, excédant notablement les 4 millions de francs prétendument hérités ; que nonobstant des achats importants et un train de vie non négligeable attesté par les documents bancaires et factures découverts en perquisition de son domicile ; qu'il est ainsi établi que Mme X... a profité des sommes soustraites par son concubin, à l'occasion des infractions qui lui étaient reprochées dans le cadre de l'information judiciaire clôturée après son décès ; que Mme X... prétend qu'elle ignorait la provenance de ces sommes et leur origine frauduleuse, pouvant raisonnablement penser que M. Y... avait pu accumuler un capital de l'ordre de 900 000 euros, laissant espérer au couple des revenus et un train de vie confortable ; qu'il ressort cependant des propres déclarations de M. Y..., et de la prévenue, que le premier avait quitté Dax, certes pour fuir une épouse particulièrement revendicative et acharnée, mais également les services fiscaux et ses créanciers ; qu'aucun des documents trouvés en perquisition, courriers du mandataire de justice en particulier, en témoignent, de même que la relative clandestinité de l'existence du couple, attestée par les époux B... ; que surtout, le fax adressé par la prévenue à M. Y... pour le prévenir et lui rendre compte, en juin 2003 des recherches des gendarmes et des renseignements en leur possession démontre que la prévenue, qui avait alors prétendu avoir rompu, et ne pas connaître l'adresse de M. Y..., avec qui elle va cependant demeurer en concubinage pendant 3 ans jusqu'à son décès, démontre la mauvaise foi de Mme X..., et la connaissance qu'elle partageait de l'origine délictueuse des sommes dont le couple jouissait ; que les sommes placées en Suisse ou au Luxembourg, dans un compte désigné sous le nom de "chouan" dont le signataire principal était M. Y..., mais elle était également titulaire du compte devenu "troussebougne" dont Mme X... devint la détentrice au décès de celui-ci, pour des sommes de l'ordre de 750 à 800 000 euros ; que la décision déférée sera donc confirmée sur la déclaration de culpabilité ; quant aux sanctions, au regard de la gravité intrinsèque des faits, de l'infraction qui a perduré pendant plusieurs années, du montant des sommes recelées, la peine de trois ans d'emprisonnement prononcée est justifiée ; que la cour l'assortira cependant en totalité d'un sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de trois ans avec les obligations spéciales prévues par l'article 132-45 1° 2° 5° du code pénal :
- exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle,
- établir sa résidence en un lieu déterminé,
- réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;

" alors que la détention du produit d'une infraction n'est punissable sous la qualification de recel que lorsque le détenteur avait connaissance de sa provenance délictueuse ; qu'en se fondant en l'espèce sur le fait que Mme X... avait appris en juin 2003 l'existence des recherches des gendarmes concernant des infractions reprochées à M. Y..., sans rechercher quelles informations elle aurait pu ainsi acquérir sur des faits qui lui auraient permis de savoir que les biens dont elle bénéficiait, du fait de sa vie commune avec M. Y..., avaient une origine frauduleuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.