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Décisions

Cass. crim., 3 mai 2001, n° 00-84.299

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Challe

Avocat général :

Mme Fromont

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Ancelet Couturier - Heller

Paris, 9e ch., du 30 mai 2000

30 mai 2000

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 459, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué n'a pas donné acte à Alain Y... que le paragraphe contenu à la page 2 des conclusions déposées au soutien de la défense des parties civiles " qu'Alain Y..., alors en fuite, avait été condamné la veille de l'attentat du 14 mai 1980 par la Cour de sûreté de l'Etat, avec son frère, à une longue peine de prison " constituait le rappel sous quelque forme que ce soit d'une condamnation pénale effacée par l'amnistie prononcée par l'article 50 de la loi n° 82-214 du mars 1982 ;

" alors que les arrêts d'appel sont tenus de répondre aux conclusions des parties régulièrement déposées à peine de nullité ;

qu'en l'espèce, la cour d'appel, en se bornant à constater le dépôt des conclusions aux fins de donner acte d'Alain Y... sans répondre à sa demande de donner acte, a donc violé les textes susvisés " ;

Attendu que le demandeur ne saurait, faute d'intérêt, se faire un grief de ce que la cour d'appel n'a pas répondu à sa demande de donné acte ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 404-1 de l'ancien Code pénal, 314-8 du nouveau Code pénal, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique soulevée par Alain Y... ;

" aux motifs que le délit visé à la prévention n'est définitivement consommé qu'à la date des derniers actes positifs permettant de caractériser l'insolvabilité et d'en constater les effets ;

que le premier acte interruptif, en l'occurrence le réquisitoire introductif du 25 juin 1992, est intervenu dans le délai de 3 ans à compter du dernier des faits ci-dessus analysés ; qu'ainsi, la prescription de l'action publique n'est pas acquise ;

" alors que l'article 314-8 du Code pénal fixe le point de départ de la prescription en matière d'organisation frauduleuse d'insolvabilité soit à compter de la condamnation à l'exécution de laquelle le débiteur veut se soustraire, soit s'il lui est postérieur à compter du dernier agissement ayant pour objet d'organiser ou d'aggraver son insolvabilité ; qu'en se bornant à énoncer que la prescription de l'action publique n'était pas acquise dès lors que le premier acte interruptif était intervenu dans le délai de trois ans " à compter du dernier des faits ci-dessus analysés " sans caractériser précisément ce dernier acte ni sa date, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision " ;

Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu qui, soutenait que les faits d'organisation frauduleuse d'insolvabilité étaient prescrits, les juges énoncent que le premier acte interruptif, en l'occurrence le réquisitoire introductif du 25 juin 1992, est intervenu dans le délai de 3 ans à compter de l'acquisition, à l'aide d'emprunts ruineux grevant son patrimoine, de plusieurs véhicules, dont une automobile Toyota en 1992 ;

Qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'ainsi, le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 404-1 de l'ancien Code pénal, 121-1 et 314-7 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que la cour d'appel a déclaré Alain Y... coupable d'organisation frauduleuse d'insolvabilité pour échapper à une condamnation de nature patrimoniale ;

" aux motifs qu'Alain Y... aurait proclamé son intention de ne pas exécuter le jugement du 25 février 1987 ; que son patrimoine mobilier et immobilier a résidé dans sa part indivise dans la succession de son père consistant dans la nue-propriété d'un terrain estimé en 1980 à 33 000 francs ; qu'il n'a déclaré aucun revenu à l'administration des Impôts jusqu'en 1991 ; qu'il a perçu au titre d'élu conseiller régional de Corse, de janvier 1988 à janvier 1993, la somme de 122 141 francs ; qu'il a également été rémunéré, du 1er avril 1991 au 31 mars 1992, pour la somme de 84 000 francs par le journal Paese, que l'analyse de ses comptes bancaires a fait apparaître des crédits injustifiés évalués à 700 000 francs ; que ces recettes d'origine indéterminée révèlent des activités occultes ; que cette clandestinité confirme les allégations publique d'Alain Y... selon lesquelles il serait associé de fait dans le restaurant U Fanale ;

que l'extrême volatilité des dépôts bancaires a permis leur dissipation dès le commencement de tentative de saisie par des huissiers peu enclins à la rapidité et à l'efficacité ; que l'épouse d'Alain Y... a affirmé aux huissiers l'état de pauvreté de son conjoint et l'inutilité de toute procédure de saisie sur des meubles lui appartenant en propre ; qu'un fonctionnaire du trésor public a fourni des informations erronées sur l'insaisissabilité des indemnités et traitements alloués aux conseillers régionaux ;

qu'Alain Y... a diminué ses ressources et augmenté ses dettes en renonçant à son emploi salarié au journal Paese, en participant, à hauteur de 30 000 francs, à l'acquisition d'un terrain réalisée à titre personnel par son épouse dont il est séparé de biens et en faisant des emprunts pour acquérir plusieurs véhicules ; qu'une partie des gains clandestins d'Alain Y... étaient procurés par les recettes du restaurant U Fanale où il était constamment présent, dont il utilisait les biens, dont il avait une fiche de paie pour le mois de mai 1991 ;

que les deux établissements de restauration précédemment exploités par Alain Y... avaient fermés dès l'ouverture du restaurant U Fanale ; que les crédits portés sur ses comptes personnels provenaient essentiellement de sommes versées en espèces par des proches ; qu'Alain Y... ne pouvait se retrancher derrière l'apparence constituée par les statuts de la société U Fanale alors que la simulation d'actes et d'interposition de personnes avait pour effet de celer la réalité ;

" alors, d'une part que, en vertu de l'article 121-1 du Code pénal, nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, en reprochant à Alain Y... le manque de rapidité et d'efficacité des huissiers chargés d'opérer une saisie sur ses comptes, les déclarations de son épouse à ces mêmes huissiers pour éviter la saisie des meubles du couple, ainsi que les explications erronées sur l'insaisissabilité des indemnités et traitements alloués aux conseillers régionaux, fournies par un fonctionnaire du trésor public, a violé le texte susvisé et n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" alors, d'autre part, que le délit d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité ne peut résulter que de la dissimulation des revenus eux-mêmes et non de leur origine ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a prétendu que des sommes d'argent d'origine indéterminée, apparaissant sur les comptes bancaires d'Alain Y..., révéleraient ses activités occultes et confirmeraient que celui-ci serait associé de fait dans le fonctionnement du restaurant U Fanale ; qu'à supposer même que ces gains aient un rapport avec une activité occulte ou avec le restaurant U Fanale, la simple dissimulation de l'origine des fonds qui ont néanmoins transité sur le compte d'Alain Y..., ne caractérise pas le délit d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité ; que l'arrêt attaqué est donc privé de base légale ;

" alors, enfin, que le délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité n'est constitué que si les agissements reprochés au prévenu avaient pour but d'organiser son insolvabilité ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué s'est borné à reprocher à Alain Y... d'avoir diminué ses ressources et augmenté ses dettes en renonçant à son emploi salarié pour le compte du journal Paese, en participant à l'acquisition d'un terrain, à hauteur de 30 000 francs, réalisée par son épouse dont il est séparé de biens, et en faisant des emprunts pour acquérir plusieurs véhicules, sans exposer en quoi ces agissements avaient pour but d'organiser son insolvabilité afin de se soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire ; que l'arrêt attaqué a donc violé les textes susvisés et n'a pas de base légale " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.